Récepteurs nucléaires PPAR et hépatologie : implications physiopathologiques et thérapeutiques

Récepteurs nucléaires PPAR et hépatologie : implications physiopathologiques et thérapeutiques

Gastroentérologie Clinique et Biologique (2008) 32, 339—350 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com MISE AU POINT Récepteurs nucléaires PPAR e...

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Gastroentérologie Clinique et Biologique (2008) 32, 339—350 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com

MISE AU POINT

Récepteurs nucléaires PPAR et hépatologie : implications physiopathologiques et thérapeutiques Nuclear receptor PPAR and hepatology: Pathophysiological and therapeutical aspects S. Dharancy a,b,c,∗, A. Louvet a,b,c, A. Hollebecque a,b,c, P. Desreumaux a,b,c, P. Mathurin a,b,c, L. Dubuquoy a,b,c a

Inserm U795, boulevard du Professeur-Jules-Leclercq, 59037 Lille, France Université Lille-2, 59037 Lille, France c Service des maladies de l’appareil digestif et de la nutrition, hôpital Huriez, CHRU de Lille, 59037 Lille, France b

Disponible sur Internet le 8 avril 2008

Résumé En l’espace de quelques années, l’intérêt et le champ d’application des récepteurs nucléaires se sont développés, ouvrant quelques perspectives thérapeutiques dans les principales hépatopathies chroniques. Les récepteurs activés par les proliférateurs des péroxysomes (PPAR) contribuent à une grande diversité de processus physiologique au niveau hépatique tels que le contrôle du métabolisme lipidoglucidique, la réaction inflammatoire, la différenciation et le cycle cellulaire. Les approches cellulaires et les études expérimentales faites chez l’animal ont mis en évidence que le récepteur PPAR␣ exerce essentiellement une activité antiinflammatoire et que le récepteur PPAR␥ exerce une activité anti-inflammatoire, antifibrosante et antiproliférative au niveau hépatique. Les principaux agonistes actuellement disponibles pour ces récepteurs sont les fibrates (PPAR␣) utilisés depuis plus de 20 ans pour les anomalies du métabolisme lipidique et les glitazones (PPAR␥) utilisées depuis 2000 pour le diabète de type 2. En termes d’application thérapeutique chez l’homme, c’est dans le cadre des stéatopathies que les études animales sont les plus nombreuses et que les essais thérapeutiques sont les plus avancés. Néanmoins une attention particulière devra être apportée aux effets indésirables spécifiques des glitazones, notamment sur le plan cardiaque. © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Summary In last few years, the topic of nuclear receptor has been developed in the field of hepatology allowing envisaging therapeutic strategies for the most frequent chronic liver diseases. Peroxysome proliferator-activated receptors (PPAR) contribute to wide physiological processes within the liver such as lipid/glucid metabolisms, inflammatory response, cell differenciation and cell cycle. In vitro experiments and animal studies showed that PPAR␣



Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (S. Dharancy).

0399-8320/$ – see front matter © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.gcb.2008.01.029

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S. Dharancy et al.

discloses anti-inflammatory property and PPAR␥ discloses anti-inflammatory, antifibrogenic and antiproliferative properties in the liver. Main available agonists are fibrates (PPAR␣) used for 20 years in cases of lipid metabolism abnormalities and glitazones (PPAR␥) used since 2000 for type 2 diabetes. In terms of therapy, animal studies and human trials have been conducted in steatopathies. However, clinicians have to be aware of potential specific side effects related to glitazones especially on cardiovascular system. © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

La superfamille des récepteurs nucléaires La superfamille des récepteurs nucléaires est composée par un ensemble hétérogène d’environ 70 facteurs de transcription (50 représentants chez l’homme) remarquablement conservés au cours de l’évolution dans le règne animal et présents dans toutes les cellules eucaryotes [1,2]. Les récepteurs nucléaires ont la capacité de transloquer du cytoplasme dans le noyau pour moduler l’activité transcriptionnelle de gènes cibles en se fixant sur des régions spécifiques de l’ADN, les éléments de réponse, situés dans la région promotrice (Fig. 1). L’activité de la plupart des récepteurs nucléaires est régulée par des ligands lipophiles identifiés, les autres, sans ligands ou sans ligands identifiés sont dénommés récepteurs orphelins [3]. Les premiers récepteurs nucléaires clonés au milieu des années 1980 étaient les récepteurs pour les glucocorticoïdes et pour les estrogènes [4,5]. La découverte des autres représentants s’est faite à partir de l’étude de banques d’ADN complémentaire provenant de cellules répondant aux glucocorticoïdes.

