Annales de Cardiologie et d’Angéiologie 55 (2006) 328–333 http://france.elsevier.com/direct/ANCAAN/
Mise au point
Resynchronisation ventriculaire et aspects pratiques Cardiac resynchronisation therapy in practical terms N. Delarche*, H. Bader Service de cardiologie, centre hospitalier F.-Mitterand, 4, boulevard hauterive, 64046 Pau cedex, France Reçu le 22 juin 2006 ; accepté le 10 septembre 2006 Disponible sur internet le 26 septembre 2006
Résumé L’incidence de l’insuffisance cardiaque ne cesse de croître. La resynchronisation biventriculaire associée ou non à la défibrillation automatique est une alternative thérapeutique intéressante, en plein essor. Cependant, un certain nombre de procédures sont techniquement difficiles. Une meilleure connaissance anatomique du réseau veineux coronaire, tout particulièrement des différents types d’abouchements auriculaires droits du sinus coronaire, ainsi que des principaux aspects des collatéraux veineux latéraux, pourrait dans un bon nombre de cas faciliter la technique d’implantation. Ces informations sont apportées par l’opacification antérograde du réseau veineux coronaire réalisée lors d’une coronarographie, aidant à la sélection préalable des cathéters appropriés sélectifs du sinus coronaire, ainsi que des sondes de stimulation ventriculaire gauche. © 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract Cardiac resynchronisation therapy, associated with defibrillation therapy or not, has emerged as an effective treatment in heart failure patient.Cardiac resynchronisation technique can be difficult despite improvements in the implantation materials. Knowledge of the anatomy of the coronary venous network, especially the coronary sinus ostium and the distribution of the lateral branches could simplify device implantation. Coronarography with anterograde opacification of the coronary venous system could facilitate pre-selection of appropriate tools for coronary sinus and marginal vein catheterisation. © 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Sinus coronaire ; Resynchronisation ; Angiographie ; Insuffisance Keywords: Coronary sinus; Resynchronisation; Angiography; Heart failure
1. Introduction La thérapie de l’insuffisance cardiaque par la resynchronisation biventriculaire ne cesse de se développer, avec ou sans système de défibrillation associé [1,2]. Malgré les améliorations apportées aux matériels, un nombre non négligeable de ces procédures de resynchronisation ventriculaire restent difficiles voire impossibles [3]. Il serait idéalement utile avant de débuter une implantation, de connaître d’une part le site d’abouchement du sinus coronaire, le type de distribution anatomique du réseau veineux latéral, et d’autre part de pouvoir * Auteur
correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (N. Delarche).
présélectionner un cathéter sélectif du sinus coronaire, ainsi que la sonde de stimulation ventriculaire gauche la plus adaptée. Il nous a semblé possible de soustraire l’ensemble de ces informations nécessaires de la ventriculocoronarographie, examen réalisé dans le cadre du bilan étiologique de la cardiomyopathie, à la recherche d’une origine ischémique, pouvant conduire à un geste de revascularisation ou à la mise en place d’un défibrillateur associé, [4]. 2. Abouchement du sinus coronaire La localisation du site d’abouchement auriculaire droit du sinus coronaire se fait le plus souvent pendant la procédure d’implantation du stimulateur. La technique consiste en une
0003-3928/$ - see front matter © 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.ancard.2006.09.003
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injection sélective rétrograde du sinus coronaire et nécessite un appareillage radiologique spécifique de bonne qualité, autorisant des séquences de scopie et de graphie, à une cadence de 12,5 images par secondes, sur des incidences de face et oblique antérieure gauche. L’injection manuelle rétrograde du produit de contraste doit être prudente à la terminaison du sinus coronaire, avant de procéder à tout cathétérisme sélectif plus profond. Une amélioration de l’opacification rétrograde radiologique peut être obtenue en utilisant un cathéter avec inflation d’un ballon occlusif, [5–7]. L’abouchement du collecteur veineux du cœur est le plus souvent bas situé, en avant et en dedans de l’orifice de la veine cave inférieure, à la partie postérieure et inférieure de l’oreillette droite ; le sinus coronaire est alors le plus souvent court, et rarement plicaturé (Figs. 1, 2). Plus rarement, cet abouchement se fait haut, à la partie postérieure de l’oreillette droite, au-dessus de l’orifice de la veine cave inférieure : le sinus est alors long et plicaturé (Fig. 3).
