Table ronde Actualités en périnatologie
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Pronostic néonatal de la hernie de coupole diaphragmatique Neonatal prognosis of congenital diaphragmatic hernia
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D. Mitanchez Mots clés : Hernie de coupole diaphragmatique, Diagnostic prénatal, Chirurgie in utero, Hypoplasie pulmonaire
Université Pierre-et-Marie-Curie, Faculté de Médecine ; AP-HP, Service néonatologie, Hôpital Armand-Trousseau, 26, avenue du Dr-Arnold-Netter, 75571 Paris cedex 12, France
L
a hernie de coupole diaphragmatique (HCD) est un défaut de fermeture du diaphragme associé au développement consécutif d’une partie des viscères abdominaux dans le thorax. L’incidence de cette malformation est de l’ordre de 1/2500. La lésion diaphragmatique est le plus souvent située à gauche (85 % des cas), plus rarement à droite (15 % des cas) et est exceptionnellement bilatérale. L’étiologie de cette malformation est encore inconnue. Lors de l’annonce du diagnostic au décours de l’échographie prénatale, la première question posée par les futurs parents concerne le pronostic de l’enfant à venir. En période néonatale, le pronostic se pose essentiellement en termes de survie. La survie dépend principalement du retentissement de la malformation sur le développement pulmonaire, c’est-à-dire de la gravité de l’hypoplasie pulmonaire associée. Celle-ci se caractérise par une diminution du nombre de divisions bronchiques et du nombre d’alvéoles. Elle est définie par une réduction du compte radial alvéolaire évalué sur les pièces anatomo-pathologiques. Le système vasculaire se développant parallèlement à l’arbre bronchique, le nombre de ramifications vasculaires est diminué. Il existe une hyper-muscularisation des artérioles pulmonaires secondaire à une hyperplasie de la média et de l’adventice. Ces anomalies anatomiques vasculaires sont associées à une atteinte fonctionnelle caractérisée par une prédominance des systèmes vasoconstricteurs [1]. Environ un tiers des HCD sont associées à d’autres malformations, dans le cadre d’une anomalie chromosomique (trisomie 13, 18, tétrasomie 12p…) ou d’une association syndromique. Dans ce groupe, moins de 15 % des patients survivent. Nous traiterons ici des HCD isolées.
1. Peut-on prédire en anténatal le devenir des enfants porteurs de HCD ? Le diagnostic prénatal de l’HCD est de plus en plus souvent établi par l’échographie de dépistage. On considère que le diagnostic est actuellement posé dans 60 % des cas en Europe [2]. On retrouve à l’échographie des images anéchogènes intra-thoraciques correspondants à des structures digestives (anses intestinales, estomac), l’absence de tissu pulmonaire du même côté, la déviation des structures médiastinales tels que le déplacement controlatéral * Auteur correspondant. e-mail :
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888 © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Archives de Pédiatrie 2009;16:888-890
du cœur et l’absence d’intégrité du diaphragme. La mise en évidence d’une HCD doit conduire à la réalisation d’une échographie de référence afin d’éliminer d’autres malformations associées notamment cardiaques, rénales ou cérébrales, et d’un caryotype fœtal à la recherche d’anomalies chromosomiques. Lorsque le diagnostic de HCD isolée est établi, plusieurs critères recueillis par les techniques d’imagerie prénatale vont permettre d’évaluer le pronostic. L’objectif est de déterminer l’impact de la malformation sur le développement pulmonaire. Certains critères sont controversés, comme l’âge au moment du diagnostic, la présence d’un hydramnios, la mesure de la taille des cavités cardiaques. L’IRM fœtale permet une estimation du volume pulmonaire. Elle détermine le rapport volume observé/volume attendu pour l’âge gestationnel appelé FLV (fetal lung volume), dont la valeur a été corrélée au devenir postnatal. Cependant, les données rapportées dans la littérature sont obtenues tardivement au cours du 3e trimestre de la grossesse [3, 4]. D’autres critères échographiques plus précoces ont été établis. Ils sont utilisés par certaines équipes pour poser l’indication d’un traitement in utero. Le rapport de la surface du poumon controlatéral (mesuré sur une coupe thoracique visualisant les 4 cavités cardiaques) et du périmètre crânien ou LHR (lung-tohead-ratio) mesuré entre 22 et 28 SA est corrélé à la survie. Pour les HCD gauches, il existe aussi une relation entre l’ascension du lobe gauche du foie et le taux de survie. Une étude récente a montré que la valeur prédictive était meilleure lorsque les deux