Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique (2010) 96S, S319—S328
MÉMOIRE ORIGINAL
Réparation arthroscopique des ruptures du sous-scapulaire : technique chirurgicale et résultats夽 Arthroscopic repair of subscapularis tear: Surgical technique and results L. Lafosse ∗, U. Lanz , B. Saintmard , C. Campens Département de chirurgie orthopédique, Alps Surgery Institute, 4, chemin Tour-la-Reine, 74000 Annecy, France
MOTS CLÉS Rupture du sous-scapulaire ; Réparation du sous-scapulaire ; Coiffe des rotateurs ; Réparation arthroscopique ; Technique chirurgicale
Résumé Introduction. — Le traitement arthroscopique des lésions larges du tendon du sous-scapulaire ont été décrites plus récemment que celles du sus- et sous-épineux. Les ruptures larges représentent une difficulté technique nécessitant une approche extra-articulaire. Les résultats bien que peu décrits dans la littérature sont néanmoins encourageants. Plan de l’étude. — Nous décrivons la technique chirurgicale adaptée à chaque type de rupture en fonction de notre classification des lésions du sous-scapulaire et rapportons les premiers résultats de notre cohorte. Patients et méthode. — Entre janvier 2006 et décembre 2008, 74 patients ont été opérés de ruptures larges du sous-scapulaire. Vingt-trois ont été revus et évalués en postopératoire, avec un recul minimum de deux ans, moyen de 32 mois, par les scores University of California, Los Angeles (UCLA), American Shoulder and Elbow Surgeons (ASES), et de Constant, le Bear-Hug Test comparatif mesuré par dynamomètre, l’échelle visuelle de la douleur et l’autoévaluation de la fonction de l’épaule. Résultats. — Les résultats cliniques postopératoires pour les 23 patients revus montrent une amélioration de la fonction de l’épaule passant de 58 à 86 %, du score UCLA passant de 16,4 à 30,9 points et du score de Constant pondéré passant de 48,6 à 75,2 %. Discussion. — Dans les ruptures importantes, nous conseillons une visualisation au-dessus du tendon du sous-scapulaire, dans son grand axe, par la voie d’abord latérale qui permet de contrôler sa portion intra- et extra-articulaire afin de vérifier sa réduction obtenue par fil tracteur et sa fixation en position anatomique par ancres et sutures grâce à un accès antérieur plus ou moins haut mais toujours maintenu sous-tension. La ténodèse du biceps est souvent nécessaire. Les résultats montrent une nette amélioration de tous les scores, de la douleur, de la force et de la fonction. Les échecs s’élèvent à 9 % (deux cas). Nous ne rapportons pas de complication. Niveau d’évidence. — IV (étude rétrospective). © 2010 Publi´ e par Elsevier Masson SAS.
DOI de l’article original : 10.1016/j.otsr.2010.09.009. Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc ¸aise de cet article, mais celle de l’article original paru dans Orthopaedics & Traumatology: Surgery & Research, en utilisant le DOI ci-dessus. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (L. Lafosse). 夽
1877-0517/$ – see front matter © 2010 Publi´ e par Elsevier Masson SAS. doi:10.1016/j.rcot.2010.09.020
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L. Lafosse et al.
Introduction Les techniques de traitement arthroscopique des ruptures du sous-scapulaire ont été développées et publiées bien après celles des ruptures du sus- et sous-épineux. Les ruptures isolées du sous-scapulaire sont rares, avec une incidence de 4,9 % des ruptures de coiffe dans notre pratique [1]. Elles apparaissent, surtout chez les patients encore actifs, lors des mouvements de résistance à une rotation externe forcée ou d’extension du bras en abduction. Les ruptures du sous-scapulaire apparaissent également chez les patients âgés lors d’une luxation glénohumérale. Certains patients ne présentent pas de traumatisme, suggérant une étiologie dégénérative [2]. Dans la littérature, les ruptures du sous-scapulaire associées à une pathologie de la coiffe se retrouvent dans 35 % des cas pour Bennett [3], dans 27,4 % des cas pour Arai et al. [4] et dans 30 % des cas pour Bennett [5]. Le but de cette étude est de décrire la technique chirurgicale adaptée au type de rupture et les résultats plus spécifiques des réparations arthroscopiques des lésion étendues du sous-scapulaires, de stade III minimum [1] avec un recul de deux à quatre ans.