Structure et classification des récepteurs nucléaires Les récepteurs nucléaires partagent une homologie de structure organisée en plusieurs domaines fonctionnels

(Fig. 2). La partie N-terminale porte les domaines A et B avec une partie fonctionnelle transactivatrice indépendante des ligands (AF-1) impliquée dans l’interaction avec les différents coactivateurs et corépresseurs. Le domaine C, très conservé, assure la liaison avec l’ADN (le DNA binding domain). La région D est une région charnière possédant un rôle conformationnel. La partie C-terminale porte les domaines E et F sièges du site de liaison avec les ligands (le ligand binding domain) et d’une partie transactivatrice AF-2 dépendante des ligands [6]. Un système unifié de classification basé sur l’alignement phylogénique des domaines DBD et E a été mis en place en 1999 [7] mais de fac ¸on plus pragmatique cette superfamille a été divisée en quatre classes selon leur modalité d’interaction avec l’ADN (hétérodimère, monomère ou homodimère) et leur ligand [8]. Ces classes sont les suivantes : la classe 1 des récepteurs pour les stéroïdes; la classe 2 des récepteurs formant un hétérodimère avec le récepteur X pour les rétinoïdes (RXR); la classe 3 des récepteurs homodimériques et la classe 4 des récepteurs monomériques [9]. La classe 2 est divisée en plusieurs sous-familles de récepteurs nucléaires : les récepteurs pour l’acide rétinoïque, les récepteurs pour les hormones thyroïdiennes, le récepteur de la vitamine D et les récepteurs activés par les proliférateurs des péroxysomes (PPAR) [10].

Figure 1 Représentation schématique de l’activité transcriptionnelle des récepteurs nucléaires : dans le noyau de la cellule, l’hétérodimère PPAR-RXR interagit avec l’élément de réponse (ER) localisé dans la région promotrice des gènes cibles pour induire leur transcription. Co-act : coactivateur ; Co-Rep : corépresseur. Transcriptional activity of nuclear receptor: In the nucleus of cell, heterodimer PPAR-RXR interacts with the response element and induce transcription of target genes.

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Figure 2 Organisation structurale et classement des récepteurs nucléaires. Les récepteurs nucléaires ont une structure qui peut être divisée en six domaines (de A à F) supportant des fonctions différentes. (D’après [8]). DBD : DNA binding domain ; LBD : ligand binding domain. Structural organisation and classification of nuclear receptor. Nuclear receptor structure include six domains (from A to F) supporting different functions (from [8]).

Activité transcriptionnelle de l’hétérodimère PPAR/RXR Dans le noyau de la cellule, l’hétérodimère PPAR/RXR est lié à des corépresseurs qui empêchent sa liaison à l’ADN. La fixation au ligand provoque un changement conformationnel qui modifie l’accessibilité du domaine AF2 et remplace les corépresseurs par des coactivateurs. L’hétérodimère interagit avec l’élément de réponse de la région promotrice du gène cible et induit ou réprime la transcription des gènes. L’hétérodimerisation avec le RXR apporte une très forte augmentation de l’affinité pour le site de fixation. La liaison à l’ADN se fait sur une séquence consensus. En fonction du partenaire de dimérisation, chaque complexe ne pourra utiliser qu’un seul type de séquence en fonction de ses contraintes tridimensionnelles et ainsi assurer la spécificité d’interaction avec l’ADN [11].

Les récepteurs activés par les proliférateurs des peroxysomes (PPAR) Le premier récepteur identifié était le PPAR␣ murin en 1990 [12]. L’existence d’une sous-famille de récepteurs homologues a été montrée dans différentes espèces avec trois représentants : PPAR␣ (NR1C1), PPAR␤ (ou PPAR␦ ou NR1C2) et PPAR␥ (NR1C3) [7]. Les PPAR contribuent à une grande diversité de processus physiologiques au niveau hépatique tels que le contrôle du métabolisme lipidoglucidique, la réaction inflammatoire, la différenciation et le cycle cellulaire. Le développement de nouveaux ligands a permis de considérer depuis plusieurs années les PPAR

comme des cibles thérapeutiques potentielles en hépatologie et l’engouement suscité par ces récepteurs concernent actuellement aussi bien les chercheurs fondamentalistes que les cliniciens.

