Résultats de la radiothérapie dans les carcinomes épidermoïdes du larynx avec atteinte sous-glottique

Résultats de la radiothérapie dans les carcinomes épidermoïdes du larynx avec atteinte sous-glottique

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Cancer/Radiothérapie 18 (2014) 1–6

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Résultats de la radiothérapie dans les carcinomes épidermoïdes du larynx avec atteinte sous-glottique Results of definitive radiotherapy for squamous cell carcinomas of the larynx patients with subglottic extension A. Lévy a , P. Blanchard a , F. Janot b , S. Temam b , J. Bourhis a,c , N. Daly-Schveitzer a , Y. Tao a,∗ a

Service d’oncologie-radiothérapie, institut de cancérologie Gustave-Roussy, 114, rue Édouard-Vaillant, 94800 Villejuif, France Département de chirurgie ORL, institut de cancérologie Gustave-Roussy, 114, rue Édouard-Vaillant, 94800 Villejuif, France c Service d’oncologie-radiothérapie, Lausanne, Suisse b

i n f o

a r t i c l e

Historique de l’article : Rec¸u le 29 avril 2013 Rec¸u sous la forme révisée le 10 juin 2013 Accepté le 26 juin 2013 Mots clés : Sous-glotte Larynx Carcinome épidermoïde Radiothérapie Chimiothérapie d’induction Préservation laryngée

r é s u m é Objectif. – Évaluer les résultats de la radiothérapie chez les patients atteints de carcinomes épidermoïdes du larynx avec atteinte sous-glottique. Patients et méthodes. – Entre 1998 et 2012, 56 patients ont rec¸u une radiothérapie ou une radiochimiothérapie (63 %) sans ou avec chimiothérapie d’induction (37 %) dans notre établissement. Résultats. – Le suivi médian était de 74 mois. À cinq ans, les probabilités de survie globale, de survie sans progression et de survie spécifique étaient respectivement de 64 % (intervalle de confiance à 95 % [IC 95 %] : 48–90 %), 45 % (IC 95 % : 28 %–61 %) et 88 % (IC 95 % : 78 %–98 %), respectivement. Les probabilités de contrôle locorégional et de contrôle à distance à cinq ans étaient de 69 % (IC 95 % : 56–83) et 95 % (IC 95 % : 89–100). Il n’y avait pas de différence de survie globale ni de contrôle locorégionale en fonction des traitements rec¸us (radiothérapie/chimioradiothérapie contre chimiothérapie puis radiothérapie/chimioradiothérapie) ou en cas d’atteinte sous-glottique primitive. Un indice de performance de 1 ou plus et la présence d’adénopathie cervicale au moment du diagnostic étaient des facteurs pronostiques défavorables de survie globale en analyse multifactorielle (hazard ratio [HR] [IC 95 %], respectivement de 6,5 [1,3–34 ; p = 0,03] et 11 [1,6–75 ; p = 0,02]). La probabilité de contrôle locorégional des cancers de stades T3-T4 était plus basse (HR : 3,1 ; IC 95 % : 1,1–9,2, p = 0,04) en analyse unifactorielle mais aucun facteur pronostique n’a été retrouvé dans l’analyse multifactorielle. Aucune différence de probabilité de contrôle locorégional n’a été observée en fonction du premier traitement rec¸u (p = 0,3). La probabilité de préservation laryngée à cinq ans était de 88 % (IC 95 % : 78–98) pour l’ensemble des patients et 58 % en cas de cancer de stade T3. Les probabilités de préservation laryngée à cinq ans étaient de 91 % (IC 95 % : 79–100) et 83 % (IC 95 % : 66–100), respectivement chez les patients qui n’ont pas et ont rec¸u une chimiothérapie néoadjuvante. Conclusion. – Cette analyse suggère que les résultats obtenus pour les cancers du larynx avec atteinte sousglottique par la radiothérapie avec ou sans chimiothérapie seraient comparables à ceux obtenus pour les autres tumeurs laryngées. Des protocoles de préservation laryngée pourraient donc être proposés en cas d’atteinte sous-glottique, dans certains cas sélectionnés. D’autres études sont nécessaires pour préciser ces données préliminaires. © 2013 Société française de radiothérapie oncologique (SFRO). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

a b s t r a c t Keywords: Subglottic Larynx Squamous cell carcinoma Radiotherapy Induction chemotherapy Larynx preservation

