Quel critère de qualité devons-nous choisir pour évaluer la chirurgie d’exérèse des cancers du rectum ?

Quel critère de qualité devons-nous choisir pour évaluer la chirurgie d’exérèse des cancers du rectum ?

Modele + ARTICLE IN PRESS Journal de Chirurgie Viscérale (2017) xxx, xxx—xxx Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com ÉDITORIA...

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ARTICLE IN PRESS

Journal de Chirurgie Viscérale (2017) xxx, xxx—xxx

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

ÉDITORIAL

Quel critère de qualité devons-nous choisir pour évaluer la chirurgie d’exérèse des cancers du rectum ?夽 What quality criterion we have to choose to evaluate the surgical resection of rectal cancer?

Nous disposons aujourd’hui pour la chirurgie d’exérèse des cancers du rectum de trois techniques opératoires, différentes et ayant chacune leurs défenseurs : la laparotomie, la cœlioscopie et la chirurgie robotique [1]. Bien sûr, la place de la chirurgie robotique est encore très peu étudiée, alors que la cœlioscopie dispose d’étude de non-infériorité ayant inclus plus de 1000 malades [2]. Difficile de faire un choix raisonné entre ces techniques, sachant que souvent celui qui dispose d’une nouvelle technique va la survaloriser naturellement, ce qui le place, lui et son institution en situation d’avantage concurrentiel. Et de fac ¸on opposée, que celui qui maîtrise depuis de nombreuses années une autre technique n’est pas disposé à refaire sa courbe d’apprentissage d’où une survalorisation de ses propres résultats et un refus de changement. Et parallèlement, la « science médicale » essaye d’évaluer avec ces « petits p » et autres statistiques ces différentes techniques. Dernier travail important sur ce sujet, celui qui a été publié dans la prestigieuse revue JAMA, une évaluation entre la chirurgie par cœlioscopie et la laparotomie [3]. Les patients avaient une radiochimiothérapie préopératoire et la comparaison analysait plus de 450 patients. Les auteurs ont conclu de leur analyse que la cœlioscopie n’avait pas fait preuve de son avantage et ne passait donc pas la barre comme cela a été commenté dans certaines revues (lecancer.fr/Actus-scientifiques). Dans cette étude du JAMA, le taux d’exérèse de bonne qualité était de 81,7 % dans le groupe cœlioscopie versus 86,9 % dans le groupe laparotomie (p = 0,41). Pour les autres données, pas de différence entre les groupes pour la durée de séjour (7,3 vs. 7 jours), le taux de réhospitalisation (3,3 vs 4,1 %) ou le taux de morbidité sévère (22,5 vs 22 %). Mais comment choisir les critères d’une exérèse de qualité en 2016 ? Quel doit être le critère ou les critères pertinents ? Idéalement, il nous faudrait évaluer la survie à 5 ans et rien de plus. Mais vous savez comme moi que celle-ci est loin de refléter la qualité de la chirurgie, sauf en cas d’énorme erreur comme la section en deux de la tumeur. Ainsi, depuis de nombreuses années, les analyses portent sur le taux de récidive locale et non sur la survie dans les cancers du rectum. C’est souvent sur cette notion que nos schémas de radiochimiothérapie ont été basés. Mais dans le JAMA, pas d’étude sur le taux de récidive locale, dans les papiers sur le robot idem, pas le temps ! Il faut attendre 5 ans pour avoir

DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.jviscsurg.2016.12.001. Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc ¸aise de cet article, mais celle de l’article original paru dans Journal of Visceral Surgery, en utilisant le DOI ci-dessus. 夽

http://dx.doi.org/10.1016/j.jchirv.2016.06.010 1878-786X/© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits r´ eserv´ es.

JCHIRV-727; No. of Pages 3

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2 le taux exact de récidive locale et encore, discuter en cas de doute de refaire des biopsies, sachant qu’en cas de suites compliquées de fistules même après guérison, le scanner ne redevient jamais normal en regard de l’anastomose. À l’époque ancienne où nous essayons de valider l’exérèse totale du mésorectum, comme le but de la chirurgie du rectum, les critères de qualité étaient différents [4,5]. Pour avoir une information rapide portant sur la qualité de l’exérèse nous avions pris, il y a 15 ans, le parti de choisir l’analyse de la fonction postopératoire comme un élément majeur. En effet, l’idée était de considérer que si la chirurgie avait été réalisée dans le bon plan, celui de l’exérèse du mésorectum, les nerfs avaient dû être épargnés et donc l’érection, l’éjaculation, la miction préservées. Inutile alors d’attendre 5 ans il suffisait, si le patient n’avait pas eu d’amputation, de l’interroger après la fermeture de la stomie. Mais dès les débuts de la cœlioscopie, ces critères fonctionnels ont été abandonnés, peut-être car non retrouvés au profit de critères plus carcinologiques, mais aussi parce que la fonction sexuelle est par essence discutable et complexe à quantifier. L’autre critère connu depuis 20 ans et qui a fait disparaître les critères fonctionnels a été celui portant sur le nombre de ganglions retrouvés et analysés sur la pièce opératoire, avec toutes les limites de cette analyse mais avec un caractère facile à mesurer. Il faut au moins 12 ganglions. Cette notion est très souvent challengée et fortement discutée mais résiste au temps [6]. Bien sûr, plus le patient est âgé, plus il a rec ¸u de radiothérapie et moins le nombre de ganglion va être élevé. Mais surtout, la génétique propre de la tumeur modifie ce nombre de ganglions [7]. Depuis quelques années, sous l’impulsion de certains chirurgiens et pathologistes, dont des franc ¸ais, c’est l’analyse histologique en plus des ganglions, qui a été proposée comme base des critères de qualité [8]. Certes, l’analyse des marges est un élément majeur, puisque cela définit la chirurgie R0, R1 R2, base de la chirurgie des cancers. Donc, l’analyse de la marge circonférentielle est un élément très fort, moins de 1 millimètre correspondant à une chirurgie R1, donc à un risque plus élevé de récidive locale. Mais, si la tumeur va jusque-là, ce n’est pas le reflet de la qualité de la chirurgie. Donc, les critères discutés aujourd’hui sont ceux de l’intégrité du mésorectum, du fait que la pièce opératoire ait été ou non abîmée, lacérée durant l’exérèse. S’il est complexe de relier cela avec le taux de récidive locale, le fait de ne pas traumatiser lors de la chirurgie un organe porteur d’un cancer est aussi une des notions de base de la chirurgie des tumeurs. Mais, pour disposer d’une telle analyse, il vous faut une équipe de pathologistes très motivés et très attentifs. Sinon, vous pouvez prendre l’habitude d’évaluer votre pièce opératoire vous-même. Ce sont ces critères qui ont été choisis pour l’étude du JAMA et n’ont pas permis de mettre en évidence un avantage pour la cœlioscopie. De la même fac ¸on, les taux de complications postopératoires, de préservation sphinctérienne sont des éléments importants, mais souvent identiques et comparables d’une série à une autre. Ces taux sont souvent le reflet d’une évaluation globale de la structure de soin et pas seulement de l’acte chirurgical. Bien sûr, ces critères de qualité peuvent être vus sous un angle totalement différent. Si la différence entre les techniques est si faible, que fréquemment nos études échouent à mettre en évidence des avantages de l’une ou de l’autre