Principaux agonistes des PPAR Agonistes de PPAR␣ PPAR␣ est activé par des composés naturels comme les acides gras polyinsaturés (acide arachidonique, prostaglandine E2, leucotriene B4, acide linoléique/oléique, acide palmitoléique/palmitique, acide stéarique) ainsi que par les molécules de la famille des fibrates (fénofibrate, clofibrate, bézafibrate) [13] (Fig. 3). Les fibrates sont utilisés depuis plus de 20 ans dans le cadre des anomalies du métabolisme lipidique et la prévention des complications cardiovasculaires. Brièvement, les principales études mettent en évidence de fac ¸on concordante un effet bénéfique quant à l’augmentation des taux du HDL cholestérol et une diminution significative des taux de cholestérol total et du LDL cholestérol chez les patients dyslipémiques et diabétiques mais les résultats sont un peu plus discordants concernant la prévention des complications cardiovasculaires graves, en particulier d’origine coronaire [14,15]. Agonistes de PPAR␥ Les dérivés des prostaglandines J2 et les acides gras polyinsaturés ␻3 ont été initialement décrits comme les principaux ligands naturels de PPAR␥ mais leur capacité physiologique, in vivo, d’activer PPAR␥ reste discutée. En revanche, l’acide nitrolinoléique, récemment identifié comme un puissant agoniste endogène naturel, apparaît comme étant actif

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S. Dharancy et al.

Figure 3 Principaux agonistes des PPAR␣. PPRE : Élément de réponse pour les proliférateurs des péroxysomes ; RXR : Récepteur X pour les rétinoïdes. PPAR␣ main agonists. PPRE: Peroxysome proliferator response element; RXR: retinoid X receptor.

à des concentrations nanomolaires compatibles avec un effet physiologique [16]. Les molécules de la classe de thiazolinedinediones ou glitazones (pioglitazone, rosiglitazone) sont les principaux agonistes synthétiques de PPAR␥ utilisés chez l’homme (Fig. 4). Une nouvelle classe de molécules possédant une dualité d’activation de PPAR␣ et PPAR␥, appelée glitazar (muraglitazar, tesaglitazar), est actuellement en cours d’évaluation préclinique et clinique [17—19]. Mais des doutes apparus sur la sécu-

rité cardiovasculaire compromettent leur développement [20].

Expression hépatique et distribution cellulaire des PPAR PPAR␣ est l’un des principaux récepteurs nucléaires exprimés dans le foie et l’hépatocyte en est la principale

Figure 4 Principaux agonistes des PPAR␥. PPRE : Élément de réponse pour les proliférateurs des péroxysomes ; RXR : Récepteur X pour les rétinoïdes. PPAR␥ main agonists. Peroxysome proliferator response element; RXR: retinoid X receptor.

Récepteurs nucléaires PPAR et hépatologie

Figure 5 Principales cibles de l’activité anti-inflammatoire des PPAR. Main targets of anti-inflammatory activity of PPAR.

source cellulaire [21]. Son niveau d’expression hépatique est variable d’un individu à l’autre et dépend également du sexe et de l’espèce étudiée [22,23]. Il est également détecté dans le cytoplasme des cellules étoilées, des cellules biliaires, des cellules endothéliales et des cellules de Kupffer [24—27]. PPAR␥ est surtout exprimé par la cellule de Kupffer, mais est également détecté dans les hépatocytes, les cellules endothéliales et les cellules étoilées quiescentes [22,24,26—28]. Son expression diminue dans les cellules étoilées parallèlement à l’acquisition du phénotype myofibroblastique [29,30]. Enfin, PPAR␤/␦ est exprimé par les hépatocytes, les cellules endothéliales, les cellules de Kupffer et les cellules étoilées activées en myofibroblastes [26,27,31].

Propriétés anti-inflammatoires et antifibrosantes des PPAR Activité anti-inflammatoire et immunomodulatrice des PPAR PPAR␣ exerce des fonctions cataboliques à travers les voies de la ␤-oxydation peroxisomale, microsomale et mitochondriale et permet l’utilisation des acides gras par les hépatocytes comme substrat énergétique. PPAR␣ permet ainsi la dégradation de certains médiateurs lipidiques de l’inflammation (les prostaglandines, les leucotriènes, le PAF, etc.) par ces voies métaboliques [32,33]. Il existe de nombreux autres arguments expérimentaux et cliniques en faveur de l’activité anti-inflammatoire des récepteurs PPAR au niveau hépatique. PPAR␣ et PPAR␥ modulent les voies de signalisation de l’inflammation de NF-␬B, de STAT et d’AP1 dans les cultures primaires d’hépatocytes ainsi que dans les monocytes/macrophages humains [34,35]. L’activation de PPAR␣ par un fibrate induisait l’expression hépatique d’I-␬b qui bloque la translocation nucléaire de NF-␬B. L’expression des gènes cibles en aval de cette voie (IL2, IL-6, IL-8, TNF␣, les métalloprotéases, COX-2) est ainsi inhibée [34]. L’activation de PPAR␣ inhibe également la synthèse des facteurs hémostatiques et des protéines de la phase aiguë de l’inflammation produits par les hépatocytes [36] (Fig. 5).