Background. – Squamous cell carcinoma of larynx with subglottic extension is a rare location described to carry a poor prognosis. The aim of this study was to analyze outcomes and feasibility of definitive radiotherapy in patients with squamous cell carcinoma. Patients and methods. – Between 1998 and 2012, 56 patients with squamous cell carcinoma were treated at our institution and included in the analysis. Patients received definitive radiotherapy/chemoradiotherapy alone (63%) or after induction chemotherapy (37%) at our institute.

∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (Y. Tao). 1278-3218/$ – see front matter © 2013 Société française de radiothérapie oncologique (SFRO). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.canrad.2013.06.047

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Results. – The 5-year actuarial overall survival, progression-free survival and specific survival were 64% (CI 95%: 48–90), 45% (CI 95%: 28–61), 88% (CI 95%: 78–98), respectively, with median follow-up of 74 months. The 5-year locoregional control was 69% (CI 95%: 56–83) and the 5-year distant control was 95% (CI 95%: 89–100). There was no difference in overall survival and locoregional control according to frontline treatments or between primary subglottic cancer and glotto-supraglottic cancers with subglottic extension. In the multivariate analysis, performance status of at least 1 and positive N stage were the only predictors for overall survival (hazard ratio [HR] [CI 95%]: 6.5 [1.3–34; P = 0.03] and 11 [1.6–75; P = 0.02], respectively). No difference of locoregional control was observed according to the first received therapy. The univariate analysis retrieved that T3–T4 patients had a lower locoregional control (HR: 3.1; CI 95%: 1.1–9.2, P = 0.04), but no prognostic factor was retrieved in the multivariate analysis. In patients receiving a larynx preservation protocol, 5-year larynx preservation rate was 88% (CI 95%: 78–98), and 58% in T3 patients. The 5-year larynx preservation rate was 91% (CI 95%: 79–100) and 83% (CI 95%: 66–100) for patients who received radiotherapy/chemoradiotherapy or induction chemotherapy as a front-line treatment, respectively. Conclusion. – This analysis suggests that the results for squamous cell carcinoma patients treated with radiotherapy/chemoradiotherapy are comparable to those obtained for other laryngeal tumors. This thus suggests the feasibility of laryngeal preservation protocols for infringement subglottic for selected cases. Further studies are needed to clarify these preliminary data. © 2013 Société française de radiothérapie oncologique (SFRO). Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

1. Introduction

2. Patients et méthodes

L’extension sous-glottique des carcinomes épidermoïdes du larynx représente moins de 7 % des tumeurs laryngées [1,2]. Compte tenu des risques d’extension lymphatique (paratrachéale et récurrente), de dissémination métastatique et d’obstruction des voies respiratoires chez des patients fragiles souvent atteints de lourdes maladies associées, les cancers du larynx avec atteinte sousglottique sont considérés de pronostic défavorable [3]. Malgré le manque de littérature évaluant les résultats du traitement, il est généralement considéré que les lésions de petite taille (de stades T1-T2) peuvent être traitées par irradiation et que la chirurgie peut être utilisée pour des lésions étendues (de stades T3-T4) ou en rattrapage [4–6]. Cependant, la prise en charge chirurgicale d’un cancer du larynx avec atteinte sous-glottique nécessite l’ablation du larynx entier, conduisant à des troubles définitifs de la parole. La laryngectomie partielle est rarement possible et la préservation d’organe est généralement évitée. Récemment, la radiothérapie seule pour les tumeurs limitées ou en combinaison avec la chimiothérapie pour les tumeurs localement évoluées a été utilisée pour éviter une laryngectomie totale. Bien qu’il soit admis que la chimioradiothérapie concomitante permette une préservation du larynx, ces conclusions n’ont pas été explicitement validées en cas d’atteinte sous-glottique [7–10]. Récemment, Hata et al. ont suggéré que l’utilisation de la chimioradiothérapie concomitante pourrait améliorer l’efficacité du traitement et contribuer à la préservation laryngée tout en permettant un taux de contrôle local satisfaisant des patients atteints de cancer du larynx avec atteinte sous-glottique [11]. La chimiothérapie d’induction suivie d’une radiothérapie sans chimiothérapie en cas de réponse est une autre alternative pour la préservation fonctionnelle des cancers localement évolués du larynx [12]. En effet, un bénéfice de survie a été observé chez les patients recevant une chimiothérapie d’induction en utilisant le protocole TPF (docétaxel, cisplatine et 5-fluoro-uracile), suivie d’une radiothérapie exclusive, par rapport au protocole PF (cisplatine, 5-fluoro-uracile), suivi par la même radiothérapie [13,14]. Étant donné qu’il n’existe pas de séries permettant d’évaluer l’irradiation exclusive pour les patients atteints de cancer du larynx avec atteinte sousglottique, nous avons analysé les résultats et la faisabilité de préservation laryngée chez ces patients traités dans notre institution.

