Rhinopharyngites et otites récidivantes : rôle immunodépresseur des virus, immunomodulateurs, vaccin Haemophilus, vaccin pneumococcique

Rhinopharyngites et otites récidivantes : rôle immunodépresseur des virus, immunomodulateurs, vaccin Haemophilus, vaccin pneumococcique

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M6d Mal Infect. 1997 ; 27, Sp6cial : 482-4

Rhino ph aryn git es et ot "tes r6cidivantes : r61e immunoddpresseur des virus, immunomodulateurs, vaccin Haemophilus,vaccin pneumococcique* P. REINERT**

RESUME

Dans la pathologie ORL rgcidivantes du jeune enfant, les infections virales tiennent une place pr6pond6rante. Les complications locales et r6gionales sont toujours le fait de surinfections bact6riennes. I1 est maintenant 6tabli que cette pathologie est certes multi-factorielle, mais que l'immaturit6 immunologique du jeune enfant et l'immuno-d6pression provoqu6e par les viroses jouent un r61e majeur en particulier darts tes surinfections bact6riennes. Pour corriger ces ddficits, de nombreux immunomodulateurs d'origine bact6rienne ont 6t6 proposds. Les vaccins sp6cifiques ont aussi leur place : le vaccin anti-Haemophilus b conjugu6 protege remarquablement contre les m6ningites et les 6piglottites secondaires. I1 n'a malheureusement pas d'action sur l'Haemophilus influenzae non capsul6 de 1' otite moyenne aigu6. Quant au vaccin anti-pneumococcique 23 valences, il n'est immunog6ne qu'apr6s l'fige de 2 ans et n'a jamais montr6 son efficacit6 dans la prdvention des otites rdcidivantes marne apr~s 2 ans. La vaccination anti-grippale semble pour certains utile. I1 est probable que les vaccins pneumococciques conjugu6s auront une efficacit6 sup6rieure. Mots-cl~s : Immunoddpression - Viroses - lmmunomodulateurs - Vaccin Haemophilus - Vaccin antipneumococcique Vaccin anti-grippal.

La majorit6 des rhinopharyngites de la petite enfance sont d'origine virale. Parmi leurs complications, l'otite moyenne aigufi est de loin la principale : celle-ci peut 6tre aussi virale (30 ~ 40 %) mais aussi provoqude par une surinfection bact6rienne (pneumocoque, Haemophilus, Moraxella). De nombreuses 6tudes ont montr6 une corr61ation 6troite entre la fr6quence des rhinopharyngites et celle des otites moyennes aigu~s. Cette fr6quence est souvent provoqu6e par la vie en collectivit6 (Staengert a ddmontr6 que l'enfant en collectivit6 faisait 5 infections f6briles en 8 tools, alors que l'enfant ~ la maison n ' e n prdsentait que 2). Pour l'otite moyenne aigu6 elle est rencontrde chez 37 ~ 43 % des enfants en cr6che contre 23 % (1, 2). Pour ce qui est des infections virales parfaitement cibl6es, l'exemple du Cytom6galovirus (CMV) est significatif : nous avons d6montr6 dans les cr6ches du Val de Marne avec quelle fr6quence les enfants viruriques (2 % en France) contaminaient en 6 mois de vie collective leurs congdn6res. A l'inverse il est exceptionnel qu'un enfant de moins de 2 ans contracte le CMV hors de la cr6che. * 10e Confdrence de Consensus en Th6rapeutique Anti-lnfectieuse 19 juin 1996 ~tLyon : "Les infections ORL". ** Centre Hospitalier Intercommunal, Service de P6diatrie, 40 av. de Verdun - F-94010 Cr6teil Cedex. 482

La premi6re 6vidence est donc la particuli6re frdquence des infections virales chez le petit enfant vivant en collectivit6

(3). I - LA P R E M I E R E QUESTION SERA DONC : E S T - C E Q U E CES VIROSES SURVENANT "EN CASCADE" PEUVENT R E T E N T I R S U R L ' I M M U N I T I ~ DI~JA D I ~ F E C T U E U S E C H E Z LE JEUNE ENFANT ET F A V O R I S E R LA SURVENUE D'INFECTIONS BACTI~RIENNES ?

Les consdquences de certaines viroses ~ tropisme respiratoire (Virus Respiratoire Syncytial (VRS), Ad6novirus, etc...) sont maintenant bien connues (4) : - br6che muqueuse; - atteintes de l'appareil muco-ciliaire qui sont de 3 types : destruction des cellules cilides, paralysie du battement ciliaire, anomalies ultra-structurales des cils lors de la repousse des celtules cili6es. Le temps de r6cup6ration de 1' appareil mucociliaire est mal connu allant de quelques semaines ~ quelques mois, voire quelque lois anomalie d6finitive; aucune bonne corrdlation n'existe entre le type de virus et la durde de ces ldsions; - dysfonctions des neutrophiles (5).