343 Les expérimentations animales ont validé in vivo les propriétés anti-inflammatoires de PPAR␣ et PPAR␥ en mettant en évidence le développement d’une réaction inflammatoire majorée et prolongée chez les souris invalidées PPAR␣−/− sous les effets d’une stimulation inflammatoire (acide arachidonique, zymosan) [37—39]. Plus spécifiquement au niveau hépatique, les animaux PPAR␣−/− et hétérozygote pour PPAR␥ (PPAR␥+/− ) présentent expérimentalement une susceptibilité accrue envers l’inflammation dans différents modèles d’inflammation hépatique aiguë avec mise en évidence d’une exacerbation des lésions histologiques [40,41]. Enfin, chez l’homme, il a été mis en évidence que les patients hyperlipidémiques traités par les fibrates présentaient une diminution des concentrations sériques des protéines de la phase aiguë de l’inflammation (fibrinogène, protéine C réactive, amyloïde sérique A, plasminogène, ␣ 2 macroglobuline) ainsi que du TNF␣, de l’IFN␥ et de IL6 [42,43] suggérant une nouvelle fois un impact des agonistes de PPAR␣ dans le contrôle des principaux médiateurs de la réaction inflammatoire. Les lymphocytes T, les cellules NK et les monocytes/macrophages expriment PPAR␣ et ␥ et l’activation de ces récepteurs par des agonistes inhibe la production de cytokines pro-inflammatoires et immunomodulatrices [44—49]. Dans les lymphocytes cette activité immunomodulatrice passe par une diminution de l’activité du nuclear factor of activated T cells (NFAT) facteur de transcription régulant le promoteur de l’IL-2 [44,50]. PPAR␥ inhibe également la prolifération des lymphocytes T et la production d’IFN␥, du TNF␣ et d’IL-2 par les lymphocytes T CD4+ [51] alors que PPAR␣ augmente la production d’IL-4 [46]. La meilleure démonstration et application de ces effets est la mise en évidence d’une diminution du risque de rejet aigu et chronique par un agoniste de PPAR␥, la pioglitazone, dans un modèle de transplantation chez l’animal [52]

Activité antifibrosante de PPAR␥ Les cellules étoilées du foie, localisées dans les espaces périsinusoïdaux, jouent un rôle central dans la fibrogenèse hépatique en produisant les composants de la matrice extracellulaire [53,54]. Les études mettent en évidence le rôle de PPAR␥ dans la prévention et le traitement de la fibrose hépatique. En effet, en réponse à une agression, les cellules étoilées du foie acquièrent un phénotype activé en myofibroblaste avec une augmentation de l’index de prolifération et de leur contractilité, perte des stocks de rétinoïdes, augmentation de la production de protéines de la matrice extracellulaire, de chimiokines et de cytokines [29]. Cette activation myofibroblastique est associée in vivo à la réduction de l’expression de PPAR␥ et à la diminution de la liaison à l’élément de réponse, alors que la liaison de NF-␬B et d’AP1 est augmentée. In vitro, l’activation des cellules étoilées du foie est reversée par les agonistes de PPAR␥ [24,55]. L’activation de PPAR␥ inhibe de fac ¸on dose dépendante la prolifération des cellules étoilées du foie (inhibition de la progression du cycle cellulaire), le chimiotactisme induits par le platelet-derived growth factor (PDGF), l’expression de monocyte chemotactic protein-1 (MCP-1), un puissant chimioattractant pour les monocytes et les lymphocytes T [29]. De plus, les ligands de PPAR␥ inhibent l’expression de la

344 fraction ␣ de l’actine musculaire lisse (␣SMA), du collagène de type 1 et de la fibronectine pendant la transdifférentiation des cellules étoilées du foie [56]. Une étude in vivo portant sur des modèles de fibrose hépatique induite chez le rat par administration de diméthylnitrosamine ou de tétrachlorure de carbone a mis en évidence que l’administration orale de pioglitazone ou de rosiglitazone réduisait le dépôt de matrice extracellulaire dans le foie et l’activation des cellules étoilées du foie et inhibait le TNF␣ sérique [56]. Ces données ont été confirmées dans d’autres modèles de fibrose hépatique comme dans celui de la ligature du canal biliaire [57].