2.1. Patients Les dossiers médicaux de 251 patients atteints d’un cancer du larynx avec atteinte sous-glottique, obtenus à partir de plus de 1700 patients traités pour un cancer du larynx à l’institut de cancérologie Gustave-Roussy entre 1998 et 2012, ont été analysés rétrospectivement. L’envahissement clinique de la région sousglottique a été défini par la présence tumorale 5 mm en dessous du plan glottique. Les patients avec atteinte glottique primitive ont également été inclus dans l’analyse. Les patients de moins de 18 ans, atteints d’un cancer d’un autre sous-type histologique, d’une récidive locale après radiothérapie et/ou laryngectomie totale, de métastases à distance, traités à l’extérieur de l’établissement, en situation de non-réponse à la chimiothérapie d’induction, traités à visée palliative, ont été exclus de l’étude. Au final, 56 patients traités par irradiation à visée curative (sans chirurgie curative première) ont été inclus dans l’étude. Les caractéristiques initiales des patients sont présentées dans le Tableau 1. L’âge médian était de 62 ans (41–85), 49 patients étaient des hommes (%), et 69 % (n = 39) étaient atteints de maladies associées sévères. Les tumeurs de stades III-IV représentaient 48 % de l’effectif (n = 27). 2.2. Traitements Tous les dossiers de patients ont été discutés en comité multidisciplinaire d’ORL avant le début du traitement. Les patients ont rec¸u une radiothérapie/chimioradiothérapie concomitante (n = 35 ; 62 %) ou une chimiothérapie d’induction (n = 21 ; 38 %), suivie de radiothérapie/chimioradiothérapie concomitante. La radiothérapie externe a délivré une dose médiane de 70 Gy en 35 fractions, en médiane en 49 jours. La moitié des patients (n = 28) ont rec¸u une chimioradiothérapie concomitante par cisplatine ou carboplatine ou une thérapie ciblée (cétuximab). La grande majorité des patients ont été irradiés par deux faisceaux conformationnels opposés dans la partie supérieure du cou incluant la totalité du larynx et un faisceau antérieur ou antéro-postérieur sus-claviculaire incluant ou non le médiastin supérieur. La chimiothérapie d’induction a consisté en combinaison de PF dans 48 % (n = 10), ou de TPF dans 38 % (n = 8) pour les patients les plus récents, ou en d’autres traitements (n = 3). Au total, 21 patients ont rec¸u une radiothérapie/chimioradiothérapie concomitante après la chimiothérapie

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Tableau 1 Caractéristiques initiales des 56 patients. Baseline characteristics of the 56 patients. n (%) Âge médian (années)

62 (41–85)

Sexe Masculin Féminin

49 (88) 7 (12)

Indice de performance 0 ≥1

51 (91) 5 (9)

Maladies associées Oui Non

39 (69) 17 (31)

Atteinte sous-glottique primitive Non Oui

52 (93) 4 (7)

Classification T 1–2 3 4

29 (52) 22 (39) 5 (9)

Classification N 0 1 2 3

50 (89) 3 (5) 2 (4) 1 (2)

Stade I-II III IVa

29 (52) 21 (38) 6 (10)

Fig. 1. Survie globale (—) et survie sans progression (—) des 56 patients. Overall survival (—) and progression-free (—) survival of the 56 patients.

