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Article original
Relation entre la puissance et la raideur musculotendineuse chez les sportifs de haut niveau Relationship between power and musculotendinous stiffness in high level athletes G. Dalleaua,*, A. Rahmanib, C. Verkindta a
Centre universitaire de recherche en activités physiques et sportives, facultés des sciences de l’homme et de l’environnement, université de la Réunion, 117, rue du Général-Ailleret, 97430 Le Tampon, La Réunion, France b Laboratoire des activités physiques et sportives, université du Maine, avenue Olivier-Messiaen, 72085 Le Mans cedex 09, France Reçu le 10 mars 2005 ; accepté le 12 janvier 2007 Disponible sur internet le 27 avril 2007
Résumé Objectif. – Le but de cette étude est de vérifier si le concept de la puissance réactive est relié à celui de la raideur des membres inférieurs chez des sportifs de haut niveau (sprinteurs et skieurs). Méthode. – Une méthode simple permettant de mesurer la raideur durant des rebonds dans des conditions de terrain a été utilisée sur des sportifs de haut niveau : 28 sprinteurs et 29 skieurs. Durant le même test, la puissance mécanique appelée puissance réactive a été calculée. Des comparaisons entre la raideur et la puissance ont été faites au sein de chaque groupe. Résultat. – La raideur moyenne obtenue pour tous les sportifs était de 29 866 ± 7372 N.m−1. Leur puissance moyenne était de 52,33 ± 8,72 W.kg−1. Un résultat important de cette étude est qu’il existe une relation entre la puissance et la raideur uniquement chez les sprinteurs (r2 = 0,68, p < 0,001). Ce résultat met en évidence l’influence de la discipline sportive sur le contrôle de la raideur. Conclusion. – La puissance lors du test de rebonds maximaux semble être liée à la raideur des membres inférieurs uniquement chez des sujets entraînés à produire de la puissance dans des conditions similaires. Une telle corrélation n’est pas observée dans une population de skieurs. La mesure de la raideur pourrait être un test intéressant pour l’évaluation spécifique de certains groupes d’athlètes. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract Goal. – The aim of this study was to test the relation between the reactive power and the stiffness of the legs in high trained athletes (sprinters and skiing racers). Method. – A simple method to measure, in field conditions, the leg stiffness during maximal bouncing was used on twenty-eight sprinters, and twenty-nine skiing racers. In addition, the mechanical power called reactive power was calculated according to the method proposed by Bosco. The relationship between stiffness and power was observed in the different groups. Results. – The value of stiffness obtained was 29,866 ± 7372 N.m−1. The power was equal to 52.33 ± 8,72 W.kg−1. The main result of this study was that a relation between stiffness and power was obtained only in the sprinters (r2 = 0,68, P < 0,001). This result stressed the influence of the sport speciality on the stiffness control. Conclusion. – The power measured during maximal bouncing, called reactive power is correlated with the leg’s stiffness when subjects are trained to produce power in similar conditions. No correlation was obtained in skiing racers. The stiffness measurement was then a complementary test in the physical evaluation of the athletes. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Raideur ; Puissance ; Sauts Keywords: Stiffness; Power; Jumps
* Auteur
correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (G. Dalleau).