PPAR et carcinome hépatocellulaire PPAR␣ et carcinogenèse hépatique Chez le rongeur, l’exposition chronique à des PPAR (herbicides, solvants, fibrates) favorise le développement de tumeur hépatique bénigne et maligne [58,59]. Les souris PPAR␣−/− sont réfractaires à ce phénomène et ne développent ni modifications cellulaires ni tumeurs hépatiques même si leur alimentation contient une substance cancérigène [60]. Ces études mettent en évidence un rôle central de PPAR␣ au cours de la carcinogenèse hépatique chez le rongeur et soulèvent la question d’un risque potentiel chez l’homme exposé aux PPAR environnementaux, synthétiques ou médicamenteux. Sur le plan médicamenteux, les fibrates, utilisés depuis plusieurs décennies pour traiter les anomalies du métabolisme lipidique, ne sont pas associés au développement de carcinome hépatocellulaire chez l’homme [61]. L’explication repose sur l’existence d’importantes différences interespèces quantitatives et fonctionnelles pour PPAR␣ [62]. Sur le plan quantitatif, l’expression hépatique de PPAR␣ est significativement supérieure chez les rongeurs par rapport à l’homme [22,63]. De plus, deux variants tronqués de PPAR␣ ont été mis en évidence de fac ¸on spécifique chez l’homme contribuant à réduire son expression et son activité [63]. Enfin, les différences sont également structurelles et qualitatives dans le panel de gènes contrôlé par l’activation de PPAR␣ [64—66].

Propriétés antiprolifératives de PPAR␥ Les lignées d’hépatocytes tumoraux et les cellules tumorales humaines extraites de carcinomes hépatocellulaires expriment de fac ¸on constitutive PPAR␥ mais les données sont contradictoires sur le niveau d’expression (sur- ou sous-expression) de la protéine dans le carcinome hépatocellulaire par rapport aux hépatocytes normaux [67,68]. Plusieurs études in vitro suggèrent que les agonistes naturels et synthétiques de PPAR␥ stimuleraient la différenciation, diminueraient la prolifération cellulaire et favoriseraient l’apoptose des hépatocytes tumoraux adjacents [68—71]. Les glitazones (troglitazone, pioglitazone) inhibaient la prolifération cellulaire des lignées tumorales HepG2, HuH-7, KYN-1 et KYN-2 [69]. L’utilisation des glitazones entraîne un arrêt du cycle cellulaire dose dépendant en phase G1 lié à une augmentation de l’expression des inhibiteurs des cyclines dépendantes de kinases p21, p27 et p18 [70] et

S. Dharancy et al. favoriserait une apoptose hépatocytaire liée à l’activation de la caspase 3 [71]. Une étude suggère qu’un inhibiteur de PPAR␥ présente les même propriétés antiprolifératives et proapoptotiques que les glitazones mais agiraient à des concentrations beaucoup plus faibles [67]. Dans un modèle animal de carcinogenèse par xénogreffe tumorale chez la souris nude, la troglitazone utilisée selon différents schémas thérapeutiques, prévenait l’apparition de tumeur en mode préventif, diminuait significativement la croissance tumorale après introduction précoce et induisait une régression tumorale après une introduction tardive [68]. Ces résultats expérimentaux pourraient susciter l’organisation d’essais thérapeutiques dans le cadre du carcinome hépatocellulaire tout en sachant que pour l’instant les essais cliniques de phase II testant les glitazones pour d’autres cancers ont donné des résultats plutôt modestes ou décevants [72,73].

