Prévention de la transmission mère-enfant (TME) du VIH-1 : l' exemple du Cameroun

Prévention de la transmission mère-enfant (TME) du VIH-1 : l' exemple du Cameroun

Available online at www.sciencedirect.com SCIENCE ~.~tDI RECT • ELSEVIER M~decine et maladies infectieuses 34 (2004) $57-$60 M6decine et maladies ...

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SCIENCE ~.~tDI RECT • ELSEVIER

M~decine et maladies infectieuses 34 (2004) $57-$60

M6decine et

maladies iaiectieuses www.elsevier.com/locate/medmal

Lettre des orateurs de sessions de communications orales en partenariat CP6. Sessions de communications orales en partenariat avec le R6seau International des Instituts Pasteur (RIIP) Th~me : Le R~seau International des Instituts Pasteur : son r61e dans le suivi d'interventions th6rapeutiques et vaccinales dans les pays du Sud

Prdvention de la transmission mbre-enfant (TME) du VIH-1 • 1' exemple du Cameroun Prevention of mother to child HIV-1 transmission (MTC) in Cameroon M.-C. Tejiokem a, E. Nerrienet ~, G. Tene b, E. Menu c, F. Barr6-Sinoussi c, A. Ayouba" ~Centre Pasteur du Cameroun, Yaoundd et Rdseau international des instituts Pasteur, Cameroun ~'Centre Mkre et EnJant de la fondation Chantal-Biya, Yaoundd, Cameroun cInstitut Pasteur Paris, unit~ de biologie des r6trovirus, France

Mots clds : VIH-1 ; Transmission m6re-enfant ; N6virapine Keyworks." HIV-1; Mother to child transmission; Nevirapine

1. Introduction Les derni~res estimations de I ' O M S indiquent que 28 des 40 millions de personnes vivant avec le VIH sida se trouvent en A f r i q u e s u b s a h a r i e n n e . L e V I H / s i d a p d d i a t r i q u e concerne 800 000 enfants de part le monde, dont plus de 90 % en A f r i q u e subsaharienne, i1 s ' a g i t d ' u n vdritable p r o b l b m e de sant6 publique. L ' e s s e n t i e l des cas de sida p6diatriques rdsulte de la transmission m~re-enfant (TME) du virus. Cette T M E a lieu pendant la grossesse (in utero), au m o m e n t de l ' a c c o u c h e m e n t (intra-partum) et p e n d a n t l ' a l l a i t e m e n t au sein (post-partum). Des moyens existent aujourd'hui permettant de rdduire consid6rablement la T M E du VIH-1. Ainsi, dans les pays industrialisds, grgtce h la combinaison de mesures m6dicales (antir6troviraux), obstdt r i c a l e s ( c 6 s a r i e n n e s p r o g r a m m 6 e s ) et n u t r i t i o n n e l l e s ( a l l a i t e m e n t artificiel), les taux de T M E du VIH-1 sont pass6s de 15-25 % en l ' a b s e n c e de toute i n t e r v e n t i o n h moins de 2 % [1]. Tel n'est pas encore le cas pour les pays en ddveloppement du Sud, particulibrement en Afrique, o[1 l ' a l l a i t e m e n t au sein est la rbgle, et o?~ la p r a t i q u e de c6sarienne repr6sente un risque non n6gligeable de mortalit6 © 2004 Elsevier SAS. Tous droits rdserv6s.

et morbidit6, incompatible ~ la routine. Ce n'est que depuis peu que les antir6troviraux ( A R V ) deviennent progressivement accessibles dans le cadre de la pr6vention de la t r a n s m i s s i o n m 6 r e - e n f a n t du V I H ou du t r a i t e m e n t de 1' adulte. F i n 2 0 0 2 , la p r d v a l e n c e de l ' i n f e c t i o n ~t V I H au Cameroun (15 millions d'habitants) est estim6e ~ 11,8 % chez les personnes fig6es de 15 ~ 49 ans (source Comit6 national de lutte contre le sida [CNLS] du Cameroun). Le taux de s6roprdvalence chez les femmes enceintes variait en fonction du site d'enquSte, de 4 % ~ prbs de 10 % (source : P. Cunin, r a p p o r t i n t e r n e au D G du CPC). Lors d ' u n e 6tude sur le rSle du placenta dans le contrSle de la TME du VIH-1, r6alisde entre 1994 et 1997 h Yaound6, nous avions observ6 un taux de pr6valence de 4,2 % parmi les femmes enceintes [2]. Compte tenu de la dynamique de l'6piddmie selon toutes les projections, nous avons mis en place dans un partenariat e x e m p l a i r e entre des structures c o m p l 6 m e n taires, le premier p r o g r a m m e de r6duction de la T M E du VIH-1 au Cameroun, bas6 ~ Yaound6. Ce p r o g r a m m e se voulait pilote avec pour objectif final son extension ~ toutes les structures sanitaires du pays.

