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Pratique Diane Bussya Clément Paturelb
Revue de littérature : le renforcement musculaire des membres inférieurs chez des patients atteints de sclérose en plaques de forme rémittente Revue of literature: Effects of muscular training of lower limbs in patients with relapsing remitting multiple sclerosis
Résumé
Summary
La sclérose en plaques est une maladie neurologique pouvant laisser des séquelles motrices plus ou moins importantes, diminuant l’autonomie du patient au cours du temps. À partir de la littérature, les effets des protocoles de renforcement musculaire des membres inférieurs sur vélo et par résistance progressive ont été analysés. Des améliorations significatives sur la force musculaire et les différents paramètres de marche ont été prouvés. Niveau de preuve : non adapté
Multiple sclerosis is a neurological disease creating more or less important motor sequelae, decrease the patient autonomy as time is passing by. From published papers, we analyze the effects of the protocols of muscular reinforcement of the lower limbs by cycling and progressive resistance training programs. Significant improvements of muscular strenght and gait kinematic were proved. Level of evidence: not applicable
MOTS-CLÉS :
Multiple sclerosis – Strength training – Progressive resistance – Cycling
Sclérose en plaques – Renforcement musculaire – Résistance progressive – Vélo
Introduction La sclérose en plaques (SEP) est une maladie inflammatoire chronique et démyélinisante du système nerveux central [1]. Pendant plusieurs années, la pratique d’une activité physique a été déconseillée aux patients atteints de SEP à cause de leur grande fatigabilité [2] et pour ne pas augmenter le risque de poussée de la maladie. Or, le déconditionnement musculaire est une des causes de fatigue chez ces personnes, il est donc nécessaire de mettre en place un programme de rééducation incluant un conditionnement aérobique et de la musculation [3]. L’objet de cet article est de présenter les effets sur les paramètres de marche et sur la force musculaire des différents types de renforcement musculaire des membres inférieurs proposés chez les patients atteints de SEP rémittente.
a. Étudiante IFMK Saint-Michel. b. Étudiant IFMK Saint-Michel. Auteur correspondant : Clément Paturel 45, rue du Docteur-Le-Savoureux, 92290 Châtenay-Malabry.
[email protected] Les auteurs ont déclaré n’avoir aucun conflit d’intérêt en lien avec cet article.
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Rappels sur la SEP L’étiologie de la SEP reste encore inconnue mais des études épidémiologiques montrent qu’elle fait intervenir la prédisposition génétique et des facteurs environnementaux [1]. Cette affection est un peu plus fréquente chez la femme
KEYWORDS
que chez l’homme et ses premiers signes apparaissent entre 10 et 50 ans. Il existe trois formes de SEP : récurrente rémittente (RR), progressive primaire et progressive secondaire. La forme RR, qui nous intéresse dans cet article, se caractérise par une régression totale ou presque totale des premières poussées. Celles ci se répètent, séparées par des rémissions de durée variable au cours desquelles la maladie ne progresse pas. À mesure des répétitions, la régression devient moins complète et un handicap croissant persiste. Cette phase est suivie, en général dans un délai de 10 ans, d’une phase d’aggravation progressive au cours de laquelle il peut survenir ou non des poussées [4]. Cliniquement, la SEP peut se manifester par des troubles sensitifs à type de paresthésies (fourmillement, picotement, signe de Lhermitte, etc.) ou d’hypoesthésies, par des troubles moteurs responsables d’un déficit moteur, de troubles de l’équilibre ou de coordination des mouvements, par des troubles de l’humeur et des troubles cognitifs, par une névrite optique rétrobulbaire (NORB), par des vertiges, nystagmus, diplopie et parfois de l’épilepsie.