Fig. 1.
Fig. 2.
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3. Distribution anatomique du réseau veineux coronaire L’opérateur s’intéresse habituellement le plus souvent au réseau veineux latéral coronaire : En effet, la paroi latérale ventriculaire gauche a le délai électromécanique fréquemment le plus long, avec un retard de contraction supérieure aux autres parois, éléments confortés par les mesures en échographie avec doppler tissulaire. Cela n’exclut pas de rares observations de parois antérieures tout aussi contributives pour une resynchronisation. Une connaissance approfondie de l’anatomie du système veineux coronaire est clairement nécessaire : il est important de resynchroniser à tout prix la paroi latérale au profit des autres sites, même si cela peut paraître techniquement plus complexe. Élément essentiel, la grande veine coronaire se draine ellemême dans le sinus coronaire. Ses affluents se résument à la veine du bord gauche du cœur ou marginale gauche : cette dernière est assez constante, de gros calibre, longeant de bas en haut le bord gauche du ventricule avant de se drainer dans la partie transversale de la grande veine. Parmi les affluents du sinus, nous retiendrons non pas tant la veine oblique de l’oreillette dite veine de Marschall à la partie supéro-externe du sinus, mais surtout la veine postérieure du ventricule gauche, cheminant de bas en haut sur la partie moyenne de la face postérieure du ventricule gauche, se jetant à l’extrémité du sinus coronaire. Il ne faut pas délaisser la veine interventriculaire postérieure ou vena cordis media de Henlé, volumineuse, naissant à la pointe du cœur, parcourant le sillon interventriculaire postérieure, et s’ouvrant à la partie inférieure du sinus prés de son abouchement. Deux particularités sont à citer : l’absence de valvules sur les trajets veineux, ainsi que l’existence de valvules ostiales non compétentes, autorisant les injections rétrogrades. Parmi les variations anatomiques les plus fréquentes, retenons la présence d’une seule grosse veine marginale (Fig. 4) : elle peut être en position inférieure, se drainant dans le sinus en amont de la veine interventriculaire postérieure et donnant un aspect classique de trifurcation du sinus à son abouchement,
Fig. 3. Abouchement haut situé du sinus de face et oblique gauche.
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(Fig. 5) ; plus rarement intermédiaire (Fig. 6), ou bien en position supérieure, elle se jette alors dans la grande veine coronaire dessinant un trajet tortueux en épingle à cheveux. Autre variation anatomique, la présence de deux ou plusieurs collecteurs marginaux peut poser problème, (Fig. 7), leurs calibres étant d’autant plus réduits qu’ils sont plus nombreux, situation heureusement plus rare. 4. Coronarographie préopératoire L’ensemble des données anatomiques précédemment citées peuvent être connues avant de procéder à l’implantation de l’appareil de resynchronisation. L’examen coronarographique des patients candidats à une resynchronisation paraît justifié à plus d’un titre, permettant de déterminer l’origine ischémique de l’atteinte cardiaque. Une telle cause peut en effet conduire, outre l’éventualité d’une revascularisation première, à un élargissement des indications de défibrillateur associée. En outre, réalisé dans certaines conditions, il apporte de précieuses informations sur l’anatomie du réseau veineux coronaire [8,9]. Sa réalisation chez des patients insuffisants cardiaques en stade 3 ou 4 de la NYHA doit alerter le cathétériseur. Une technique spécifique simple peut alors apporter tous les renseignements anatomiques indispensables en vue d’une resynchronisation. Lors du cathétérisme sélectif de l’ostium du tronc coronaire gauche, deux injections successives soutenues, de cinq à dix centilitres de produits de contraste, effectuées en incidence de face et oblique antérieure gauche en champ de 23 cm sur un temps graphique tardif à 12,5 images par secondes pendant 16 secondes, suffisent à donner une opacification correcte antérograde du réseau veineux du cœur, de la distribution des collecteurs latéraux, et de la position de l’abouchement du sinus coronaire dans l’oreillette droite (Figs. 3-7). Un tel repérage anatomique préliminaire va permettre de choisir au mieux la courbure du cathéter sélectif du sinus ainsi que le type de sonde ventriculaire gauche le mieux adapté à l’anatomie du patient. En effet, il n’existe pas de matériel unique à implanter quel que soit le sinus coronaire concerné.