Anatomie et classification La zone d’insertion du tendon du sous-scapulaire au niveau du trochin a une forme triangulaire à petite base supérieure, large en haut du trochin et plus fine à sa partie basse (Fig. 1). Cela correspond tout à fait à une partie tendineuse supérieure épaisse et résistante alors que le tiers inférieur est musculaire et fragile. La hauteur moyenne d’insertion est de 25,8 mm, tandis que sa largeur moyenne est de 18,1 mm. Son bord médial rectiligne est aligné de manière pratiquement parallèle à l’axe longitudinal du fût huméral [6]. En accord avec les données anatomiques et les constatations arthroscopiques lésionnelles, nous avons décrit une
Figure 1
Zone d’insertion.
Tableau 1 Classification des ruptures du sous-scapulaire avec le nombre de cas pour chaque type inclus dans notre étude. Type
Lésion
I
Lésion partielle du tiers supérieur Lésion complète du tiers supérieur Lésion complète des deux tiers supérieurs Lésion complète du tendon avec une tête humérale centrée et une dégénérescence graisseuse classifiée inférieure ou égale à 3 Lésion complète du tendon avec une tête humérale excentrée avec un conflit coracoïdien et une dégénérescence graisseuse classifiée supérieure ou égale à 3
II III IV
V
Nombre de cas 0 0 15 5
3
classification en cinq types des lésions du tendon du sousscapulaire en 2007 (Tableau 1) [7]. Les lésions de type I sont de simples érosions du tiers supérieur sans désinsertion osseuse (Fig. 2 et 3). Le type II est une désinsertion limitée au tiers supérieur (Fig. 4 et 5). Le type III est une atteinte de toute la hauteur de l’insertion tendineuse mais sans désinsertion musculaire du tiers inférieur, avec une limitation de la rétraction tendineuse (Fig. 6 et 7). Le type IV est une désinsertion complète du sous-scapulaire avec une rétraction de l’ensemble au niveau du trochin, mais la tête humérale reste encore centrée sans contact coracoïdien au scanner en rotation interne (Fig. 8 et 9). Le type V est également une rupture complète mais avec une migration antérosupérieure de la tête qui vient au contact de la coracoïde et s’associe à une infiltration graisseuse (Fig. 10 et 11). Sur cette base, nous avons affiné l’analyse des lésions dans le but d’y adapter le traitement. La lésion isolée du feuillet articulaire est spécifié « A » et nécessite souvent une élévation tendineuse par un palpeur (Fig. 12).
Figure 2
Type I, vue schématique.
Réparation arthroscopique du sous-scapulaire
S321
Figure 6
Figure 3
Type I, vue arthroscopique.
Figure 7
Figure 4
Type III, vue schématique.
Type III, vue arthroscopique.
Type II, vue schématique.
Figure 8
Type IV, vue schématique.
Technique chirurgicale Installation
Figure 5
Type II, vue arthroscopique.
Les patients sous anesthésie générale après bloc interscalénique sont installés en position semi assise le bras maintenu en élévation antérieure par une traction longitudinale de 1,5 à 3 kg permettant de positionner l’humérus en légère
S322
L. Lafosse et al.
Figure 9
Type IV, vue arthroscopique.
Figure 12
Type III A, vue arthroscopique.
flexion et rotation neutre, exposant ainsi aisément les bords d’entrées postérieurs et antérieurs de la gouttière du biceps (Fig. 13). Les avantages de cette position sont donc une meilleure visualisation arthroscopique du tendon du sousscapulaire comme celle décrite pour le ciel ouvert [8]. La rotation est aisée et permet d’exposer au mieux, depuis l’abord arthroscopique postérieur, la zone d’insertion du sous-scapulaire sur une grande hauteur par une augmentation de la flexion en cas de rupture étendue de sa face profonde.