été utilisées et les variables continues (indice de performance, T, N et âge) ont été dichotomisées. Les analyses statistiques ont été réalisées avec le logiciel SPSS, version 19 (SPSS Inc, États-Unis). Les valeurs de p < 0,05 ont été considérées comme significatives.

d’induction. Seize pour cent (n = 9) des patients ont bénéficié d’une désobstruction des voies respiratoires initiale par chirurgie par laser ou trachéotomie. Les traitements sont résumés dans le Tableau 2. 2.3. Analyse statistique Le suivi a été estimé par la méthode de Kaplan-Meier inversée. Les analyses de survie globale, sans progression, spécifique, le contrôle locorégional et contrôle à distance ont été estimés par la méthode de Kaplan-Meier. Les durées de survie ont été définies comme le temps écoulé entre le début du traitement et le premier événement. Les événements considérés étaient le décès de toute cause pour la survie globale, le décès ou la progression tumorale pour la survie sans progression, et le décès lié au cancer traité pour la survie spécifique. Pour les taux de contrôle locorégional et de contrôle à distance, les décès sans rechute et les rechutes ultérieures ont été censurées. Les courbes de survie ont été comparées en utilisant le test du log-rank pour l’analyse unifactorielle et par le modèle de Cox à risque proportionnel pour l’analyse multifactorielle. Dans le modèle de Cox, les variables avec p de moins de 0,2 ont Tableau 2 Traitements. Treatments.

3. Résultats 3.1. Survie et facteurs pronostiques Quinze patients sont décédés avec un suivi médian de 74 mois (1,6–145,2). Les probabilités à cinq ans de survie globale, de survie sans progression et de survie spécifique étaient respectivement de 64 % (indice de confiance à 95 % [IC 95 %] : 48–90), 45 % (IC 95 % : 28–61), et 88 % (IC 95 % : 78–98) (Fig. 1). La durée médiane de survie globale n’a pas été atteinte et celle de survie sans progression était de 9,8 ans. En analyse unifactorielle, seul un indice de performance de 1 ou plus était corrélé avec une probabilité de survie globale plus basse (hazard ratio [HR] : 3,3 ; IC 95 % : 1,3–34 ; p = 0,05). Dans l’analyse multifactorielle, un indice de performance de 1 ou plus et la présence initiale d’adénopathie cervicale étaient associés à une probabilité de survie globale plus basse avec des HR respectifs (IC 95 %) de 6,5 (1,3–34 ; p = 0,03) et 11 (1,6–75 ; p = 0,02) (Tableau 3). Il n’y avait aucune différence de survie dans cette série selon les traitements (radiothérapie/chimioradiothérapie contre chimiothérapie suivie de radiothérapie/chimioradiothérapie) ou si les patients avaient une atteinte sous-glottique primitive ou non, en sachant que les patients en situation de non-réponse à la chimiothérapie d’induction n’étaient pas inclus dans cette analyse. 3.2. Contrôle locorégional et à distance

n (%) Radiothérapie Seule Chimioradiothérapie

35 (62) 19 (34) 16 (29)

Chimiothérapie d’induction Taxanes, sels de platine, 5-fluoro-uracile Sels de platine, 5-fluoro-uracile Autres

21 (38) 10 (18) 8 (14) 3 (5)

Radiothérapie complémentaire Seule Chimioradiothérapie

12 (21) 9 (16)

Les probabilités de contrôle locorégional et de contrôle à distance à cinq ans étaient de 69 % (IC 95 % : 56–83) et 95 % (IC 95 % : 89–100). Aucune différence n’a été observée selon le premier traitement rec¸u (p = 0,3) ni l’atteinte sous-glottique primitive (p = 0,9). En incluant les 11 patients qui ont subi une laryngectomie totale de rattrapage, la probabilité de contrôle locorégional finale était de 91 % (IC 95 % : 82–96). En analyse unifactorielle, seul le stade T3–T4 était associé à une probabilité de contrôle locorégional plus basse (HR : 3,1 ; IC 95 % : 1,1–9,2, p = 0,04) et aucun facteur pronostique n’a été retrouvé en analyse multifactorielle (Tableau 3).

