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ˆle dans la survenue du syndrome de stress Ke´tamine : quel ro post-traumatique ? Re´ponse Ketamine: Which impact for post-traumatic stress disorder occurrence? Reply I N F O A R T I C L E
Mots cle´s : Ke´tamine PTSD Keywords: Ketamine PTSD
Georges Mion, dont nous avons cite´ un article [1] dans le chapitre consacre´ aux situations d’afflux [2] et dont l’ouvrage [3] a inspire´ la place que nous avons voulu donner a` la ke´tamine en urgence, nous a interpelle´ sur le roˆle protecteur que cette mole´cule pourrait jouer vis-a`-vis de la survenue du syndrome de stress posttraumatique (post-traumatic stress disorder [PTSD]). Le PTSD, survenant au de´cours d’e´ve´nements majeurs (guerre, attentats) ge´ne´rateurs d’effroi, est un trouble chronique essentiellement conse´cutif a` un traumatisme psychique, meˆme si l’angoisse et la douleur lie´es au traumatisme somatique associe´ semblent y contribuer [4]. Nous avions cite´ Scho¨nenberg sugge´rant une majoration du risque de re´action pre´coce de stress post-traumatique imme´diat (acute stress disorder) [5] pouvant favoriser le PTSD, apre`s emploi de ke´tamine (compare´e a` une analge´sie opioı¨de) pour le traitement de douleurs d’intensite´ moyenne. A` l’inverse, l’article ˆ le´s en Irak [6] montre un effet portant sur des soldats ame´ricains bru protecteur direct de la ke´tamine utilise´e en plus d’un traitement morphinique sur le risque de PTSD objective´ par le test PTSD Checklist-Military (PCL-M), test de re´fe´rence dans l’arme´e ame´ricaine (et e´galement dans l’arme´e franc¸aise). Ces deux travaux ne semblent pas comparables et ne permettent pas de trancher sur la responsabilite´ ou au contraire le roˆle protecteur de la ke´tamine vis-a`-vis du risque de PTSD. En effet, les contextes des traumatismes psychiques (accidents civils versus blessures au combat), le niveau de la douleur (mode´re´e versus se´ve`re), les modalite´s d’administration (sans versus avec association morphinique) et les moyens d’e´valuation du risque de PTSD (lien indirect versus test PCL-M) constituent des conditions cliniques tre`s diffe´rentes. Nous rappelons que dans nos propositions, nous avons pre´conise´ la ke´tamine en association avec la morphine pour le traitement des douleurs se´ve`res [7]. Nous espe´rons que de nouvelles publications pourront mieux e´clairer l’emploi de cette mole´cule, essentielle dans la pratique de la me´decine d’urgence.
[5] Scho¨nenberg M, Reichwald U, Domes G, Badke A, Hautzinger M. Ketamine aggravates symptoms of acute stress disorder in a naturalistic sample of accident victims. J Psychopharmacol 2008;22:493–7. [6] McGhee LL, Maani CV, Garza TH, Gaylord KM, Black IH. The correlation between ketamine and posttraumatic stress disorder in burned service members. J Trauma 2008;64(Suppl. 2):S195–8. [7] Puidupin A, Wiel E, Groupe d’experts Sfar-SFMU. Se´dation et analge´sie en structure d’urgence. Quelles sont les modalite´s de re´alisation d’une se´dation et/ou d’une analge´sie chez le patient incarce´re´. Ann Fr Anesth Reanim 2012;31:347–52.
