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Prévalence et caractéristiques du syndrome métabolique chez les hypertendus à Abidjan Prevalence and characteristics of metabolic syndrome among hypertensive patients in Abidjan R. N’Guetta a,∗ , H. Yao a , I. Brou b , A. Ekou a , P. Do a , I. Angoran a , B.A. Kouamé a , C. Konin a , J.B. Anzouan-Kacou a , K.E. Kramoh a , A.M. Adoh a b
a Institut de cardiologie d’Abidjan, Abidjan, Côte d’Ivoire Laboratoire de biostatistique et d’informatique médicale, centre hospitalier universitaire de Cocody, Abidjan, Côte d’Ivoire
Rec¸u le 11 avril 2016 ; accepté le 12 avril 2016
Résumé Objectif. – Évaluer la prévalence du syndrome métabolique (SM) dans une population hypertendue noire d’Afrique sub-saharienne. Patients et méthodes. – Étude prospective du 3 novembre 2014 au 12 juin 2015, à l’institut de cardiologie d’Abidjan (ICA). Notre échantillon d’étude était composé de patients hypertendus adultes, âgés de 18 ans et plus, rec¸us en consultation externe à l’ICA. Les patients étaient inclus dans notre étude après consentement éclairé. Le SM a été établi sur la base des définitions de la NCEP-ATP III 2005 et de l’International Diabetes Federation (IDF). Résultats. – Sur 1246 patients hypertendus, 404 ont été inclus dans notre étude. La prévalence du SM était de 48,8 % selon les critères de la NCEPATP III révisée de 2005 et de 51 % selon l’IDF. On notait une prédominance féminine (69 % contre 31 %, p < 0,001). L’obésité centrale (49,5 %) et la diminution de la cholestérolémie HDL (42,1 %) étaient les facteurs définissant le SM les plus prépondérants dans notre série. Le mauvais contrôle tensionnel était plus élevé en présence du SM (43,6 %). Le nombre moyen de molécules anti-hypertensives prescrites était significativement plus élevé (2,2 ± 0,8 contre 2 ± 0,8, p < 0,001). Le SM était significativement associé à la présence d’une obésité (IMC ≥ 30 kg/m2 : 40,6 % contre 14 %, p < 0,001). Les complications cardiovasculaires étaient observées chez 54,8 % des patients hypertendus, en présence du SM. Conclusion. – Le SM constitue une réalité en Afrique sub-saharienne. Des mesures adéquates de prévention sont nécessaires afin de limiter sa progression. © 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Syndrome métabolique ; Hypertension artérielle ; Afrique sub-saharienne
Abstract Aim. – Assess prevalence of metabolic syndrome (MetS) in black Africans hypertensive patients. Population. – Prospective survey from 3rd November 2014 to 12th June 2015, at Abidjan Heart Institute. Study was carried out among patients aged 18 years old, admitted to external consultation. Oral consent was obtained. MetS was established based on the definitions of the NCEP-ATP III 2005 and the International Diabetes Federation (IDF). Results. – Over 1246 hypertensive patients, 404 were included in our study. The prevalence of MetS was 48.8% according to the criteria of the NCEP-ATP III 2005 and 51% according to the IDF. We noticed a female predominance (69% against 31%, P < 0.001). Central obesity (49.5%) and low HDL-cholesterol (42.1%) were the factors defining the SM most predominant in our series. Low blood pressure control was higher in the presence of MetS (43.6%). The average number of antihypertensive prescribed drugs were significantly higher
∗
Auteur correspondant. BP V 206, Abidjan, Côte d’Ivoire. Adresse e-mail :
[email protected] (R. N’Guetta).