Fig. 4. Présence d’une seule veine marginale en position haute.
5. Choix du matériel Le cathétérisme sélectif du sinus doit être doux et non agressif, dirigé et non fait au hasard, en se fondant sur les repères anatomiques que sont la valve tricuspide et l’orifice de la veine cave inférieure. Il est recommandé d’éviter des intubations brutales initiales, en raison d’angulations parfois marquées avec un risque de dissection non négligeable : il ne faut donc pas hésiter à utiliser des guides hydrophiles, ce qui peut de surcroît permettre d’opacifier une trifurcation basse,
Fig. 5. Présence de grosses veines latérales en position inférieures, se drainant dans le sinus coronaire, avec aspect de bifurcation ou trifurcation.
Fig. 6. Présence d’une seule veine marginale intermédiaire de bon calibre ; quelques veinules sont visibles. À noter l’abouchement de la veine IVP dans le sinus.
Fig. 7. Présence de deux collecteurs latéraux cathéterisables.
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afin de ne pas passer à côté d’une veine marginale basse cathétérisable (Figs. 8-15). Les risques liés au cathétérisme sélectif du sinus coronaire, s’ils sont rares, n’en sont pas moins potentiellement graves mais évitables : blocs auriculoventriculaires complets, limités par la mise en place première de la sonde ventriculaire droite, dissections du plancher auriculaire ou du sinus même, enfin perforations auriculaires ou du collecteur veineux responsable de tamponnade.
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Le choix du cathéter est malheureusement le plus souvent le fait du hasard ou étroitement lié à la marque de stimulateur choisi, indépendamment des conditions anatomiques. Or, il faut préciser l’interchangeabilité actuelle des systèmes d’implantation : cathéters, sondes ventriculaires gauches ou boîtiers de stimulation. Ainsi donc, le choix du matériel devrait désormais idéalement dépendre de plusieurs facteurs : côté d’implantation, type d’abouchement du sinus, facilité d’accessibilité de la veine marginale préchoisie.
Fig. 8. L’abouchement du sinus sur une vue de face, apparaît ici en position haute, après un trajet long et angulé. Même aspect sur une vue oblique antérieure gauche.
Fig. 9. Sur ces vues de face et oblique antérieure gauche, une veine marginale unique en position basse est bien individualisable.
Fig. 10. Sur ces vues de face, deux collecteurs latéraux sont opacifiés.
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Fig. 11. Une veine unique marginale en position haute est visualisée.
Fig. 13. De face une seule veine latérale basse est retrouvée, avec une coudure en épingle à cheveux avant de se drainer dans un sinus coronaire en position habituelle.
Fig. 12. Une veine marginale unique en position intermédiaire est mise en évidence.
Fig. 14. Sur cette vue de face, l’abouchement du sinus apparaît être le siège d’une plicature, rendant difficile et dangereux son cathétérisme, justifiant une approche prudente facilitée par l’utilisation d’un guide hydrophile.
Fig. 15. Le cathétérisme de cette veine latérale est difficile, nécessitant l’utilisation d’une sonde de coronarographie angulée ; le guide peut alors franchir la double coudure marquée et se loger en distalité mais l’extrémité de la sonde reste insuffisamment profilée. Seule l’utilisation d’un second guide autorise sa progression.