0765-1597/$ - see front matter © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.scispo.2007.01.004
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1. Introduction La raideur musculotendineuse détermine le comportement élastique du complexe muscle–tendon. Elle influence sa capacité à absorber, à stocker et à restituer l’énergie imposée par une contrainte mécanique comme par exemple un choc ou un étirement brusque. Plus précisément, la raideur (K, exprimée en N.m−1) est définie par le rapport entre la contrainte imposée et la déformation obtenue. Son intervention dans la performance d’un geste de type cycle–étirement détente est interprétée de trois manières différentes. Certains auteurs estiment que la raideur optimale doit être faible pour favoriser le stockage– restitution d’énergie élastique [1,2]. En opposition, d’autres pensent qu’elle doit être élevée afin de permettre une grande vitesse de développement de la force [3,4]. Enfin, d’autres auteurs évoquent que la raideur est ajustée afin d’adapter la fréquence de résonance du système musculotendineux à la fréquence du mouvement [5,6]. Des études ont montré que la raideur est significativement reliée à certains facteurs de la performance. Par exemple, Wilson et al. [7] ont mis en évidence une corrélation (r = –0,718) entre la raideur des membres supérieurs et la vitesse d’exécution d’un mouvement concentrique sous l’influence d’un préétirement, par comparaison avec un mouvement purement concentrique. Walshe et al. [4] ont montré que la raideur était significativement reliée à la vitesse de développement de la force (RFD1). Un peu plus tard, Chelly et Denis [8] ont mis en évidence une corrélation significative entre la raideur des membres inférieurs au cours de sauts verticaux et la vitesse maximale atteinte au cours d’un sprint. Enfin Bret et al. [9] ont montré que la raideur des jambes était prédictive de l’accélération lors de la deuxième phase d’un sprint de 100 m (entre 30 et 60 m). La raideur peut, par ailleurs, être modifiée par l’entraînement. Pousson et al. [10] ont montré qu’un entraînement en force de type excentrique des fléchisseurs du coude, augmentait la raideur de ces muscles pour un même niveau de force. Chez les sportifs de haut niveau l’entraînement et la sollicitation des groupes musculaires diffèrent en fonction de la discipline. Laffaye et al. [11] ont rapporté que la raideur dépendait de la hauteur de saut parmi des sportifs de disciplines différentes. Toutefois, aucune étude à notre connaissance n’a étudié l’impact de la discipline sportive sur la relation raideur–puissance.
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Le concept de raideur est couramment utilisé et associé par les entraîneurs à des termes tels que force élastique, puissance élastique [12] ou encore « pied » chez les sprinteurs. Bosco [13] a proposé le test de puissance réactive, qui consiste à mesurer la puissance maximale produite au cours d’une série de rebonds maximaux, genoux tendus. Cette puissance réactive est souvent appelée improprement stiffness (terme anglais de la raideur). Et pourtant, aucune relation entre la puissance et la raideur n’a été obtenue chez des sujets modérément entraînés [14], ou rapportée dans la littérature. Le but de cette étude est d’appliquer une nouvelle méthode de mesure de la raideur [14] chez des sportifs de haut niveau afin de vérifier si le concept de la puissance réactive est relié à celui de la raideur, et de vérifier l’importance de la spécialisation sportive sur la relation puissance–raideur chez deux populations de sportifs ayant des caractéristiques musculaires différentes. 2. Matériel et méthodes 2.1. Sujets La présente étude a été menée sur des sportifs (57 hommes en tout) de haut niveau : des sprinteurs italiens (n = 10) et sénégalais (n = 18) de niveau international et des skieurs l’équipe de France (n = 29). Leurs caractéristiques physiques et leurs performances sportives sont reportées dans le Tableau 1. Les sujets ont donné leur consentement après avoir été pleinement informés de la nature des épreuves et des risques encourus suivant les procédures recommandées par le comité d’éthique. 2.2. Protocole La raideur et la puissance des membres inférieurs des sujets ont été mesurées dans des conditions de rebonds maximaux. On demandait aux sujets de réaliser le test de terrain de puissance mécanique conçu par Bosco [13]. Il consistait en deux séries de rebonds maximaux, durant 7 secondes afin d’éviter la fatigue. Les sujets devaient sauter le plus haut possible en restant le moins de temps possible en contact avec le sol. Tous les sujets étaient des sportifs de haut niveau, familiarisés à ce type de test. Toutefois, avant l’enregistrement, les sujets firent quelques essais de familiarisation avec des corrections orales apportées par l’expérimentateur afin d’éviter une grande flexion des genoux.
Tableau 1 Caractéristiques physiques des sujets et leur performance Italiens n = 10 Moy SD 24 3 78,3 4,7 182 8 23,52 1,33 10,50 0,14
Sprinteurs Sénégalais n = 18 Moy SD 24 3 69,7 6,5 177 7 22,13 1,12 10,78* 0,25
Âge (ans) Masse (kg) Taille (cm) IMCa Temps (s) au 100 m Point FISb * Différence significative entre sprinteurs italiens et sprinteurs sénégalais. p < 0,05. § Différence a IMC : indice de masse corporelle. b FIS : classement en points accordés par la Fédération Internationale de Ski.