http://dx.doi.org/10.1016/j.ancard.2016.04.009 0003-3928/© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Pour citer cet article : N’Guetta R, et al. Prévalence et caractéristiques du syndrome métabolique chez les hypertendus à Abidjan. Ann Cardiol Angeiol (Paris) (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.ancard.2016.04.009
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(2.2 ± 0.8 against 2 ± 0.8, P < 0.001). MetS was significantly associated with obesity (BMI ≥ 30 kg/m2 : 40.6% against 14%, P < 0.001). Cardiovascular complications were observed in 54.8% of hypertensive patients in the presence of MetS. Conclusion. – MetS is a reality in sub-Saharan Africa. Adequate preventive measures are needed to limit its progression. © 2016 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Metabolic syndrome; Hypertension; Sub-Saharan Africa
1. Introduction Le syndrome métabolique (SM) associe des anomalies morphologiques, physiologiques et biochimiques, qui peuvent coexister avec des facteurs génétiques et acquis. Il expose fortement aux maladies cardiovasculaires et au diabète de type 2 [1]. Depuis sa première définition par l’Organisation mondiale de la santé en 1999 [2], d’autres définitions ont été proposées. Parmi elles, les plus utilisées sont celles de la US National Cholesterol Education Program Adult Treatment Panel III (NCEP-ATPIII) révisée en 2005 [3], et plus récemment, celle de l’International Diabetes Federation (IDF) [4], qui met en exergue la place de l’obésité centrale, et les spécificités propres aux groupes ethniques. Peu de données existent sur le SM et ses complications dans notre contexte, en particulier chez des hypertendus [5–8]. L’objectif de notre étude était d’évaluer la prévalence du SM et de ses complications dans une population hypertendue noire d’Afrique sub-saharienne (ASS).
2. Matériel et méthode Notre étude s’est déroulée à l’institut de cardiologie d’Abidjan (ICA), centre national de référence des maladies cardiovasculaires en Côte d’Ivoire. Nous avons mené une étude prospective du 3 novembre 2014 au 12 juin 2015. Notre échantillon d’étude était composé de patients hypertendus adultes, âgés de 18 ans et plus, rec¸us en consultation externe à l’ICA, et ayant donné leur consentement. La taille de l’échantillon a été calculée à l’aide de la formule suivante : n = t 2 ×p(1−p) (n = taille de l’échantillon ; t = 1,96 pour un niveau de 2 m confiance à 95 % ; p = prévalence estimée soit 0,5 par défaut ; m = marge d’erreur à 5 % soit 0,05). N’ont pas été inclus dans notre étude, les femmes enceintes, les patients ayant une pathologie responsable d’une augmentation du périmètre abdominal (ascite, tumeur, hernie) ou une hypertension artérielle secondaire. Le recueil des données a été fait à l’aide d’un questionnaire écrit et administré et par la consultation du dossier médical, suivi d’un examen clinique, et d’analyses biochimiques. Les variables étudiées étaient : • les données épidémiologiques : l’âge, le sexe, l’ethnie, le niveau scolaire, le revenu mensuel, l’importance du revenu mensuel ;
• les données anthropométriques : poids (kg), taille (m), tour de taille (cm), indice de masse corporelle par la formule : poids/taille2 (kg/m2 ) ; • la mesure de la pression artérielle : après cinq minutes de repos, à deux reprises à trois minutes d’intervalle, à l’aide d’un tensiomètre électronique de marque OMRON HEM-907 (Kyoto, Japan). La valeur retenue était la moyenne des deux mesures. L’hypertension artérielle (HTA) était définie par une pression artérielle systolique (PAS) ≥ 140 mmHg ou une pression artérielle diastolique (PAD) ≥ 90 mmHg, ou chez les patients sous traitement antihypertenseur à l’inclusion [9] ; • l’antécédent de diabète, l’ancienneté de l’hypertension artérielle, le nombre de classes d’antihypertenseurs pris, les complications de l’hypertension artérielle ; • les données biologiques : les prélèvements sanguins ont été réalisés au laboratoire d’analyses