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Tableau 3 Analyse uni- et multifactorielle des facteurs pronostiques pour la survie globale et le contrôle locorégional. Univariate and multivariate analysis of prognostic factors for overall survival and locorégional control. Survie globale

Indice de performance ≥ 1 Stade N ≥ 1 Âge > 60 ans Stades T3–T4 Sexe Maladies associées Chimiothérapie d’induction contre radio-/chimioradiothérapie Radiothérapie contre chimioradiothérapie

Contrôle locorégional

Analyse unifactorielle

Analyse multifactorielle

Analyse unifactorielle

Analyse multifactorielle

p

HR

p

p

HR

0,05 0,09 0,8 0,9 0,08 0,08 0,8 0,8

6,5 11

0,03 0,02 0,1 0,5 0,9 0,2 0,3 0,2

0,4 0,9 0,9 0,04 0,9 0,3 0,3 0,1

IC 95 % 1,3–34 1,6–75

IC 95 %

p 0,5 0,3 0,3 0,3 0,5 0,6 0,4 0,2

HR : hazard ratio ; IC 95 % : intervalle de confiance à 95 %.

Aucun facteur pronostique de contrôle à distance n’a été observé dans cette population (deux rechutes à distance).

3.3. Causes de décès et complications tardives Quinze patients sont décédés, dont cinq (9 %) du cancer du larynx avec atteinte sous-glottique. Les autres causes de décès étaient les conditions médicales coexistantes dans huit cas et inconnues dans deux. Six patients ont été atteints d’un second cancer, bronchique pour trois, de la cavité buccale pour un et autre pour deux. Les principaux effets secondaires graves radio-induits étaient une dysphagie avec alimentation liquide exclusive dans quatre cas, une gastrostomie prolongée au-delà d’un an dans deux et une trachéotomie au long cours dans six.

3.5. Préservation laryngée Parmi les 45 patients ayant conservé un larynx fonctionnel à la fin de l’analyse, 30 (53 %) avaient été irradiés de première intention, et 15 (27 %) après chimiothérapie d’induction. Onze (20 %) patients ont eu une laryngectomie totale de rattrapage. Il en résultait en une probabilité de préservation laryngée à cinq ans de 88 % (IC 95 % : 78–98) pour l’ensemble des patients. Les probabilités de préservation laryngée à cinq ans étaient de 91 % (IC 95 % : 79–100) et 83 % (IC 95 % : 66–100) chez les patients qui n’ont pas et qui ont rec¸u une chimiothérapie d’induction. Cette probabilité était de 90 % [IC 95 % : 77–100] en cas de tumeur de stade T1 ou T2 (n = 29), et 58 % [IC 95 % : 32–84] en cas de tumeur de stade T3, et n’était pas plus élevée en cas de chimioradiothérapie concomitante.

4. Discussion

3.4. Traitement selon le stade Les traitements différaient selon le stade T (p < 0,001), mais pas le stade N (p < 0,1) (Tableau 4). Les cancers de stades T1-T2 ont été traités préférentiellement par irradiation (23 patients, 66 %) tandis que ceux de stades T3 l’ont été après chimiothérapie d’induction (11 patients, 52 %). Les résultats ne différaient pas selon le type de traitement (chimiothérapie d’induction ou non), ni en regroupant les cancers de stade T4 (n = 5) avec ceux de stade T3. Les probabilités à cinq ans de survie globale et de contrôle locorégional étaient respectivement de 58 % (IC 95 % : 37–80), et 79 % (IC 95 % : 63–96) en cas de tumeur classée T1 ou T2 et de 65 % (IC 95 % : 39–90) et 55 % (IC 95 % : 33–77) en cas de tumeur classée T3 ou T4.

