Prise en charge psychologique du patient atteint de sclérose latérale amyotrophique (SLA) et de sa famille

Prise en charge psychologique du patient atteint de sclérose latérale amyotrophique (SLA) et de sa famille

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Rev Neurol (Paris) 2006 ; 162 : Hors série 2, 4S301-4S307

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Conférence de consensus Texte du groupe bibliographique Prise en charge psychologique du patient atteint de sclérose latérale amyotrophique (SLA) et de sa famille V. Havet1, 2, 3 1

Unité de Neuropsychologie, Département de Neurologie, CHU d’Angers. Centre spécialisé dans la prise en charge de la SLA, Département de Neurologie, CHU d’Angers. 3 Laboratoire de psychologie (UPRES EA 2646), Département de psychologie, Université d’Angers. 2

RÉSUMÉ La prise en charge psychologique des patients atteints de sclérose latérale amyotrophique (SLA) ainsi que de leur entourage est une préoccupation relativement récente, la considération des facteurs fonctionnels ayant jusqu’alors toujours été au premier plan. De récents travaux s’intéressant au bien être psychologique du patient atteint de SLA et de sa famille mettent en évidence l’actuelle nécessité de porter une attention particulière aux manifestations psychologiques singulières pouvant apparaître à la suite d’une telle annonce diagnostique. On considère aujourd’hui que les proches doivent pouvoir bénéficier d’une écoute professionnelle au même titre que les patients. Cette revue de littérature tente de proposer des stratégies visant à améliorer la prise en charge de chaque patient, en considérant les mécanismes défensifs propres à chaque individu, le contexte familial, social et les facteurs personnels favorisant la qualité de vie du sujet. Plusieurs travaux ont démontré l’impact des facteurs psychologiques, existentiels ainsi que le soutien dans la qualité de vie de ces patients.

Mots-clés : SLA • Entourage familial • Accompagnement psychologique • Facteurs existentiels

SUMMARY Psychological management of patient with amyotrophic lateral sclerosis and their caregivers. V. Havet, Rev Neurol (Paris) 2006; 162: Hors série 2, 4S301-4S307 Psychological management of patients with amyotrophic lateral sclerosis (ALS) and their caregivers is a relatively recent concern, probably because there was previously a tendency to consider only physical functioning. Recent work have focused more on psychological wellbeing concerning patient and their close relative and have highlighted the great need for considering psychological reactions after such a diagnosis. The needs and goals of the patients cannot be limited to functional factors and should be considered in their psychological, social and familial settings. Currently, we consider that close relatives should benefit from psychological support just like patients with ALS. This review suggests different ways to improve management of patients with ALS, while considering personal for strategies coping with the disease, the familial and social context, and individual factors that could improve quality of life (QOL). Studies have demonstrated the significant role of psychological, existential and support factors in determining QOL in these patients.

Keywords: ALS • Close relative • Psychological management • Existential factors

INTRODUCTION La sclérose latérale amyotrophique (SLA) est la maladie dégénérative du motoneurone la plus fréquente apparaissant à l’âge adulte. Caractérisée par son faible pronostic et par l’absence de traitement curatif, l’un des principaux objectifs des équipes de soins impliquées dans la prise en charge des patients SLA est de parvenir à maintenir une bonne qualité de vie (QDV) du patient et de son entourage tout au long de la maladie. Il y a quelques années, on avait tendance à considérer avant tout la santé physique, ce qui

reflétait probablement une croyance selon laquelle l’état psychologique, parmi d’autres facteurs, était considéré comme directement lié au statut physique. Ainsi, Hunter et al. (1993) soulignent que la concentration des possibilités thérapeutiques sur les problèmes fonctionnels reflète la réelle sous-estimation de l’importance de l’évaluation et de la prise en charge du désarroi psychologique du patient et de sa famille. Pour Hall (1990), améliorer la prise en charge d’un patient consiste parfois plus à réduire l’impact des symptômes sur la vie du sujet que de chercher à traiter directement les symptômes. Compte tenu de la nature létale

Tirés à part : V. HAVET, à l’une des adresses ci-dessus.