biologiques de l’ICA, chez des patients à jeun depuis au moins 12 heures, au pli du coude, pour doser la cholestérolémie totale, la triglycéridémie, la cholestérolémie HDL, la cholestérolémie LDL, et la glycémie veineuse. L’appareil utilisé était un automate Cobas Integra 400. Sur la base de la définition de la NCEP-ATP III révisée de 2005 [3], le diagnostic du SM était posé devant la présence de trois des cinq critères suivants : • tour de taille supérieur ou égal à 102 cm chez l’homme et supérieur ou égal à 88 cm chez la femme ; • PAS supérieure ou égale à 130 mmHg ou PAD supérieure ou égale à 85 mmHg, ou traitement antihypertenseur en cours ; • taux de triglycérides (TG) supérieur ou égal à 1,5 g/L, ou traitement spécifique de ce trouble lipidique ; • HDL-cholestérol inférieur à 0,4 g/L chez l’homme et inférieur à 0,5 g/L chez la femme, ou traitement spécifique de ce trouble lipidique ; • glycémie à jeun supérieure ou égale à 1 g/L ou diabète de type 2 déjà diagnostiqué. Selon la définition de l’IDF [4], le SM était défini par la présence d’une obésité centrale (tour de taille ≥ 94 cm chez l’homme et ≥ 80 cm chez la femme) et deux des quatre critères suivants : • PAS supérieure ou égale à 130 mmHg ou PAD supérieure ou égale à 85 mmHg, ou traitement antihypertenseur en cours ; • taux de triglycérides (TG) supérieur ou égal à 1,5 g/L, ou traitement spécifique de ce trouble lipidique ;
Pour citer cet article : N’Guetta R, et al. Prévalence et caractéristiques du syndrome métabolique chez les hypertendus à Abidjan. Ann Cardiol Angeiol (Paris) (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.ancard.2016.04.009
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• HDL-cholestérol inférieur à 0,4 g/L chez l’homme et inférieur à 0,5 g/L chez la femme, ou traitement spécifique de ce trouble lipidique ; • glycémie à jeun supérieure ou égale à 1 g/L, ou diabète de type 2 déjà diagnostiqué. Les données recueillies ont été saisies et analysées à l’aide du logiciel Epidata Entry 3.1. L’analyse statistique a été réalisée avec le logiciel Epi Info 7. Les variables catégorielles, présentées sous forme d’effectifs et de pourcentages, ont été comparées par le test de Khi2 de Pearson. Les variables quantitatives, présentées sous la forme de moyenne ± écart-type (m ± ET) ont été comparées par le test de Student. Le seuil de significativité a été retenu pour une valeur de p < 0,05. 3. Résultats Selon la définition de la NCEP-ATP III révisée de 2005 [3], la prévalence du SM chez les hypertendus à l’institut de cardiologie d’Abidjan était de 48,8 %, et de 51 % selon la définition de l’IDF [4]. La différence statistique entre ces prévalences n’est pas significative (p = 0,52). La prévalence du SM chez l’homme est de 34,8 %, et chez la femme de 59,4 %. Les facteurs associés au SM sont résumés dans le Tableau 1. Le SM était fortement lié au sexe. Il y avait une nette prédominance féminine (69 % contre 31 %, p < 0,001). L’âge moyen des patients présentant un SM était de 61,5 ± 9,4 ans chez l’homme et de 59,6 ± 10,5 ans chez les femmes (p = 0,24). La prévalence du SM augmentait avec l’âge quel que soit le genre, jusqu’à la tranche d’âge des 58–67 ans. Un faible revenu mensuel (0–100 000 FCFA) était retrouvé chez les femmes de fac¸on significative (p = 0,004). Les femmes provenaient de zones rurales, dans une proportion significative (3,4 % contre 9,2 %, p = 0,02). Le nombre de médicaments antihypertenseurs prescrits était fortement lié à la présence du SM : 2,2 ± 0,8 contre 2 ± 0,8, p < 0,001. Le taux de contrôle de l’HTA en cas de SM était faible (43,6 %), sans différence significative avec les autres patients hypertendus. Le délai de contrôle de l’HTA était plus élevé en présence du SM, sans différence significative. Le SM était significativement associé à la présence d’une obésité (IMC ≥ 30 kg/m2 ) : 40,6 % contre 14 %, p < 0,001.
3
Tableau 1 Facteurs associés au syndrome métabolique, selon la classification NCEP-ATP III révisée.