Traitements Il existe actuellement quatre traitements médicaux de première intention pour la SEP RR : les interférons α et β (Avonex®, Rebif® et Betaseron®), la mitoxantrone (Novantrone®), l’acétate de glatiramer (GA® et Copaxone®)
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et le natalizumab (Tysabri®). Le but de ces molécules est de diminuer le nombre de poussées de la maladie [5]. Les personnes atteintes de SEP sont très sujettes à la fatigue. Celle-ci peut s’étendre sur des mois, voire des années, ou être de courte durée et associée à une cause particulière comme l’emploi d’un nouveau médicament ou des interférons β, l’augmentation du degré d’activité, la chaleur ou le temps chaud et humide. Elle peut se traduire par une perte d’endurance ou par un manque global d’énergie persistant (« lassitude »). Affaiblies, ces personnes ont tendance à réduire leur degré d’activité, ce
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qui aggrave la fatigue et crée un engrenage. La recherche récente a montré que l’exercice régulier peut atténuer la fatigue chez les personnes atteintes de SEP [3]. Pour les patients sensibles à la chaleur, une étude a montré que l’utilisation de la cryothérapie avant et après le renforcement musculaire peut entraîner des améliorations cliniques objectives sur la marche chronométrée, la force musculaire et la coordination [6]. L’évaluation clinique du patient est réalisée grâce à différents outils. L’échelle la plus utilisée reste l’Expanded Disability Status Scale (EDSS) (tableau I). proposée par
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Revue de littérature : le renforcement musculaire des membres inférieurs chez des patients atteints de sclérose en plaques
Tableau I : Échelle EDSS. Cotation des paramètres fonctionnels : Fonction pyramidale 1
Perturbée sans handicap
2
Handicap minimal
3
Paraparésie ou hémiparésie faible/modérée ; monoparésie sévère
4
Paraparésie ou hémiparésie marquée ; quadriparésie modérée ; ou monoplégie
5
Paraplégie ; hémiplégie ou quadriparésie marquée
6
Quadriplégie
1
Perturbée sans handicap
2
Ataxie débutante
3
Ataxie du tronc ou d’un membre modérée
4
Ataxie sévère touchant tous les membres
5
L’ataxie ne permet plus la réalisation de mouvements coordonnés
1
Examen anormal, pas de gêne fonctionnelle
2
Nystagmus modéré ou autre handicap
3
Nystagmus sévère, faiblesse extraoculaire, handicap modéré d’autres nerfs crâniens
4
Dysarthrie ou autre handicap marqué
5
Impossibilité de parler ou d’avaler
1
Perception des vibrations ou reconnaissance de figures dessinées sur la peau, seulement diminuées
2
Légère diminution de la sensibilité au toucher, à la douleur ou du sens de la position, et/ou diminution modérée de la perception des vibrations (ou de figures dessinées) sur 3 ou 4 membres
3
Diminution modérée de la sensibilité au toucher, à la douleur ou du sens de la position, et/ou perte de la perception des vibrations dans 1 ou 2 membres ; ou diminution légère de la sensibilité au toucher ou à la douleur dans tous les tests proprioceptifs dans 3 ou 4 membres
4
Diminution marquée de la sensibilité au toucher ou à la douleur ou perte de la perception proprioceptive, isolées ou associées, dans 1 ou 2 membres ; ou diminution modérée de la sensibilité au toucher ou à la douleur et/ou diminution sévère de la perception proprioceptive dans plus de 2 membres
5
Perte de la sensibilité dans 1 ou 2 membres ; ou diminution modérée de la sensibilité au toucher ou à la douleur et/ou perte de la sensibilité proprioceptive sur la plus grande partie du corps en dessous de la tête
6
Perte de la sensibilité en dessous de la tête
1
Rétention urinaire légère ou rares mictions impérieuses
2
Rétention urinaire modérée et miction impérieuse fréquente ou incontinence urinaire rare ; constipation ou épisodes diarrhéiques
3
Incontinence urinaire fréquente
4
Nécessité d’une cathétérisation pratiquement constante
5
Incontinence urinaire
6
Incontinence urinaire et fécale
Fonction cérébelleuse
Fonction du tronc cérébral
Fonction sensitive
Fonction vésico-sphinctérienne
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Fonction visuelle 1
Scotome et/ou activité visuelle supérieure à 0,7
2
Œil atteint avec scotome ; acuité visuelle comprise entre 0,4 et 0,7
3
Œil atteint avec large scotome, ou diminution modérée du champ visuel mais avec une acuité visuelle maximale (avec correction) de 0,2 ou 0,3
4
Œil le plus atteint avec diminution marquée du champ visuel et acuité visuelle maximale (avec correction) de 0,1 à 0,2 ; ou niveau 3 et acuité maximale de l’autre œil de 0,3 ou moins
5
Œil le plus atteint avec acuité visuelle maximale (correction) inférieure à 0,1; ou niveau 4 et acuité visuelle maximale de l’autre œil de 0,3 ou moins
6
Niveau 5 plus acuité visuelle maximale du meilleur œil de 0,3 ou moins
1
Altération isolée de l’humeur (n’interfère pas avec le score DSS)
2
Diminution légère de l’idéation
3
Diminution modérée de l’idéation
4
Diminution marquée de l’idéation (chronic brain syndrome modéré)
Fonction cérébrale
5
Démence ou chronic brain syndrome sévère
Le score 0 correspond à une fonction normale, et V = inconnue.