paramètres étaient combinés. Ainsi, dans un groupe de 86 fœtus avec une HCD gauche et une ascension du foie, la survie était respectivement de 0% pour un LHR < 0,7, de 15 % pour un LHR à 0,8-0,9, de 65 % pour un LHR à 1-1,5 et de 83 % pour un LHR > 1,5 [5]. En effet, 90 % des patients avec un LHR < 1,0 et un foie ascensionné sont décédés des conséquences d’une hypoplasie pulmonaire sévère. En revanche, les HCD droites sont beaucoup plus rares et de plus mauvais pronostic. Les critères pronostiques sont moins bien établis, mais une ascension massive du foie et un petit volume pulmonaire estimé par le LHR sont également des critères de gravité. En pratique, l’énoncé d’un pronostic durant la période prénatale repose sur un faisceau d’arguments : c’est l’association des critères de l’échographie et de l’IRM fœtale qui aident à l’évaluation du pronostic fonctionnel et vital de l’enfant à naître. Cependant, chacun des critères utilisés ne permet d’évaluer qu’un risque statistique, qui n’est pas strictement applicable individuellement.
Pronostic néonatal de la hernie de coupole diaphragmatique
Dans une étude récente sur une série de 79 patients ayant bénéficié d’un diagnostic prénatal de HCD et de la réalisation d’une IRM fœtale pour l’évaluation du volume pulmonaire, nous avons montré que 90 % des patients avec un volume pulmonaire fœtal estimé (FLV) < 20 % décédaient. En revanche, 90 % de ceux qui avaient avec un FLV 욷 50 % survivaient [4]. Ces résultats semblent intéressants, en ce qui concerne l’évaluation à l’échelle d’une population. Cependant, que dire précisément aux parents lors d’un conseil prénatal ? Ces résultats montrent aussi que 10 % des enfants avec un FLV < 20 % survivaient et 10 % de ceux avec un FLV 욷 50 % décédaient. Les limites de l’évaluation pronostique sont liées en partie au fait que quels que soient les facteurs anténataux utilisés pour déterminer le pronostic des HCD, ils ne permettent qu’une évaluation anatomique de l’hypoplasie pulmonaire, mais ne fournissent pas d’élément objectif sur le plan fonctionnel. Il faut donc utiliser ces facteurs anténatals avec précaution. On ne peut jamais formellement affirmer le risque de l’enfant à venir, mais on peut laisser pressentir aux parents les difficultés de la réanimation à la naissance.
2. Quel est le pronostic néonatal en termes de survie ? Lorsque l’HCD est isolée, le taux de survie se situe entre 60 et 70 %, bien que certains centres annoncent des taux de survie allant jusqu’à 90 %. La mortalité des patients de ce groupe est essentiellement liée aux difficultés de la réanimation néonatale en raison de l’hypoplasie pulmonaire et de l’hypertension artérielle pulmonaire persistante. Au cours des 20 dernières années, des innovations de la réanimation néonatale, dont la ventilation par oscillation à haute fréquence (OHF), l’assistance respiratoire extra-corporelle (ECMO), le surfactant et le monoxyde d’azote, ont été utilisées pour le traitement des HCD. Les nombreuses études évaluant l’intérêt des différentes stratégies thérapeutiques sont rétrospectives, souvent mono-centriques et basées sur un faible nombre de patients [6]. Ainsi, aucune de ces méthodes n’a clairement démontré qu’elle permettait d’améliorer la survie des patients. Seuls deux principes sont généralement reconnus comme bénéfiques : une ventilation artificielle modérée adaptée aux poumons hypoplasiques, associée à une hypercapnie permissive (gentle ventilation) afin de limiter les lésions de barotraumatisme et la réalisation de la chirurgie différée après stabilisation respiratoire et hémodynamique [7]. Ainsi, une proportion d’enfants porteurs d’HCD isolée décède en période néonatale des conséquences de l’hypoplasie pulmonaire, quelle que soit la stratégie thérapeutique adoptée. Ce constat est à l’origine du concept de traitement prénatal par occlusion trachéale dont l’objectif est d’améliorer le développement pulmonaire fœtal. Le principe de cette technique est de maintenir le liquide pulmonaire in situ afin d’augmenter la pression intra-alvéolaire et de favoriser la croissance pulmonaire. Les premières interventions utilisant ce principe consistaient en une hystérotomie entre 24 et 28 SA, et la mise en place d’un clip sur la tachée du fœtus. Actuellement, l’occlusion trachéale à l’aide d’un clip a été abandonnée pour l’utilisation d’un ballonnet gonflable. Ce procédé nécessite un abord percutané et non une laparotomie, et l’occlusion est obtenue par la mise en place du ballonnet dans le conduit trachéal. Cette technique est beaucoup moins invasive et comporte moins de risques maternel et fœtal.