Âge moyen (m ± ET) Sexe Masculin Féminin Lieu de résidence Rural Urbain Revenu mensuel (FCFA) 0–100 000 100 000–500 000 > 500 000 Diabète Ancienneté de l’HTA (années), m ± ET Nombre d’antihypertenseurs, m ± ET 1 2 3 4 PA contrôlée Délai de contrôle (mois), m ± ET Activité physique régulière IMC < 25 kg/m2 25–30 kg/m2 ≥ 30 kg/m2
Présence de SM (n = 197)
Absence de SM (n = 207)
p
60,2 ± 10,2
59,3 ± 11
0,39 < 0,001
61 (31) 136 (69)
114 (55,1) 93 (44,9)
11 (5,6) 186 (94,4)
16 (7,7) 191 (92,3)
71 (36) 115 (58,4) 11 (5,6) 8 (3,9) 3,4 ± 1,2
70 (33,8) 120 (58) 17 (8,2) 43 (21,8) 3 ± 1,6
0,63 0,93 0,29 < 0,001 0,01
2,2 ± 0,8
2,0 ± 0,8
0,01
31 (15,7) 101 (51,3) 56 (28,4) 9 (4,6) 86 (43,6) 9,8 ± 14,6
59 (28,5) 103 (49,8) 38 (18,4) 7 (3,4) 103 (49,8) 7,9 ± 8,8
0,002 0,76 0,01 0,37 0,21 0,31
41 (20,8)
42 (20,3)
0,89
42 (21,3) 75 (38,1) 80 (40,6)
116 (56) 62 (30) 29 (14)
< 0,001 0,08 < 0,001
0,38
Les données sont en n (%), autrement elles ont été précisées. m ± ET : moyenne ± écart-type ; PA : pression artérielle ; HTA : hypertension artérielle ; IMC : indice de masse corporelle.
L’absence de SM était retrouvée de fac¸on significative chez les sujets ayant un IMC normal (56 % contre 21,3 %, p < 0,001). Hormis l’HTA, l’obésité centrale (49,5 %) et la diminution de la cholestérolémie HDL (42,1 %) étaient les facteurs définissant le SM les plus prépondérants dans notre série. La glycémie supérieure ou égale à 1 g/L et l’hypertriglycéridémie ≥ 1,5 g/L étaient retrouvées dans respectivement 17,8 et 11,9 % des cas (Tableau 2). Les complications cardiovasculaires étaient observées chez 108 patients (54,8 %), en présence du SM (Tableau 3). Les principales complications étaient : • les troubles du rythme ou de la conduction (21,3 %) ;
Tableau 2 Distribution des patients selon les différentes composantes du syndrome métabolique autres que l’hypertension artérielle, selon la définition de la NCEP-ATP III révisée.
Obésité abdominale Élévation de la glycémie Élévation des triglycérides Diminution de la cholestérolémie HDL
Total (n = 404)
Hommes (n = 175)
Femmes (n = 229)
p
200 (49,5) 72 (17,8) 48 (11,9) 170 (42,1)
40 (22,9) 25 (14,3) 19 (10,9) 52 (29,7)
160 (69,9) 47 (20,5) 29 (12,7) 118 (51,5)
< 0,001 0,10 0,57 < 0,001
Les données sont en n (%).
Pour citer cet article : N’Guetta R, et al. Prévalence et caractéristiques du syndrome métabolique chez les hypertendus à Abidjan. Ann Cardiol Angeiol (Paris) (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.ancard.2016.04.009
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Tableau 3 Distribution des patients selon les complications cardiovasculaires observées.
Infarctus du myocarde Accidents vasculaires cérébraux Angor stable Insuffisance cardiaque et cardiomyopathies AOMI Troubles du rythme ou de la conduction Insuffisance rénale Rétinopathie hypertensive
Présence de SM (n = 197)
Absence de SM (n = 207)
p
9 (4,6) 22 (11,2)
5 (2,4) 18 (8,7)
0,23 0,40
8 (4,1) 20 (10,1)
5 (2,4) 32 (15,5)
0,34 0,11
5 (2,5) 42 (21,3)
2 (1) 51
0,27 0,42
5 (2,4) 1 (0,5)
0,34 –
8 (4,1) 1 (0,5)
Les données sont en n (%). AOMI : artériopathie chronique oblitérante des membres inférieurs ; SM : syndrome métabolique.
