866
Lettres 5 la rkdaction
Pseudotumeur du grand oblique r6vClatrice d’une sarcdidose TH Loquineau-Wei’, L Voile’ ‘Service de &rim%, ‘service de mr’decine et ~crstruer~tBro/ogiqur, 42328 Ronnne Cedex.
(Rqu
le 6 f~vrier
A Raynaudi,
J Qiu?, J Roche’,
re’&ducutiorz et rPndaptntion fonctinnnelle. ri orientation rhumntolngique centre hospitnlier de Rotmne, France
1995 ; accept6 le 5 juillet
1995)
Les localisations musculaires de la sarcdidose sont le plus souvent asymptomatiques. Elles ne donnent que rarement une expression clinique (mains de 5% de cas) et sont exceptionnellement revelatrices de la maladie [ 11.
Observation Un homme de 69 ans, aux antecedents de maladie de Paget de I’hemibassin droit, se plaint en novembre 1993 d’une douleur des flancs sans notion traumatique. I1 n’y a pas d‘alteration de I’Ctat general. La douleur, d’intensite mod&&e, gene les mouvements du tronc. A la palpation abdominale on pergoit une masse pa&ale mal limitee des flancs. L’examen clinique est par ailleurs normal, en particulier saris adenopathie ni lesion cutanee ni signe oculaire. Le bilan biologique objective un discret syndrome inflammatoire : VS a 54 mm B la Ire heure, 75 a la 2e heure, CRP a 3 I mg/l, haptoglobine a 2,33 g/l (N = 0,6 al ,6). L’enzyme de conversion de I’angiotensine, les enzymes musculaires (aldoIases. creatine phosphokinase), la calcemie, le bilan htpatique et l’electrophorese des proteines seriques sont normaux. L’echographie retrouve un Cpaississement musculaire hypoechogbne asymetrique predominant du c6te gauche de la paroi abdominale anterolaterale. Le scanner confirme la presence d’une hypertrophie musculaire des grands obliques d’aspect tumoral. Une biopsie de la masse musculaire est effectuee. montrant macroscopiquement des masses blanchkres nodulaires de la taille d’une amande. Microscopiquement, le tissu musculaire est remplace par une fibrose dense au sein de laquelle persistent quelques vestiges de fibres musculaires strikes. Cette fibrose est le siege d’infiltrats inflammatoires constitues de lymphocytes, de cellules Cpithelio’ides, de cellules geantes multinucleees avec formation frequente de follicules tpithelio-gigantocellulaires et lymphocytaires. II n’existe pas de n&rose caseeuse. L’ECG, la radiographie pulmonaire, le scanner mediastinopulmonaire sont normaux, ainsi que l’aspect fibroscopique bronchique (biopsies bronchiques non pratiquees). Quant au liquide de lavage alveolaire, il montre une hypercellularite avec 3 I % de lymphocytes et la presence de nombreuses celIules histiocytaires multinucleees de type Langhans. Les explorations fonctionnelles respiratoires ne montrent pas de syndrome restrictif : seule la capacite de transfert a I’oxyde de carbone (DLCO) est a 74% de la valeur theorique : sa valeur rapportee au volume alveolaire d’echange (KCO) Ctant a 66%.
L’ensemble des elements cliniques, paracliniques et sur tout I’aspect histologique caracttristique conduisent au diagnostic de sarco’idose a expression clinique musculaire isolee. Une corticotherapie par voie gtnerale est dCbutCe en janvier 1994 a la dose de 0.5 mg/kg/j de prednisone (soit 40 mg/j). La douleur s’amende rapidement et la tumefaction musculaire anormale a totalement disparu 3 mois plus tard. En juillet, alors que le patient est sous I5 mg/j de prednisone, apparait une rougeur oculaire bilaterale, correspondant a une conjonctivite purulente. Un mois plus tard, lors du controle ophtalmologique, on note une baisse de I’acuite visuelle bilaterale, associee a une reduction du champ visuel. Le diagnostic d’une n&rite optique retrobulbaire sarcoi’dosique est Cvoque devant ce contexte de sarcdidose musculaire, avec fond d’ceil normal, un scanner cerebral normal et une anomalie des potentiels CvoquCs visuels. La posologie de prednisone est reaugmentee a 30 mg/j et cette fois-ci rapidement diminuee (du fait d’une mauvaise tolerance) sous surveillance ophtalmologique. qui montre cependant une recuperation rapide de I’acuite visuelle. Actuellement, le patient est toujours trait6 par 15 mg/j de prednisone.