Moy 24 72,7 179 22,64 10,67
Tous n = 28 SD 3 7,0 8 1,37 0,26
Moy 23 82,3 179 25,88§
17,1 significative entre skieurs et sprinteurs.
Skieurs n = 29 SD 3 8,3 6 2,08 6,8
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2.3. Matériel de mesure
2.6. Sélection de la puissance et de la raideur
Un tapis de contact (Mayser, type SM/BK, Ulm/Donau, Allemagne) fournissait un signal tout ou rien qui permettait de détecter le contact du pied sur le sol ou la phase de vol. Le signal provenant du tapis de contact a été échantillonné à 500 Hz et recueilli dans un Psion (Psion CM, Aware-Psion, Paris, France) programmé de manière à déterminer les temps de contact et les temps de vol. L’ensemble constitue le système appelé Ergo-Jump (Ergotest, Azur Systèmes, Grasse St-Jean, France). 2.4. Calcul de la raideur La méthode utilisée est basée sur la modélisation du signal de force par un sinus. Ainsi, en supposant que la surface sous la courbe sinus est égale à l’impulsion du signal de force, il est possible de déterminer la force de réaction maximale, le déplacement vertical et ensuite de calculer la raideur verticale par l’équation suivante : K¼
πðT v þ T c Þ 1 1 T c ðen N:m :kg Þ c Þ T 2c ðT v þT π 4
F max T c 2 T c2 ðen mÞ þ g M π2 8
(3)
2.5. Calcul de la puissance mécanique La puissance mécanique moyenne a été calculée selon la méthode proposée par Bosco et al. [17]. g2 T v T t ðen W:kg1 Þ 4T c
(4)
où g est l’accélération gravitationnelle, Tc le temps de contact, Tv le temps de vol et Tt le temps total d’un cycle de rebond (Tt = Tc + Tv). 1
Les moyennes et les écart-types ont été calculés pour la raideur, la puissance, et la performance au 100 m. Les différences entre groupes ont été testées par le test t de Student. La régression linéaire simple a été utilisée pour tester les relations entre la puissance et la raideur chez les différentes populations de sportifs. Le seuil de significativité des tests statistiques a été fixé à p < 0,05. 3. Résultats
où M est la masse de l’individu et g est l’accélération gravitationnelle (g = 9,81 m.s−2).
PBosco ¼
2.7. Statistiques
(1)
où Tc (en s) est le temps de contact au sol et Tv (en s) le temps de vol. Les bases théoriques de cette méthode sont détaillées dans Dalleau et al. [14]. Il s’agit d’une méthode adéquate à des tests de terrain. En effet, elle nécessite de mesurer seulement le temps de contact au sol et le temps de vol au cours des rebonds tandis que d’autres méthodes requièrent l’usage d’une plateforme de force [15,16]. D’après les équations de l’annexe de Dalleau et al. [14], la force maximale, Fmax, et le déplacement vertical, ΔL, ont été estimés respectivement par les équations suivantes : π Tv þ 1 ðen NÞ F max ¼ M g (2) 2 Tc
ΔL ¼
Les deux séries de rebonds ont été réunies. La puissance et la raideur ont été calculées pour chaque rebond. Les valeurs moyennes de la puissance et de la raideur ont alors été calculées pour chaque sujet.
Sigle anglais couramment utilisé signifiant Rate of Force Development.