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de cette maladie, la prise en charge psychologique apparaît d’autant plus importante, mais parfois, le fait d’envisager un accompagnement psychologique et un soutien peut aussi se révéler difficile car c’est aussi admettre qu’il n’y a pas de traitement curatif efficace. L’objectif de cette revue de littérature est de rendre compte des différentes réflexions et propositions visant à améliorer la prise en charge psychologique du patient atteint de SLA et de son entourage.

MÉTHODOLOGIE Nous avons effectué une recherche en répertoriant dans un premier temps les articles datant de moins de 10 ans. Toutefois, et compte tenu du peu de références recensées sur le sujet, nous avons étendu la recherche jusqu’aux années 1970 en explorant la base de données Medline avec les mots clés « amyotrophic lateral sclerosis » et « psychology » (48 références). La littérature concernant la question de la prise en charge psychologique du patient et de son entourage tout au long de la maladie a globalement centré son intérêt sur la notion de qualité de vie et donc sur les facteurs pouvant influencer cette QDV. Nous avons donc recensé les études s’intéressant particulièrement à la psychologie du patient SLA et à sa prise en charge, tout en incluant les travaux davantage consacrés aux proches, la survenue de la maladie ayant aussi d’importantes conséquences sur l’équilibre psychologique de l’entourage et donc par conséquent sur la vie du patient. Le tableau cidessous résume les études nous ayant parues les plus intéressantes et rigoureuses selon les critères exigés d’analyse de la littérature (Tableau I).

PERSONNALITÉ PRÉMORBIDE ET SLA De la façon dont sera évoqué le diagnostic de SLA sera fortement influencée la perception de la maladie et l’utilité des soins proposés. C’est aussi pour cette raison que très tôt, le patient doit pouvoir être assuré qu’il sera soutenu tout au long de la maladie et que la survenue de la SLA n’est pas due à un événement particulier (travail, culture, religion…). Comme le soulignent Hecht et al. (2002), la recherche de causalité est effectivement fréquente chez ces patients d’où la nécessité de les informer rapidement sur le fait qu’il n’y a pas de lien entre leur histoire personnelle passée et l’apparition de la maladie. Ainsi, des travaux sur les modèles personnels de la maladie mettent en évidence un nombre de perceptions importantes du patient (comme le sens du symptôme, les croyances, l’attribution d’une cause et d’un contrôle externe) qui peuvent toutes être modifiées pour favoriser l’ajustement psychologique. On peut ainsi voir que la perception personnelle du handicap change avec le temps. Le mythe selon lequel les patients atteints de maladie du moto-neurone sont particulièrement stoïques (voir Brown

et Mueller, 1970) a favorisé des travaux sur les mécanismes de défense et sur la personnalité. Ils sont décrits comme étonnamment calmes et semblent manifester un détachement face à cette maladie difficile. Ils mettent en œuvre des mécanismes de défense variés afin d’éradiquer des idées dépressives. La réaction de ces patients face à une maladie invalidante semble refléter leur mode de vie pré-morbide. La question de la dépression reste relativement débattue au sein de la littérature. Ainsi, la présence d’un désarroi psychologique chez ces patients peut aller de 5 p. 100 à 75 p. 100 selon les études et les échelles utilisées. Les facteurs qui sont à l’origine de cet état psychologique pourraient être la perte d’autonomie et l’immobilité. Pour Houpt et al. (1977), environ 22 p. 100 des patients atteints de SLA souffriraient de dépression, ce qui ne les distingue pas de manière significative d’autres populations de malades. Pour ces auteurs, les patients SLA mettent en place un déni partiel afin que la réalité ne soit pas trop violente ni trop niée et que l’espoir subsiste. Ainsi, le déni est un mécanisme de défense permettant au sujet de contrôler la réalité d’une certaine manière. Il peut donc être bénéfique et peut être utilisé aussi bien par les patients que par leur famille et parfois même par les professionnels qui travaillent avec eux. Ce mécanisme défensif n’est donc pas à supprimer à tout prix car il permet souvent de maintenir l’espoir et protège ainsi le patient d’un envahissement complet de désespoir lié à la gravité de la situation. Compte tenu de l’importance des pertes occasionnées par la SLA, il est fréquent d’observer un déni de certains aspects de la maladie, tout en manifestant une globale acceptation d’autres aspects. Ce n’est pas du « tout ou rien ». Lorsque le déni est trop important et/ou dure trop longtemps, il peut devenir une forme de faux espoir, de mensonge. La confiance en la médecine et la technologie facilitent souvent ce déni. Les faux espoirs peuvent aussi bien être générés par le patient que ses amis, sa famille, qui ainsi, combattent leur propre difficulté à accepter leur mortalité. Grossman et Bradley (2003) dans une revue de littérature qui aborde la question des facteurs psychosociaux et de la personnalité pré-morbide dans la SLA citent notamment McDonald et al. (1994). Ces derniers ont montré que les patients SLA avec un profil psychologique positif avaient un risque de décès plus bas et une survie plus longue que ceux qui se montraient négatifs. Young et McNicoll (1998) ont quant à eux montré que l’attitude positive et la stimulation intellectuelle sont des mécanismes stratégiques efficaces (adopter un esprit combatif, une meilleure acceptation de la maladie, un investissement de la sphère spirituelle, un point de vue positif de la mort…). Pourquoi y a t- il tant de différences quant au ressenti de la maladie d’un patient à l’autre ? Certains adoptent des attitudes positives à l’égard de la vie et de l’existence (peut-être grâce à un investissement spirituel ou existentiel, peut être aussi parce qu’ils parviennent à avoir des objectifs, des buts). Il semble que bien souvent, ces caractéristiques soient liées à la personnalité des gens et à la vie qu’ils menaient avant d’être malade. Si l’on peut remarquer des variations importantes dans la manière de