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2. Mat6riel et m6thodes 2.1. Sites de l'itude

Les structures sanitaires impliqudes dans 1' 6tude comprenaient le Comit6 national de lutte contre le sida du Cameroun, le centre Pasteur du Cameroun (confirmation VIH, suivi viro-immunologique, coordination, suivi 6piddmiologique), le centre Mbre et Enfant de la fondation Chantal-Biya (PMI, conseils, p6diatrie, d6pistage VIH), l'h6pital de jour et la maternit6 principale de l'h6pital central de Yaound6 (suivi clinique des femmes enceintes). 2.2. Inclusion

Les femmes enceintes en premibre CPN (consultation pr6natale) 6taient accueillies par une 6quipe de sagesfemmes pendant une heure environ pour une sdance de causeries 6ducatives sur la grossesse et ses risques.'Ensuite, elles 6taient inform6es en groupes de 5-6 femmes, pendant 15 minutes sur le VIH. A l'issue de cette s6ance de conseils, un ddpistage VIH leur 6tait proposal. Le d6pistage du VIH 6tait inclus dans un ensemble indivisible comprenant 6galement la d6termination du groupe sanguin, la recherche de l'albumine et des sucres urinaires, ainsi que le s6rodiagnostic de la syphilis. Le tarif forfaitaire de 4000 FCFA (6 euros) 6tait le m~me, avec ou sans d6pistage du VIH. 2.3. Analyses de laboratoire

Le sdrodiagnostic du VIH 6tait effectual sur site, ~ l'aide d'un test rapide pr6alablement 6valu6 en termes de sensibilit6/sp6cificit6 (Camstix TM, Camdiagnostics, Yaound6). Les s6rums non r6actifs 6taient rendus n6gatifs et les sdrums rdactifs ou douteux 6taient confirmds par Elisa. Le rendu des rdsultats 6tait programm6 deux semaines apr~s le pr61bvement au cours d'un conseil post-test individuel, et ce quel que soit le r6sultat. Les femmes enceintes ddpist6es VIH positives bdndficiaient d'une prise en charge biologique (CD4 et NFS avant et apr~s accouchement). Le typage l y m p h o c y t a i r e 6tait effectu6 par cytom6trie de flux (FacsCount TM,Becton-Dickinson). Le ddpistage prdcoce de l ' i n f e c t i o n 6tait r6alis6 par quantification de I ' A R N plasmatique par la technique de I ' A D N branch6 (Bayer Diagnostics) selon un algorithme que nous avons valid6 [3]°