Les temps de contact étaient significativement plus longs chez les sprinteurs sénégalais (203 ± 25 ms) que chez les sprinteurs italiens (165 ± 16 ms ; p < 0,01) et chez les skieurs (177 ± 16 ms ; p < 0,01). Aucune différence significative ne fut observée entre les sprinteurs italiens et les skieurs (p = 0,055). Les temps de contact étaient faiblement mais significativement corrélés au temps de vol chez les sprinteurs (r = –0,39 ; p = 0,043) mais pas chez les skieurs. 3.1. Mesures de la raideur La raideur obtenue (moyenne ± écart-type) chez tous les sportifs était de 29866 ± 7372 N.m−1. Les sprinteurs italiens et sénégalais présentaient, respectivement, les valeurs de raideur de 34913 ± 5297 N.m−1 et 21589 ± 3697 N.m−1. La raideur mesurée chez les skieurs était de 32978 ± 5404 N.m−1. Une différence significative a été trouvée entre la raideur des skieurs et celle des sprinteurs (p < 0,001). Cependant, les sprinteurs italiens présentaient une raideur significativement supérieure à celle des sprinteurs sénégalais (p < 0,001). On a donc comparé à nouveau les sprinteurs et les skieurs en distinguant les deux groupes de sprinteurs. Dans ce cas, aucune différence significative de raideur n’apparaît entre les sprinteurs italiens et les skieurs (p = 0,33) (Fig. 1). De façon significative, les sprinteurs sénégalais présentent une Fmax plus faible que celle des sprinteurs italiens (3984 ± 117 vs 5434 ± 152 N, p < 0,001) et celle des skieurs (3984 ± 117 vs 5037 ± 89 N, p < 0,001). Les déplacements du centre de masse ΔL étaient supérieurs chez les sprinteurs sénégalais (0,188 ± 0,005 m) à ceux des sprinteurs italiens (0,160 ± 0,007 m ; p = 0,004) et des skieurs (0,156 ± 0,004 m ; p < 0,0001). Ces deux points contribuent au fait que les sprinteurs sénégalais présentent une raideur plus faible.
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Fig. 1. Comparaison des raideurs mesurées chez les sprinteurs et les skieurs. Les différences significatives sont indiquées entre les groupes (p < 0,001).
Fig. 2. Comparaison des puissances relatives (W.kg−1) mesurées chez les sprinteurs et les skieurs. Les différences significatives sont indiquées entre les groupes (p < 0,001).
3.2. Mesures de la puissance La puissance moyenne des sportifs était de 52,3 ± 8,7 W.kg−1. Les sprinteurs italiens ont développé une puissance de 64,1 ± 4,6 W.kg−1 et les sprinteurs sénégalais une puissance de 49,5 ± 7,5 W.kg−1. La puissance chez les skieurs était de 50,0 ± 7,1 W.kg−1. La Fig. 2 présente la comparaison des puissances produites par chaque groupe. Une différence significative a été trouvée entre les sprinteurs italiens et les sprinteurs sénégalais (p < 0,001), d’une part, et les skieurs (p < 0,001), d’autre part. L’ensemble des sprinteurs était significativement plus puissant que les skieurs (p < 0,05). Chez les sprinteurs, une corrélation significative (r2 = 0,68, p < 0,001) a été trouvée entre la puissance et la raideur (Fig. 3).
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Fig. 3. Relation entre la puissance relative et la raideur mesurées chez les sprinteurs. Les symboles vides correspondent aux sprinteurs italiens et les symboles pleins aux sprinteurs sénégalais.
Fig. 4. Relation entre la puissance relative et la raideur mesurées chez les skieurs.
En revanche, aucune relation n’a été obtenue pour les skieurs entre la puissance produite et la raideur (p = 0,08) (Fig. 4). 4. Discussion 4.1. Mesures de la raideur On trouve dans la littérature quelques exemples d’études rapportant des valeurs de raideur chez des sportifs de haut niveau dans des conditions de rebonds maximaux [8,9,18]. Durant les sauts répétés à des hauteurs maximales mais avec une fréquence imposée (2,2 Hz), Farley et al. [16] ont mesuré sur quatre sujets des valeurs de raideur de 34,4 ± 1,8 kN.m−1, légèrement supérieures aux valeurs de raideur trouvées chez nos sujets (29,8 ± 7,3 kN.m−1). Cependant, dans notre étude les valeurs présentent une plus grande étendue (16,7 à 42,5 kN.m−1).