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Tableau I. – Revue de littérature sur la prise en charge psychologique du patient SLA. Tableau I. – Review of the literature: psychological caregiving in patients with ALS. ÉTUDE BOLMSJO & HERMEREN (2001)

POPULATION 8 patients SLA/8 proches

Interviews with patients, family and caregivers in ALS: comparing needs Bolmsjo & HERMEREN (2003)

BORASIO et al. (2001)

Réflexion sur la prise en charge pluridisciplinaire du patient SLA

Palliative care in ALS Factors supporting QOL over time for individuals with ALS: the role of positive self perception and religiosity BROMBERG & FORSHEW (2002)

162 patients SLA (dont 49 suivis longitudinalement)

Identifier des facteurs pouvant maintenir la QDV malgré la progression de la maladie

25 patients/18 contrôles

Revue des différents outils appréciant la QDV des patients et familles

Revue de littérature

Réflexion sur le mot « espoir » et sur les stratégies pouvant être évoquées pour aider les malades SLA à retrouver l’espoir

Revue de littérature

Aborde la question des facteurs psychosociaux et de la personnalité prémorbide dans la SLA, tout en considérant l’impact des composantes neuropsychologiques dans le processus de la maladie

37 aidants de patients SLA

Évaluation du « fardeau » de proches de patients SLA et des facteurs pouvant influencer ce sentiment de fardeau

Revue de littérature

Revue des facteurs devant être pris en compte pour améliorer la QDV de ces patients

Revue de littérature

Revue de littérature sur les problèmes rencontrés par les aidants dans la SLA et facteurs pouvant influencer la prise en charge

27 patients SLA/19 proches

Évaluation des facteurs influençant la QDV chez les patients SLA et les proches. Mise en évidence d’attitudes différentes entre ces deux entités

49 patients SLA

Évaluation des facteurs influençant la QDV indiquant le rôle significatif de la spiritualité, de l’investissement religieux

Revue de littérature

Prise en compte des réactions psychologiques et neuropsychologiques des patients SLA

Comparaison of instruments addressing quality of life in patients with ALS and their caregivers CENTERS (2001) Beyond denial and despair: ALS and our heroic potential for hope GROSSMAN & BRADLEY (2003) Psychological factors and cognition HECHT et al. (2003) Burden of care in ALS MITSUMOTO & BENE (2000) Improving the QOL for people with ALS: the challenge ahead MITSUMOTO (2002) Caregiver assessment: summary TRAIL et al. (2003) A study comparing patients with ALS and their caregivers on measures of QOL and their attitudes toward treatment options WALSH et al. (2003) Religiousness is related to QOL in patients with ALS WORTHINGTON (1996)