Utilisation des agonistes de PPAR et hépatopathies chroniques Les glitazones Plusieurs études ont identifié les glitazones comme de puissants ligands synthétiques de PPAR␥ [74]. Actuellement deux molécules, la pioglitazone et la rosiglitazone, sont utilisées en France depuis 2000 dans le cadre d’une autorisation de mise sur le marché initialement très limitée pour le traitement de seconde intention du diabète de type 2. Une troisième glitazone, la troglitazone, a été retirée du marché au Royaume-Uni en 1997 et aux États-Unis en mars 2000 pour hépatotoxicité ayant entrainé 150 cas d’hépatite aiguë dont au moins 13 mortels [75]. Jusqu’à présent sur ce point, le profil de tolérance de la pioglitazone et la rosiglitazone n’apparaît pas superposable à celui de la troglitazone suggérant l’absence d’un effet de classe. En effet, l’analyse de 13 études randomisées en double insu a mis en évidence une augmentation des taux d’alanine aminotransférase (ALAT) supérieure à trois fois la limite supérieure de la normale chez 1,9, 0,26 et 0,17 % des patients traités respectivement par la troglitazone, la pioglitazone et la rosiglitazone [76,77]. L’utilisation des glitazones justifie pour cette raison la mesure des enzymes hépatiques avant la mise en route du traitement puis régulièrement tous les deux mois pendant un an, périodiquement ensuite. La pioglitazone et la rosiglitazone sont actuellement utilisées pour traiter le diabète de type 2 dans plusieurs situations : • en monothérapie orale chez le patient insuffisamment contrôlé par le régime ou l’exercice physique et chez qui la metformine est contre-indiquée ou non tolérée ; • en association orale avec la metformine ou un sulfamide hypoglycémiant lorsqu’une dose maximale tolérée d’une monothérapie orale ne permet pas d’obtenir un contrôle glycémique suffisant ; • en trithérapie orale en association à la metformine et à un sulfamide hypoglycémiant chez les patients qui sont insuffisamment contrôlés par une bithérapie orale ; • en association à l’insuline chez les patients insuffisamment contrôlés et chez qui la metformine est contre-indiquée ou mal tolérée. Les études publiées dans

Récepteurs nucléaires PPAR et hépatologie ce cadre fournissent des informations importantes sur les effets indésirables induits par les glitazones. En monothérapie, les effets secondaires fréquemment rapportés (> 1 %) sont les troubles visuels liés à une altération temporaire de l’indice de réfraction du cristallin, les infections respiratoires hautes, une hypoesthésie, une prise de poids (1—4 kg) et les œdèmes. Ces deux derniers effets sont liés à une augmentation du tissu adipeux souscutanée et à une rétention hydrique. La rétention hydrique étant susceptible d’aggraver ou d’accélérer l’évolution vers une insuffisance cardiaque, l’utilisation des glitazones en présence d’une insuffisance cardiaque de classe II, III ou IV selon les critères de la New York Heart Association est contre-indiquée. L’augmentation potentielle du risque d’infarctus du myocarde sous glitazone est actuellement sujette à controverse et une mise en garde de la FDA a été faite en mai 2007 sur l’utilisation de la rosiglitazone [78]. Une méta-analyse récente, portant sur 42 études incluant plus de 15 000 patients traités par la rosiglitazone, a mis en évidence une augmentation significative de 40 % du risque d’infarctus du myocarde et une tendance non significative en faveur d’une surmortalité d’origine cardiaque [79]. Ces résultats inquiétants n’ont pas été confirmés par l’analyse intermédiaire de l’étude Rosiglitazone Evaluated for Cardiac Outcomes and Regulation of Glycemia in Diabetes (RECORD) portant sur plus de 2200 patients traités [80]. Cet effet indésirable grave mérite, en l’état actuel des connaissances, une attention particulière car il pourrait potentiellement compromettre l’utilisation des glitazones.

Agonistes de PPAR␥ et stéatohépatite non alcoolique (NASH) Les propriétés intrinsèques des glitazones ciblant PPAR␥ pour traiter l’insulinorésistance en ont fait rapidement des molécules intéressantes dans le traitement de la NASH. C’est dans ce domaine que les études animales sont les plus nombreuses, concordantes et positives et que les essais thérapeutiques chez l’homme sont les plus avancés. Dans les modèles animaux de NASH induite par un régime spécifique (choline déficient, méthionine—choline déficient) reproduisant les principales caractéristiques histologiques observées chez l’homme (essentiellement stéatose et fibrose), la pioglitazone a démontré son efficacité pour diminuer la stéatose et la stéatohépatite [81,82], prévenir la fibrose en diminuant l’activation des cellules étoilées du foie et l’expression des inhibiteurs tissulaires de métalloprotéases et du procollagène 1 [81,83], diminuer les lésions précancéreuses [83], et restaurer l’activation des récepteurs de l’insuline [82]. Plusieurs études ouvertes [84—88] et une étude randomisée versus placebo [89] suggèrent que les glitazones pourraient constituer des molécules intéressantes pour le traitement de la NASH chez l’homme. La première étude, publiée en 2001 par Caldwell et al. est un étude pilote testant pendant six mois 400 mg/j de troglitazone chez dix patientes atteintes de NASH dont trois à un stade de cirrhose [84]. Cet essai a été organisé avant le retrait de la troglitazone du marché par la FDA en raison de son hépatotoxicité. Sept patientes ont été considérées comme