A. Puidupina*, E´. Wielb, A. Ricard-Hibonc, V. Bounesd, B. Viviene, J.-E. de la Coussayef a Fe´de´ration d’anesthe´sie–re´animation–urgences, hoˆpital d’instruction des arme´es Laveran, boulevard Laveran, BP 60149, 13384 Marseille cedex 13, France b Samu re´gional de Lille, poˆle de l’urgence, Universite´ de Lille 2 Nord de France, CHRU de Lille, 5, avenue Oscar-Lambret, 59037 Lille, France c Smur, centre hospitalier de Beaujon, universite´ Paris Diderot–Paris-7, 100, boulevard du Ge´ne´ral-Leclerc, 92110 Clichy-La-Garenne, France d Samu 31, poˆle de me´decine d’urgences, universite´ de Toulouse, hoˆpitaux universitaires, 1, avenue Jean-Poulhe`s, place du Dr.-Baylac, 31059 Toulouse cedex 9, France e Samu de Paris, de´partement d’anesthe´sie–re´animation, hoˆpital Necker–Enfants-Malades, universite´ Paris Descartes–Paris-5, 149, rue de Se`vres, 75730 Paris cedex 15, France f Division anesthe´sie–re´animation–douleur–urgences, faculte´ de me´decine, universite´ Montpellier-1, CHU de Nıˆmes, place du Professeur-Robert-Debre´, 30029 Nıˆmes cedex 09, France *Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (A. Puidupin) http://dx.doi.org/10.1016/j.annfar.2012.06.002
Pre´vention des erreurs me´dicamenteuses : un serpent de mer ? Prevention of medication errors: An old chestnut?
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Mots cle´s : Erreur me´dicamenteuse Me´dicole´gal Iatroge´nie Keywords: Medication error Medicolegal Iatrogeny
De´claration d’inte´reˆts Les auteurs de´clarent ne pas avoir de conflits d’inte´reˆts en relation avec cet article. Re´fe´rences [1] Mion G, Tortosa JC, Petitjeans F. Ke´tamine et fonction respiratoire. Ann Fr Anesth Reanim 2001;20:732–3. [2] Puidupin A, Wiel E, Groupe d’experts Sfar-SFMU. Se´dation et analge´sie en structure d’urgence. Quelles sont les modalite´s de se´dation et/ou d’analge´sie en pre´sence d’un afflux de victimes. Ann Fr Anesth Reanim 2012;31:353–8. [3] Mion G. Ke´tamine. Paris: Arnette; 2003. [4] Van Loey NE, Maas CJ, Faber AW, et al. Predictors of chronic posttraumatic stress symptoms following burn injury: results of a longitudinal study. J Trauma Stress 2003;16:361–9.
Nous avons lu avec inte´reˆt, et il est vrai un certain e´tonnement, la lettre de Minville et al. [1] relatant des erreurs d’administration de me´dicaments lie´es a` l’inversion d’ampoules. En effet, le cas no 1 pre´sente´ par les auteurs concerne l’administration d’une ampoule d’Isuprel1 au lieu d’une ampoule de Ce´locurine1. Or, nous avions de´ja` signale´ ce risque de confusion dans les Annales franc¸aises d’anesthe´sie et de re´animation en 2008, et propose´ une mesure visant a` e´viter ce risque d’erreur : le conditionnement spe´cifique des ampoules d’Isuprel1, plus rarement utilise´es dans notre pratique quotidienne, dans des pochettes plastiques thermoferme´es par lots de cinq unite´s, c’est-a`-dire adapte´s a` leur mode de pre´paration en vue d’une administration intraveineuse continue
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Fig. 1. E´vaporateurs (A) et flacons (B) de desflurane et de se´voflurane. Noter la pre´sence de de´trompeurs spe´cifiques sur les flacons (C) visant empeˆcher les erreurs de connexion.
Fig. 2. Lignes de distribution de carburants dans une station-service. A` coˆte´ du libelle´ spe´cifique de chaque carburant, le code couleur (A) constitue un moyen d’identification supple´mentaire, particulie`rement facile et intuitif, comme en te´moigne a` l’oppose´ la photo en noir et blanc (B).