Développer des arguments démontrant les différences entre patients et aidants Étude basée sur entretiens de proches de patients SLA afin d’explorer les contraintes liées à la maladie (stress émotionnel, restrictions, manque de soutien)

Conflicts of interest: experiences of close relatives of patients suffering from ALS

BREMER et al. (2004)

OBJECTIF

Psychological aspects of motor neurone disease: a review

réagir des patients (que ce soit au moment de l’annonce du diagnostic ou tout au long de la maladie), il en est de même pour les proches. Borasio et al. (2001) dans un travail consacré aux soins palliatifs dans la SLA ne manquent pas de relater les répercussions de cette maladie sur les proches et la nécessité d’y consacrer une attention toute particulière.

PRISE EN CHARGE SINGULIÈRE DU PATIENT ET DE SA FAMILLE Dans le soin palliatif tel qu’il est défini par la WHO (1990), la considération des problèmes psychologiques, sociaux et spirituels est très importante. Les stratégies

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visant à réduire l’impact de la perte d’un être cher doivent être respectées. Le deuil commence dès l’annonce, ce qui a un impact sur l’ajustement psychologique du patient et de sa famille. Bolmsjö et Hermeren (2001, 2003) se sont particulièrement intéressés aux différences entre patients et familles. Ils ont ainsi montré qu’ils conçoivent, jugent et évaluent la maladie de manière tout à fait différente. Ce travail vient ainsi conforter l’idée selon laquelle patients et proches doivent être considérés individuellement ainsi que la nécessité de consacrer du temps aux proches tout au long de la maladie. Pour améliorer la prise en charge des patients SLA, il faut pouvoir proposer aux proches comme aux patients un soutien s’ils le désirent, et ne pas oublier que la famille représente généralement la première ressource humaine du patient. L’un des objectifs des soins palliatifs (selon la définition de la WHO, 1990) est d’accompagner aussi bien le patient que ses proches et de maintenir leur investissement pendant la maladie et jusqu’au décès. Bien souvent, les proches ne reconnaissent pas les problèmes et ne demandent pas d’aide. Grande et al. (1997) ont conclu que les besoins des aidants devaient être évalués séparément de ceux des patients. Une grande vigilance doit être maintenue car il peut y avoir des divergences entre patient et proches. La présence d’un conflit d’intérêt peut être manifeste ou latente. Il est donc important que l’équipe multidisciplinaire soit vigilante et qu’elle repère rapidement le conflit. Pour cela, elle doit pouvoir proposer des conversations régulières afin d’identifier le problème, détailler les données, pouvoir interroger les personnes impliquées. Trail et al. (2003) ont aussi étudié les différences entre patient et proches. Leurs observations corroborent celles de Bolmsjö et Hermeren (2001, 2003). Leur travail montre que les patients atteints de SLA et leurs proches n’adoptent pas toujours les mêmes attitudes, idées, croyances et qu’ils n’ont pas toujours le même avis sur les traitements ou les décisions concernant la fin de vie. Dans le cadre de maladies graves comme la SLA, il est bien souvent difficile pour le patient et le proche de parvenir à discuter des inquiétudes concernant l’avenir et la progression de la maladie, mais aussi d’évoquer ce que la maladie représente pour eux. Il est donc important de pouvoir leur proposer un environnement où ces perceptions pourront être partagées et où les différences pourront être abordées, ce qui permettra de reconnaître que les besoins et objectifs sont parfois différents. Idéalement, famille et patient fonctionnent comme une équipe et le proche doit donc aussi pouvoir être impliqué dans les discussions. Bromberg et Forshew (2002) ont montré à partir d’une étude portant sur la qualité de vie des patients et des proches que la SLA avait un impact encore plus négatif pour les proches. Il semblerait que les conjoints ont plus de difficultés à accepter la situation, ce qui a des conséquences non négligeables sur la prise en charge, notamment lorsqu’il est question de fin de vie et de prolonger cette fin de vie. Il existe d’ailleurs un lien entre le niveau de dépression et d’anxiété que l’on peut observer chez le patient et le pro-