Voies d’abord
Figure 10
Figure 11
Type V, vue schématique.
Type V, vue arthroscopique.
Le nombre de voies d’abord utilisées dépend de la taille de la lésion du tendon du sous-scapulaire et de ses associations lésionnelles. Une fois la première voie d’abord effectuée, les suivantes sont de dehors en dedans, sous contrôle scopique, guidées par une aiguille. Les repères cutanés sont moins importants que les repères arthroscopiques (Fig. 14 et 15).
Figure 13
Position opératoire.
Réparation arthroscopique du sous-scapulaire
S323 La voie d’abord F La voie d’abord F antéro-inférieure, plus basse, est utilisée dans les ruptures sur toute la hauteur du sous-scapulaire, souvent rétractées à l’aplomb de la glène. Toutes ces voies d’abord étant en dehors de la coracoïde et du tendon conjoint, elles ne présentent aucun risque de lésion neurologique.
Déroulement opératoire
Figure 14
Voies d’abord antérieur.
La voie d’abord A La voie d’abord A postérieure permet d’effectuer le bilan intra-articulaire du sous-scapulaire mais n’est utilisée que pour la visualisation des réparations des lésions limitées du sous-scapulaire, des ténodèses du biceps et du contrôle intra-articulaire des réparation du sus-épineux. La voie d’abord C La voie d’abord C latérale est initialement utilisée pour la visualisation en cas de rupture associée étendue du susépineux ou secondairement pour les ruptures étendues du sous-scapulaire. Les voies d’abord D et E La voie dabord D est aussi utilisée pour la visualisation. La voie d’abord D antérolatérale et la voie d’abord E antérosupérieure sont utilisées comme voies instrumentales.
Figure 15
Voies d’abord.
La première étape est le bilan rigoureux anatomique et lésionnel en étant systématique : évaluation de toute la surface du cartilage glénoïdien et huméral, en s’aidant éventuellement d’une translation antérieure de la tête pour exposer sa face postérieure, de l’état capsulaire (inflammation, dystrophie) puis on pratique une évaluation depuis le pied du biceps selon un petit cercle explorant pas à pas le bourrelet antérieur, inférieur et postérieur jusqu’à l’insertion postérieur du biceps que l’on suit jusqu’à sa poulie. On étudie son état, sa stabilité postérieure et antérieure lors des mouvements de rotations internes et externes. On apprécie l’état des berges de l’intervalle des rotateurs comprenant le ligament glénohuméral supérieur (LGHS) et le ligament coracohuméral. Puis l’évaluation est faite selon un plus grand cercle du ligament glénohuméral moyen (LGHM), du tendon du sous-scapulaire qui doit être réalisée de manière dynamique en rotation interne, du ligament glénohuméral inférieur (LGHI), de la poche axillaire, des tendons du petit rond, de l’infra- puis du supra-épineux jusqu’à terminer par la gouttière du biceps. Les voies d’abord complémentaires instrumentales et de visualisation dépendent du type de lésion du sous-scapulaire et de ses associations lésionnelles.
En cas de lésion limitée au tiers supérieur de type I, II et à la face profonde des types III En cas de lésion isolée du sous-scapulaire sans atteinte du biceps, seul sa réparation est effectuée à condition de ne pas mettre en jeu la stabilité du biceps. Au moindre doute, la ténodèse du biceps est effectuée, même si son tendon est en bon état. L’intervalle des rotateurs est ouvert au-dessus du tendon du sous-scapulaire par la voie antérieure E puis la voie antérolatérale D est précisément repérée par une aiguille introduite à l’angle antérosupérieur de l’acromion arrivant à la jonction de la poulie médiale du biceps et de la partie supérieure de la zone d’insertion du sous-scapulaire. Un crochet palpeur est introduit par cette voie D pour mobiliser le biceps, évaluer l’intégrité de la poulie ainsi que pour décoller le sous-scapulaire de sa zone d’insertion afin de contrôler l’étendue inférieure de la rupture de sa face profonde et de déterminer le type de rupture. La réductibilité de la lésion est ensuite appréciée par une traction latérale grâce à une pince préhensive douce introduite en D afin de déterminer si une libération tendineuse est nécessaire. Les adhérences éventuelles sont libérées en intra-articulaire, entre sous-scapulaire et LGHI, puis au bord supérieur du tendon du sous-scapulaire et enfin en avant du sous-scapulaire dans l’espace sous-coracoïdien sans dépasser en dedans l’aponévrose médiale sous-coracoïdienne qui limite en dehors les structures vasculonerveuses.