• les accidents vasculaires cérébraux (11,1 %) ; • l’insuffisance cardiaque et les cardiomyopathies (10,1 %) ; • l’infarctus du myocarde (4,6 %), sans différence significative. 4. Discussion Les données sur le SM en Côte d’Ivoire sont rares. Une étude, réalisée en 2008 à Abidjan [10], retrouvait une prévalence du SM de 4,94 % parmi 385 personnes présumées saines. Notre étude a été réalisée chez des sujets hypertendus. Dans notre série, la prévalence du SM en utilisant la définition de la NCEP-ATP III révisée de 2005 était de 48,8 %. Cette prévalence est relativement élevée comparativement aux données retrouvées dans la littérature sur le SM chez les hypertendus noirs en ASS, notamment en Éthiopie [6], et au Nigeria [7], respectivement de 40,7 et 31,2 %. Au Burkina [8], un taux plus bas de 17,5 % avait été retrouvé. Aux États-Unis et en France par contre, des taux plus bas, respectivement de 22,9 et 14,6 % étaient observés [11,12]. Ces taux élevés sont le témoin de l’expansion des maladies non transmissibles en ASS ces dernières décennies. Pour causes, l’urbanisation rapide et mal contrôlée [13], les modifications du style de vie et des habitudes alimentaires [14] et la progression des facteurs de risque cardiovasculaires, particulièrement de l’HTA, du diabète de type 2 et de l’obésité. L’enquête STEPS [15] réalisée en 2005 en Côte d’Ivoire chez les sujets de 15 à 64 ans faisait déjà remarquer l’émergence des facteurs de risque cardiovasculaire, tant en zone rurale qu’urbaine. La prévalence de l’hypertension artérielle et de l’obésité étaient respectivement de 21,7 % et de 9,1 % [15]. Une nette prédominance féminine se dégageait de notre étude avec une différence significative (69 % contre 31 %, p < 0,001). Cette prépondérance du SM chez les femmes a été largement rapportée dans de nombreuses études. Osuji et al. au Nigeria [7] retrouvaient des prévalences du SM de 47,6 et 15,1 %, respectivement chez les femmes et les hommes. En Éthiopie, 46,5 % des femmes présentaient un SM contre 31,3 % d’hommes [6]. En Algérie, chez des hypertendus noirs, la prévalence du SM, quoique plus faible que celle retrouvée dans notre série, était significativement plus élevée que celle des
hommes (28,4 % et 15,1 %, p < 0,001) [5]. Cette forte association entre SM et genre féminin dans notre série, peut être corrélée à la fréquence élevée de l’obésité abdominale (69,9 %), de la baisse de la cholestérolémie HDL (51,5 %) et du faible niveau d’activité physique régulière (11,4 %), observés chez les femmes de fac¸on significative. Un taux élevé d’obésité abdominale chez les femmes présumées saines, de 30 %, était retrouvé dans une étude antérieure à Abidjan [10]. En Algérie, 42,7 % des femmes hypertendues dans une population noire étaient obèses [5]. Des raisons socioculturelles ont aussi été évoquées. L’obésité est perc¸ue comme un signe de désirabilité sociale, de bonne santé, voire de richesse [16]. Une autre hypothèse est le rôle de la ménopause [17]. Dans notre série, la tranche d’âge prédominante était les 58–67 ans, au-delà de 55 ans comme dans une étude chinoise [18]. Le faible niveau d’activité physique était superposable à celui de cette étude [18], et s’expliquerait par la faible incitation aux femmes à être socialement et physiquement actives. Le maintien d’une activité physique modérée régulière permettait de prévenir le risque de survenue du SM, par l’amélioration des capacités métaboliques et la perte de poids [19]. Ces constats diffèrent de ceux observés en France [11] et aux États-Unis [12] où une légère prédominance masculine était observée, sans différence significative (respectivement 14,4 % versus 13,7 %, et 23,69 % versus 21,80 %). L’augmentation de la prévalence du SM avec l’âge est une constante de nombreuses études réalisées à ce sujet [6,7,11]. L’âge avancé est un facteur de risque d’athérosclérose. Il prédisposerait à une augmentation de l’insulinorésistance et du tissu adipeux abdominal [20]. Une forte prévalence de l’obésité abdominale (49,5 %) et une diminution de la cholestérolémie HDL (42,1 %) étaient retrouvées parmi nos patients hypertendus. Des taux variables étaient observés dans d’autres