che, ce qui est un argument supplémentaire pour considérer aussi l’état psychologique du proche. Centers (2001), dans une revue de littérature consacrée à une réflexion sur le concept d’espoir et la notion de déni, insiste sur l’impact de l’état psychologique des proches sur la QDV et de mort du patient. Elle rappelle que les membres de la famille peuvent se sentir encore plus désespérés et invalides que ne le ressent le patient. Ils ont souvent un sentiment de culpabilité de ne pas en faire assez, tout en se sentant envahis, débordés et aussi souvent agacés d’en avoir tant à faire. Comme l’évoque Mitsumoto (2002), la prise en charge à domicile du patient SLA suscite des remaniements importants au sein d’une famille. La maison se transforme soudain en chambre d’hôpital, ce qui peut générer un certain stress pour les membres de la famille et une certaine culpabilité pour le patient. Si le patient était la principale source de revenus du foyer, la maladie va engendrer des préoccupations financières dont le patient sera d’autant plus conscient qu’il est à domicile. L’intimité de la famille se trouve mise à mal et le proche aidant peut rapidement devenir physiquement et mentalement exténué. Tous ces facteurs sont à l’origine d’un stress important pouvant conduire le patient à vouloir mourir rapidement et les membres de la famille en arrivent à avoir le même souhait. La famille doit pouvoir verbaliser ses sentiments et ses émotions qui sont bien souvent ambivalents (amour, culpabilité, anxiété, frustration, colère…) et ainsi pouvoir être rassurée sur le fait que ses réactions sont tout à fait normales (Hall, 1990). Aider la famille est souvent la manière la plus bénéfique d’aider le patient atteint de SLA. Déjà, Grant (1980) soulignait l’importance de reconnaître la colère de l’aidant qui souvent refoule ses émotions. D’autres travaux se sont intéressés à la notion de fardeau chez le proche. L’évaluation du fardeau est un aspect non négligeable dans la prise en charge du patient SLA car il a un impact sur la relation patient/aidant. Ainsi, l’appréciation du fardeau permet d’adapter les interventions et le soutien. Hecht et al. (2003) ont ainsi évalué le fardeau chez 37 aidants de patients atteints de SLA afin d’analyser les facteurs pouvant influencer ce sentiment. Le fardeau peut être lié à différents aspects dont les plus fréquemment cités sont les symptômes somatiques, la diminution du temps et de la liberté (restrictions personnelles et sociales), les problèmes économiques et les contraintes émotionnelles. Ce travail montre toutefois que le sentiment de fardeau relaté par les proches de patients SLA est globalement moins lourd que dans d’autres pathologies telles les démences par exemple. Ceci peut s’expliquer par le fait que l’intelligence et la personnalité du patient restent généralement préservées ce qui favorise la motivation du proche et allège le fardeau. Il apparaît donc tout à fait nécessaire que les professionnels des consultations pluridisciplinaires spécialisées dans la SLA fassent régulièrement le point sur la question des aides, des interventions à domicile, des informations sur la maladie et sur les groupes de soutien. Les proches les plus investis dans les groupes de soutien semblent être ceux dont le conjoint ou le parent manifeste des

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troubles du comportement. La participation à des groupes de paroles souligne le besoin de soutien psychologique et l’impact des difficultés comportementales sur le poids du fardeau (Hecht et al., 2003). La possibilité d’une atteinte cognitive ne doit jamais être exagérée ni même ignorée (Worthington, 1996). Une fois reconnue et évaluée, il est alors possible de mettre en place des stratégies permettant de compenser un déficit cognitif même léger (déficit mnésique, de planification, raisonnement, contrôle attentionnel). D’autre part, il est aussi important de considérer qu’une atteinte cognitive peut avoir des conséquences sur la conscience des troubles et ce, en dépit d’un fonctionnement intellectuel dans les limites de la normale. La conscience de soi et des troubles dépend du fonctionnement frontal, or, l’implication du lobe frontal est aujourd’hui démontrée dans les formes de SLA avec atteinte cognitive. Ainsi, certains patients peuvent avoir une conscience partielle de leurs difficultés, ce qui peut avoir des conséquences sur leur capacité de jugement et cela risque d’engendrer une prise en charge plus importante pour les soignants. Toutefois, les patients qui ne manifestent pas de déficit cognitif peuvent être davantage frustrés et désespérés, ce qui nécessite une prise en charge différente.