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D’autres auteurs ont reporté des valeurs de raideur de membres inférieurs de 10 à 45 kN.m−1 dépendant du type de contraction, de la position du membre et des méthodes de calcul [4,15,19– 21]. Compte tenu des différentes méthodes de mesure et de l’influence de la fréquence de rebond, les données de la présente étude sont en accord avec celles de la littérature. Le fait que la raideur des skieurs apparaisse significativement plus élevée que celle des sprinteurs sénégalais et non significativement différente de celle des sprinteurs italiens, est un résultat inattendu. En effet, Aruin et Zatsiorsky [21] qui ont comparé également des sprinteurs et des skieurs, trouvent des valeurs de raideur plus élevées chez les sprinteurs. Toutefois, ces auteurs ont mesuré uniquement la raideur du triceps surae tandis que notre mesure rend compte de la raideur de l’ensemble musculotendineux du membre inférieur. Lors du sprint, le triceps surae est très sollicité [22], ce qui pourrait expliquer une raideur plus importante de ce muscle chez les sprinteurs. Chez les skieurs, la participation des muscles de la cuisse dans la raideur du membre inférieur est plus importante et pourrait expliquer en partie nos résultats. En effet, le ski alpin sollicite les muscles extenseurs essentiellement et intensément en excentrique [23]. Une telle sollicitation a probablement pour effet d’augmenter la raideur de ces muscles [10]. Ainsi, lorsque l’on prend en compte la raideur de l’ensemble de l’appareil musculotendineux du membre inférieur, il n’est pas surprenant de trouver des valeurs de raideurs élevées chez les skieurs. L’amplitude de la flexion des genoux n’a pas été imposée mais contrôlée visuellement. La consigne consistait à avoir une durée de contact avec le sol la plus courte possible. D’après la définition même de la raideur que nous avons retenue, la moindre raideur des sprinteurs sénégalais peut être expliquée par la conjonction de valeurs de ΔL et de Fmax respectivement plus élevées et plus basses. Ainsi, l’application de la présente méthode de mesure de la raideur chez des athlètes de haut niveau, de disciplines bien distinctes, permet d’envisager de futures expérimentations concernant, par exemple, l’effet de l’entraînement sur le contrôle de la raideur. Il semble important d’explorer plus finement les différents facteurs intervenant dans le contrôle de la raideur globale des systèmes pluri-articulaires. 4.2. Mesures de la puissance Les valeurs de puissance obtenues (35–70 W.kg−1) sont en accord avec les données de la littérature. Bosco [13] a rapporté des valeurs semblables (40–72 W.kg−1) chez de nombreux athlètes mais des valeurs pour des sprinteurs italiens plus élevées que celles obtenues chez les sprinteurs de notre étude. Cependant, les athlètes évalués par Bosco pouvaient utiliser leurs bras ce qui contribue à augmenter le développement de la puissance [24]. Voigt et al. [25] ont mentionné des valeurs de puissance variant de 1700 à 3000 W selon les types de sauts réalisés. Si nous rapportons aux mêmes unités, la puissance est plus grande (2593 à 5504 W) dans notre étude ; mais il faut noter que notre étude porte sur des athlètes de haut niveau.
Par ailleurs, les rebonds induisent de plus grandes forces et vitesses que le saut maximal [26]. La puissance développée par les sprinteurs est significativement supérieure à celle des skieurs (54,77 vs 49,99 W.kg−1). Bosco [13] a également montré que la puissance chez les sprinteurs était plus élevée que celle obtenue dans n’importe quelle autre discipline sur des athlètes de niveau équivalent. Cette capacité à développer de grandes puissances a valu aux sprinteurs d’être qualifiés d’athlètes entraînés à produire de la puissance (power athletes) [27]. Au sein du groupe de sprinteurs, une différence significative a été trouvée entre les Italiens et les Sénégalais en comparant leur puissance (64,1 W.kg−1 pour les Italiens vs 49,5 W.kg−1 pour les Sénégalais). De même, une différence significative de raideur a été trouvée entre ces deux groupes. Le seul fait notable pouvant expliquer ce résultat est que les sprinteurs sénégalais étaient au tout début de leur préparation physique. Cela peut expliquer partiellement leur faible niveau de puissance. Le niveau de la performance des sprinteurs italiens était meilleur au regard du temps sur 100 m. Toutefois, aucune relation n’a été trouvée entre la puissance et la performance au sprint. En fait, cette puissance semble être reliée à une phase de la course sur 100 m [28] : celle qui consiste à soutenir la vitesse maximale. En effet, une corrélation significative a été mise en évidence entre cette puissance et la vitesse moyenne soutenue sur les 40 derniers mètres des finales et demi-finales sur 100 m au Championnats d’Italie [29]. La puissance mécanique dite réactive permet ici d’expliquer partiellement la performance. 