Série « Tabacologie » Coordonnée par C. Raherison et P. Carré
Quelle est l’efficacité des corticoïdes chez l’asthmatique qui fume ? P.-O. Girodet1, 2
Résumé La corticothérapie inhalée est le traitement anti-inflammatoire de référence dans l’asthme persistant. Ces recommandations sont issues de données obtenues chez les asthmatiques nonfumeurs. L’objectif de cette revue est de préciser les interactions entre le tabac et le métabolisme des corticoïdes et d’examiner les conséquences d’une telle interaction au niveau clinique et fonctionnel respiratoire. Les mécanismes d’inhibition des corticoïdes par les constituants du tabac comportent une surexpression de récepteurs non fonctionnels aux glucocorticoïdes de type β, une augmentation de l’activation de facteurs de transcription (NF-κB) et de cytokines pro-inflammatoires (IL-4, IL-8, TNF-α) et une diminution de l’activité des histones déacétylases. Contrairement aux asthmatiques non-fumeurs, la corticothérapie inhalée n’améliore pas le contrôle de l’asthme, la fonction ventilatoire ni l’obstruction bronchique chez l’asthmatique fumeur. L’efficacité thérapeutique des cures courtes de corticoïdes per os est également diminuée chez les patients fumeurs par rapport aux non-fumeurs. Le sevrage tabagique est une priorité dans la prise en charge thérapeutique des asthmatiques fumeurs. Mots-clés : Asthme • Tabac • Corticorésistance.
1 CHU de Bordeaux, Hôpital du Haut-Lévêque, Service des Maladies Respiratoires, France. 2 Université Bordeaux 2, Laboratoire de Physiologie Cellulaire Respiratoire, Inserm U885, Bordeaux, France.
Correspondance : P.-O. Girodet CHU de Bordeaux, Hôpital du Haut-Lévêque, Service des Maladies Respiratoires, avenue de Magellan, 33604 Pessac.
[email protected] Réception version princeps à la Revue : 22.05.2007. 1er demande de réponse aux auteurs : 19.07.2007. Réception de la réponse des auteurs : 18.10.2007. Acceptation définitive : 18.10.2007.
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P.-O. Girodet
What is the therapeutic response to corticosteroid in smokers with asthma?
P.-O. Girodet
Summary Inhaled corticosteroid is the first choice antiinflammatory therapy for chronic asthma. International guidelines are based upon data obtained in the non-smokers with asthma. The objective of this review is to highlight the interaction between cigarette smoking and metabolism of steroids and to consider the consequences of such an interaction on clinical and respiratory function. The mechanisms of corticosteroid resistance induced by cigarette smoking results of overexpression of glucocorticoid receptor β, increased activation of pro-inflammatory transcription factors (nuclear factor-κB) and cytokines (IL-4, IL-8, TNF-α) or reduced histone deacetylase activity. Compared with non smokers with asthma, inhaled corticosteroids in smokers with asthma does not improve asthma control, lung function and bronchial obstruction. Active smoking impairs the efficacy of short-term oral corticosteroid treatment. Smoking cessation is the highest priority in smokers with asthma. Key-words: Asthma • Tobacco • Corticosteroid resistance.
Introduction Les données épidémiologiques dont on dispose révèlent une augmentation du nombre d’asthmatiques fumeurs par rapport au nombre d’asthmatiques non-fumeurs. Selon les études, 17 à 35 % des asthmatiques sont des fumeurs actifs [1-3]. Si l’on prend en compte les ex-fumeurs et les fumeurs actifs, cette proportion atteint 50 % des asthmatiques [4]. Le tabagisme exerce des effets délétères chez l’asthmatique avec des conséquences sur le phénotype [5, 6] et la sévérité de la maladie asthmatique [1, 2], le contrôle de l’asthme et le déclin de la fonction ventilatoire. En effet, de nombreux essais cliniques ont montré une augmentation du nombre d’exacerbations chez les asthmatiques fumeurs par rapport aux non-fumeurs, plus de réveils nocturnes, recours aux soins (consultations médicales, hospitalisations en urgence) plus fréquents [7, 8], mais aussi davantage de crises d’asthme grave [9] et majoration de la mortalité par asthme [10]. Selon les recommandations internationales [11], la corticothérapie inhalée représente le traitement anti-inflammatoire de référence pour l’asthme persistant. Cependant, ces lignes de conduites reposent sur des données obtenues chez des sujets non-fumeurs, l’efficacité des corticoïdes inhalés chez l’asthmatique fumeur ayant fait l’objet d’un nombre relativement restreint d’études cliniques. Cette observation repose probablement sur les critères d’inclusion sélectifs de la majorité des essais cliniques et notamment sur le recrutement d’asthmatiques non-fumeurs. L’objectif principal de cette revue est de préciser les interactions entre le tabac et le métabolisme des corticoïdes inhalés et d’examiner les conséquences d’une telle interaction au niveau clinique et fonctionnel respiratoire.