Tableau 4 Distribution du stade tumoral en fonction du traitement de première ligne. Tumoral distribution according to the first line treatment. Radio(chimio)thérapie (n, %)

Chimiothérapie d’induction (n, %)

Total

35 (100)

21 (100)

Stade T T1–2 T3 T4

23 (66) 11 (31) 1 (3)

6 (29) 11 (52) 4 (19)

Stade N N0 N1 N2 N3

33 (94) 2 (6) 0 (0) 0 (0)

17 (81) 1 (5) 2 (9) 1 (5)

p

0,01

0,3

Dans cette série de cancers du larynx avec atteinte sousglottique traités par irradiation exclusive, les probabilités à cinq ans de survie globale (64 % ; IC 95 % : 48–90) et de contrôle locorégional (69 % ; IC 95 % : 56–83) étaient comparables à celles rapportées antérieurement dans les essais randomisés majeurs de préservation laryngée (probabilités de survie globale à cinq ans de 52 %–58 % et decontrôle locorégional à 5 ans de 68 %–80 %) [7,9,15–18]. Les cancers sous-glottiques primitifs sont traditionnellement considérés comme de pronostic défavorable. Dans deux séries de moins de 50 patients atteints de cancer sous-glottique primitif traité par irradiation exclusive ou chirurgie et/ou non irradiation adjuvante, la probabilité de survie globale de cinq ans était de 56 %–58 % (semblable à nos résultats) et 39 %–44 % des patients ont été atteints d’une récidive locale [5,19]. De plus, dans notre population, les résultats obtenus avec les cancers avec atteinte sous-glottique primitive (n = 4) étaient similaires à ceux obtenus avec les autres cancers du larynx avec atteinte sous-glottique. Hata et al. ont récemment rapporté une série de 19 patients atteints de cancer sous-glottique primitif traités avec options thérapeutiques modernes (79 % de radiothérapies exclusives et 74 % de chimioradiothérapies concomitantes). Dans leur analyse, à cinq ans, les probabilités de survie globale et de contrôle locorégional étaient respectivement 80 % et 74 %. Cela suggère : • que l’utilisation de la chimioradiothérapie concomitante serait un traitement efficace pour le cancer sous-glottique primitif ; • la possibilité d’utiliser des protocoles de préservation laryngée avec un bon taux de contrôle local [11].