Éditorial des techniques, la question est peut-être non pertinente. La qualité de la chirurgie ne dépend peut-être pas de la voie d’abord ou de la taille de la cicatrice, mais de la formation de l’équipe et de son niveau d’expertise. Nous savons que plus que le chirurgien seul, c’est la qualité du radiologue, du pathologiste et de tous les acteurs qui compte. Si le radiothérapeute n’épargne pas le sphincter pour un cancer du moyen rectum, même avec une bonne chirurgie, la continence finira par se dégrader fortement avec le temps. Ne faut-il pas plus évaluer nos pratiques sur ces résultats ? Connaissez-vous le délai entre la biopsie positive du cancer du rectum et le début de la radiothérapie préopératoire dans votre équipe ? Savez-vous à deux ans de leur chirurgie rectale, combien de patients ont repris leurs activités professionnelles sans devoir faire des ajustements majeurs du fait des séquelles de la chirurgie ? La survie sans récidive locale doit être notre critère de qualité le plus important mais la chirurgie doit aussi s’évaluer autrement que par l’analyse de la pièce opératoire et du coût de la chirurgie. Les séquelles de la chirurgie pourraient être au centre de ces évaluations comme critère de qualité comme cela est exposé dans une mise au point associée à ce numéro [9]. Il faut donc peut-être revoir nos modes d’analyse des critères de qualité de la chirurgie des cancers du rectum, en valorisant moins les critères histologiques. Les critères de qualité ne peuvent être que des critères en rapport avec le bénéfice direct du patient, survie sans récidive, avec des séquelles limitées et avec une qualité de vie préservée.

Déclaration de liens d’intérêts L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

Références [1] Dumont F, Mariani A, Elias D, Goéré D. Surgical strategy for low rectal cancers. J Visc Surg 2015;152:23—31. [2] Bonjer HJ, Deijen CL, Abis GA, et al. A randomized trial of laparoscopic versus open surgery for rectal cancer. N Engl J Med 2015;372(14):1324—32. [3] Fleshman J, Branda M, Sargent DJ, Boller AM, George V, Abbas M, et al. Effect of laparoscopic-assisted resection vs open resection of stage II or III rectal cancer on pathologic outcomes: the ACOSOG Z6051 randomized clinical trial. JAMA 2015;314: 1346—55. [4] Pocard M, Zinzindohoue F, Haab F, Caplin S, Parc R, Tiret E. A prospective study of sexual and urinary function before and after total mesorectal excision with autonomic nerve preservation for rectal cancer. Surgery 2002;131:368—72. [5] Kim NK, Aahn TW, Park JK, et al. Assessment of sexual and voiding function after total mesorectal excision with pelvic autonomic nerve preservation in males with rectal cancer. Dis Colon Rectum 2002;45:1178—85. [6] van Erning FN, Lemmens VE. Adequacy of lymph node yield and staging in rectal cancer should not be determined based on a minimum number of lymph nodes evaluated. Int J Colorectal Dis 2016;31:149, http://dx.doi.org/10.1007/s00384-015-2173-2 [Epub 2015 Mar 8]. [7] Eveno C, Nemeth J, Soliman H, Praz F, de The H, Valleur P, et al. Association between a high number of isolated lymph nodes in T1 to T4 N0M0 colorectal cancer and the microsatellite instability phenotype. Arch Surg 2010;145(1):12—7.

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Éditorial [8] Rullier A, Laurent C. Recommendations for clinical practice. Therapeutic choices for rectal cancer. What quality criteria are important for surgical excision of rectal cancer. Gastroenterol Clin Biol 2007;31(Spec No 1):1S34—511S. [9] Abdelli A, Tillou X, Alves A, Menahem B. Séquelles génitourinaires après résection rectale carcinologique. Que dire aux patients en 2016? J Vis Surg 2016 [sous presse].

3 M. Pocard Service de chirurgie digestive et cancérologique, université Paris-Diderot, Sorbonne Paris Cité, hôpital Lariboisière, AP—–HP, 2, rue Ambroise-Paré, 75010 Paris, France Adresse e-mail : [email protected]