Abréviations
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AP-1
:
Activating protein-1 ;
DEP
:
Débit expiratoire de pointe ;
GCR
:
Récepteur des glucocorticoïdes ;
HDAC
:
Histones déacétylases ;
HRB
:
hyperréactivité bronchique ;
IL
:
Interleukine ;
MAP kinase
:
Mitogen-activated protein kinase ;
NF-κB
:
Nuclear factor-kappaB ;
NO
:
Monoxyde d’azote ;
PD20
:
Dose minimale de métacholine induisant une diminution de 20 % du VEMS ;
TNF
:
Tumor necrosis factor ;
VEMS
:
Volume expiré maximal en une seconde.
Quelle est l’efficacité des corticoïdes chez l’asthmatique qui fume ?
Approche pharmacologique fondamentale Si la réponse aux corticoïdes peut être réduite lors de situations augmentant le stress oxydatif ou l’inflammation (ozone, bactéries, virus, allergènes), une cause majeure chez l’adulte de diminution des effets des corticoïdes inhalés et oraux est le tabagisme [12-14]. L’effet délétère du tabagisme est tel que le terme de corticorésistance est consacré par l’usage chez les asthmatiques fumeurs. Les mécanismes impliqués dans la diminution de l’efficacité des corticoïdes inhalés induite par le tabac sont probablement multiples et ont fait l’objet d’études expérimentales récentes.
Rôle pro-inflammatoire des constituants du tabac (tableau I) L’exposition chronique à la fumée du tabac induit une augmentation de la production de cytokines participant à l’entretien de la réaction inflammatoire dans les voies aériennes, notamment le TNF-α (tumor necrosis factor-α) [15, 16], l’IL-4 (interleukine-4) [17] et l’IL-8 [16]. Une diminution de la production d’IL-10, cytokine dotée de propriétés anti-inflammatoires, est rapportée dans l’expectoration [18]. De plus, le stress oxydant provoqué par l’ozone est générateur de métabolites bronchoconstricteurs de l’acide arachidonique, tel que le 8-Isoprostane, un isomère de prostaglandine-F (2 alpha), dont la synthèse n’est pas régulée par la corticothérapie [19]. En outre, le NO (monoxyde d’azote) participe probablement à la diminution de réponse aux corticoïdes observée chez les asthmatiques fumeurs. D’une part, la fumée de tabac contient des concentrations élevées de NO. Cet apport exo-
Tableau I.
Effets pro-inflammatoires des constituants du tabac. Mécanismes
Références
Augmentation production cytokines pro-inflammatoires TNF-α
[15,16]
IL-4
[17]
IL-8
[16]
Diminution production cytokine anti-inflammatoire IL-10
[18]
Production 8-isoprostane
[19]
Production NO endogène
[20]
Stress oxydant
Apport NO exogène
[50]
gène est complété, d’autre part, par la source endogène de NO issue du stress oxydatif induit par le tabac [20]. Or, l’augmentation du taux de NO exhalé a été rapportée dans les exacerbations de la maladie asthmatique et les asthmes sévères [21]. Ces observations sont nuancées par le fait que le taux de NO exhalé est plus faible chez les asthmatiques fumeurs non traités par corticoïdes, sans atteindre cependant la diminution rapportée pour les fumeurs non asthmatiques [22]. En théorie, les corticoïdes administrés par voie inhalée s’opposent point par point aux effets pro-inflammatoires du tabac. Cependant, les constituants du tabac influent également sur le métabolisme et le mécanisme d’action des glucocorticoïdes.