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Dans notre série, la probabilité de préservation laryngée à cinq ans était élevée (88 % ; IC 95 % : 78–98) (radiothérapie/chimioradiothérapie concomitante : 91 % [IC 95 % : chimiothérapie d’induction puis radiothéra79–100] ; pie/chimioradiothérapie concomitante : 83 % [IC 95 % : 66–100]). Dans les résultats à long terme de l’essai du Radiation Therapy Oncology Group (RTOG) 91-11, Forastiere et al. ont démontré que la chimioradiothérapie concomitante avec cisplatine améliorait le taux de préservation laryngée par rapport à la radiothérapie seule ou par rapport à la chimiothérapie d’induction (PF) suivie d’une radiothérapie [15]. L’absence de différence dans notre étude peut probablement s’expliquer par le nombre important de cancers de stade T1 ou T2 (52 %) dans notre population, et aussi par le fait que les patients en situation de non-réponse à la chimiothérapie d’induction et donc traités par laryngectomie totale n’ont pas été pris en compte. Enfin, bien qu’il n’y ait aucune recommandation forte pour la gestion des cancers du larynx avec atteinte sous-glottique [20,21], nous avons montré que les lésions de petite taille (T1–T2) pourraient être traitées avec succès par irradiation exclusive ou avec une chimiothérapie concomitante (résultats comparables à la chirurgie : probabilités à cinq ans de survie globale et de contrôle locorégional respectivement de 58 % (IC 95 % : 37–80) et 79 % (IC 95 % : 63–96), respectivement) [4]. De plus, il semble que chez des patients atteints de cancer de stade T3 sélectionnés pourraient aussi bénéficier d’un protocole de préservation laryngée avec chimiothérapie d’induction puis radiothérapie ou chimioradiothérapie concomitante. En effet, pour les cancers de stade T3, les probabilités de contrôle locorégional étaient de 51 % (IC 95 % : 26–75) et celle de contrôle locorégional final (en incluant les cinq cancers de stade T3 ayant donné lieu à une laryngectomie totale de rattrapage) de 87 % (IC 95 % : 71–100). Quoi qu’il en soit, il s’agit d’un nombre limité de patients et un biais de sélection est probable. En fait, comme la laryngectomie totale est souvent proposée pour les lésions les plus étendues dans notre centre, il est probable que les cancers de stade T3 à haut risque de récidive aient été opérés d’emblée ou après chimiothérapie d’induction. Les protocoles de préservation laryngée ne doivent donc pas être considérés comme le traitement standard des cancers de stade T3 avec atteinte sous-glottique étendue. La laryngectomie totale est également la modalité thérapeutique appropriée pour les lésions tumorales volumineuse (T4) [5,6]. Cependant, étant donné le faible nombre (n = 5) de patients atteints de cancer de stade T4 dans notre série, il est difficile de tirer des conclusions quant à l’utilisation de protocoles de préservation laryngée chez ce type de patients. Des facteurs pronostiques de contrôle locorégional tels que le volume tumoral métabolique évalué par tomographie par émission de positons (TEP) au fluorodésoxyglucose (FDG), la concentration d’hémoglobine, le sexe, l’âge, le stade T, l’envahissement ganglionnaire, et l’âge avancé, ont été proposés pour aider les cliniciens à mieux choisir la forme la plus appropriée de traitement [4,22]. En outre, la chirurgie de rattrapage pour les cas de récidives après radiothérapie est efficace et pourrait être proposée comme traitement de deuxième intention, comme cela a été décrit dans les carcinomes glottiques [23], à la réserve près que la surveillance endoscopique des carcinomes sous-glottiques est plus difficile.

5. Conclusion Cette analyse suggère que les résultats des traitements des cancers du larynx avec atteinte sous-glottique seraient comparables à ceux des autres cancers du larynx. Les protocoles de préservation laryngée pourraient être proposés aux tumeurs des stades T1T2 et certains T3 sélectionnés. D’autres études, incluant les options