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Après analyse des données coronarographiques, le cathéter porteur sera présélectionné, flexible et le moins traumatisant possible, plus ou moins recourbé, non traumatique et autorisant un bon appui. Le choix de la sonde de stimulation est confronté à la même problématique : le plus souvent arbitraire, fonction de la société fabricante du stimulateur, ou bien guidée par la facilité de mise en place et des caractéristiques du système de retrait. En réalité, il devrait dépendre des données anatomiques du réseau veineux latéral et des difficultés prévisibles de cathétérisme d’une veine marginale déterminée, fonction des tortuosités et diamètres. La sonde choisie peut ainsi être filoguidée ou non, fine et profilée ou bien plus grosse, uni- ou bipolaire, avec un système d’encrage fonction des caractéristiques de la distalité de la veine. Par exemple, une veine de gros diamètre s’étendant jusqu’à l’apex doit conduire à sélectionner une sonde plutôt bipolaire afin d’éviter les stimulations diaphragmatiques plus fréquentes ou d’abaisser les seuils par inversion des polarités. De même, d’importantes tortuosités peuvent amener à utiliser d’emblée des cathéters intermédiaires aux courbures plus marquées, (sondes de coronarographie type mammaire interne 4 french ou type « rapido »), voire un deuxième guide 0,014 inch afin de redresser au mieux les courbures. 6. Conclusion Le parcours du « stimuliste resynchronisant » est parsemé d’embûches et de difficultés : la procédure débute, mais son déroulement reste incertain. En termes de resynchronisation, il est presque toujours possible de trouver une solution, sans pour autant s’abandonner à la facilité de mettre la sonde ventriculaire gauche là où elle nous mène, source de moindres répondeurs. La réalisation d’un temps tardif lors d’une coronarographie pré-implantation avec étude du temps veineux coronaire est
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incontestablement d’une aide précieuse épargnant du temps à l’opérateur et au patient, limitant les temps d’exposition aux rayonnements X, les quantités de produit de contraste et surtout réduisant les taux d’échec. Références [1] Bristow MR, Saxon LA, Boehmer J, Krueger S, Kass DA, DeMarco T, et al., for the Comparison of Medical Therapy, Pacing and Defibrillation in Heart Failure (COMPANION) Investigators. Cardiac resynchronisation therapy with or without an implantable defibrillator in advanced chronic heart failure. N Engl J Med 2004;350:2140–50. [2] Cleland JG, Daubert JC, Erdmann E, Freemantle N, Gras D, Kappenberger L, Tavazzi L, Cardiac Resynchronization-Heart Failure (CARE-HF) Study Investigators. The effect of cardiac resynchronization on morbidity and mortality in heart failure. N Engl J Med 2005;352:1539–49. [3] Abraham WT, Fisher WG, Smith AL, Delurgio DB, Leon AR, Loh E, Kocovic DZ, Packer M, Clavell AL, Hayes DL, Ellestad M, Trupp RJ, Underwood J, Pickering F, Truex C, McAtee P, Messenger J, MIRACLE Study Group. Multicenter Insync Randomized Clinical Evaluation Cardiac resynchronization in chronic heart failure. N Engl J Med 2002;346:1845– 53. [4] Moss AJ, Zareba W, Hall WJ, Klein H, Wilbert DJ, Cannom DS, et al. Multicenter Automatic Defibrillator Implantation Trial II Investigators Prophylactic implantation of a defibrillator in patients with myocardial infarction and reduced ejection fraction. N Engl J Med 2002;346:877–83. [5] Gensini GG, Di Giorgi S, Coskun O, Palacio A, Kelly AE. Anatomy of the Coronary circulation in Living Man. Coronary Venography. Circulation 1965;31:778–84. [6] Ortale JR, Gabriel EA, Iost C, Marquez CQ. The Anatomy of the Coronary Sinus and its Tributaries. Surg Radiol Anat 2001;23:15–21. [7] Potkin BN, Roberts WC. Size of Coronary Sinus at Necropsy in Subjects Without Cardiac Disease and in Patients With Various Cardiac Conditions. Am J Cardiol 1987;60:1418–21. [8] Singh JP, Houser SE, Heist J, Ruskin JN. The Coronary Venous Anatomy. A Segmental Approach to Aid Cardiac Resynchronisation Therapy. J Am Coll Cardiol 2005;46:68–74. [9] Gilard M, Mansourati J, Etienne Y, Larlet J-M, Truong B, Boschat J, Blanc J-J. Angiographic Anatomy of the Coronary Sinus and its Tributaries. Pacing Clin Electrophysiol 1998;21:2280–4.