Impact du tabagisme sur la pharmacocinétique des glucocorticoïdes Le dépôt bronchique des glucocorticoïdes inhalés est susceptible d’être diminué par les lésions induites par le tabac, telles que l’augmentation de la production de sécrétions bronchiques [23] et l’augmentation de la perméabilité de la muqueuse des voies aériennes [24]. Ces mécanismes ne sont probablement pas les seuls en cause car le tabagisme n’influe pas sur le métabolisme de la prednisone, la prednisolone et la dexaméthasone [25]. De plus, ils n’expliquent pas la corticorésistance rapportée avec la prednisolone administrée per os chez les asthmatiques fumeurs [14].
Effets du tabac sur le mode d’action moléculaire des glucocorticoïdes L’initiation du mécanisme d’action des corticoïdes résulte de la fixation de ces molécules sur des récepteurs aux glucocorticoïdes (GCR) intracytoplasmiques. La moindre réponse aux corticoïdes pourrait être en rapport avec une diminution du nombre de récepteurs α et/ou une augmentation de l’expression des récepteurs non fonctionnels de soustype β [26-30]. L’épissage alternatif du pré-ARNm du récepteur des glucocorticoïdes génère en effet un second type de récepteur, nommé GCR β, qui ne se lie pas aux glucocorticoïdes mais s’oppose à l’activité fonctionnelle du récepteur de sous-type β. Or, le tabac est susceptible d’entraîner un déséquilibre de cette balance par ses propriétés pro-inflammatoires. En effet, de nombreux médiateurs et cytokines dont la production est augmentée par l’exposition au tabac induisent une augmentation de l’expression du GCR β [31, 32]. Une seconde hypothèse est une altération de l’interaction entre GCR et récepteurs β-adrénergiques. L’effet inhibiteur exercé par les composants du tabac sur le nombre et la fonction des récepteurs β-adrénergiques [33] pourrait altérer les propriétés des β-agonistes consistant à favoriser © 2008 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
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la localisation nucléaire des récepteurs aux glucocorticoïdes [34]. En outre, certains médiateurs produits lors de la réaction inflammatoire diminuent par eux-mêmes la réponse à la corticothérapie. En effet, certaines cytokines pro-inflammatoires peuvent diminuer l’affinité, le nombre, la translocation nucléaire et les actions génomiques des récepteurs des glucocorticoïdes [35, 36]. Par exemple, l’IL-1 α inhibe la translocation nucléaire et l’activité transcriptionnelle des récepteurs des glucocorticoïdes activés par les corticoïdes [35]. À l’issue de la fixation des glucocorticoïdes sur leurs récepteurs, les voies de transduction consistent en l’activation d’une cascade de protéines intra-cytoplasmiques en aval desquelles interviennent les facteurs de transcription. Il s’agit de messagers nucléaires transférant une information provenant du cytoplasme vers le noyau et dont la liaison à l’ADN induit une augmentation ou une diminution de la transcription des gènes. Les glucocorticoïdes s’opposent à l’effet pro-inflammatoire induit par certains facteurs de transcription, au premier rang desquels NF-κB (nuclear factor-kappaB) et AP-1 (Activating protein-1) [37]. Or, outre leur action au niveau des médiateurs de l’inflammation, certains constituants du tabac tel que le lipopolysaccharide bactérien activent ces facteurs de transcription pro-inflammatoires, notamment NF-κB [38]. Certains auteurs ont suggéré que la corticorésistance observée dans certaines pathologies inflammatoires chroniques, telle que la maladie de Crohn, serait en rapport avec une augmentation de l’activation de NF-κB dans les cellules épithéliales de la paroi du tube digestif [39]. Un tel rôle de NF-κB dans la corticorésistance induite par les constituants du tabac est une hypothèse séduisante mais n’a pas été démontré jusqu’à présent. Une seconde éventualité est que d’autres facteurs de transcription pro-inflammatoires, en particulier AP-1, sont surexprimés dans les cellules de la paroi bronchique des asthmatiques fumeurs [40]. Cette hypothèse est renforcée par des arguments expérimentaux suggérant un rôle central pour AP-1 dans la corticorésistance rapportée chez certains sujets asthmatiques [41]. Les glucocorticoïdes diminuent l’activité et l’expression d’enzymes nucléaires dénommées histones acétyltransférases [42]. La réduction de l’acétylation de la chromatine limite ainsi la transcription des gènes proinflammatoires. Le tabac s’oppose à cet effet en induisant une acétylation des histones par l’inhibition des histones déacétylases (HDAC). Les principaux mécanismes induits par les constituants du tabac sur le mode d’action moléculaire des glucocorticoïdes sont représentés sur la figure 1.