0.0
Examen neurologique normal (tous les paramètres fonctionnels (PF) à 0 ; le PF mental peut être coté à 1)
1.0 Pas de handicap, signes minimes d’un des PF (c’est-à-dire niveau 1, sauf PF mental) 1.5 Pas de handicap, signes minimes dans plus d’un des PF (plus d’un niveau 1 a l’exclusion du PF mental) 2.0 Handicap minime d’un des PF (un niveau 2, les autres niveaux à 0 ou 1) 2.5 Handicap minime dans 2 PF (deux niveaux 2, les autres niveaux à 0 ou 1) 3.0 Handicap modéré d’un PF sans problème de déambulation (1PF à 3, les autres à 0 ou 1 ; ou 3 ou 4 PF à 2, les autres à 0 ou 1) 3.5 Handicap modéré dans un PF sans problème de déambulation (1 PF à 3 et 1 ou 2 PF à 2 ; ou 2 PF à 3 ; ou 5 PF à 2) 4.0
Indépendant, debout 12 h/jr en dépit d’un handicap relativement sévère, consistant en un PF à 4 (les autres à 0 ou 1), ou à l’association de niveaux inférieurs dépassant les limites des degrés précédents. Capable de marcher 500 mètres sans aide et sans repos
Déambulation sans aide, debout la plupart du temps durant la journée, capable de travailler une journée entière, peut cependant avoir une limitation dans une activité complète ou réclamer une assistance minimale ; handicap relativement sévère, habituellement caractérisé par un 4.5 PF à 4 (les autres à 0 ou 1) ou l’association de niveaux inférieurs dépassant les limites des grades précédents. Capable de marcher 300 mètres sans aide et sans repos 5.0
Déambulation sans aide ou repos sur une distance d’environ 200 mètres ; handicap suffisamment sévère pour altérer les activités de tous les jours (habituellement, un PF est à 5, les autres à 0 ou 1 ; ou association de niveaux plus faibles dépassant ceux du grade 4.0)
5.5
Déambulation sans aide ou repos sur une distance d’environ 100 mètres ; handicap suffisant pour exclure toute activité complète au cours de la journée
6.0
Aide unilatérale (canne, canne anglaise, béquille), constante ou intermittente, nécessaire pour parcourir environ 100 mètres avec ou sans repos intermédiaire
6.5 Aide permanente et bilatérale nécessaire pour marcher 20 mètres sans s’arrêter 7.0
Ne peut marcher plus de 5 mètres avec aide ; essentiellement confiné au fauteuil roulant ; fait avancer lui-même son fauteuil et effectue le transfert ; est au fauteuil roulant au moins 12 h/jr
7.5
Incapable de faire quelques pas ; strictement confiné au fauteuil roulant ; a parfois besoin d’une aide pour le transfert ; peut faire avancer lui-même son fauteuil ; ne peut y rester toute la journée ; peut avoir besoin d’un fauteuil électrique
8.0
Essentiellement confiné au lit ou au fauteuil, ou promené en fauteuil par une autre personne ; peut rester hors du lit la majeure partie de la journée ; conserve la plupart des fonctions élémentaires ; conserve en général l’usage effectif des bras
8.5 Confiné au lit la majeure partie de la journée ; garde un usage partiel des bras ; conserve quelques fonctions élémentaires 9.0 Patient grabataire ; peut communiquer et manger 9.5 Patient totalement impotent, ne peut plus manger ou avaler ni communiquer 10.0 Décès lié à la SEP
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Kurtzke [7]. Bien qu’elle soit souvent critiquée, elle permet d’évaluer, dans un premier temps, le statut neurologique du patient selon le niveau de huit paramètres fonctionnels (fonctions pyramidale, cérébelleuse, du tronc cérébral, sensorielle et sensitive, vésico-sphinctérienne, visuelle, cérébrale et mentale) et dans un deuxième temps, son handicap sur une échelle de 0 (examen neurologique normal) à 10 (décès lié à la SEP) [8]. Il est préférable d’associer à l’EDSS une évaluation de l’autonomie et du handicap (mesure d’indépendance fonctionnelle [MIF] par exemple) ainsi qu’une évaluation de la qualité de vie (Medical Outcome Study Short From-36).