STRATÉGIES POUR AMÉLIORER LA PRISE EN CHARGE DES PATIENTS ET DES FAMILLES L’un des aspects incontournable de la prise en charge du patient consiste avant tout à considérer la singularité de chaque sujet concerné par ce diagnostic aux difficiles répercussions. Ainsi, comme cela a été évoqué en première partie de ce travail, la prise en compte de la personnalité du patient va fortement orienter les stratégies visant à améliorer sa prise en charge. La manifestation d’un déni réactionnel suite à l’annonce du diagnostic est à considérer et à respecter. Un travail de Hecht et al. (2002), s’intéressant particulièrement à l’expérience subjective de maladie des patients atteints de SLA ainsi qu’aux stratégies qu’ils développent pour faire face à cet événement, ont mis en évidence l’importance du soutien familial pour ces patients (ce que rapporte aussi une étude de Borasio et al., 2001), ainsi que l’impact de la personnalité antérieure sur l’attitude adoptée au cours du processus de maladie. Borasio et al. (2001) insistent particulièrement sur l’importance du soutien social qui nécessite un investissement adapté de toute l’équipe pluridisciplinaire. Ainsi, une bonne communication au sein de l’équipe est fondamentale. Améliorer la prise en charge peut passer pour une meilleure implication des professionnels qui pourront aider le patient à rester aussi indépendant et autonome que possible. Impliquer tous les professionnels qui pourront aider le patient à rester aussi indépendant et autonome que possible. C’est aussi, par exemple, en portant une attention particulière à ce que le patient peut faire et non à ce qu’il a

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perdu. L’information délivrée au patient sur l’évolution de la maladie, les possibilités de traitement et sur la manière de mourir sont aussi des aspects très importants qui auront des conséquences sur la façon dont les patients intégreront la maladie. Le médecin ne doit pas faire l’économie de la vérité et doit pouvoir discerner ce qui pourrait être une information angoissante pour le patient. Ainsi, une écoute active, de l’empathie et une grande disponibilité sont essentielles. Il faut pouvoir identifier ce que le patient a compris du processus de mort et pouvoir ainsi rapidement lever le mythe selon lequel il va mourir en « étouffant ». Comme le rappelle Centers (2001), cette croyance terrible et erronée est très fréquente chez le patient et la famille et doit donc être rapidement détectée et corrigée. Permettre au patient de rester acteur de sa prise en charge, de garder un minimum de contrôle sur son environnement peut aussi être un moyen de favoriser le maintien de l’estime de soi. Le patient doit pouvoir entendre les avantages et inconvénients des différentes possibilités thérapeutiques, tout en conservant le pouvoir de décision. De même, l’implication des associations de bénévoles (l’ARS en France) peut être d’un grand secours tant pour le patient et sa famille que pour l’équipe (Mitsumoto, 2002). Pouvoir partager le ressenti auprès de personnes qui ont partagé les mêmes inquiétudes peut apporter un certain réconfort. Si le patient ne désire pas participer à ce type de rencontres, il peut toujours rentrer en contact avec d’autres patients et/ou familles grâce au téléphone ou à Internet. Les professionnels doivent pouvoir procurer une liste de groupes de soutien, d’individus désirant partager leur expérience personnelle et les sites Internet fiables et adaptés pour les patients SLA. Grâce à ces expériences partagées, le patient peut augmenter sa confiance en lui. Centers (2001) insiste aussi sur l’importance d’encourager la socialisation et l’interaction. Acquérir le sentiment d’appartenir à un groupe social et ainsi à la vie est une manière efficace de faire face à la mort et aux autres difficultés terribles (Centers, 2001). Reconnaître l’importance pour le patient des relations amoureuses et un but d’implication avec la vie. Les relations amoureuses sont en soi la manifestation de l’espoir. Les patients peuvent trouver de l’espoir dans le fait que d’autres aient des sentiments pour eux. Un récent travail de Neudert et al. (2004) s’intéressant à la QDV des patients atteints de SLA a mis en évidence le fait que les domaines de QDV les plus importants pour les patients étaient « la famille, la vie sociale et amicale, la santé et le travail ». Ils ont d’autre part montré que la QDV personnelle (évaluée à partir du SEIQoL-DW, de Hickey et al., 1996) apparaît indépendante des capacités fonctionnelles (évaluées à partir de l’ALSFRS, du SIP et du SF-36). Ainsi, la QDV dépendrait davantage de facteurs existentiels et sociaux que physiques (voir aussi Neudert et al., 2002 ; Bromberg et Forshew, 2002). L’intérêt de ce type de questionnaire est aussi de permettre au patient de mener une réflexion sur les priorités qu’il va considérer pour améliorer sa QDV et ainsi de favoriser le développement de stratégies d’adaptation appropriées en donnant du sens à la fin de vie.