Fig. 1.
Représentation schématique des mécanismes de corticorésistance induits par le tabac. Abréviations : AP-1 : Activating protein-1 ; GCR : Récepteur des glucocorticoïdes ; HDAC : Histones déacétylases ; NF-κB : Nuclear factor-kappaB ; T : Mécanisme induit par les constituants du tabac.
• L’exposition chronique à la fumée du tabac majore la production de cytokines pro-inflammatoires dans les voies aériennes et le NO de la fumée atténue la réponse aux corticoïdes. • La baisse du dépôt bronchique des glucocorticoïdes inhalés chez le fumeur n’est vraisemblablement pas la seule cause de la diminution de leurs effets sur l’asthme. • La moindre réponse aux corticoïdes pourrait s’expliquer par une diminution du nombre de récepteurs aux glucocorticoïdes et par leur inhibition par des cytokines proinflammatoires.
Réponse thérapeutique aux corticoïdes chez l’asthmatique fumeur Paradoxalement, alors que le pourcentage de fumeurs chez les asthmatiques est élevé et qu’il s’agit d’une situation fréquente en pratique clinique, il existe peu de données dans la littérature internationale permettant de décrire une diminution de la réponse à la corticothérapie, administrée par voie inhalée ou par voie orale.
Corticoïdes inhalés • Une cause majeure de diminution des effets des corticoïdes inhalés et oraux est le tabagisme.
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Dans cette thématique, l’étude de Pedersen et coll. [12] est intéressante car elle concerne 85 adultes asthmatiques
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non allergiques (n = 85) suivis sur le long terme, pendant 11 mois. Trois groupes sont constitués avec un traitement de fond par budésonide inhalé à forte dose (1 600 μg par jour), budésonide inhalé à faible dose (400 μg par jour) ou théophylline per os. Si l’on compare les résultats obtenus avant et après 11 mois de traitement, une augmentation significative du VEMS (volume expiré maximal en une seconde) et une diminution de l’HRB (hyperréactivité bronchique) à l’histamine sont observées pour les patients non-fumeurs, traités par budésonide à forte posologie. Au sein d’un sous-groupe de sujets asthmatiques fumeurs, un tel effet sur la fonction respiratoire n’est pas constaté, y compris au décours d’une administration de budésonide à forte posologie. Un autre argument en ce sens est apporté par une étude portant sur 38 asthmatiques persistant léger, dont 21 non-fumeurs, dans laquelle l’effet de la fluticasone (1 000 μg par jour pendant 3 semaines) est évalué [13]. Par rapport au groupe placebo, les sujets non-fumeurs traités par fluticasone ont une augmentation du DEP (débit expiratoire de pointe) matinal (27 l/min) et du VEMS (0,17 l) et une élévation de la PD20 (dose minimale de métacholine induisant une diminution de 20 % du VEMS) lors d’un test de provocation ventilatoire à la métacholine. Ces modifications, témoignant d’une amélioration de la fonction ventilatoire et d’une diminution de l’obstruction bronchique et de l’HRB, n’ont pas été observés chez les sujets fumeurs. Ces résultats sont nuancés par une étude relativement récente, dans laquelle la réponse thérapeutique chez les asthmatiques fumeurs varie selon la posologie du corticoïde inhalé [43]. Le concept est une étude multicentrique portant sur 95
asthmatiques persistant léger, randomisés en deux groupes parallèles : béclométasone 400 μg par jour et béclométasone 2 000 μg par jour pendant 3 mois. Au sein du groupe traité par béclométasone à faible posologie (400 μg par jour), il existe une augmentation significative de la moyenne du DEP matinal (fig. 2) et une diminution du nombre d’exacerbations de la maladie asthmatique chez les non-fumeurs par rapport aux fumeurs. Ces différences cliniques et fonctionnelles respiratoires entre non-fumeurs et fumeurs se réduisent dans le groupe traité par béclométasone à forte posologie. L’interprétation des résultats est cependant difficile chez les asthmatiques fumeurs traités par de fortes posologies de corticoïdes inhalés car les moyennes des différences de DEP sont quasiment identiques et les écarts types plus importants sont susceptibles de supprimer les différences éventuelles (fig. 2). Les auteurs concluent que la corticorésistance rapportée chez les asthmatiques fumeurs est susceptible d’être surmontée par l’augmentation de la dose de corticoïde délivrée au poumon.
