Profil étiologique des panniculites mésentériques : à propos de sept cas

Profil étiologique des panniculites mésentériques : à propos de sept cas

La Revue de médecine interne 28 (2007) 289–295 http://france.elsevier.com/direct/REVMED/ Article original Profil étiologique des panniculites mésent...

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La Revue de médecine interne 28 (2007) 289–295 http://france.elsevier.com/direct/REVMED/

Article original

Profil étiologique des panniculites mésentériques : à propos de sept cas Etiologic spectrum of mesenteric panniculitis: report of 7 cases D. Béchadea,*, X. Durandb, J. Desraméa, A. Rambeloc, D. Corberanda, B. Barangerb, D. Fargec, J.-P. Algayresa a

Service de clinique médicale, hôpital du Val-de-Grâce, 74, boulevard de Port-Royal, 75230 Paris cedex 05, France Service de chirurgie viscérale et vasculaire, hôpital du Val-de-Grâce, 74, boulevard de Port-Royal, 75230 Paris cedex 05, France c Service de médecine interne et pathologie vasculaire, hôpital Saint-Louis, 1, avenue Claude-Vellefaux, 75475 Paris cedex 10, France b

Reçu le 28 septembre 2006 ; accepté le 30 décembre 2006 Disponible sur internet le 29 janvier 2007

Résumé Propos. – La panniculite mésentérique est une maladie rare caractérisée par une inflammation et/ou une nécrose et/ou une fibrose du tissu adipeux mésentérique. Sa signification primitive ou secondaire à une autre affection est un sujet de controverses. Méthodes. – Étude descriptive et rétrospective des patients ayant eu un scanner abdominal montrant des lésions de panniculite mésentérique et chez qui un examen anatomopathologique a été réalisé avec une analyse immunohistochimique dans tous les cas. Résultats. – Sept patients ont été inclus (quatre hommes et trois femmes), d’âge moyen 62,1 ans. Aucun des patients sans cause identifiable n’avait eu de chirurgie abdominale antérieure. Un diagnostic étiologique a été posé dans quatre cas : cancer du sein métastatique (1), lymphome non hodgkinien par biopsie de ganglions périphériques (2) et vascularite cryoglobulinémique par biopsie rénale (1). Dans les trois autres cas, l’aspect anatomopathologique était celui d’une inflammation aspécifique, sans monoclonalité des lymphocytes en immunomarquage. Conclusion. – En dehors d’un contexte carcinologique évident ou d’un antécédent de chirurgie abdominale, l’examen anatomopathologique des lésions de panniculite mésentérique est nécessaire pour éliminer une autre pathologie péritonéale. La panniculite mésentérique est souvent associée aux lymphomes. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract Objective. – Mesenteric panniculitis is a rare disorder characterized by nonspecific inflammation and/or necrosis and/or fibrosis in the adipose tissue of the bowel mesentery. Its signification, primary or associated with other diseases, is a subject of controversy. Methods. – A descriptive and retrospective study of patients with an abdominal CT examination showing features of mesenteric panniculitis and for whom biopsy with immunohistochemical examination was obtained in all cases. Results. – Seven patients were enrolled (4 men and 3 women) with a median age of 62,1 years. None of the patients without an identified etiology had a history of abdominal surgery. An associated disease was identified in 4 cases: breast cancer (1), non-Hodgkin’s lymphoma based on peripheric lymph nodes biopsy (2) and cryoglobulinemic vascularitis based on renal biopsy (1). In the 3 remaining cases, isolated mesenteric panniculitis was the only abnormality despite thorough imaging and pathologic investigations. Conclusion. – Except an obvious malignancy context or a history of abdominal surgery, a pathologic examination of the mesenteric panniculitis lesions is necessary, especially to eliminate another mesenteric disorder. Mesenteric panniculitis is often associated with lymphoma. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

* Auteur

correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (D. Béchade).