3. R~sultats

Entre janvier 2000 et janvier 2004, 10 870 femmes enceintes se sont prdsent6es en premibre consultation prdnatale (CPN) et le d6pistage de l'infection ~t VIH leur a 6t6 propos6 (Tableau 1). Parmi celles-ci, 9328 (85,81%) ont effectivement fait le test. L'~ge moyen 6tait de 26 ans, avec des extrames entre 14 et 46 ans. Huit cent soixante-quatre (9,3 %, IC 95 % [8,7-9,91) de ces femmes enceintes out 6t6 confirm6es VIH positives (dont une infection ~ VIH-2, 8 VIH-1 du groupe O [1%]). Six cent soixante-dix-sept (78 %) des 864 femmes confirm6es VIH positives ont b6n6fici6 d'un typage lymphocytaire. La moyenne des CD4 6tait de 470 cellules/mm 3 (m6diane ~t 403). Les valeurs variaient de 1 ~t 2000 CD4/mm 3. Les personnes ayant moins de 200 CD4/mm 3, 61igibles pour une trith6rapie selon les recommandations en vigueur au Cameroun, reprdsentaient 15 % de l'ensemble, tandis que 38 % (257/677) avaient plus de 500 CD4/mm 3. Parmi les 433 couples m6res-enfants suivis dans le cadre du programme, 35 (8,1%) n'avaient pas pris correctement le m6dicament (soit la m~re, soit l'enfant ou les deux), tandis que 398 (91,9 %) avaient pris correctement la prophylaxie ARV. Sur 384 enfants suivis par le p6diatre du programme, 46 (12 %) 6 t a i e n t allaitds au sein et 338 (88 %), artificiellement. Nous avons rdalis6 le ddpistage prdcoce de l'infection VIH- 1 des nouveau-n6s entre la 6e--8e semaines, puis entre le 5 e et 6 e mois pour 313 et 229 de ces enfants, respectivement. Une s6rologie de contr61e 6tait effectu6e entre l'~ge de 15 et 18 mois. A 6 - 8 semaines, 41 des 313 enfants test6s (13,1% ; IC 95 % [9,7-17,2]) 6taient infectds. Entre 5 et 6 mois, 229 des 313 b6b6s vus ~ $6-$8 ont 6t6 retestds et 28/ 229 (12,2 %) 6taient positifs. Tousles enfants test6s positifs (charge virale sup6rieure ~ 3500 copies/ml) entre 6 et 8 semaines ont 6t6 confirmds virdmiques ~t 5-6 mois et/ou sdropositifs ~t 15-18 mois. Sur les 41 enfants d6pistds positifs ~t $6-$8, 33 (80,5 %) 6talent de sexe f6minin et 8 (19,5 %) de sexe masculin (OR = 3,2, p = 3,6 x 10 -3) (Tableau 1). L'analyse des cas d'enfants en 6chec de prdvention a montr6, de plus, que la charge virale maternelle 61evde, le petit poids de naissance, 6taient des facteurs de risque de transmission (donndes non pr6sent6es). Par ailleurs, nous avons observ6 que la naissance trois mois apr~s un pic de pluviom6trie 6tait associde ?a un risque 61evde d'infection. Cette observation suggdrerait un r61e potentiel de coinfections, comme le paludisme end6mique au Cameroun, dans la TME in utero du VIH-1 [5].

2.4. Prdvention th6rapeutique de la TME du VIH-1

La prophylaxie antir6trovirale utilisde 6tait la NVP en dose unique (200 rag) chez la m~re en ddbut de travail et chez l'enfant (2 mg/kg) dans les premieres 72 heures de vie, selon le protocole HIVNET012 [4].

4. Discussion

Nous avons mis en place un Programme pilote de sant6 publique (PPSP) pour la r6duction de la TME du VIH-1

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Tableau 1 Les chiffres du programme pilote de rdduction de la TME du VIH-1/t Yaound6, Cameroun : janvier 2000-janvier 2004. Data from the pilot program for the prevention of HIV-1 M T C transmission in Yaounde, Cameroon : from January 2000-to January 2004 n

%

IC 95 %

p

M~res CPN'

1O870

Test faits

9328

85,8

VIH+

864

9,3

CD4 (eellules/mm 3)

[8,7-9,91]

677

_~200

101

15

200 < CD4 _< 500

319

47

CD4 > 500

257

38

Enfants Naissances Allaitement

433 384

Sein

46

12

Artificiel

338

88

Enfants NVP+

398

NVP moins

35

8,1

NVP+

398

91,9

Ddpistage $6-S 8

313

F M

187 126

lnfectds

41

F

33

M

8

D6pistage M 5 - M 6

229

Infectds

28

Sdrologie M15-M18

130

Infect6s

8

13,1

[9,7 17,2]

OR = 3,2

[1,3-7,7]

12,2

[8,4-16,9]

6,15

[2,9-11,3]

3,6.103

* C P N : consultation pr(natale.