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Dès le début de l’annonce et jusqu’à la fin, les patients SLA font face à leur propre mort. La SLA est un appel à examiner sa propre âme, la notion d’espoir, ses propres désirs, regrets et peurs. Cela pousse le sujet à une rétrospective sur sa vie, sur ce qu’il considère comme une vie réussie et sur ce qu’il désire accomplir ou transmettre avant de mourir. Comme le souligne Centers (2001), être confronté à la SLA ou toute autre maladie incurable, c’est aussi parfois apprendre ou réapprendre ce qu’est l’amour, c’est pouvoir dire au revoir aux êtres chers. C’est reconsidérer le concept d’espoir, trop longtemps considéré comme dépendant de la survie de nos corps et non de nos propres âmes. La SLA est trop souvent considérée comme une maladie sans espoir car l’espoir est associé dans nos sociétés à la survie. La mort est donc vécue comme un échec et source de désespoir. Ce désespoir peut émerger en lien avec la peur, la douleur, la dépression, l’isolement, la frustration, l’humiliation, l’échec, la culpabilité, le regret, les faux espoirs, l’abandon, les pertes, la désillusion. Tous ces aspects font parti du quotidien des patients SLA. En dépit de cela, certains parviennent à passer au travers du déni et du désespoir et à atteindre un réel espoir. Ce n’est pas l’espoir de survivre, mais celui de parvenir à trouver du sens, une acceptation de la vie et que celle-ci a un début et une fin. Certains patients parviennent à atteindre ce niveau de conscience de leur propre finitude bien souvent grâce à un travail personnel et spirituel important. L’espoir apparaît ainsi intimement lié à la capacité que l’on a de trouver du sens à sa vie. Dans la SLA, il peut être rattaché à plein d’autres choses telles que le fait d’espérer mourir chez soi, auprès de ses proches, être un exemple pour les autres, renouer des relations, l’espoir de survivre dans l’esprit des autres, dans la vie éternelle, se réincarner… Simmons et al. (2000), Robbins et al. (2001), Murphy et al. (2000), Dal Bello-Hass et al. (2000) ont déjà montré que les facteurs psychologiques, existentiels, spirituels et religieux jouaient un rôle dans le maintien de la QDV du patient SLA. Plus de 1 200 études se sont intéressées au lien qui pouvait exister entre l’investissement religieux et la santé mentale ou physique. Beaucoup ont montré que cet investissement religieux ou spirituel était associé à une faible mortalité ou morbidité et à une QDV élevée. Walsh et al. (2003) se sont intéressés à cet aspect chez le patient atteint de SLA et leurs résultats indiquent que le facteur religion/spiritualité a un impact significatif sur la QDV des patients SLA. Bremer et al. (2004) corroborent ces observations. La QDV et la religiosité sont corrélées, mais leur lien change au cours de la maladie (au tout début, il n’y a pas de corrélation significative, c’est ensuite qu’apparaît ce lien). Ils observent aussi le fait que la perception positive de soi et de sa santé joue un rôle important, mais que la recherche de sens quant aux événements de vie est aussi contributive de la QDV (la religion a une place importante). Des études de plus en plus nombreuses s’intéressent aujourd’hui aux expériences subjectives des patients et familles et objectivent des différences concernant les besoins de ces deux entités dont la santé psychologique