La première étude américaine évaluant l’occlusion trachéale (OT), randomisée, contrôlée a été interrompue après 24 patients en raison du fort taux de survie dans le groupe contrôle bénéficiant de soins standards (77 % versus 73 % dans le groupe OT). De plus, tous les enfants traités in utero naissaient prématurément [8]. Suite à ces résultats, le programme de traitement prénatal de la HCD a été abandonné aux USA [9]. Simultanément, un programme similaire était débuté en Europe, mais la procédure et les indications étaient en partie différentes. Cette étude se poursuit actuellement, et constitue la série la plus homogène rapportée à ce jour avec 24 HCD gauches isolées [10]. Aucune complication maternelle n’a été observée au cours de la mise en place ou du retrait du ballon permettant l’occlusion. Quinze pour cent des patientes ont présenté une rupture prématurée des membranes (RPM) avant 28 SA et 30 % avant 32 SA. Cependant, le taux de RPM tend à diminuer au cours du temps et avec l’amélioration de l’expérience de l’opérateur. L’âge gestationnel médian à la naissance était de 34 SA, avec 77 % d’enfants nés avant 32 SA. La survie néonatale précoce était de 75 %, 16/24 (66 %) enfants ont été opérés dont 90 % ont nécessité la mise en place d’une plaque pour la fermeture du diaphragme. La survie à la sortie de l’hôpital était de 50 %. Les 12 enfants survivants n’avaient pas de trouble du développement à un âge médian de 15,7 mois. Quatre enfants ont nécessité une oxygénothérapie transitoire. Les causes de décès néonatal sont pour la plupart liées à une insuffisance respiratoire, plus particulièrement en cas d’extrême prématurité, de LHR < 0,6 ou de déplacement du ballon in utero. Dans les autres cas, le décès était secondaire à des complications de la réanimation, de la chirurgie ou de la prématurité. Le taux de survie à la sortie de l’hôpital semblait meilleur lorsque le ballon était retiré avant la naissance (67 % versus 33 %). Dans le groupe contrôle avec les mêmes critères de gravité et sans traitement prénatal, pris en charge à la même période, le taux de survie était de 10 % [10]. Les résultats obtenus avec la technique d’occlusion trachéale par ballonnet sont encourageants. Cependant, cette technique nécessite des améliorations en ce qui concerne les critères pronostiques utilisés pour la sélection des patients, la réalisation pratique de la mise en place du ballonnet et l’évaluation à plus grande échelle et à plus long terme de la population traitée.
3. Conclusion Les techniques d’évaluation anténatale de la sévérité d’une HCD sont en plein développement. Elles ne permettent pas actuellement de déterminer formellement le pronostic néonatal. En revanche, elles présentent un intérêt majeur pour l’évaluation du bénéfice des différentes stratégies de réanimation néonatale. En effet, on ne peut comparer les résultats de différentes équipes si on ne connaît pas le profil de la population prise en charge en termes de niveau de gravité. Ces différents critères permettraient de stratifier les populations en fonction des différents critères pronostiques et d’évaluer avec pertinence les différentes modalités thérapeutiques. Il serait alors possible de déterminer quelle technique est adaptée à quelle situation et de poser des limites à la réanimation néonatale lorsqu’elle paraîtrait déraisonnable.
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D. Mitanchez
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