S324
Figure 16
L. Lafosse et al.
Réparation type II : palpeur sous biceps.
L’abrasion de la zone d’insertion du sous-scapulaire est pratiquée sans décortiquer le trochin afin de préserver la solidité des futurs ancrages. L’ancre, équipée de deux fils doublement montés (Healix BR 5,5 mm Anchor w/Orthocord, Depuy Mitek), est introduite par la voie d’abord E et placée dans le trochin à la partie la plus basse de la rupture. Une à deux ancres sont nécessaires en fonction de l’étendue inférieure de la rupture. Les fils sont récupérés dans la voie D puis passés successivement de bas en haut à travers le tendon par un « Clever Hook » introduit par la voie E afin de permettre la réparation du sous-scapulaire effectuée par des points de Matress pour les fils inférieurs et par la technique du « LassoLoop » décrite en 2006 [7] pour le dernier fil supérieur. Les nœuds sont alors réalisés l’un après l’autre de bas en haut par la voie D. En cas de lésion associée ou d’instabilité du biceps sans lésion du sus-épineux, celui-ci est ténodèsé grâce à un des fils de l’ancre la plus haute servant à la réinsertion du susépineux selon la technique du « Lasso-Loop » (Fig. 16—18). En cas de lésion associée du sus-épineux, la réparation de lésion du sous-scapulaire et la ténodèse du biceps, qui est systématique dans ce cas, sont effectués avant celle du sus-épineux. En cas de lésion de type III correspondant à une désinsertion complète des deux tiers supérieurs La libération de la rétraction tendineuse et le contrôle de la réduction sont au mieux faites depuis un positionnement de l’arthroscope par une voie latérale en C. Elle est pratiquée soit secondairement après visualisation en A et ouverture de l’intervalle des rotateurs en cas de lésion isolée du sous-scapulaire, soit d’emblé en cas de lésion étendue du sus-épineux. Cette voie d’abord permet de bien visualiser la libération du sous-scapulaire réalisée par la voie d’abord D. La libération commence par la face articulaire en avant du LGHM puis au contact de l’omoplate sans aucun risque de lésion nerveuse puisque l’innervation du muscle se fait à sa face antérieure. Le bord supérieur est ensuite libéré dans l’intervalle de glissement entre le sous-scapulaire et la coracoïde en restant en dehors du bord interne de l’insertion de
la coracoïde correspondant à l’échancrure du nerf suprascapulaire. La face antérieure du muscle est ensuite au mieux exposé par libération entre tendon conjoint et grand pectoral par section de l’aponévrose clavi-pectoro-axillaire au bord latéral du tendon conjoint jusqu’à exposer la face supérieure de la partie distale de la coracoïde. En arrière du tendon conjoint, la face antérieure du sous-scapulaire est souvent adhérente sur toute la hauteur de sa rupture au tendon conjoint et doit en être libérée jusqu’à ce qu’apparaisse un voile aponévrotique représentant la limite médiane de la bourse sous-coracoïdienne, rempart pellucide limitant l’enveloppe externe du plexus, de ses branches et des vaisseaux axillaires. La réduction anatomique de la rupture du sous-scapulaire doit se faire sans aucune traction sur le plexus. Si la réduction ne peut pas être obtenue sans traction sur le plexus, il faut le libérer de sa face antérieure. La bourse sous-coracoïdienne est ouverte délicatement à l’aide d’un instrument mousse jusqu’à apercevoir les branches supérieures et inférieures du nerf sous-scapulaire. En continuant la dissection plus en bas et en dedans, visualise le nerf
Figure 17 scapularis.