Discussion L’atteinte musculaire de la sarcoidose est estimee a 5080% lors de biopsies systematiques [2]. La frequence ClevCe et I’innocuite de la biopsie musculaire conduisent certains auteurs a preconiser cette biopsie dans le bilan diagnostique de toute sarcoi’dose atypique et notamment lorsque la preuve histologique manque [3]. Bien que frequente, son silence clinique est de regle. La forme symptomatique peut revetir trois aspects : la myopathie chronique, la plus frequente ; la myopathie aigue, survenant au tours d’une myopathie chronique ou inaugurale ; les nodules musculaires, parfois douloureux, de taille variable, uniques ou plus souvent multiples et dissemines avec une predilection pour les membres inferieurs. Ces deux dernieres formes sent rares et exceptionnellement rev& latrices de la maladie. La scintigraphie au gallium 67 se caracdrise, dans les myopathies sarcdidosiques, par une hyperfixation diffuse et, dans la forme nodulaire et pseudotumorale, par une hypertixation h&erogene, Cet examen corps entier est utile pour apprecier la diffusion de la maladie [4], mais il manque de sensibilite : l’accumulation du gallium au niveau musculaire est rare, contrastant avec la frequence anatomique de cette localisation, mais correlee a la rare presence de manifestations ciiniques [5]. La tomodensitometrie a une moindre valeur diagnostique. L’aspect IRM d’une lesion nodulaire est en revanche tres. caracteristique : en coupes coronale et sagittale on distingue trois bandes, une centrale en hyposignal surmontee de deux bandes externes en hypersignal. En coupe axiale, la structure centrale prend un aspect CtoilC d’hyposignal. entouree parune zone d’hypersignal. Apres injection de gadolinium, il y a un renforcement du signal de la zone peripherique. Cette image correspond histologiquement a une zone centrale de tissu fibreux entouree par un tissu granuleux inflammatoire. L’IRM cst toutefois normale dans les myopathies ; la scintigraphie Ctant alors I’examen le plus interessant [6].
867
Lettres a la redaction
Les symptomes musculaires font volontiers partie d’une satcot’dose diffuse. mais peuvent etre isoles, comme d’autres manfestations insolites [4] telles qu’une forme neurologique. cardiaque, rettale. hepatique, ORL, digestive. genitale, voire pseudophlebitique [7], pouvant etre source du retard diagnostique et thtrapeutique menacant le pronostic fonctionnel et vital Certaines localisations peuvent &treassocites a une atteinte musculaire et doivent ttre recherchtes [I. 21, comme une atteinte myocardique ou une neurosarcoidose. Notre patient a present6 ainsi une atteinte du nerfoptique qui est Cgalement une localisation rare et precoce de neurosarco’idose. Les explorations neurophysiologiques telles que les potentiels Cvoq&s visuels sent tres performantes puisqu’elles permettent de depister des atteintes infracliniques. Cependant, en dehors d’une preuve histologique, il n’existe aucun examen qui puisse affirmer, de facon formelle. le diagnostic de sarco’idose neurologique. L’evolution de la sarcoi’dose musculaire est variable. II semble que les granulomes asymptomatiques sont plus frCquents pendant les 2 premieres anttees de la maladie [2] ; ilx peuvent &tre spontanement resolutifs. Au contraire, dans les formes symptomatiques, l’expression clinique peut apparaitre secondairement. Le traitement repose sur la corticotherapie par voie generale. L’evolution d’une myosite aigue ou d’une forme nodulaire qui se developpent au tours d’une sarco’idose recente semble habituellement favorable, tandis que I’Cchec de lacorticotherapie sur la myopathie chronique est plus frequent [ l] ; le mauvais pronostic Ltant lie a une atteinte musculaire CvoIke, mais peu inflammatoire. comportant une importante
destruction de fibres musculaires. L’evolution de la myopathie est d’autant plus difficile a juger qu’une myopathie cortisonique peut survenir. A la biopsie musculaire, la myopathie cortisonique donne cependant un aspect d’atrophie et de degenerescence, saris signe inflammatoire ni de fibrose [S]. L’arret de la corticotherapie entrainera l’amelioration clinique, mais il existe un risque de rechute. Turiaf J. Battesti JP, Basset F. Sarcoi’doses musculaires hypertrophiques nodulaircs. Atm MPd Infrrnc 1975: 126:503-X Delaney P. Neurologic manifestations in sarcoidosis. Review of the litterature, with a report of 23 cases. Ann intern Med 1977;87:336-45 Cheng KH, Brinkman CJ, Rothova A. An unusual case of neurosarcoidosis confirmed by a muscle biopsy specimen. Am J Ophttr/mo/ 19YO;l IO:5745 Chapelon-Abric C. Les localisationr rarcs de la sarcoydose : aspects cliniques et reflexions sur I’approche diagnostique. Ret M&d Inrrrn~ 1995: I6:27 I-7 Robert J. Aerts J, Desfosscs G. Fixation du gallium 67 au cows d’une rarco’idose musculaire nodulaire. Rel, MPd lnterne 1989: IO:5634 Otake S. Sarcoidoais involving skeletal muscle: imaging findings and relative value of imaging procedures. AJR 1994:162:369-75 Sweeney T. Ramaby G, Keohane M. Edema of the lower extremitie secondary to obstructive sarcoidosis. Angiolog? 1980;31:6Y-71 Milor M, Rivasscau-Jonveaux T, Billy C. Myopathic et affecPork tions musculaires medicamenteuses. Setn HBp 1988;20: 1939.52 Rrv MPd lnterne
(1995)
16. 866.867