Prévention de la mort subite et défibrillateurs automatiques implantables : comprendre le risque compétitif !

Prévention de la mort subite et défibrillateurs automatiques implantables : comprendre le risque compétitif !

Pour citer cet article : Rischard J, et al. Prévention de la mort subite et défibrillateurs automatiques implantables : comprendre le risque compétiti...

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Pour citer cet article : Rischard J, et al. Prévention de la mort subite et défibrillateurs automatiques implantables : comprendre le risque compétitif ! Presse Med. (2019), https://doi.org/10.1016/j.lpm.2019.09.010 Presse Med. 2019; //: ///

Dossier thématique

Prévention de la mort subite et défibrillateurs automatiques implantables : comprendre le risque compétitif !§

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ACTUALIT ES EN CARDIOLOGIE

en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/lpm www.sciencedirect.com

Julien Rischard 1, Kumar Narayanan 2, Rodrigue Garcia 3, Eloi Marijon 4

Disponible sur internet le :

1. Hôpital Européen Georges-Pompidou, département de cardiologie, unité de rythmologie, 75015 Paris, France 2. Medicover, Cardiology Departement, Hyderabad, Inde 3. CHU de Poitiers, unité de rythmologie, 86000, Poitiers, France 4. Hôpital européen Georges-Pompidou, département de cardiologie, unité de rythmologie, 20, rue Leblanc, 75908 Paris cedex 15, France

Correspondance : Eloi Marijon, Hôpital Européen Georges-Pompidou, département de cardiologie, unité de rythmologie, 20, rue Leblanc, 75908 Paris Cedex 15, France. [email protected]

Résumé La mort subite constitue un problème majeur de santé publique, avec un décès cardiovasculaire sur deux qui survient subitement. La maladie coronaire et les cardiomyopathies dilatées représentent près de 90 % des cas de mort subite. La prévention primaire par le défibrillateur automatique implantable repose actuellement chez ces patients sur la simple mesure de la fraction d'éjection du ventricule gauche. Dans cet article, nous discutons en quelle mesure une meilleure appréhension du risque compétitif pourrait nous aider à mieux sélectionner nos malades et optimiser notre prévention primaire par l'usage du défibrillateur automatique implantable.

Summary Prevention of sudden cardiac death and implantable cardioverter defibrillators: Understanding the competitive risk! Sudden cardiac death represents a major public health issue, with up to 50% of the cardiovascular mortality. Coronary artery disease and dilated cardiomyopathy both represent almost 90% of sudden cardiac death burden. Primary prevention using implantable cardioverter defibrillator relies, in this population, on the left ventricle ejection fraction simple measurement. In this paper, we aim to discuss in which extent a better understanding of competing risk situation may help for a better patient selection and eventually for optimizing primary prevention using implantable cardioverter defibrillator.

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D'après la Communication JESFC 2019.

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tome xx > n8x > xx 2019 https://doi.org/10.1016/j.lpm.2019.09.010 © 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

LPM-3915

Pour citer cet article : Rischard J, et al. Prévention de la mort subite et défibrillateurs automatiques implantables : comprendre le risque compétitif ! Presse Med. (2019), https://doi.org/10.1016/j.lpm.2019.09.010

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J. Rischard, K. Narayanan, R. Garcia, E. Marijon

Introduction La mort subite est l'arrêt cardiaque du cardiologue, c'est à dire une mort naturelle, soudaine et inattendue, sans cause extracardiaque évidente. Ce mode de décès représente 50 % de la mortalité cardiovasculaire, soit près de 40000 cas par an en France et environ 600 000 en Europe. Ses étiologies sont nettement dominées par la maladie coronaire (80 %), les cardiomyopathies non ischémiques (10–15 %) (principalement les cardiomyopathies dilatées), et plus rarement les maladies électriques du cœur (5–10 %). Dans 80–90 % des cas, le mécanisme initial de cette mort subite est un trouble du rythme ventriculaire, soit une tachycardie ventriculaire soit d'emblée une fibrillation ventriculaire [1,2]. La mise en place d'un défibrillateur automatique implantable (DAI), traditionnel endocavitaire ou plus récemment un modèle

sous-cutané (figure 1), est une stratégie préventive efficace chez les sujets identifiés à haut risque, moyennant cependant un certain nombre de complications potentielles liées à l'appareil (chocs inappropriés, infections, dysfonctionnement sonde (s). . .). Cependant, l'identification des patients les plus à même à bénéficier de cet appareil reste complexe. Entre la population de patients qui meurent subitement et celle qui est jugée à risque, il y a une grande inadéquation. D'une part, de plus en plus de patients sont implantés d'un DAI aux États-Unis et en Europe, alors que l'incidence des chocs appropriés ne fait que diminuer. À contrario, de nombreux patients ne sont pas implantés d'un DAI alors qu'ils auraient dû l'être ; l'une des meilleures illustrations est l'expérience de l'Oregon-SUD Study (Portland, Oregon, aux États-Unis, entre 2002 et 2012) : parmi les

Figure 1 Défibrillateur automatique implantable endocavitaire (gauche) et défibrillateur automatique implantable sous-cutané (droite)