Réparation type II : ténodèse biceps et lasso sous-
Figure 18
Réparation type II : ténodèse et sutures terminées.
Réparation arthroscopique du sous-scapulaire
Figure 19
Réparation type III : fil tracteur.
axillaire. Dès lors que les nerfs sont repérés, la bourse souscoracoïdienne peut être réséquée sans risque d’atteinte neurologique. Ce temps est souvent hémorragique et nécessite l’emploi en alternance du shaver et d’un appareil de coagulation. Une fois la déductibilité complète obtenue, la fixation tendineuse est effectuée selon les mêmes principes précédemment évoqués avec au minimum deux ancres pour le sous-scapulaire. Dans les lésions associées du sus-épineux réalisant une rupture antérosupérieure, le sus-épineux peut présenter une déchirure longitudinale et reste solidaire du sousscapulaire par les connections intertendineuses. Lorsque le sous-scapulaire se rétracte, le sus-épineux s’enroule autours de la coracoïde et se subluxe en avant. Pour mettre en évidence cette particularité, on ouvre tout d’abord, l’intervalle des rotateurs en prenant garde de ne pas sectionner le tendon du supra-épineux. Plutôt que de les séparer, leur insertion commune est préservée pour favoriser la solidité de la réinsertion tendineuse. Le ligament coracohuméral est désinséré de sa rétraction autour de la coracoïde pour permettre la réduction des tendons. On réalise ensuite une libération du sous-scapulaire comme décrit précédemment en poursuivant la libération intra-articulaire vers la base de la coracoïde et le supra-épineux. On termine par la libération extra-articulaire du supra-épineux en laissant l’intervalle des rotateurs largement ouvert après réparation tendineuse (Fig. 19—22). En cas de lésion de type IV avec rétraction complète à l’aplomb de la glène Le principe reste identique mais la réduction nécessite la mise en place d’une traction par des fils à la partie supérieure et inférieure du tendon rompu. Les fils sont récupérés par une voie à la demande dans l’axe de la réduction et fixés sous-tension avec une pince type Kocher appuyée sur la peau. Cette traction permet de réaliser la libération du tendon déjà décrite pour le type III mais avec une extension inférieure plus importante et des adhérences souvent plus difficiles à disséquer. L’arthroscope est souvent placé en D pour avoir un meilleur contrôle de la libération tendinomusculaire, une voie d’abord F plus inférieure permettant
S325
Figure 20
Réparation type III : réduction après ténolyse.
Figure 21
Figure 22
Réparation type III : passage des fils.
Réparation type III : fixation finale.
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L. Lafosse et al.
Figure 23
Nerfs du sous-scapulaire.
Figure 25
Transfert petit pectoral : ténotomie.
d’accéder à la partie inférieure du sous-scapulaire et à introduire une ancre à la partie toute inférieure du trochin. La fixation se fait par trois ancres en quinconce afin d’assurer une large surface d’application tendineuse. La libération des structures nerveuses du plexus est capitale pour obtenir une bonne mobilité indolore en rotation externe (Fig. 23 et 24). En cas de lésion de type V L’excentration antérosupérieure de la tête humérale qui vient au contact de la coracoïde est souvent associée à une infiltration graisseuse et à une fragilité tendineuse telle que la réparation complète du sous-scapulaire n’est pas possible. On réalise une réparation partielle de la partie inférieure puis on réalise un transfert du tendon du petit pectoral passé sous la coracoïde (Fig. 25—27).
Soins postopératoires Le membre supérieur est positionné sur un coussin d’abduction en légère rotation interne en proscrivant toute rétropulsion de l’épaule pour une durée de six semaines,
Figure 24
Libération nerveuse complète.
Figure 26 coïde.
Transfert petit pectoral : passage sous la cora-
Figure 27
Transfert petit pectoral : fixation sur le trochin.