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thérapeutiques et diagnostiques modernes demeurent nécessaires pour valider la meilleure prise en charge pour cette entité rare [24–26]. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] Aslan I, Baserer N, Yazicioglu E, Oysu C, Tinaz M, Kiyak E, et al. Near-total laryngectomy for laryngeal carcinomas with subglottic extension. Otolaryngol Head Neck Surg 2002;128:177–80. [2] Ferlito A, Rinaldo A. The pathology and management of subglottic cancer. Eur Arch Otorhinolaryngol 2000;257:168–73. [3] Marioni G, Marchese-Ragona R, Cartei G, Marchese F, Staffieri A. Current opinion in diagnosis and treatment of laryngeal carcinoma. Cancer Treat Rev 2006;32:504–15. [4] Paisley S, Warde PR, O’Sullivan B, Waldron J, Gullane PJ, Payne D, et al. Results of radiotherapy for primary subglottic squamous cell carcinoma. Int J Radiat Oncol Biol Phys 2002;52:1245–50. [5] Dahm JD, Sessions DG, Paniello RC, Harvey J. Primary subglottic cancer. Laryngoscope 1998;108:741–6. [6] Shaha AR, Shah JP. Carcinoma of the subglottic larynx. Am J Surg 1982;144:456–8. [7] The Department of Veterans Affairs Laryngeal Cancer Study Group. Induction chemotherapy plus radiation compared with surgery plus radiation in patients with advanced laryngeal cancer. N Engl J Med 1991;324:1685–90. [8] Blanchard P, Baujat B, Holostenco V, Bourredjem A, Baey C, Bourhis J, et al. Meta-analysis of chemotherapy in head and neck cancer (MACH-NC): a comprehensive analysis by tumor site. Radiother Oncol 2011;100:33–40. [9] Forastiere AA, Goepfert H, Maor M, Pajak TF, Weber R, Morrison W, et al. Concurrent chemotherapy and radiotherapy for organ preservation in advanced laryngeal cancer. N Engl J Med 2003;349:2091–8. [10] Pignon JP, Bourhis J, Domenge C, Designé L. Chemotherapy added to locoregional treatment for head and neck squamous-cell carcinoma: three meta-analyses of updated individual data. Meta-analysis of chemotherapy on head and neck cancer. Lancet 2000;355:949–55. [11] Hata M, Taguchi T, Koike I, Nishimura G, Takahashi M, Komatsu M, et al. Efficacy and toxicity of (chemo)radiotherapy for primary subglottic cancer. Strahlenther Onkol 2013;189:26–32. [12] Lefebvre JL, Andry G, Chevalier D, Luboinski B, Collette L, Traissac L, et al. Laryngeal preservation with induction chemotherapy for hypopharyngeal squamous cell carcinoma: 10-year results of EORTC trial 24891. Ann Oncol 2012;23:2708–14. [13] Lorch JH, Goloubeva O, Haddad RI, Cullen K, Sarlis N, Tishler R, et al. Induction chemotherapy with cisplatin and fluorouracil alone or in combination with docetaxel in locally advanced squamous-cell cancer of the head and neck: long-term results of the TAX 324 randomised phase 3 trial. Lancet Oncol 2011;12:153. [14] Vermorken JB, Remenar E, van Herpen C, Gorlia T, Mesia R, Degardin M, et al. Cisplatin, fluorouracil, and docetaxel in unresectable head and neck cancer. N Engl J Med 2007;357:1695. [15] Forastiere AA, Zhang Q, Weber RS, Maor MH, Goepfert H, Pajak TF, et al. Longterm results of RTOG 91-11: a comparison of three nonsurgical treatment strategies to preserve the larynx in patients with locally advanced larynx cancer. J Clin Oncol 2013;31:845–52. [16] Lefebvre JL, Rolland F, Tesselaar M, et al. Phase 3 randomized trial on larynx preservation comparing sequential vs. alternating chemotherapy and radiotherapy. J Natl Cancer Inst 2009;101:142–52. [17] Pointreau Y, Garaud P, Chapet S, Sire C, Tuchais C, Tortochaux J, et al. Randomized trial of induction chemotherapy with cisplatin and 5-fluorouracil with or without docetaxel for larynx preservation. J Natl Cancer Inst 2009;101:498–506. [18] Posner MR, Norris CM, Wirth LJ, Shin DM, Cullen KJ, Winquist EW, et al. Sequential therapy for the locally advanced larynx and hypopharynx cancer subgroup in TAX 324: survival, surgery, and organ preservation. Ann Oncol 2009;20:921–7. [19] Santoro R, Turelli M, Polli G. Primary carcinoma of the subglottic larynx. Eur Arch Otorhinolaryngol 2000;257:548–51. [20] Kaanders JH, Hordijk GJ, Dutch Cooperative Head and Neck Oncology Group. Carcinoma of the larynx: the Dutch national guideline for diagnostics, treatment, supportive care and rehabilitation. Radiother Oncol 2002;63:299–307. [21] Lefebvre JL, Calais G. La préservation laryngée, état de la question. Cancer Radiother 2005;9:37–41. [22] Park GC, Kim JS, Roh JL, Choi SH, Nam SY, Kim SY. Prognostic value of metabolic tumor volume measured by 18F-FDG PET/CT in advanced-stage squamous cell carcinoma of the larynx and hypopharynx. Ann Oncol 2013;24:208–14. [23] Johansen LV, Grau C, Overgaard J. Glottic carcinoma – patterns of failure and salvage treatment after curative radiotherapy in 861 consecutive patients. Radiother Oncol 2002;63:257–67.

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