Figure 2

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Proportion des patients qui étaient éligibles à un DAI (parmi ceux qui avaient eu une évaluation cardiologique complète, avant de faire une mort subite) [3]

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Figure 3 Recommandations européennes portant sur l'implantation d'un DAI chez les patients en insuffisance cardiaque systolique [4]

2093 cas de morts subites survenues au cours de cette période (figure 2), 448 avaient au préalable bénéficié d'une évaluation cardiologique complète, et seulement 92 d'entre eux (20 %) étaient en fait éligibles à la mise en place d'un DAI.(3) Cela souligne les limites des recommandations actuelles chez les patients coronariens ou ayant une cardiomyopathie dilatée . L'indication à un DAI est retenue en cas de dysfonction ventriculaire gauche  30 % persistante malgré un traitement pharmacologique optimal, pour peu que l'espérance de vie soit supérieure à un an [4,5]. Nous avons souvent tendance à oublier que dans ces recommandations, il est stipulé que le patient doit être symptomatique en classe NYHA II ou III (figure 3), et la suite va vous faire comprendre pourquoi. . .

Le risque competitif Qu'est-ce que le risque compétitif ? Spontanément, estimer le « risque absolu de mort subite » nous apparaît comme la meilleure façon de déterminer en quelle mesure un patient à risque peut tirer profit d'un DAI. Chez un patient qui a un cœur structurellement normal (maladies électriques telle que syndromes du QT long ou de Brugada, par exemple), ceci est vrai. Par contre, en présence de comorbidités et/ou de cardiopathie structurelle sous-jacente (exposant donc à un risque de mortalité cardiaque non-subite par insuffisance cardiaque et un risque de mortalité non-cardiaque), cette approche est fausse ; le risque de mort subite est à mettre en compétition avec le risque de mortalité non-subite. Le bénéfice

Figure 4

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Réduction relative du risque de mort subite en fonction de la classe NYHA [6]

Pour citer cet article : Rischard J, et al. Prévention de la mort subite et défibrillateurs automatiques implantables : comprendre le risque compétitif ! Presse Med. (2019), https://doi.org/10.1016/j.lpm.2019.09.010

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J. Rischard, K. Narayanan, R. Garcia, E. Marijon

TABLEAU I Facteurs associés à la mortalité totale chez les patients coronariens stables avec dysfonction ventriculaire gauche  30 % [7] Facteurs

HR (IC 95 %)

p

Classe NYHA III ou IV

1,87 [1,23–2,86]

0,004

Fibrillation atriale

1,87 [1,05–3,22]

0,034

QRS > 120 ms

1,65 [1,08–2,51]

0,020

Âge > 70 ans

1,57 [1,02–2,41]

0,042

Urée plasmatique > 26mg/dL (et < 50mg/dL)

1,56 [1,00–2,42]

0,048

NYHA : New York Heart Association ; HR: Hazard Ratio ; IC : intervalle de confiance.

net attendu du DAI sera ainsi plus faible dans une population avec une mortalité non-subite élevée, malgré un risque de mortalité subite identique. C'est cette situation en « risque compétitif » qui explique pourquoi les patients qui bénéficieront le plus du DAI ne seront pas forcément ceux les plus à risque « absolu » de mortalité subite mais bien ceux qui seront à risque de mort subite significatif tout en ayant une mortalité non subite faible. Dans MERIT-HF (figure 4), les auteurs illustrent bien que le risque de mort subite d'un insuffisant cardiaque est plus élevé proportionnellement à sa classe fonctionnelle NYHA [6]. Cependant, la mortalité non subite, en particulier par insuffisance cardiaque progressive, augmente de façon encore plus importante en fonction de la classe fonctionnelle NYHA. Ainsi, la réduction relative du risque de mort subite attendue grâce au DAI (flèche jaune, estimée entre 60 et 70 %, et non de 100 %. . .) n'aura un impact significatif en termes de mortalité totale que si la mortalité subite représente une proportion significative de la

mortalité totale. Ainsi, on note que le bénéfice attendu de l'implantation d'un DAI est beaucoup plus net en classe NYHA III qu'en classe NYHA IV.

Illustration en prenant l'exemple du patient coronarien, stable, insuffisant cardiaque Afin d'être capable d'évaluer le plus précisément possible le potentiel bénéfice d'un DAI chez un patient éligible, il faut alors être capable d'évaluer correctement son risque de mortalité totale. Prenons l'exemple de la fameuse étude MADIT-II. . . Pour rappel, 1232 patients avec antécédent ancien d'infarctus du myocarde et fraction d'éjection du ventricule gauche  30 %, traité de façon optimal au niveau pharmacologique, avaient été randomisés pour recevoir ou non un DAI, avec ensuite un suivi de 24 mois. Dans cette étude, cinq facteurs ont été associés à la mortalité totale (tableau I) : classe New York Heart Association (NYHA) III ou IV, historique de fibrillation atriale, durée du QRS > 120 ms, âge >70 ans et insuffisance rénale (urée > 26 mg/dL) [7]. En reprenant les facteurs de risque associé à la mortalité totale identifiés, les auteurs ont merveilleusement bien illustré que la réduction relative du risque de mortalité à 2 ans liée au DAI devenait non significative pour les patients à très faible risque ainsi que pour ceux à très haut risque de mortalité totale. À l'inverse, celle-ci devient maximale dans la population à risque intermédiaire (figure 5). Le point important à comprendre est que l'inclusion de ces deux groupes extrêmes (30 % de la population de MADIT-II) nous fait sous-estimer l'intérêt du DAI chez les patients « à risque intermédiaire ».