345 répondeuses au traitement sur la diminution significative des taux d’ALAT/aspartate aminotransférase (ASAT). Chez ces patientes les caractéristiques histologiques de NASH persistaient en fin du traitement mais une amélioration de l’activité nécrotico-inflammatoire était constatée. L’équipe de Saint-Louis a publié les résultats in extenso de leur étude sur 30 patients traités pendant 48 semaines par 4 mg × 2 par jour de rosiglitazone. Cinq patients ont arrêté le traitement en raison d’effets indésirables et un total de 22 patients ont bénéficié d’un protocole séquentiel de ponction biopsie hépatique. En fin de traitement, l’indice de masse corporelle des patients augmentait en moyenne de 6,5 %, l’activité sérique de l’ALAT diminuait significativement, sur le plan histologique une diminution du grade histologique était constatée chez 13 patients, de la stéatose chez 14, du nombre d’hépatocytes ballonisés chez 11 et du score de fibrose chez huit patients. Globalement 19 patients sur 22 présentaient une stabilisation ou une amélioration des lésions et trois patients progressaient malgré le traitement [86]. L’étude de Sanyal et al. a mis en évidence que la combinaison thérapeutique de pioglitazone associée à la vitamine E induisait une diminution significative de la stéatose et de la ballonisation hépatocytaire, alors que cette amélioration restait faible en cas d’administration de la vitamine E seule [87]. Des résultats intéressants ont été mis en évidence dans l’étude de Promrat et al. qui avait inclus 18 patients traités par la pioglitazone pendant 48 semaines. Soixante-douze pour cent des patients normalisaient le taux sériques de l’ALAT, 61 % des patients améliorait leur score de fibrose et une réponse histologique significative (diminution de l’index d’activité de la NASH d’au moins trois points combinant stéatose, inflammation et atteinte hépatocytaire) était constatée dans deux tiers des cas. Un seul patient stoppait le traitement pour sensation vertigineuse et la prise de poids moyenne était de 4 % [88]. Enfin, l’étude de Belfort et al., étude contrôlée randomisée versus placebo, a mis en évidence la supériorité d’une association pioglitazone plus régime hypocalorique pendant six mois par rapport à l’association régime plus placebo sur le plan biochimique (diminution des ALAT de 58 % versus 34 %) et histologique (diminution activité nécrotico-inflammatoire de 85 % versus 38 % et de la stéatose de 65 % versus 38 %). Le score de fibrose diminuait significativement dans le groupe pioglitazone mais n’était pas différent de celui du groupe placebo [89]. Au total, les données actuellement disponibles sont en faveur d’une amélioration des taux de transaminases pendant la durée de traitement par les glitazones mais cet effet ne semble pas perdurer après leur arrêt [86]. Sur le plan histologique, la stéatose et l’activité inflammatoire régressent mais la diminution de la fibrose n’a été qu’inconstamment retrouvée potentiellement en raison d’une durée de traitement relativement courte (six ou 12 mois).

Agonistes des PPAR et maladie alcoolique du foie Le rationnel d’utiliser des agonistes de PPAR comme cible thérapeutique au cours de la maladie alcoolique du foie est, au moins en partie, le même que pour la NASH mais il a également été mis en évidence in vitro une interaction spécifique entre l’acétaldéhyde, principal métabolite oxydatif

346 de l’éthanol et les PPAR. En effet, l’acétaldéhyde, inhibe l’activité transcriptionnelle de PPAR␣ en bloquant sa fixation à l’ADN dans les hépatocytes en culture [90] et inhibe également l’activité de PPAR␥ dans les cellules étoilées du foie de fac ¸on dose-dépendante [91] favorisant ainsi la production de collagène [92]. L’expression hépatique de PPAR␣ et PPAR␥ et leur activité transcriptionnelle sont diminuées dans les modèles animaux d’intoxication chronique par l’alcool administré par gavage et sont inversement corrélées au degré d’inflammation et de fibrose hépatique ainsi qu’au niveau de TNF␣ [93,94]. Les gènes cibles de PPAR␣ intervenant dans le métabolisme lipidique comme la fatty acid binding protein (LFAPB) et la fatty acyl CoA oxydase (AOX) sont diminuées dans ces modèles et favorisent le développement de la stéatose. Ces anomalies sont réversibles par l’administration à visée thérapeutique d’un agoniste de PPAR␣ [95,96]. Trois études réalisées chez l’animal mettent en évidence le rôle thérapeutique de l’administration de pioglitazone dans la prévention du développement des lésions hépatiques induites par l’alcool [97]. Les principaux effets observés de la pioglitazone sont l’inhibition de production hépatique du TNF␣ [98], l’activation de la voie c-Met, une diminution de la synthèse hépatique en triglycérides [99] et l’inhibition de la sensibilité des macrophages hépatiques envers le lipopolysaccharide [97]. Au total, les études disponibles mettent en évidence des interactions entre l’acétaldéhyde et les PPAR et un rôle thérapeutique préventif et curatif des agonistes des PPAR au cours de la maladie alcoolique du foie dans les modèles animaux. Pour l’instant il n’existe pas de données humaines sur l’utilisation des agonistes de PPAR␣/␥ au cours de la maladie alcoolique du foie.