Corticoïdes oraux
Dans la littérature internationale, un nombre limité de travaux a évalué l’influence du tabagisme sur l’efficacité des corticoïdes administrés par voie orale chez l’asthmatique. Le concept de l’étude de Chaudhuri et coll. [14] est un essai en crossover contre placebo dont l’objectif est d’évaluer la réponse thérapeutique à une cure courte de corticoïde per os dans l’asthme persistant (VEMS basal moyen : 69,3 % ; posologie journalière moyenne de corticoïde inhalé : 491 μg équivalent béclométasone) en état stable. Un traitement par prednisolone (40 mg par jour) ou placebo est administré pendant 2 semaines chez des asthmatiques fumeurs, ex-fumeurs et non-fumeurs. Le principal résultat de cette étude est une amélioration significative du VEMS, du DEP matinal et d’un score de contrôle de l’asthme après traitement par prednisolone par rapport au placebo pour les asthmatiques non-fumeurs. Aucune modification n’est observée dans le groupe des asthmatiques fumeurs pour les trois paramètres en question. Les résultats sont davantage contrastés pour les ex-fumeurs asthmatiques, avec une augmentation sensible des valeurs de DEP matinal et l’absence d’amélioration du VEMS et du score de contrôle de l’asthme. Ce travail apporte donc un argument fort pour démontrer Fig. 2. Moyenne (IC 95 %) des différences du DEP matinal (l/min) entre non-umeurs et fumeurs asthque le tabagisme actif altère l’effimatiques traits par différentes doses journalières de béclométasone inhalé. *p < 0,01 en compacacité des cures courtes de corticoïrant les asthmatiques fumeurs versus les asthmatiques non-fumeurs. Adapté d’après [43]. des chez les asthmatiques au © 2008 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
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niveau clinique et fonctionnel respiratoire. Cette conclusion peut être nuancée par une seconde étude clinique [44], dont le concept consiste à rechercher les facteurs prédictifs d’une moindre réponse à la corticothérapie dans l’asthme persistant léger instable. Il ressort de cette publication que le tabagisme actif est associé à une absence d’amélioration du VEMS à l’issue d’une corticothérapie orale. En revanche, le tabac n’apparaît pas comme étant un facteur prédictif des variations de la PD20 et de la qualité de vie dans l’échantillon de sujets asthmatiques étudié.