0248-8663/$ - see front matter © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.revmed.2006.12.020

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D. Béchade et al. / La Revue de médecine interne 28 (2007) 289–295

Mots clés : Panniculite mésentérique ; Lymphome non hodgkinien Keywords: Mesenteric panniculitis; Non-Hodgkin lymphoma

1. Introduction

4. Résultats

La panniculite mésentérique (PM) est un processus inflammatoire bénin aspécifique rare, affectant le tissu adipeux du mésentère [1]. Les lésions atteignent la racine du mésentère de l’intestin grêle, plus rarement le mésocôlon [2], l’épiploon et exceptionnellement la région péripancréatique ou le pelvis [3]. La multiplication des examens radiologiques abdominaux conduit souvent à leur découverte fortuite. Sur le plan nosologique, le terme de mésentérite sclérosante semble préférable, entité qui regroupe trois types anatomopathologiques en fonction du tissu prédominant et de l’ancienneté des lésions :

4.1. Terrain et antécédents

● la PM, définie par des lésions inflammatoires aiguës ou subaiguës ; ● la lipodystrophie mésentérique, définie par une nécrose graisseuse ; ● la mésentérite rétractile, définie par une évolution chronique fibrosante [4,5]. Pour des raisons d’usage courant dans les publications, nous parlerons de PM, cette entité mêlant à des degrés divers ces trois types anatomopathologiques au sein d’une même lésion [5]. Leur signification, primitive ou secondaire à une autre affection, est un sujet de controverses. Nous rapportons sept cas de PM remarquables par des circonstances de découverte différentes qui illustrent la nécessité d’une démarche étiologique rigoureuse. 2. Patients et méthodes Il s’agit d’une étude descriptive et rétrospective de patients ayant eu un examen tomodensitométrique abdominal montrant des lésions caractéristiques de PM ; un examen anatomopathologique des lésions de PM, couplé à une étude immunohistochimique systématique, a été réalisé dans six cas sur sept par cœlioscopie ; dans le septième cas, l’évolution des lésions sous traitement de la pathologie associée a étayé le diagnostic de PM. Les autres données analysées comprenaient : le terrain et les antécédents ; l’existence ou non d’une chirurgie abdominale antérieure ; la présentation clinique et biologique ; les données tomodensitométriques ; la recherche d’une pathologie associée ; le traitement adapté à chaque étiologie et enfin l’évolution. 3. Observations Les sept observations sont résumées dans le Tableau 1.

Notre série comprend trois femmes et quatre hommes, d’âge moyen 62,1 ans (extrêmes de 40 à 75 ans). Une hypertension artérielle (HTA) était retrouvée chez trois patients (cas no 1, 2 et 3), un diabète chez deux patients (cas no 2 et 7) et une insuffisance coronaire chez deux patients (cas no 5 et 7). La patiente no 4 avait été traitée dix ans plus tôt pour un carcinome canalaire infiltrant du sein gauche par tumorectomie et curage axillaire (T2N0 [8N-/8] ; SBRII ; RH+), puis par radiochimiothérapie adjuvante. Une récidive locale après sept ans avait nécessité une mastectomie et l’instauration d’une hormonothérapie. 4.2. Recherche d’une chirurgie abdominale antérieure Des antécédents de chirurgie abdominale étaient retrouvés dans deux cas : chez la patiente no 4 (appendicectomie et cœlioscopie pour salpingite) et chez le patient no 7 (appendicectomie). 4.3. Présentation clinique et signes biologiques associés Dans notre série, les différentes circonstances de découverte ayant conduit au diagnostic de PM au scanner abdominal correspondent à des situations cliniques fréquemment rencontrées en médecine interne : ● l’exploration initiale d’une HTA par un scanner abdominal a conduit à la découverte fortuite des lésions de PM chez les patients no 1 et 2, totalement asymptomatiques et en l’absence de toute anomalie biologique. Une masse abdominale paraombilicale gauche était palpable lors de l’examen clinique du patient no 1 ; ● douleurs abdominales isolées, sans caractère particulier mais ayant tendance à disparaître spontanément puis à récidiver, en l’absence de toute anomalie biologique (cas no 5). Des adénopathies axillaires étaient notées à l’examen clinique. Une première cœlioscopie avec prélèvements, réalisée un an plus tôt chez ce patient, n’avait montré que des lésions de lipodystrophie mésentérique ; ● douleurs abdominales chroniques et tenaces, localisées au flanc gauche, compliquées d’un syndrome subocclusif et d’un syndrome inflammatoire modéré (cas no 6). L’examen clinique mettait en évidence des adénopathies cervicales ; ● douleurs abdominales fébriles diffuses (cas no 4) ou localisées à la fosse iliaque gauche, simulant une sigmoïdite aiguë