Réparation arthroscopique du sous-scapulaire trois semaines jour et nuit, puis trois semaines uniquement la nuit. Durant cette période seules les mobilisations passives sont autorisées mais sans aucune rééducation pendulaire pour éviter la subluxation antérieure et les tractions de la réinsertion tendineuse. La mobilisation en rotation interne est limitée à la main au niveau de l’abdomen sans mettre la main dans le dos. La rotation externe est limitée à zéro et l’élévation doit être indolore, en rotation interne sous la supervision d’un kinésithérapeute. Les mobilisations actives assistées sans restriction sont autorisées sous le seuil de la douleur après six semaines et le renforcement musculaire est autorisé après trois mois.
Patients et méthode Entre janvier 2006 et décembre 2008, 74 patients ont présenté une rupture étendue du sous-scapulaire de type III à V et bénéficié d’une réparation arthroscopique selon la technique chirurgicale décrite. Tous ces patients ont été opérés par le même chirurgien (l’auteur). Vingt-trois patients ont été revus cliniquement et avec un bilan radiologique complet comprenant un arthroscanner (31 %), 18 hommes et cinq femmes, avec une moyenne d’âge de 63 ans (46 à 78 ans). Tous les patients sont droitiers et 78 % ont été opérés du côté dominant. L’origine des lésions était aiguë (moins de trois mois) pour 39 % des patients, subaiguë (entre trois et six mois) pour 57 % des patients et chronique (au-delà de six mois) pour 4 % des patients. La survenue des lésions était spontanée dans 35 % des cas, accidentelle pour les autres dont 39 % d’accidents privés et 26 % d’accident de travail. Les analyses cliniques préopératoires sont le score de Constant, le score UCLA, le score ASES et la fonction subjective de l’épaule en pourcentage. Les mêmes analyses cliniques ont été utilisées en postopératoire ainsi que la force du sous-scapulaire lors du Bear-Hug Test comparatif avec le dynamomètre, l’échelle visuelle de la douleur et la satisfaction sur une échelle de 10 points. Tous les patients ont eu une analyse radiologique préopératoire par arthroscanner. Les analyses statistiques ont été réalisées par une statisticienne indépendante avec le t-test (SPSS 8.0 pour Windows). Le résultat est jugé significatif lorsque la valeur « p » est inférieure ou égale à 0,05.
Résultats La durée moyenne du suivi est de 32 mois (18 à 52 mois).
Tableau 2
S327 Les lésions isolées du sous-scapulaire représentent 26 % (six patients), les lésions associées à une rupture antérosupérieure (supra-épineux) représentent 35 % (huit patients) et les lésions associées à une rupture massive (supra- et infra-épineux) représentent 39 % (neuf patients). Les lésions de type III du sous-scapulaire représentent 65 % (15 patients), les types IV représentent 22 % (cinq patients) et les types V représentent 13 % (trois patients).
Résultats cliniques Les résultats cliniques des patients montrent une amélioration postopératoire significative du score UCLA et du score de Constant ainsi que de la fonction et de la mobilité de l’épaule (Tableau 2). Les résultats postopératoires du score UCLA sont bons et très bons dans 85 % des cas, faibles dans 9 % des cas et mauvais dans 4 % des cas. Le score ASES nous a permis de mettre en évidence l’absence d’instabilité postopératoire. Le score de Constant moyen pondéré est de 59 % (18 à 96 %) en préopératoire et de 95 % (44 à 121 %) en postopératoire. L’analyse des mobilités moyennes permet de montrer que les patients gagnent en postopératoire 9 sur 40 points (mobilité du score de Constant). L’échelle visuelle de la douleur passe de 6 points en préopératoire à 2 points en postopératoire, où 10 points correspond à la douleur maximale. La fonction moyenne subjective de l’épaule (autoévaluation par le patient) passe de 58 % (20 à 80 %) en préopératoire à 86 % (40 à 100 %) en postopératoire.