s’auto-influence (Bolmsjö et Hermeren, 2003 ; Borasio et al., 2001 ; Trail et al., 2003 ; Bromberg et Forshew, 2002). Ainsi, il apparaît aujourd’hui incontournable de proposer une écoute professionnelle aux proches d’un patient atteint de SLA. Le rôle des membres de la famille dans le soin des patients est essentiel et en dépit de cela, les difficultés émotionnelles liées à cette responsabilité sont souvent négligées. Les problèmes liés à la famille deviennent souvent particulièrement importants lorsqu’une personne approche du stade terminal. L’équipe soignante a alors la responsabilité de préparer les membres de la famille à satisfaire les souhaits du patient (s’il désire mourir à domicile par exemple). Ainsi, bien que l’on reconnaisse aujourd’hui l’impact psychologique de la prise en charge de patients neurologiques en terme de stress et de santé générale, d’ajustement social et des relations au sein de la famille, les aspects psychologiques de la maladie restent encore bien souvent au second plan au niveau des recherches et passent après la prise en charge des problèmes physiques. Les stratégies pour faire face physiquement et psychologiquement varient d’un aidant à l’autre en fonction du contexte psychosocial personnel et des relations existantes entre le patient et le proche. Il apparaît toutefois très important de considérer certains facteurs individuels pouvant affecter directement la manière dont le proche fera face. Il s’agit par exemple du lieu où le soin est prodigué, du sexe et de l’âge de l’aidant, de l’exercice ou non d’une activité professionnelle par l’aidant, du statut marital du conjoint avant la maladie et tout ce que cela peut occasionner (situation financière, pouvoir décisionnel, intimité, confiance mutuelle…). Il apparaît impératif de porter une attention particulière aux soignants proches de patients SLA. L’une des raisons les plus importantes est que le patient et le soignant forment un « tout », une réelle unité de soins. Leur santé psychologique ou le désarroi vont de paire. En d’autres mots, la santé du soignant favorisera le maintien d’une bonne qualité de vie pour le patient. Enfin, l’un des pivots du soin dans la prise en charge de patients atteints de SLA est l’équipe soignante. Les personnes impliquées quotidiennement dans le soin doivent pouvoir bénéficier d’un soutien psychologique au même titre que les proches des patients car de leur équilibre dépendra aussi celui du patient et de la famille. Reconnaître les émotions qui surviennent et qui sont liées à la charge que représente le soin est une partie du processus de soutien dans lequel les groupes de paroles jouent un rôle vital. Il est important d’apprendre aux professionnels de santé à repérer dès le début de la maladie les difficultés psychologiques latentes ou manifestes des malades, familles ou même des soignants.

CONCLUSION La prise en charge psychologique du patient atteint de SLA ainsi que de son entourage sont des préoccupations encore relativement récentes. Néanmoins, on voit apparaî-

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Conférence de consensus • Prise en charge psychologique du patient atteint de sclérose latérale amyotrophique

tre depuis quelques années l’émergence de travaux autour de la psychologie du patient SLA dont certains se sont davantage focalisés sur la personnalité et les mécanismes de défense de cette population tandis que d’autres ont porté un intérêt particulier aux proches des patients. La revue de littérature consacrée à ces aspects permet de retrouver un consensus sur l’actuelle nécessité d’adapter les outils d’évaluation proposés en ne focalisant pas uniquement sur les symptômes physiques liés à la maladie, mais en considérant davantage ce qui est important pour chaque patient et famille. Améliorer la qualité de vie du patient passe par une appréciation singulière de ses domaines d’intérêt et de sa personnalité et ne peut en aucun cas être évalué par des échelles fermées et souvent trop axées sur les atteintes fonctionnelles. Ainsi, il apparaît après lecture des différents travaux consacrés aux aspects psychologiques qu’une prise en compte de la souffrance de l’entourage permettra d’améliorer la QDV des patients. Ces deux entités s’auto influencent. L’équilibre psychologique des proches a un impact direct sur celui du malade. Enfin, il apparaît en regard de plusieurs études qu’une réflexion personnelle sur les notions d’espoir et de projet puisse être menée avec le patient et son entourage. Pour de nombreux patients la recherche de causalité quant à la survenue de l’événement maladie peut être peu à peu remplacée par une recherche de sens dans le temps de vie restant (réflexion spirituelle, personnelle, familiale, etc.).

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V. HAVET