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telle qu’elle est re´alise´e en pre´hospitalier [2]. Depuis l’instauration de cette mesure dans notre service voici quatre ans, nous n’avons de´plore´ aucune erreur me´dicamenteuse concernant une inversion entre une ampoule d’Isuprel1 et une ampoule de Ce´locurine1. Il est regrettable que ce genre de mesure simple et efficace n’ait pas e´te´ applique´ par Minville et al. [1], car elle aurait vraisemblablement permis d’e´viter l’erreur pre´sente´e dans leur cas no 1. Enfin, la mesure propose´e par les auteurs de « conserver les ampoules vides afin de pouvoir aller ve´rifier ce que l’on a effectivement injecte´ au malade » est certes louable, mais se place d’emble´e dans une de´marche a posteriori apre`s une erreur me´dicamenteuse, et aucunement pre´ventive vis-a`-vis de ce risque meˆme d’erreur ! Dans une lettre du 27 juin 2008, suite a` de nombreux signalements du risque de confusion entre les ampoules d’Isuprel1 et de Ce´locurine1, l’Afssaps rappelait « la ne´cessite´ d’une lecture attentive lors de l’utilisation de me´dicament pour e´viter tout risque de confusion », en pre´cisant qu’« il est important que les professionnels de sante´ e´vitent tout automatisme lie´ a` la couleur, a` la forme ou a` la taille des ampoules et de l’e´tiquetage » [3]. Pour aller plus loin, un raisonnement par l’absurde consisterait par conse´quent a` totalement supprimer tout syste`me de reconnaissance tel qu’un code couleur ou un syste`me de de´trompage, ne laissant aux professionnels de sante´ que la lecture syste´matique de l’e´tiquette comme seule et unique me´thode d’identification des ampoules. . . Et pourtant, si l’on prend l’exemple des anesthe´siques volatils haloge´ne´s, les moyens de reconnaissance autres que l’identification par la lecture de leurs noms respectifs sont multiples et semble-t-il efficaces : il existe un code couleur unique pour chaque agent, identique sur le flacon et son emballage, l’e´ventuel raccord adaptateur, et l’e´vaporateur ; enfin, ultime rempart de se´curite´, le flacon contenant l’haloge´ne´, l’e´ventuel raccord adaptateur, et l’e´vaporateur lui-meˆme sont munis de de´trompeurs spe´cifiques pour chaque agent haloge´ne´, ce qui empeˆche toute erreur de remplissage d’un e´vaporateur avec un haloge´ne´ autre que celui pre´vu (Fig. 1) [4]. Il est e´vident que le « controˆle ultime » par la lecture de l’e´tiquette reste le moyen essentiel de pre´vention des erreurs me´dicamenteuses lors de l’administration de me´dicaments pre´pare´s extemporane´ment. Cependant, dans un e´ditorial paru en 2009, Benhamou et al. [5] rappellent que « L’erreur est humaine » et que « Tous les efforts doivent eˆtre ainsi faits pour favoriser une identification facile et intuitive des seringues et ampoules, par exemple en utilisant un code couleur ou en de´veloppant des syste`mes de de´trompage ». Une illustration caricaturale de cette proble´matique peut eˆtre tire´e d’une situation quotidienne de la vie courante : dans les stations-service, les lignes de distribution des diffe´rents carburants sont ge´ne´ralement parfaitement identifie´es par leurs noms respectifs, ce qui devrait the´oriquement suffire a` e´viter les erreurs. . . Ne´anmoins, les distributeurs prennent ge´ne´ralement la pre´caution de surajouter un code couleur standardise´, vert pour le super et jaune pour le gasoil, qui constitue un moyen d’identification supple´mentaire, a` la fois facile et intuitif, preuve que le controˆle individuel et la pre´vention multimodale, loin d’eˆtre incompatibles, s’inscrivent « dans une strate´gie de culture de se´curite´ globale » (Fig. 2) [5]. De´claration d’inte´reˆts Les auteurs de´clarent ne pas avoir de conflits d’inte´reˆts en relation avec cet article. Re´fe´rences [1] Minville V, Ruiz S, Ferre F, Gris C, Girbet MN. Erreur d’injection : la forme compte, mais le contexte aussi. Ann Fr Anesth Reanim 2012;31:493–5. [2] Lamhaut L, Mantz B, Vivien B. Avertissement sur le risque de confusion entre les ampoules d’Isuprelß et de Ce´locurineß. Ann Fr Anesth Reanim 2008;27:765–6.
