Resynchronisation d’un patient désynchronisé par une stimulation ventriculaire droite permanente

Resynchronisation d’un patient désynchronisé par une stimulation ventriculaire droite permanente

DOSSIER CAS CLINIQUE Resynchronisation d’un patient désynchronisé par une stimulation ventriculaire droite permanente B. Gal, M. Lopez, J.-F. Aupet...

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DOSSIER

CAS CLINIQUE

Resynchronisation d’un patient désynchronisé par une stimulation ventriculaire droite permanente

B. Gal, M. Lopez, J.-F. Aupetit Service de Cardiologie, CH Saint Luc Saint Joseph, Lyon [email protected]

Observation Monsieur Marc T. âgé de 83 ans est adressé par son médecin traitant pour une dyspnée invalidante d’aggravation progressive évoluant depuis plusieurs mois. Ses antécédents sont essentiellement représentés par un rétrécissement aortique dégénératif opéré avec mise en place d’une bioprothèse il y a cinq ans. Il avait alors présenté un bloc auriculo-ventriculaire complet post opératoire nécessitant l’implantation d’un stimulateur cardiaque double chambre. L’échographie cardiaque réalisée lors de l’implantation de son stimulateur cardiaque montrait un ventricule gauche de taille limite avec une fraction d’éjection à 45 %.

Figure 1. Électrocardiogramme pré resynchronisation. L’électrocardiogramme déroule un rythme sinusal avec électro-entraînement ventriculaire permanent. Les QRS apparaissent larges avec aspect de retard gauche témoignant d’une stimulation ventriculaire droite. La négativité en inférieure est en faveur d’une stimulation apicale.

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Ses facteurs de risques comportent un diabète de type 2 et une hypertension artérielle. Son traitement associe metformine, ramipril et furosémide instauré par son médecin traitant devant l’apparition d’œdèmes des membres inférieurs. Le suivi cardiologique du patient est aléatoire avec une dernière visite chez son cardiologue il y a 2 ans. Le patient présente une dyspnée stade III de la NYHA avec orthopnée. L’examen clinique retrouve des œdèmes des membres inférieurs ainsi que des râles crépitants à l’auscultation pulmonaire. Sa tension est à 120/80 mm Hg, sa fréquence cardiaque régulière à 90/min. L’auscultation cardiaque retrouve un souffle d’insuffisance mitrale. Le bilan biologique, réalisé en ville, montre une élévation isolée du NT proBNP à 13 250 ng/l. L’hémogramme, les D dimères et le bilan thyroïdien sont normaux. L’électrocardiogramme déroule un rythme sinusal, des QRS larges électro-entrainés avec aspect de retard gauche (figure 1), témoignant d’une stimulation apicale ventriculaire droite. La radiographie thoracique montre une cardiomégalie avec un syndrome alvéolaire bilatéral. Les sondes de stimulation sont en place avec notamment une sonde ventriculaire droite en position apicale. L’échographie cardiaque objective une cardiopathie dilatée (DTDVG 78 mm), sévèrement hypokinétique, avec une fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) à 22 % (figure 2). La bioprothèse aortique fonctionne parfaitement bien. Il existe une insuffisance mitrale fonctionnelle de grade 2 avec une élévation des pressions droites (PAPs à 45 mmHg). Le tableau clinique est donc celui d’une décompensation cardiaque globale révélant une AMC pratique n n°177 n avril 2009

cardiomyopathie dilatée hypokinétique sévère. Le contrôle du stimulateur cardiaque confirme son bon fonctionnement ainsi que l’absence de trouble du rythme paroxystique. Le ventricule droit est stimulé 98 % du temps.

Comment expliquer la déterioration de la FEVG depuis l’implantation du stimulateur cardiaque ? Chez ce patient diabétique hypertendu, une origine ischémique (infarctus silencieux) doit être recherchée en première intention. La coronarographie met en évidence une athérosclérose diffuse modérée sans sténose coronaire significative. L’angiographie retrouve un ventricule gauche globalement hypokinétique avec une dyskinésie du septum et une fraction d’éjection à 25 %. Les autres causes de cardiomyopathie dilatée doivent également être éliminées, notamment toxique (intoxication éthylique, chimiothérapie, etc.). Une myocardite aiguë ancienne passée inaperçue ne peut formellement être exclue : l’IRM et la biopsie myocardique n’ont pas été réalisées. Néanmoins, l’installation progressive de la symptomatologie ne plaide pas en faveur de ce diagnostic L’étiologie évoquée dans ce cas est celle d’une stimulation ventriculaire droite permanente délétère. En effet, les études DAVID et MOST ont montré que la stimulation ventriculaire droite est associée au développement d’une insuffisance cardiaque et à la survenue de fibrillation atriale. Ces effets délétères ont également été retrouvés chez les patients ayant une stimulation ventriculaire droite chronique (BAV congénitaux) et sont d’autant plus marqués qu’il existe une dysfonction ventriculaire préalable. Bien que la stimulation double chambre permette de restaurer la synchronisation atrio-ventriculaire, la stimulation ventriculaire droite apicale induit une désynchronisation ventriculaire. En effet, la dépolarisation électrique débute à l’apex du ventricule droit avec une activation craniocaudale puis se propage au ventricule gauche mimant ainsi un bloc de branche gauche. La paroi latérale du ventricule gauche est ainsi dépolarisée en dernier, ce qui induit une AMC pratique n n°177 n avril 2009

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contraction tardive de celle-ci. Cet asynchronisme de contraction ventriculaire gauche favorise la survenue d’une dysfonction ventriculaire gauche et s’associe à une altération du fonctionnement de la valve mitrale avec pour conséquence l’aggravation de l’insuffisance mitrale.