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Tableau 1 Caractéristiques générales et mode de prise en charge diagnostique et thérapeutique des sept patients analysés Sexe/Âge Cas no 1 Cas no 2 Cas no 3

Homme 56 ans Homme 70 ans Femme 62 ans

Antécédents médicaux HTA

Antécédents chirurgicaux 0

HTA–Diabète

0

HTA

0

Carcinome mammaire 10 ans plus tôt Insuffisance coronaire

Appendicectomie cœlioscopie

Cas no 4

Femme 40 ans

Cas no 5

Homme 60 ans

Cas no 6

Femme 72 ans

0

0

Cas no 7

Homme 75 ans

Insuffisance coronaire Diabète

Appendicectomie

0

Clinique

Biologie

Diagnostic

IHC

Traitement

Évolution

Masse périombilicale 0

N

Lipodystrophie

0

0

N

Lipodystrophie

0

0

Syndrome inflammatoire Syndrome inflammatoire N

Lipodystrophie

0

Corticothérapie

Asymptomatique Asymptomatique Asymptomatique

Récidive métastatique du cancer Ganglions périphériques : lymphome folliculaire Ganglions périphériques : lymphome folliculaire Biopsie rénale : vascularite cryoglobulinémique

0

Chimiothérapie palliative

Symptomatique

CD20+ BCL2+

R-CHOP

Asymptomatique

CD10+ BCL2+

R-CHOP

Asymptomatique

0

Endoxan– Corticothérapie

Asymptomatique

Douleurs abdominales fébriles Douleurs abdominales fébriles Douleurs abdominales Adénopathies axillaires Douleurs abdominales Adénopathies cervicales Altération de l'état général Fièvre

Syndrome inflammatoire Syndrome inflammatoire

(cas no 3), accompagnées d’un syndrome inflammatoire modéré ; ● altération fébrile de l’état général, avec amaigrissement de dix kilos en trois mois associée à des arthralgies, un purpura des membres inférieurs et des douleurs abdominales sousombilicales (cas no 7). Les examens biologiques montraient un syndrome inflammatoire majeur (fibrinogène à 7,5 g/l ; anémie inflammatoire), une insuffisance rénale modérée avec clearance de la créatinine à 80 ml/mn, une protéinurie à 1,2 g/24 heures et une hypocomplémentémie révélant une cryoglobulinémie mixte essentielle de type IgM-kappa, retrouvée à un taux faible de 1 %, en l’absence d’infection par le virus de l’hépatite C. La numération des souspopulations lymphocytaires, un caryotype et une biopsie ostéomédullaire affirmaient le caractère essentiel de la cryoglobulinémie en excluant un syndrome lymphoprolifératif. 4.4. Données tomodensitométriques Dans tous les cas, le scanner abdominal montrait une masse hétérogène de densité graisseuse (–60 UH en moyenne), entourée d’une pseudocapsule (Fig. 1). La présence d’un effet de masse sur les anses intestinales et d’une thrombose veineuse mésentérique inférieure pour la patiente no 3 (Fig. 2), expliquait le caractère clinique bruyant. Sur le scanner abdominal réalisé chez la patiente no 6, la masse contenait de multiples ganglions infracentimétriques, faisant suspecter un diagnostic de malignité (Fig. 3). Pour le patient no 7, la panniculite était localisée en région prépancréatique.

Fig. 1. TDM abdominale, cas no 5 : masse hétérogène entourée d’une pseudocapsule (flèche).

4.5. Pathologies associées, traitement et évolution À l’exception du patient no 7 chez qui les lésions péritonéales n’ont pas été biopsiées, un diagnostic de PM avec lésions lipodystrophiques prédominantes, sans monoclonalité des populations lymphocytaires, a été établi chez les autres patients. Chez la patiente no 4, ces lésions étaient rattachées à une récidive métastatique pulmonaire et osseuse du carcinome canalaire infiltrant du sein, actuellement en cours de chimiothé-