[3] Afssaps. http://www.ansm.sante.fr/content/download/14192/170311/version/ 1/file/info_isuprel.pdf acce`s le 24 mai 2012. [4] Gregory LR, Eichhorn J, DiLorenzo A. Implications of a mislabeled vaporized and the importance of color coding. http://apsf.org/newsletters/html/2009/winter/ 05_colorcoding.htm acce`s le 24 mai 2012. [5] Benhamou D, Auroy Y, Amalberti R. Erreur d’injection de me´dicament en anesthe´sie re´animation : pre´vention multimodale et controˆle individuel. Ann Fr Anesth Reanim 2009;28:833–5.
L. Lamhaut, B. Mantz, B. Vivien* Samu de Paris, de´partement d’anesthe´sie-re´animation, universite´ Paris-Descartes, centre hospitalier universitaire Necker–EnfantsMalades, Assistance publique–Hoˆpitaux de Paris, 149, rue de Se`vres, 75730 Paris cedex 15, France *Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (B. Vivien) http://dx.doi.org/10.1016/j.annfar.2012.06.003
Pre´vention des erreurs me´dicamenteuses : un serpent de mer ? [Re´ponse] Prevention of medication errors: An old chestnut? [Reply] Nous tenons a` remercier Lamhaut et al. [1] pour l’inte´reˆt qu’ils ont porte´ a` notre lettre a` la re´daction [2]. Le controˆle individuel et la pre´vention multimodale des erreurs me´dicamenteuses, loin d’eˆtre incompatibles, s’inscrivent comme le soulignent les auteurs « dans une strate´gie de culture de se´curite´ globale » [2,3] et leur remarque n’a rien de contradictoire avec notre lettre a` la re´daction. La proposition de Lamhaut et al. [4] est pertinente et est applicable a` l’Isuprel1. Cependant, elle devrait eˆtre e´tendue a` tous les produits a` risque quand ils sont injecte´s en bolus, avec la conse´quence directe de l’apparition d’une multitude de sachets dans nos tiroirs (adre´naline, noradre´naline, phe´nyle´phrine. . .). Le risque de se tromper de sachet, ou meˆme de se tromper lors du remplissage du sachet sera alors important, et rendra d’autant plus pertinent la re´flexion que nous avions eu, a` savoir : « il faut renforcer aupre`s des personnels l’ide´e que ˆ le ultime » (lecture pre´cise avant emploi) est indispensable. le « contro Ce controˆle ultime doit faire partie des re´flexes des soignants. Ces derniers ne peuvent pas se cacher derrie`re la notion d’urgence. Meˆme la nature et la couleur des cercles (ou points) sur le collet de l’ampoule ne sont pas des e´le´ments satisfaisants de reconnaissance ». Reprenons la me´taphore de la pompe a` essence utilise´e par Lamhaut et al. [1]. L’identification des diffe´rentes lignes de distribution des carburants par leurs noms associe´e a` un code couleur standardise´, vert pour l’essence sans plomb et jaune pour le gasoil, constitue probablement une se´curite´ supple´mentaire afin d’e´viter les erreurs d’administration de carburant aux conse´quences graves pour le moteur. Toutefois, une recherche rapide sur Google, qui ouvre la porte a` de nombreux forums, permet de constater que ces erreurs surviennent malgre´ tout quotidiennement. Pour exemple, parmi tant d’autres, Mapouchet (qui est un expert) sur http://www.planete-citroen.coam/forum/ archive/index.php/t-76899.html nous dit : « Bonsoir tout le monde je travaille dans les stations services (installation maintenance : http://www.tokheim.com/index.php?lg=fr) et je vous confirme bien que les pistolets GO sont plus larges au niveau du bec que les SP donc cela e´vite en the´orie de mettre du gasoil dans un moteur essence, mais pas le contraire. Alors que sur les voitures modernes c’est bien le contraire qui est le plus dangereux pour le moteur. Comme vous le dites, il est impossible de modifier le parc existant donc c¸a restera comme c¸a. . . Pour ce qui est de l’erreur de carburants je vous rassure DOI de l’article original: http://dx.doi.org/10.1016/j.annfar.2012.06.003