4.3. Relation entre la raideur et la puissance Un résultat important de cette étude est qu’il existe une relation entre la puissance et la raideur uniquement chez les sprinteurs. Le fait qu’il existe une corrélation positive entre raideur et puissance maximale n’est pas complètement inattendu. D’une part, le temps de contact d’un corps élastique rebondissant sur une surface est d’autant plus bref que la raideur de ce corps est élevée. D’autre part, pour une valeur donnée de ΔL, plus le sujet atteint une vitesse élevée au moment du décollage, plus l’accélération doit être importante et plus le temps nécessaire pour aller de la position basse à l’extension complète (c’est-à-dire TC) doit donc être court. La puissance maximale d’un muscle dépend de sa force maximale et de sa vitesse maximale de raccourcissement. Les sujets les plus puissants sont capables d’exercer des forces élevées et de maintenir la production de force (et par conséquent de puissance) en fin d’extension lorsque la vitesse est élevée. Les sujets les plus puissants exercent donc une force moyenne plus élevée au cours d’une détente verticale. Par conséquent, pour une valeur donnée de ΔL, l’accélération moyenne est supérieure et le temps de contact TC plus bref chez les sujets les plus puissants. La valeur de TC est donc plus brève en cas de raideur et de puissance élevées. Plus la vitesse au décollage est élevée, plus le temps de vol TV est important. Par conséquent, pour une valeur donnée de ΔL, une valeur élevée de TV correspond
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à une faible valeur de TC, ce qui a été observé dans la présente étude chez les sprinteurs (italiens + sénégalais). Cependant, le coefficient de corrélation entre TV et TC était faible. Cela est peut être expliquée en partie par le fait que ΔL n’était pas constant. Cette relation entre la raideur des membres inférieurs et la puissance que les sprinteurs peuvent développer, est conforme aux résultats obtenus par Chelly et Denis [8] et par Bret et al. [9] mettant en évidence des corrélations entre la raideur mesurée dans des conditions similaires et la vitesse maximale atteinte au cours d’un sprint de 100 m et l’accélération obtenue entre 30 et 60 m. Cependant, il n’existe pas de corrélation entre les indices de raideur et puissance chez les skieurs dans notre étude. Ce résultat met en évidence l’influence de la discipline sportive sur le contrôle de la raideur. Dans une précédente étude [14], aucune relation n’a été trouvée entre la puissance et la raideur chez des sujets qui n’étaient pas des sportifs de haut niveau. Dans la présente étude, la relation semble être effective en fonction de la discipline, i.e. en fonction non pas du niveau d’entraînement mais en fonction de la qualité de l’entraînement. Le test de rebonds maximaux est un mouvement de type cycle étirement détente (CED), i.e. un enchaînement rapide d’une contraction excentrique suivie d’une contraction concentrique. Dans les mouvements de type CED, une grande puissance peut être fournie grâce à une production élevée de force par la composante contractile des muscles, et/ou grâce à la capacité des structures musculotendineuses à stocker et restituer de l’énergie élastique [3]. Ces deux exigences semblent au premier abord contradictoires. D’une part, un haut niveau de force est lié à une raideur musculaire élevée [2,7,30,31]. D’autre part, il semble que l’utilisation optimale de l’énergie élastique pour améliorer la performance dans un mouvement de type CED soit obtenue par une raideur sub-maximale [31, 32]. Aussi, les sprinteurs semblent capables d’optimiser ce compromis pour fournir de la puissance. Pour une même