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avec un effet favorable rapide sur les douleurs abdominales permettant d’affirmer le caractère réactionnel des lésions de PM. Chez le patient no 7, la ponction biopsie rénale réalisée sous scanner, montrait des lésions de vascularite nécrosante touchant les artères de petit calibre, sans atteinte glomérulaire qui, associée à une cryoglobulinémie mixte essentielle, permettaient le diagnostic de vascularite cryoglobulinémique. Une corticothérapie orale à la posologie de 1 mg/kg par jour pendant six semaines, suivie d’une décroissance permettant d’obtenir une posologie de 20 mg/jour à six mois et de 8 mg/jour à 12 mois, associée à neuf bolus intraveineux d’Endoxan (600 mg/m2 tous les mois pendant six mois, puis tous les deux mois), permettait d’obtenir une rémission complète durable avec disparition des lésions de panniculite dès le scanner du sixième mois. L’évolution favorable de la PM sous chimiothérapie permettait d’établir le lien à la vascularite. 5. Discussion o

Fig. 2. TDM abdominale, cas n 3 : effet de masse sur les anses intestinales.

Fig. 3. TDM abdominale, cas no 6 : présence de multiples ganglions au sein des lésions de panniculite mésentérique.

rapie palliative. Une corticothérapie orale de courte durée a été proposée à visée symptomatique à la patiente no 3. Les patients no 1 et 2 sont restés asymptomatiques. Les patients no 5 et 6 étaient porteurs d’un lymphome malin non hodgkinien (LNH) folliculaire dont le diagnostic a reposé sur un prélèvement histologique réalisé au niveau ganglionnaire périphérique, la population tumorale exprimant CD10, CD20 et BCL2. Les biopsies péritonéales sous cœlioscopie ont montré dans les deux cas des lésions de nécrose graisseuse associées à une infiltration cellulaire par des macrophages, des lymphocytes et des fibroblastes, sans argument pour une localisation mésentérique du lymphome. Une chimiothérapie selon le protocole CHOP/Rituximab était instaurée dans les deux cas,

Le terme de PM a été proposé en 1961 par Ogden et al. [6]. Cette pathologie survient essentiellement au cours de la sixième décennie [1,5,7], avec peut-être une prédominance masculine (ratio = 1,8/1) [1,8], non retrouvée dans une série de 49 patients [9] où la prédominance féminine était de 65 %. La physiopathologie de la PM reste inconnue [4,8,9], bien qu’un mécanisme auto-immun ou ischémique ait pu être suggéré dans un contexte de maladie de système [9]. Au sein des fibroses systémiques, la PM et la fibrose rétropéritonéale apparaissent comme des entités très proches, pouvant s’associer toutes les deux à des pathologies identiques comme la thyroïdite de Riedel [10,11], la cholangite sclérosante [10,11] ou des inflammations ou pseudotumeurs orbitaires [12], elles-mêmes sous-tendues par des mécanismes auto-immuns. En revanche, une extension vers le rétropéritoine de lésions de panniculite est occasionnellement décrite [10]. Comme dans notre série, les lésions peuvent être découvertes fortuitement chez des patients totalement asymptomatiques : sur une série de 7620 scanners abdominaux réalisés pour une autre cause, une PM était retrouvée dans 49 cas, soit une prévalence de 0,6 % [9]. Les manifestations cliniques sont dominées par des douleurs abdominales, isolées ou associées à une diarrhée chronique [4,13], voire à une constipation dans les rares localisations rectosigmoïdiennes où l’examen clinique peut mettre en évidence une masse abdominale [4,8]. La fièvre est fréquente, isolée et prolongée [14] ou survenant dans un contexte d’altération de l’état général ou d’atteinte systémique (arthralgies, érythème noueux) [6]. L’examen clinique met en évidence une masse abdominale dans 50 % des cas [10]. Une complication peut être révélatrice : syndrome occlusif [2], thrombose veineuse mésentérique [15], perforation iléale [16] ou syndrome appendiculaire [17]. Les examens biologiques sont normaux ou montrent un syndrome inflammatoire [4,9,10]. Sur le scanner abdominal, les lésions sont localisées au niveau de la racine du mésentère de l’intestin grêle, notamment