Un grand nombre d'infections virales ou bacttriennes perturbent profondtment les fonctions des neutrophiles : diminution du chimiotactisme, phagocytose, bacttricidie. Une partie des corrtlations entre infections virales et bacttriennes a pu ainsi ~tre expliqude. Le CMV favorisant les infections colibacille, Haemophilus, pyocyanique, staphylocoque dor6 et E. coli; le virus grippal, les infections ~ mtningocoque, Haemophilus, streptocoque A; le Virus Ebstein Barr (EBV), certains anatrobies, colibacille, streptocoque A; le virus Varicelle-Zona, streptocoque A e t staphylocoque dort; enfin le VRS : Haemophilus, Bordetella, mdningocoque, klebsielle et streptocoque A. A contrario, si l'immunit6 locale et les fonctions des cellules phagocytaires semblent souvent perturbtes, l'atteinte de l'immunit6 cellulaire, contrairement une idde reque, semble modeste. A l'exclusion de l'infection du Virus de l'Immunoddficience Acquise (HIV) et peut-atre de la rougeole, les 6tudes rdcentes des phtnotypes lymphocytaires T et des cytokines : IL2, IL4, IL5, Interftron gamma ne montrent pas de perturbations majeures (6). Une 6tude rdcente effectute en Guinde Bissan n'a pas mis en 6vidence d'immunodtpression T (ni de surmortalitt) dans les suites de rougeole ! (7).

tion des rtponses proliftratives des lymphocytes en prtsence de mitogtnes T dtpendants, augmentation de la synthtse d'Interftron et de certaines lymphokines (ILl, colony stimulating factor), enfin augmentation de la synthbse des IgA. Malgr6 ces rtsultats prometteurs, chez l'enfant l'essai prtventif des immunostimulants est beaucoup plus modeste : une mtta analyse rtcente portant sur les rhinopharyngites rtcidivantes montre une diminution des rtcidives de (30 %) P = 0,05 (9). Pour la majorit6 des 6tudes effectutes, on doit critiquer le mode d'inclusion comprenant des enfants d'~ges difftrents et surtout ne tenant pas compte de causes bien connues telles les carences en fer, en vitamines, l'atlergie, le reflux gastro-otsophagien, etc... Rappelons que les immunomodulateurs sont couramment utilists dans de nombreux pays d'Europe et au Japon mais n'ont par contre pas droit de cit6 en Amtrique du Nord. I I I - LES VACCINS SPI~CIFIQUES

ANTI-HAEMOPHILUS B, A N T I - P N E U M O C O C C I Q U E ET A N T I - G R I P P A L ONT-ILS UN INTI~RET DANS LA PRI~VENTION DES R H I N O P H A R Y N G I T E S ET OTITES RI~CIDIVANTES ? 1. Le vaccin

I I - SECONDE Q U E S T I O N : LES I N F E C T I O N S RI~CIDIVANTES, E S S E N T I E L L E M E N T VIRALES, P E R T U R B E N T LES MOYENS DE DEFENSES : EST-IL POSSIBLE D ' Y R E M E D I E R ? 1. Place des immunomodulateurs Pour corriger l'6ventuel dtficit immunitaire de l'enfant, ont 6t6 proposts d'abord, l'immunothdrapie passive par adnfinistration d'immunoglobulines, puis les immunostimulants (ou immunomodulateurs) d'origine bact6rienne. Pour ce qui est des immunoglobulines (8), elles se proposaient de corriger l'hypo-IgG transitoire du nourrisson, surtout l'hypo IgG 2, toujours importante au cours des deux premitres anndes; il 6tait thtoriquement impossible qu'elles remtdient au dtficit en IgA sdcrttoires, puisque celles-ci ne sont pas prtsentes dans le strum. I1 est maintenant admis que les immunoglobulines intramusculaires en doses classiquement utilis6es n'ont ancun effet prdventif sur les rhinopharyngites rtcidivantes et les otites. Par contre, des travaux rdcents ont montr6 que l'administration par vole veineuse d'immunoglobulines riches en anticorps sptcifiques, pouvait avoir un effet prtventif sur les infections a VRS mais aussi sur les otites pneumocoque. De telles immunoglobulines ne sont pas disponibles pour l'instant en France. 2. Les immunomodulateurs, (anciennement immunostimulants) Les principaux ~tudits en France sont d'origine bacttrienne (extraits ribosomaux, prottoglycanes ou lysats bacttriens). En pathologie exptrimentale, ils prot~gent l'animal normal ou immunodtprim6 contre la plupart des infections bactdriennes. Ils agissent sur les diffdrents paramttres de la rtponse immunitaire : activation des cellules phagocytaires et en particulier des macrophages (chimiotactisme, bactdricidie), augmenta483