Facteurs influençant la modulation de la corticorésistance Si la corticorésistance chez les asthmatiques fumeurs est documentée pour les formes inhalées, et à un degré moindre pour les formes orales, les facteurs amplifiant ou diminuant cette résistance n’ont pas été clairement identifiés. Concernant l’intensité du tabagisme, les données dont on dispose concernent des patients dont le tabagisme varie entre 10 et 26 paquets-année [13, 14]. Ces valeurs posent le problème de formes cliniques frontières entre asthme et bronchopneumopathie chronique obstructive, d’une part, et signifient que les effets d’un tabagisme plus important ne sont pas déterminés d’autre part. Le rôle de la consommation journalière de tabac lors de la prise médicamenteuse, mais aussi le rôle du tabagisme passif, sont des voies d’étude à explorer. D’autres facteurs sont susceptibles de réguler la réponse aux corticoïdes inhalés : outre l’ancienneté et la sévérité de l’asthme, citons la durée et la posologie de la corticothérapie inhalée, mais aussi certains facteurs exogènes (infections virales, pollution) et des paramètres individuels (observance, technique d’inhalation). L’intervention de prédispositions génétiques peut également être envisagée, même en l’absence d’argument en ce sens dans la littérature internationale à l’heure actuelle.
dienne, la plupart des essais thérapeutiques incluent des patients non-fumeurs. Cet élément constitue un biais en soi pour évaluer la reproductibilité des résultats issus des essais cliniques dans la pratique courante. Dans l’idéal, les essais thérapeutiques dans l’asthme devraient comporter quatre groupes de patients : asthmatiques non-fumeurs, asthmatiques fumeurs, témoins non-fumeurs et témoins fumeurs. Dans cette hypothèse, l’écueil à éviter serait la sélection de sujets présentant un asthme et une BPCO intriquée, le risque étant de conclure à tort à l’absence d’efficacité du traitement à l’essai chez les asthmatiques fumeurs. D’un point de vue thérapeutique, certains auteurs suggèrent d’ajouter d’autres traitements tels que les bêta-2 agonistes de longue durée d’action, les inhibiteurs non spécifiques de phosphodiestérases [4, 45, 46] ou les antagonistes des récepteurs aux leucotriènes [47]. Cet argumentaire repose sur les pratiques cliniques recommandées dans la BPCO et sur des expérimentations in vitro pour la théophylline [48]. Cependant, l’évaluation de l’efficacité de traitement antiasthmatique complémentaire ou alternatif des corticoïdes inhalés n’a pas fait l’objet d’essai clinique standardisé de grande ampleur. Par conséquent, même si de nombreuses questions restent en suspens concernant les conséquences de l’arrêt du tabagisme sur la corticorésistance, l’absolue nécessité du sevrage tabagique doit être répétée, pour permettre aux corticoïdes inhalés d’exercer leurs puissantes propriétés pharmacodynamiques. Ce conseil aux patients résonne comme une évidence mais la prévention des maladies respiratoires par le sevrage tabagique au niveau de l’individu [49] et des populations a prouvé son efficacité.
Références 1
• L’augmentation du VEMS et la diminution de l’hyperréactivité bronchique à l’histamine induites par le budésonide et la fluticasone chez les non-fumeurs, ne sont pas observées chez le fumeur. • La corticorésistance rapportée chez les asthmatiques fumeurs pourrait être surmontée par l’augmentation de la dose de corticoïde inhalé délivrée au poumon. • La prednisolone per os n’améliore pas significativement le VEMS, le DEP matinal et le score de contrôle de l’asthme chez le fumeur.
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À RETENIR 15
• La moitié des asthmatiques sont des ex-fumeurs ou des fumeurs actifs. • La corticothérapie inhalée est le traitement antiinflammatoire de référence pour l’asthme persistant, mais son efficacité est moindre chez le fumeur. • Le tabagisme est une cause majeure de diminution des effets des corticoïdes inhalés et oraux chez l’adulte. • Les corticoïdes agissent en se fixant sur des récepteurs intracytoplasmiques. • L’exposition chronique à la fumée du tabac augmente la production de cytokines proinflammatoires dans les voies aériennes. • Le NO participe probablement à la diminution de réponse aux corticoïdes observée chez les asthmatiques fumeurs. • Le tabagisme active les facteurs nucléaires de transcription pro-inflammatoires et accentue l’acétylation de la chromatine, majorant ainsi la transcription des gènes pro-inflammatoires. • La corticorésistance constatée chez les asthmatiques fumeurs pourrait être surmontée par l’augmentation de la dose de corticoïde inhalé délivrée au poumon.
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• Le tabagisme actif altère l’efficacité des cures courtes de corticoïdes par voie orale. 26 8
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