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jéjunal [10], avec une extension fréquente vers l’hémiabdomen gauche. Il s’agit le plus souvent d’une masse unique [1] se présentant au minimum comme une densification localisée de la graisse de la racine du mésentère [18,19]. Mais la PM peut se traduire par une masse hétérogène, bien limitée, contenant des plages de densité graisseuse variant de –28 à –85 UH [9], supérieure à la densité de la graisse sous-cutanée ou de la graisse rétropéritonéale (–105 à –135 UH), avec des zones de densité tissulaire ou liquidienne disposées en fines travées. Les zones non graisseuses sont en rapport avec des plages de nécrose, de fibrose ou des structures vasculaires [1,5,20]. Dans 80 % des cas, la masse contient des nodules correspondant à des ganglions mesurant moins de 5 mm de diamètre [9,10]. Des calcifications ponctuées secondaires à la nécrose graisseuse sont parfois présentes [20]. L’injection de produit de contraste peut montrer un rehaussement de densité des zones tissulaires [21], bien qu’inconstamment retrouvé [9]. Des masses multiples épaississant de manière diffuse le mésentère sont plus rares [5,7]. Le diamètre transversal moyen de la masse graisseuse varie de 7 à 25 cm [1,9]. La masse peut envelopper les vaisseaux mésentériques, expliquant le possible développement d’une circulation collatérale [4,10], mais ne les refoulent pas [10] ; les séquences d’angioscanner et les coupes coronales sont utiles pour préciser les rapports vasculaires, notamment avant chirurgie ou ponction (Fig. 4) [22]. Il existe souvent, comme nous avons pu l’observer (Fig. 5), une préservation de la graisse normale autour des vaisseaux mésentériques représentant le signe de l’anneau graisseux, retrouvé dans 75 % des cas des formes surtout inflammatoires [1]. Ce signe est important pour distinguer d’autres lésions mésentériques comme les liposarcomes lipogéniques qui en sont constamment dépourvus [1,4,10,18]. Une pseudocapsule mesurant moins de 3 mm est décrite dans 50 % des cas (Fig. 1) [1,10]. Sabaté et al. [1] ont essayé de corréler les aspects tomodensitométriques aux lésions anatomopathologiques (Tableau 2), indiquant que le signe de l’anneau graisseux et la pseudocapsule disparaissent dans les formes fibrosantes de mésentérite rétractile. L’échographie abdominale apporte peu par rapport au scanner [23]. L’aspect IRM est variable en fonction de l’intensité de la composante inflammatoire [24–26]. D’une manière générale,

Fig. 4. TDM abdominale, cas no 5 : coupe coronale.

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Fig. 5. TDM abdominale, cas no 2 : signe de l’anneau graisseux (flèche).

il s’agit d’une masse de signal intermédiaire dans les séquences pondérées T1 et légèrement hyperintense dans les séquences pondérées T2 ; le rehaussement est variable après injection de gadolinium. Les séquences réalisées après saturation de la graisse permettent de mieux distinguer les rapports entre la masse et le tissu adipeux sain environnant et l’angio-IRM apprécie les rapports vasculaires. À l’inverse de ce qui est décrit au scanner, l’IRM permettrait d’observer une pseudocapsule dans les lésions évoluées plus fibrosantes [27]. La scintigraphie au 18-FDG, couplée au scanner abdominal (PET-scan), orienterait vers le diagnostic des formes fibrosantes de mésentérite rétractile [28,29] et aurait surtout un intérêt de diagnostic différentiel [10,29]. En effet, celui-ci peut être difficile avec les pathologies péritonéales malignes comme les carcinoses, les mésothéliomes, les tumeurs carcinoïdes, les tumeurs desmoïdes et surtout les LNH mésentériques [10,30,31] : dans ce dernier cas, l’analyse précise du scanner est importante à la recherche de ganglions mesurant plus de 10 mm dans la masse mésentérique et a fortiori dans l’espace rétropéritonéal [10] ou d’un « signe du sandwich » sous la forme de masses lymphomateuses enveloppant la graisse mésentérique et les vaisseaux [10]. Le signe de l’anneau graisseux peut se rencontrer au cours des LNH, en particulier après la chimiothérapie [10]. Le contexte clinique et le PET-scan constituent des éléments d’orientation importants avant la réalisation d’une biopsie sous scanner ou cœlioscopie. Ce cas de figure était présenté par la patiente no 6 pour qui les prélèvements cœlioscopiques ont éliminé formellement un LNH mésentérique. La recherche d’antécédents de chirurgie abdominale est fondamentale dans la démarche étiologique des PM. Nous les retrouvons dans deux cas dans notre série (cas no 4 et 7) et Daskalogiannaki et al. [9] chez 28 patients sur 49 (57 %). Dans cette même série [9], les pathologies malignes sont retrouvées chez 34 patients (69,4 %), dont six cas de LNH. Comme pour la patiente no 4, des cancers extra-abdominaux sont décrits [9] : cancers du sein (cinq cas), du poumon (qua-