Vrai pour tout patient ayant une dysfonction ventriculaire gauche Ceci est tout aussi vrai pour les cardiomyopathies dilatées. Des études considérant tous types d'insuffisance cardiaque, ischémique ou non ischémique, ont montré cette même situation

Figure 5

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Mortalité à 2 ans dans l'étude MADIT-II, en fonction (i) des groupes à risque de mortalité totale et (ii) de l'implantation ou non d'un DAI [7]

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Figure 6 Identification des sujets les plus à même à bénéficier d'un DAI (Étude Seattle-HF) [8]

à risque compétitif. Par exemple, dans Seattle-HF [8], les investigateurs ont développé un modèle de risque proportionnel (relatif. . .). En estimant d'une part la mortalité totale et d'autre part la mortalité subite de leur population, ils ont pu identifier une population qui présente un risque de mortalité subite élevé tout en ayant un risque de mortalité non-subite faible (figure 6). Ces patients tireront un bénéfice bien plus important de l'implantation d'un DAI.

Conclusion Autant la place du DAI en prévention secondaire (à l'exception des causes réversibles) est non discutable, autant la stratégie de prévention primaire actuellement proposée chez le patient coronarien ou porteur d'une cardiomyopathie dilatée (basée

sur l'évaluation de la FEVG sous traitement optimal) reste peu satisfaisante. En attendant une meilleure identification des sujets les plus à risque de mort subite, nous pouvons d'ores et déjà mieux sélectionner nos patients pour l'implantation d'un DAI. C'est comprendre le risque compétitif ! Déclaration de liens d'intérêts : Les auteurs font partie du Centre d'Expertise Mort Subite de Paris (Paris-CEMS) dont les activités de recherche et d'enseignement sont financées grâce à l'aide de l'Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (Inserm), l'université de Paris, l'Assistance Publique–Hôpitaux de Paris, la Fondation Cœur et Artères, l'association Global Heart Watch, la Fédération Française de Cardiologie, la Société Française de Cardiologie, la Fondation Recherche Medicale (programme H2020, ESCAPE-NET), ainsi que des dons à la recherche de nos partenaires industriels (Medtronic, Abbott, Boston Scientific, Liva Nova, Biotronik, et Zoll).

Références

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Waldmann V, Bougouin W, Karam N, Albuisson J, Cariou A, Jouven X, et al. Sudden cardiac death: A better understanting for a better prevention. Ann Cardiol Angeiol (Paris) 2017;66(4):230–8. Waldmann V, Bougouin W, Sharifzadehgan A, Marijon E, Jouven X. Mort subite de l'adulte: étiologies et prévention. Encycl Méd-Chir 2017 [11-038-B-20]. Narayanan K, Reinier K, Uy-Evanado A, Teodorescu C, Chugh H, Marijon E, et al. Frequency and determinants of implantable cardioverter defibrillator deployment among primary prevention candidates with subsequent sudden cardiac arrest in the community. Circulation 2013;128(16):1733–8. Priori SG, Blomström-Lundqvist C, Mazzanti A, Blom N, Borggrefe M, Camm J, et al.

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2015 ESC Guidelines for the management of patients with ventricular arrhythmias and the prevention of sudden cardiac death: The Task Force for the Management of Patients with Ventricular Arrhythmias and the Prevention of Sudden Cardiac Death of the European Society of Cardiology (ESC)Endorsed by: Association for European Paediatric and Congenital Cardiology (AEPC). Eur Heart J 2015;36 (41):2793–867. Al-Khatib SM, Stevenson WG, Ackerman MJ, Bryant WJ, Callans DJ, Curtis AB. et al., 2017 AHA/ACC/HRS Guideline for Management of Patients With Ventricular Arrhythmias and the Prevention of Sudden Cardiac Death: Executive Summary. J Am Coll Cardiol 2018;72 (14):1677–749.

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Effect of metoprolol CR/XL in chronic heart failure: Metoprolol CR/XL Randomised Intervention Trial in Congestive Heart Failure (MERIT-HF). Lancet 1999;353(9169):2001–7. Goldenberg I, Vyas AK, Hall WJ, Moss AJ, Wang H, He H, et al. Risk stratification for primary implantation of a cardioverter-defibrillator in patients with ischemic left ventricular dysfunction. J Am Coll Cardiol 2008;51 (3):288–96. Bilchick KC, Wang Y, Cheng A, Curtis JP, Dharmarajan K, Stukenborg GJ, et al. Seattle heart failure and proportional risk models predict benefit from implantable cardioverterdefibrillators. J Am Coll Cardiol 2017;69 (21):2606–18.

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