raideur, les sprinteurs italiens présentent une plus grande puissance que les skieurs. Pour une raideur inférieure, les sprinteurs sénégalais développent la même puissance que les skieurs (Figs. 1 et 2). La qualité de la production de puissance dans un mouvement de type CED, tel que le sprint, est essentiellement dépendante du schème d’activation musculaire et de l’état d’entraînement du système musculotendineux à absorber des charges répétées [28]. En sprint, la durée du cycle étirement détente est inférieure à 100 ms créant des conditions biomécaniques qui sollicitent fortement les structures musculaires, tendineuses et nerveuses. L’équilibre qui s’établit entre les stimuli excitateurs et inhibiteurs crée les conditions de réalisation de la performance [33]. De telles conditions ne sont pas retrouvées en ski alpin où de longues actions excentriques voire quasi isométriques sont recherchées afin de résister aux forces centrifuges et gravitationnelles [23,34]. Le contrôle de la raideur semble être effectué, au moins partiellement, par les boucles réflexes [19,30,35,36] qui induisent également un effet de potentiation sur la performance du
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rebond [3]. Cette potentiation réflexe semble d’ailleurs être supérieure chez les sprinteurs par rapport à d’autres disciplines [37]. Ainsi, à cause de la spécificité de l’entraînement au sprint, les sprinteurs semblent plus aptes à tirer profit de possibilités offertes par un mouvement de type CED. 5. Conclusion La puissance lors du test de rebonds maximaux, appelée également puissance réactive (Bosco, 1992) semble être liée à la raideur des membres inférieurs uniquement chez des sujets entraînés à produire de la puissance dans des conditions similaires. Une telle corrélation n’est pas observée dans une population de skieurs. La mesure de la raideur pourrait être un test intéressant pour l’évaluation spécifique de certains groupes d’athlètes. Remerciements Nous remercions M. Jean Senges, l’équipe de France de Ski, M. Ellio Locatelli, les athlètes pour leur participation et M. Fabrice Viale pour son assistance technique. Références [1] Cavagna GA, Kaneko M. Mechanical work and efficiency in level walking and running. J Physiol 1977;268:467–81. [2] Shorten MR. Muscle elasticity and human performance. Med Sci Sports 1987;25:1–18. [3] Komi PV. The stretch-shortening cycle and human power output. In: Jones, McCartney, McComas, editors. Human muscle power. Champaign: Human Kinetics; 1986. p. 27–39. [4] Walshe AD, Wilson GJ, Murphy AJ. The validity and reability of a test of lower body musculotendinous stiffness. Eur J Appl Physiol 1996;73: 332–9. [5] Taylor CR. Force development during sustained locomotion: a determinant of gait, speed and metabolic power. J Exp Biol 1985;115:253–62. [6] Dalleau G, Belli A, Bourdin M, Lacour JR. The spring-mass model and the energy cost of treadmill running. Eur J Appl Physiol 1998;77:257– 63. [7] Wilson GJ, Wood GA, Elliott BC. Optimal stiffness of series elastic component in stretch-shorten cycle activity. J Appl Physiol 1991;70: 825–33. [8] Chelly S, Denis C. Leg power and hopping stiffness: relationship with sprint running performance. Med Sci Sports Exerc 2001;33:326–33. [9] Bret C, Rahmani A, Dufour A, Messonnier L, Lacour J-R. Leg strength and stiffness as ability factors in 100m sprint running. J Sports Med Phys Fitness 2002;42:274–81. [10] Pousson M, VanHoecke J, Goubel F. Changes in elastic characteristics of human induced by eccentric exercise. J Biomech 1990;23:343–8. [11] Laffaye G, Bardy B, Durey A. Leg stiffness and expertise in men jumping. Med Sci Sports Exerc 2005;37:536–43. [12] Seagrave L. Introduction to sprinting. New Studies in Athletics 1996;11( 2-3):93–113. [13] Bosco C. L’évaluation de la force par le test de Bosco. Roma: Società Stampa Sportiva; 1992. [14] Dalleau G, Belli A, Viale F, Lacour JR, Bourdin M. A simple method for field measurements of leg stiffness. Int J Sports Med 2004;25:170–6. [15] Cavagna GA. Elastic bounce of the body. J Appl Physiol 1970;29(2): 279–82. [16] Farley CT, Blickhan RB, Saito J, Taylor R. Hopping frequency in humans: a test of how springs set stride frequency in bouncing gaits. J Appl Physiol 1991;71:2127–32.
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