Ténodèse du biceps Soixante et un pour cent des patients (14 patients) ont bénéficié d’une ténodèse du biceps. Il n’y a pas de différence significative postopératoire entre les patients qui ont bénéficié d’une ténodèse et ceux dont le biceps a été laissé en place concernant la douleur postopératoire (p = 0,874) et l’amplitude articulaire (p = 0,869).
Analyse de la force du sous-scapulaire par le Bear-Hug Test avec le dynamomètre La force de résistance moyenne postopératoire au Bear-Hug Test était de 7 kg (3 à ≥ 12 kg) du côté opéré et de 8 kg (2 à
Résultats cliniques. Préopératoire
Postopératoire
Valeur p
Fonction en %
58 (déviation standard 50,6—65,4)
86 (déviation standard 77,3—94,8)
< 0,001
Score UCLA
16,4 (déviation standard 14,4—18,5)
30,9 (déviation standard 28,5—33,2)
< 0,001
Score de Constant
48,6 (déviation standard 41,4—55,7)
75,2 (déviation standard 68,3—82,1)
< 0,001
Mobilité de l’épaule (amplitude articulaire du score de Constant)
25,5 (déviation standard 21,1—29,8)
34,3 (déviation standard 31,2—37,3)
< 0,001
S328 ≥ 12 kg) du côté non opéré. Le côté opéré reste significativement plus faible que le côté non opéré (p = 0,031).
Satisfaction La satisfaction moyenne postopératoire sur une échelle visuelle de 0 à 10 est de 9 (3 à 10).
Mauvais résultats Trois patients (13 %) présentent des résultats non satisfaisants : un patient a présenté une rupture secondaire du sous-scapulaire, un deuxième patient a présenté une rupture postopératoire du supra-épineux et un troisième patient a présenté une rupture secondaire du sousscapulaire associée à une rupture du supra- et infra-épineux.
Complications Aucune complication n’a été mise en évidence.
Discussion Les lésions du sous-scapulaire sont difficiles d’accès et nécessitent une technique chirurgicale avancée. Les principales techniques clefs sont : • tout d’abord, la bonne visualisation du tendon par la voie d’entrée D permettant de voir le tendon dans son axe sur toute sa longueur ainsi que ses faces postérieure, supérieure et antérieure ; • ensuite, l’installation d’un fil tracteur placé dans l’axe du tendon permet d’apprécier sa réduction et de le maintenir appliqué sous-tension lors de la suture et du nouage des fils. La libération étendue du tendon nécessaire pour une bonne réduction met en évidence les nerfs du sousscapulaire et le nerf axillaire qui sont dès lors préservés. Parmi les tests utilisés en postopératoire, le Bear-Hug Test comparatif avec le dynamomètre, associé aux autres tests (Belly-Press Test, Lift-off), optimise la détection de rupture secondaire dans ses formes les plus hautes comme décrit par Barth et al. [9]. Notre étude montre de bons résultats postopératoires pour les 23 patients revus avec une amélioration significative des scores UCLA montrant 85 % de bons et très bons résultats (moyenne de 31 points) et de Constant (moyenne pondérée de 95 %), de la mobilité et de la fonction. Une revue de la littérature ne nous a pas permis de trouver des études comparables traitant exclusivement des ruptures importantes de type III à V. Cependant des études reprenant tous les types de lésions du sous-scapulaire ont montré de bons et très bons résultats
L. Lafosse et al. dans 80 % pour Adams et al. (avec un score UCLA moyen de 31,6 points) [10], dans 92 % pour Burkhart et Tehrany (avec un score UCLA moyen de 30,5 points et un suivi moyen de 10,7 mois) [11] et dans 42 % pour Warner et al. [12] par une technique à ciel ouvert (avec un score UCLA moyen de 30,5 points). Parmi les mauvais résultats, le deuxième patient qui a présenté une rupture postopératoire du supra-épineux n’est pas considéré comme un échec de la technique chirurgicale, alors que les deux autres patients sont considérés comme tels. Les échecs représentent donc 9 % (deux patients). Ces bons résultats devront être comparés à d’autres études prenant en compte les lésions massives du sousscapulaire de type III à V.
Conflit d’intérêt Aucun.
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