Méthode de sélection des articles
Tableau II. Méthode de sélection des articles. Nombre d’études retenues
11
Années de publication
De 1996 à 2009
Niveaux de preuve des études
Une seule de niveau 3
Bases de recherche
– PubMed – Medline – BIUM (Bibliothèque interuniversitaire de médecine) – ScienceDirect
Sélection des 11 études
– Renforcement des membres inférieurs uniquement – Littérature internationale – Critères d’inclusion et d’exclusion des patients similaires – Vélo ou cycloergomètre – Résistance progressive – Tapis roulant – Isocinétisme
Critères d’inclusion des patients
– EDSS ≤ 6 – Acceptation de la maladie et du traitement – Forme rémittente de SEP (les premières poussées régressent de façon totale ou presque totale)
Critères d’exclusion des patients
– Problèmes cardiaques, orthopédiques, pulmonaires et médicaux – Poussée de SEP avant le protocole – Renforcement musculaire précédent l’étude
Les méthodes de recherches et de sélections des différents articles sont résumées dans le tableau II.
Vélo ou cycloergomètre Le renforcement musculaire par utilisation du vélo ou clycoergomètre permet aux patients atteints de SEP de garder une certaine autonomie grâce à une amélioration de la marche [9-12]. Dans les cinq études retenues, les paramètres étudiés sont nombreux et vont de l’analyse de la marche (vitesse, étude du membre inférieur…) à l’évaluation de la force musculaire. La durée des protocoles varie de quatre à vingt-quatre semaines selon les auteurs. Pour Rampello et al. [9], le protocole est de huit semaines à raison de trois séances par semaines de trente minutes de vélo avec un échauffement préalable. L’évaluation des paramètres de marche est réalisée grâce au test des 6 minutes de marche. Ils notent des améliorations sur la vitesse de marche (51 m/min initialement à 55 m/min après), la distance de marche (308 initialement 332 m après), la quantité d’effort que peut produire le patient (82 W initialement à 103 W après). Cette étude s’appuie sur celle de Petejan et al. [10] datant de 1996 et suit le même déroulement. L’étude de Petejan et al. [10] se déroule sur quinze semaines et donne des résultats sur l’augmentation de la charge de travail calculée avec un test utilisant des poids et en mesurant le VO2 max (capacité maximum en aérobie). Elle montre une amélioration de la capacité de travail (913 W*min à 1351 W*min pour le groupe réalisant les exercices), ce que confirme l’étude de Rampello et al. Selon Kileff et al. [11], le protocole proposé est de vingtquatre semaines avec deux séances de trente minutes de vélo par semaine. Une amélioration est constatée pour le test Guy’s Neurological Disability Scale ainsi que sur le test de 6 minutes de marche (204,31 m à 236,71 m). Pour Mostert et al. [12], l’entraînement se fait cinq fois par semaine sur trois ou quatre semaines. Les auteurs font quatre groupes : deux dont les sujets sont atteints de SEP (un qui aura un entraînement et l’autre sans entraînement)
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et deux groupes de personnes saines (un groupe suivant les exercices et l’autre sans exercice). Ils s’intéressent à la vitalité des personnes et leurs résultats indiquent une progression de la vitalité de 36 % (utilisation du test SF-36 Health Survey) pour le groupe atteint ayant les exercices. Ce même groupe améliore sa consommation de O2 de 12 % entre avant et après le programme. En ce qui concerne l’étude de la marche, peu d’articles s’y intéressent. Rodgers et al. [13], en 1999, font une étude sur la marche en utilisant un système de trois caméras. Le protocole de renforcement musculaire s’effectue sur trois séances de 30 minutes de vélo par semaine sur une durée de six mois, le travail musculaire est effectué avec une fréquence cardiaque comprise entre 65 % et 70 % de sa valeur maximale. La résistance du cycloergomètre est adaptée pour que le patient utilise 55 % de sa capacité aérobic. Lors de l’analyse de la marche, l’étude ne montre aucun gain significatif sur la marche après les 6 mois de traitement. Pour les auteurs, la cadence, la vitesse de marche et les amplitudes d’extension du membre inférieur sont diminuées. Ces résultats sont en opposition avec ceux des études précédentes. Ils peuvent s’expliquer par une intensité de travail musculaire peut-être insuffisante pour obtenir une amélioration sur 6 mois, ainsi qu’une absence de groupe contrôle.