PPAR et infection par le virus de l’hépatite C (VHC) Les patients chroniquement infectés par le VHC présentaient des troubles du métabolisme lipidique et glucidique [100—103]. Il existe un déficit fonctionnel et d’expression hépatocytaire et d’activité transcriptionnelle de PPAR␣ et/ou PPAR␥ au cours de l’hépatite C chronique chez l’homme [25,104], dans un modèle expérimental de souris transgénique [100] et dans des modèles de cellules hépatocytaires transfectées exprimant la protéine de capside du VHC [25,100,104]. Ces anomalies seraient la conséquence de l’action de la protéine de nucléocapside virale réprimant l’activité transcriptionnelle de gènes impliqués dans le métabolisme lipidique de la cellule hôte infectée [25,100,104]. Deux essais thérapeutiques ouverts publiés sous forme de lettres suggéreraient un effet thérapeutique potentiel d’un pan-agoniste de PPAR␣/␤/␥ appartenant à la famille des fibrates, le bézafibrate [105]. Dans le premier essai, 30 patients initialement non répondeurs à une monothérapie par interféron avaient une diminution inattendue de la charge virale C, de l’activité sérique de la gammaglutamyl transférase, des ASAT/ALAT, suggérant une activité anti-inflammatoire mais également antivirale du bezafibrate [106]. Une autre équipe a traité en ouvert sept patients pendant huit semaines avec 400 mg/j de bezafibrate [107]. Les taux sériques de l’ALAT et l’ASAT diminuaient sans attein-

S. Dharancy et al. dre le seuil de la significativité mais la charge virale C était significativement plus basse au terme du traitement. Ces résultats préliminaires suggéreraient l’intérêt potentiel de restaurer et/ou d’augmenter l’activité transcriptionnelle de PPAR␣ et/ou de PPAR␥ au cours de l’hépatite C. La pioglitazone, agoniste de PPAR␥ est actuellement en cours d’évaluation dans l’hépatite C chez des patients naïfs porteur d’un génotype viral 1 et présentant une insulinorésistance [108]. Des données expérimentales récentes seraient en faveur de l’utilisation d’antagonistes de PPAR␣/␥. Dans une étude utilisant le modèle de réplication virale du replicon, l’utilisation d’un antagoniste de PPAR␣/␥ inhibait la réplication virale C mais augmentait l’accumulation lipidique hépatocytaire [109].

Conclusion La modulation de l’activité des récepteurs nucléaires est une piste thérapeutique intéressante en hépatologie car les récepteurs nucléaires assurent des fonctions importantes pour l’homéostasie hépatique. Il existe un rationnel expérimental pour cibler spécifiquement les PPAR au cours des principales hépatopathies chroniques. Néanmoins, l’effet thérapeutique des fibrates observés dans les modèles animaux n’est sûrement pas extrapolable chez l’homme en raison des différences interespèces significatives tant sur le plan quantitatif (niveau d’expression hépatique de PPAR␣) que qualitatif (panel de gènes contrôlés par PPAR␣). Actuellement l’application thérapeutique principale concerne les stéatopathies, en particulier la NASH, à travers le rôle de PPAR␥ dans le contrôle de l’insulinorésistance. Les résultats des études utilisant les glitazones, bien qu’intéressants, doivent être interprétés de fac ¸on prudente compte tenu de l’absence de données à long terme et de la présence d’effets indésirables non négligeables. L’espoir suscité par la classe des glitazars ciblant PPAR␣ et ␥ est remis en cause par le risque de développement de complications cardiaques. Les nouveaux agonistes en cours de développement devront s’affranchir des risques d’hépatotoxicité et de cardiotoxicité dans les phases d’évaluation précliniques.

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