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B. Gal, et al.

Prise en charge Elle consiste à traiter cette poussée d’insuffisance cardiaque globale lors d’une hospitalisation au moyen d’une déplétion par diurétique intraveineux. Le traitement médicamenteux de l’insuffisance cardiaque est ensuite optimisé par l’introduction d’un bêtabloquant avec majoration progressive de sa posologie et d’un diurétique anti-aldostérone. Lors de sa visite de contrôle, quatre mois plus tard, malgré un traitement médicamenteux optimal (bisoprolol 7,5 mg, ramipril 10 mg, aldactone 25 mg, furosémide 80 mg, kardegic 75 mg, atorvastatine 40 mg), le patient garde une dyspnée stade III de la NYHA. L’échocardiographie retrouve un ventricule gauche dilaté à 76 mm avec une fraction d’éjection à 25 %. Visuellement, il existe un asynchronisme intra-ventriculaire gauche lié à la stimulation apicale ; cet asynchronisme est confirmé en Doppler tissulaire, mesuré à 74 ms avec un retard de contraction de la

Figure 2. Échocardiographie pré resynchronisation. L’échocardiographie montre une dilatation ventriculaire gauche importante avec une fraction d’éjection calculée à 22 %. Par ailleurs, la contraction des parois septale et postérieure n’est pas synchrone.

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paroi latérale. Le dosage du NT proBNP reste élevé à 4 700 ng/l. Une resynchronisation cardiaque est donc décidée. La procédure consiste à implanter une sonde ventriculaire gauche dans une veine latérale du sinus coronaire (figure 3). L’électrocardiogramme post procédure montre un affinement des QRS entraînés avec aspect de retard droit témoignant de l’efficacité de la stimulation ventriculaire gauche (figure 4). Les suites post opératoires seront simples.

Évolution à six mois post implantation Le patient se sent nettement amélioré. Il est actuellement au stade II de la NYHA. La posoFigure 3. Position des sondes en fin de procédure. L’image radioscopique de face montre l’emplacement des 3 sondes. La sonde ventriculaire droite est positionnée au niveau de l’apex du ventricule droit, la sonde auriculaire au niveau de l’auricule droit. La sonde ventriculaire gauche a été placée dans une veine antéro-latérale du sinus coronaire.

Figure 4. Electrocardiogramme post resynchronisation. L’électrocardiogramme post implantation montre un électro-entraînement ventriculaire permanent. Les QRS sont affinés avec un aspect de retard droit témoignant de l’efficacité de la stimulation ventriculaire gauche.

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logie de furosémide a pu être diminuée à 20 mg par jour. Le NT proBNP s’est normalisé à 530 ng/l. L’échographie cardiaque montre un remodelage inverse avec une régression franche de la dilatation ventriculaire gauche (DTDVG 65 mm) et une amélioration de la fraction d’éjection à 35 %. Lors de l’interrogation du stimulateur cardiaque, la stimulation biventriculaire est effective dans 97 % du temps, des ESV surviennent dans 3 % du temps. Il n’y a pas eu de trouble du rythme atrial ou ventriculaire soutenu.

Conclusion L’indication de resynchronisation cardiaque est recommandée (classe Ia) pour les patients en insuffisance cardiaque chronique, demeurant symptomatiques en classe NHYA III ou IV malgré un traitement médical optimal, en rythme sinusal avec une durée du QRS > 120 ms, avec dilatation ventriculaire gauche et FEVG < 35 %. Bien qu’aucune étude multicentrique randomisée n’ait été réalisée, la resynchronisation cardiaque est également recommandée par l’ESC sur la base d’un consensus d’experts (classe IIa, niveau de preuve C) et considérée comme raisonnable dans les guidelines de l’ACC/AHA/HRS chez les patients insuffisants cardiaques, porteurs d’un stimulateur conventionnel et qui ont une stimulation ventriculaire permanente. Ce cas clinique en est une illustration. Il souligne l’intérêt d’une évaluation clinique complète chez les patients stimulés notamment à l’occasion d’un changement de boîtier. Il montre également l’importance de la surveillance échocardiographique chez les sujets stimulés en permanence à l’étage ventriculaire droit, notamment apicale, afin de dépister l’apparition d’une dysfonction ventriculaire gauche. Enfin, selon la cardiopathie sous jacente, le terrain et l’âge du patient, l’upgrading du pacemaker en un défibrillateur biventriculaire prophylactique doit être discuté. Conflit d’intérêt : aucun.

AMC pratique n n°177 n avril 2009