études. Une étude menée au Nigeria [7] retrouvait des résultats superposables à ceux de notre travail. L’obésité centrale selon les critères de la NCEP-ATP III, concernait 50,4 % des patients et une diminution de la cholestérolémie HDL était notée chez 38,8 % des patients [7]. En Éthiopie [6], ces taux étaient respectivement de 18,7 et 81,3 %. À une baisse de la cholestérolémie HDL est associée à une augmentation du tour de taille et une augmentation de l’IMC [21] ; autant de facteurs qui déterminent la survenue du SM. Le taux de contrôle de l’hypertension artérielle était faible en présence du SM, sans différence significative : 43,6 % contre 49,8 %. Le nombre d’antihypertenseurs nécessaire pour ce contrôle était significativement plus élevé chez les patients présentant un SM. Au Burkina [8], une moyenne de 3 médicaments antihypertenseurs était nécessaire, et 94,8 % recevaient une bithérapie. Dans notre étude, un taux plus bas, de 84,3 % de patients recevant une bithérapie était retrouvé contre 71,5 % des patients sans SM, avec une différence significative (p = 0,002). Le coût de ces médicaments vient accroître les dépenses de santé d’une population à faibles revenus. Les complications cardiovasculaires retrouvées étaient plus fréquemment rencontrées chez les patients présentant un SM, sans différence significative. Le suivi des patients de notre étude pourrait faire apparaître des différences significatives en termes
Pour citer cet article : N’Guetta R, et al. Prévalence et caractéristiques du syndrome métabolique chez les hypertendus à Abidjan. Ann Cardiol Angeiol (Paris) (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.ancard.2016.04.009
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de morbi-mortalité cardiovasculaire, observées dans d’autres travaux [5,22]. Une méta-analyse de Mottillo et al. [22] a montré que le SM était associé à un risque deux fois plus élevé de complications cardiovasculaires et de décès par maladie cardiovasculaire. 5. Conclusion Les pays d’ASS font face à un double fardeau ces dernières années : celui des maladies infectieuses, nutritionnelles, non maîtrisées, et celui des maladies cardiovasculaires, qui progressent. Des mesures adéquates de prévention sont nécessaires afin de freiner leur évolution dans nos régions. Cette prévention passe par une politique d’éducation sanitaire, afin de sensibiliser des populations à la modification de ses habitudes de vie et à la pratique sportive. Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. Références [1] Wilson PW, D’Agostino RB, Parise H, Sullivan L, Meigs JB. Metabolic syndrome as a precursor of cardiovascular disease and type 2 diabetes mellitus. Circulation 2005;112:3066–72. [2] World Health Organization. Definition, diagnosis and classification of diabetes mellitus and its complications. Report of a WHO consultation; 1999. [3] Grundy SM, Cleeman JI, Daniels SR, Donato KA, Eckel RH, Franklin BA, et al. Diagnosis and management of the metabolic syndrome: an American Heart Association/National Heart, Lung, and Blood Institute scientific statement. Circulation 2005;112(17):2735–52. [4] The IDF consensus worldwide definition of the metabolic syndrome; 2016 [en ligne ; http://www.idf.org/webdata/docs/IDF Metasyndrome definition.pdf. Consulté le 19 janvier 2016]. [5] Bachir Cherif A, Temmar M, Chibane A, Labat C, Atif ML, Taleb A, et al. Le syndrome métabolique chez les hypertendus de la population noire du sud algérien. Ann Cardiol Angeiol 2015;64:158–63. [6] Tachebele B, Abebe M, Addis Z, Mesfin N. Metabolic syndrome among hypertensive patients at University of Gondar Hospital. North West Ethiopia: a cross sectional study. BMC Cardiovasc Disord 2014;14:177. [7] Osuji CU, Omejua EG. Prevalence and characteristics of the metabolic syndrome among newly diagnosed hypertensive patients. Indian J Endocrinol Metab 2012;16:104–9.
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Pour citer cet article : N’Guetta R, et al. Prévalence et caractéristiques du syndrome métabolique chez les hypertendus à Abidjan. Ann Cardiol Angeiol (Paris) (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.ancard.2016.04.009