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Selon la plupart des études, un renforcement musculaire sur vélo ou cycloergomètre améliore le périmètre de marche, la vitesse de marche ainsi que la capacité à reproduire les efforts, sans pour autant entraîner une poussée de la maladie.
Résistance progressive Trois études publiées récemment, dont une de niveau 3, ont montré qu’un programme de renforcement musculaire par résistance progressive améliore la force musculaire, les capacités fonctionnelles ainsi que la marche chez les patients atteints de SEP. La durée optimale du programme de renforcement se situe entre huit et douze semaines à raison de deux séances par semaine, espacées de 48 h de repos minimum. Dans les trois études [14-16], la force musculaire est évaluée avec un dynamomètre isocinétique et dans l’étude de Gutierrez et al. [15] la cinématique de la marche est évaluée à l’aide de plateformes de force couplées à un système optoélectronique. Sur ces trois études, deux protocoles de renforcement musculaire sont proposés. Pour White et al. [14] et Gutierrez et al. [15], le protocole proposé sur huit semaines concerne les fléchisseurs et extenseurs du genou ainsi que les fléchisseurs plantaires et dorsaux de cheville. Durant les deux premières semaines, les patients réalisent une série de 6 à 10 répétitions à 50 % de la force maximale volontaire (FMV). Lors des séances suivantes, ils réalisent une série de 10 à 15 répétitions à 70 % de la FMV et lorsque 15 répétitions sont réalisées sur deux séances consécutives, la résistance est alors augmentée de 2 à 5 %. Dans l’étude de Dalgas et al. [16], de niveau 3, le protocole de renforcement dure douze semaines. Il associe cinq minutes d’échauffement sur vélo à cinq exercices, réalisés durant une phase concentrique rapide puis une phase excentrique lente : travail sur presse, extension de genou, flexion de hanche, extension de hanche et travail des ischio-jambiers. Le modèle de progression est présenté dans le tableau III et comprend deux à trois minutes de repos entre chaque série. Après les douze semaines de renforcement musculaire, il est demandé aux patients de poursuivre l’entraînement à domicile durant douze semaines. Tableau III. Modèle de progression du protocole de Dalgas et al.
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Nombre de séries
Nombre de répétitions
Charges (en nombre de répétitions maximales RM)
Semaines 1 & 2
3
10
15 RM
Semaines 3 & 4
3
12
12 RM
Semaines 5 & 6
4
12
12 RM
Semaines 7 & 8
4
10
10 RM
Semaines 9 & 10
4
8
8 RM
Semaines 11 & 12
3
8
8 RM
Un renforcement musculaire avec résistance progressive améliore la force musculaire des extenseurs de genou (+ 7,4 % [14] et + 7,2 % [15]) et des fléchisseurs plantaires (+ 52 % [14] et + 55 % [15]). Il permet aussi d’améliorer les performances de marche en augmentant la phase oscillante (33,6 ± 3,9 % au lieu de 32 ; 6 ± 3,7 % [15]), la longueur du pas et l’angle du pas (respectivement 1,14 ± 0,12 m et 18,1 ± 11° après huit semaines de renforcement au lieu de 1,06 ± 0,16 m et 10,7 ± 5,4° [15]) et en diminuant la phase d’appui (66,4 ± 3,9 % au lieu de 67,4 ± 3,9 % [15]) ainsi que l’EDSS (- 0,5 après huit semaines [14, 15]). Les bénéfices du renforcement sur la force musculaire et les capacités fonctionnelles sont maintenus dans le temps (12 semaines) si les patients atteints de SEP continuent à exercer une activité physique à domicile [16].