Yaound6. L'dvaluation de l'efficacit6 th6rapeutique de ce programme nous a permis de montrer qu'il 6tait possible de rdduire de m o i t i 6 le h o m b r e d ' e n f a n t s i n f e c t 6 s ~ la naissance, en dehors des sites d'essai clinique. Les acquis du PPSP ont contribu6 5 la raise en place d'un programme national de lutte contre la TME du VIH-l. N o s r6sultats m o n t r e n t un d o u b l e m e n t du taux de pr6valence du VIH-1 chez les femmes enceintes ~ Yaound6, sur le m ~ m e site, entre les anndes 94-96 et les ann6es 2 0 0 0 2 0 0 4 , en p a s s a n t de 4 , 2 % [2] ?a 9,3 %. C ' e s t doric aujourd'hui un vdritable probl~me de sant6 publique. Parmi les femmes ddpistdes VIH positives, 15 % n6cessitaient une prise en charge A R V imm6diate, en se basant sur le seul crit~re des CD4 inf6rieurs ~ 200/ram 3. Les taux de TME, en l'absence de toute intervention, dans les pays d'Afrique Subsaharienne, 6taient estim6s entre 25 % et 40 %. Les r6sultats obtenus darts la pr6sente 6tude, 13,1% de transmission p6rinatale, non significativement diffdrent du taux de 12,7 % observ6 dans l'essai clinique H I V N E T 012 au m ~ m e Age de 6 - 8 semaines, constituent une avanc6e importante, mais encore insuffisante. En effet, nous savons aujourd'hui qu'il est possible de rdduire encore

plus ce taux de TME en combinant I'AZT dbs la 28 ~ semaine de grossesse ~ la NVP en traitement minute [6] ou par l'utilisation d'autres moldcules. La susceptibilit6 accrue des enfants de sexe f6minin h la transmission pdrinatale ainsi que le r61e des c o - i n f e c t i o n s darts la T M E restent ~t expliquer. Enfin, la q u e s t i o n de la sdlection de virus r6sistants aux antir6troviraux, en particulier chez la m~re et chez l'enfant n6cessite de mieux connaftre la prdvalence des mutations de r6sistance chez les femmes enceintes dans les pays du Sud et d'6valuer l'impact de ces mutations sur la prdvention de la TME et les traitements futurs des mbres et des enfants.

Rgft~rences [1]

[2]

Grubert TA, Wintergerst U, Lutz-Friedrich R, Belohradsky BH, Rolinski B. Long-term antiretroviral combination therapy including lamivudine in HIV-1 infected women during pregnancy. Aids 1999 ; 13 : 1430. Mbopi Keou FX, Mbu R, Mauclere P, Andela A, Tetanye E, Leke R, et al. Antenatal HIV prevalence in Yaounde, Cameroon. Int J STD AIDS 1998 ; 9 : 400.

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[3]

[4]

A. Ayouba et al. / Mddecine et maladies ir~fectieuses 34 (2004) $57-$60

Ayouba A, Tene G, Cunin P, Foupouapouognigni Y, Menu E, Kfutwah A, et al. Low Rate of Mother-to-Child Transmission of HIV-1 After Nevirapine Intervention in a Pilot Public Health Program in Yaounde, Cameroon. J Acquir Immune Defic Syndr 2003 ; 34 : 274, Guay LA, Musoke P, Fleming T, Bagenda D, Allen M, Nakabiito C, et al. Intraparmm and neonatal single-dose nevirapine compared with zidovudine for prevention of mother-to-child transmission of HIV-1 in Kampala, Uganda: HIVNET 012 randomised trial. [see comments]. Lancet 1999 ; 354 : 795.

[5]

[6J

Ayouba A, NelTienet E, Menu E, Lobe MM, Thonnon J, Leke RJI, et al. Mother-To-Child Transmission Of Human Immunodeficiency Vials Type 1 in Relation To The Season in Yaounde, Cameroon. Am J Trop Med Hyg 2003 ; 69 : 447. Lallemant M, Jourdain G, Le Cceur S, Mary JY, Ngo-Giang-Huong N, Koetsawang S, et al. A randomised, double-blind trial assessing the efficacy of single-dose perinatal nevirapine added to a standard Ndovudine regimen for the prevention of mother-to-child transmission of HIV-1 In Thailand. CRO1 2004, San Francisco.