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Tableau 2 Données tomodensitométriques comparant la mésentérite rétractile et la panniculite mésentérique chez 17 patients (d’après Sabaté JM et al. [1]) Images TDM Nombre Densité Tissu mou plus dense que la graisse Graisse plus dense que les tissus mous Apparence de la masse Homogène Moins homogène Hétérogène Calcifications Hypertrophie ganglionnaire Effet de masse sur les anses intestinales Effet de masse sur les vaisseaux Envahissement de la racine du mésentère Signe de l'anneau graisseux Pseudocapsule Envahissement rétropéritonéal

Mésentérite rétractile (n = 5) %

Panniculite mésentérique (n = 12) Nombre %

5 0

100 0

0 12

0 100

3 2 0 1 2 5 2 1 0 0 1

60 40 0 20 40 100 40 20 0 0 20

0 0 12 1 1 4 7 6 9 6 0

0 0 100 8 8 33 58 50 75 50 0

tre cas) et mélanomes (trois cas). Onze autres patients dans cette série présentent une pathologie « bénigne », parfois difficile à rattacher formellement à la PM, en dehors des anévrismes de l’aorte abdominale retrouvés dans trois cas. Les maladies de système sont rarement associées à une PM : un lupus érythémateux aigu disséminé est rapporté dans la série de Daskalogiannaki et al. [9], un cas de vascularite cryoglobulinémique dans notre série et, dans la littérature, cette association est exceptionnellement décrite [32,33]. Parmi les autres pathologies non néoplasiques, citons des observations de tuberculose ganglionnaire mésentérique [34] et des observations de PM symptomatiques au cours d’un déficit immunitaire commun variable [35], du syndrome d’immunodéficience acquise [36] ou des rejets de greffe d’intestin grêle [37] : ces observations ont pu conforter l’hypothèse d’un mécanisme immunologique à l’origine de cette affection [38]. Enfin, comme dans quatre cas de la série de Daskalogiannaki et al. [9] et trois patients sur sept (cas no 1, 2 et 3) dans notre série, la PM peut être isolée. Une surveillance clinique et tomodensitométrique annuelle est souhaitable. L’apparition intralésionnelle de nodules de plus de 10 mm, d’une extension rétropéritonéale ou de refoulements vasculaires justifie une biopsie pour dépister une pathologie péritonéale maligne [10]. En dehors du traitement spécifique de la cause, le bénéfice des traitements associés n’est pas formel : corticothérapie (1 mg/kg par jour) [1,39], seule ou associée à la colchicine (1 mg/jour) [40] ; progestérone orale (10 mg/jour pendant six mois) [41] ou immunosuppresseurs (azathioprine, cyclophosphamide) [37,42]. En l’absence de pathologie néoplasique associée, le pronostic est dominé par le risque de complications mécaniques propres à la PM, en notant cependant que des évolutions spontanément favorables ont pu être décrites [1,9,43].

bablement du PET-scan, est utile au diagnostic positif et différentiel avec les pathologies malignes du mésentère. Au vu des résultats de notre série et des données de la littérature, le bénéfice escompté de la biopsie des lésions de PM doit être mis en balance avec les risques inhérents à la procédure, notamment en cas d’antécédent de chirurgie abdominale ou dans un contexte carcinologique évolutif évident qui constituent les circonstances étiologiques les plus habituelles. En dehors de ces contextes particuliers, un LNH doit être recherché attentivement. En cas de PM isolée, une surveillance clinique et tomodensitométrique annuelle nous semble devoir être recommandée. Références [1]

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6. Conclusion La PM est une pathologie complexe, rare et mal connue, pour laquelle les manifestations cliniques sont très variables. L’analyse précise des données tomodensitométriques, et pro-

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