Haemophilus

Si l'H. influenzae b e s t essentiellement responsable d'infections invasives (mtningites, 6piglottites, septictmies, etc...) il est classique d'affirmer qu'il joue un rtle mineur au niveau des otites, celles-ci &ant essentiellement provoqu6es par l'Haemophilus non capsul6 sur lequel le vaccin n'a aucune prise. En fait dans la plupart des 6tudes on constate que 2 5 % des otites ~t Haemophilus sont provoqudes par Haemo philus b : il est donc probable que le vaccin puisse avoir un r61e mineur mais certain dans la prtvention des otites h Haemophilus b. I1 est par contre beaucoup plus difficile de prouver qu'il modifie la frtquence et la gravit6 de certaines rhinopharyngites. Dans tousles cas, cette vaccination joue un r61e considtrable dans la strattgie antibiotique de l'otite moyenne aigu~ : chez un enfant non vaccint, celle-ci devra tenir compte des Haemophilus stcrtteurs de bSta-lactamases; chez l'enfant vaccint, par contre la seule vtritable crainte sera le pneumocoque (l'Haemophilus non capsul6 6tant fort peu pathog~ne) (10). 2. Le vaccin anti-pneumococcique Le pneumocoque est le principal germe responsable des otites moyennes aigu6s de l'enfant. La fr6quence de pneumocoque de sensibilit6 diminu6e ~ la pdnicilline, en particulier en France en vient compliquer le traitement. Cette r6sistance a donn6 un regain d'int6r~t pour la vaccination anti-pneumococcique (11). Depuis 1983, nous disposons d'un vaccin h 23 valences, polyosidique, contenant en particulier les 4 s6rotypes pfincipanx vecteurs de la r6sistance la pdnicilline (6.14.19.23). Malheureusement ce vaccin polysaccharidique est dit "thymo-ind@endant" : il n'est donc r6ellement efficace qu'apr~s l'fige de 2 ans. Chez des enfants de moins de 2 arts, les sdroconversions ne s'obtiennent que pour quelques rares s6rotypes : 3.18.4. On

comprend qu'aucune 6tude clinique n'ait pu montrer l'int4rat de ce vaccin dans la prrvention des otites moyennes aigu~s dont le pic de fr6quence se situe vers un an. Aprrs deux ans, malgr6 les bonnes rdponses srrologiques, les rrsultats cliniques ont 6t4 variables : pour la plupart des 6tudes, une diminution des otites ~ pneumocoque a 4t6 notde pendant 6 ~ 12 mois, pour aboutir ensuite ~t l'rmergence de srrotypes non contenus dans le vaccin 23 valences.

3. Le vaccin anti-grippal La recrudescence des OMA au cours d'dpid6mies de grippe, a fait envisager un r61e 6ventuel du virus Influenzae dans les otites de l'enfant. Deux publications r6centes ont d6montr6 que cette vaccination effectu6e dbs 1' age de 6 mois entrainait une r6duction significative de la fr6quence des otites comprises entre 28 et 36 %.

SUMMARY

4. L'avenir est-il aux vaccins conjugu6s ? Depuis 1992, diffdrents vaccins anti-pneumococciques conjuguds ~ des prot4ines diphtrriques, trtaniques ou mrningococciques sont ~ l'rtude. Malgr6 le caractrre partiel des donndes, on peut d4j8 affirmer que ces vaccins sont immunogSnes drs les premiers mois de la vie. Pour l'instant, il est techniquement impossible de conjuguer plus de 8 srrotypes (12). Pour l'instant il est difficile d'affirmer qu'it n'existera pas un 4chappement avec 6mergence de srrotypes non contenus dans le vaccin conjugu6. La m~me question peut ~tre posde ~ propos des sdrotypes r4sistants ~ la pdnicilline qui, rappelons le pour l'instant, sont essentiellement limitds aux srrotypes 6.14.19.23. En conclusion, le vaccin anti-pneumococcique actuet sembte tout de m~me justifi6 dans les pays ~ forte incidence de pneumocoques r4sistants ~ la prnicilline, mais ceci reste drmontrer !

RHINOPHARYNGITIS AND RECURRENT ACUTE OTITIS MEDIA: IMMUNOSUPPRESS1VE ROLE OF VIRUSES, IMMUNOSTIMULATING AGENTS, VACCINATION

Viruses may cause immunosuppression by a variety of mechanisms. This is a leading cause of recurrent respiratory infections in the first year of life, worsened by the immaturity of IgA and IgG2. The majority of complications are induced by bacterial secondary infection. Three therapeutic views of the problem are possible: immunostimulating agents, specific immunisation (Hib vaccine, pneumococcal vaccine), and passive immunisation with IgG. So far, only specific RSV IgG have been available. The combined pneumococcal polysaccharide vaccines should enhance immunogenicity in young infants and increase efficacy in children under two years of age, who need protection the most. Key-words: Immunosuppression - Viral infection - Immunomodulators vaccine.

Haemophilus vaccine - Pneumococcal

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