Autres protocoles de renforcement musculaire D’autres protocoles de renforcement musculaire existent [17-19] mais sont peu décrits dans la littérature tel que le travail sur tapis roulant ou sur dynamomètre isocinétique. Une étude montre qu’un renforcement musculaire sur tapis roulant améliore la consommation de O2 durant la marche. Benedetti et al. [17], suite à un protocole de quatre semaines comprenant dix séances, notent une diminution de la consommation pouvant aller jusqu’à 14,09 % pour un même effort. A. Romberg et al. [18] notent une amélioration significative de la vitesse de marche (12 % sur un test de 7,2 m de marche et 6 % sur un test de marche de 500 m) après un protocole de six mois associant un entraînement hospitalier suivi d’un entraînement à domicile et utilisant des exercices d’endurance et du travail de force. Dans l’étude de Robineau et al. [19], le protocole de rééducation consiste en un renforcement musculaire isocinétique excentrique des ischio-jambiers à vitesse lente avec biofeedback visuel associé à une rééducation neuromotrice de la marche pendant douze séances. À chaque séance, 50 répétitions sont effectuées par série de sept avec un temps de repos de deux minutes entre chaque série. La pratique d’une activité physique telle que le vélo ou la natation une demi-heure trois fois par semaine en aérobie est conseillée à la sortie. Après douze semaines, ils constatent une augmentation de la force musculaire des ischio-jambiers et une augmentation du score d’aisance de marche sur l’échelle visuelle analogique (EVA) (6,5 ± 1,5). Trois mois plus tard, seuls les scores d’aisance de marche sur EVA sont maintenus (6,2 ± 1). Avec des protocoles différents, le renforcement musculaire des membres inférieurs permet une amélioration de la force musculaire, de la qualité de marche et de la consommation d’O2 durant cette dernière. Seuls les scores subjectifs d’évaluation de la qualité de marche sont maintenus dans le temps.
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Conclusion L’analyse de ces études montre qu’un renforcement musculaire des membres inférieurs permet d’améliorer la force, la qualité de la marche ainsi que les capacités fonctionnelles sans pour autant déclencher de nouvelles poussées de la maladie. Dans les articles retenus, certains paramètres restent imprécis tel que le type de traitement de la maladie, le nombre de poussées avant l’étude, les incapacités des patients et les tests effectués pour la sélection de ces derniers. Pour le renforcement musculaire sur cycloergomètre ou vélo, les patients n’ont pas été réévalués après l’étude. En ce qui concerne le renforcement par résistance progressive, les bénéfices persistent à trois mois mais peu d’études ont réévalué les patients à six mois ou à un an. La SEP étant une maladie chronique évolutive, ce recul est largement insuffisant. Toutes ces études restent très imprécises sur l’activité physique préconisée au patient et son intensité, ainsi que sur la surveillance de leur bonne tolérance après le protocole de renforcement. Il serait intéressant de déterminer avec les patients, en tenant compte de leurs centres d’intérêt, de leur traitement, de leurs capacités physiques, de la chaleur et de leur environnement, l’activité physique à pratiquer régulièrement pour maintenir les bénéfices du renforcement et le valider par des études randomisées. ■
Points à retenir • Motivation et participation du patient sont nécessaires au bon déroulement du renforcement musculaire. • Amélioration de la force musculaire des membres inférieurs et de la marche. • Risque de poussées de la maladie non lié au renforcement musculaire. • Attention à la chaleur lors des efforts. • Pas assez de recul pour connaître le maintien dans le temps des bénéfices du renforcement.
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