Rhumatisme articulaire aigu chez l’enfant : à propos de 169 cas

Rhumatisme articulaire aigu chez l’enfant : à propos de 169 cas

Journal de pédiatrie et de puériculture (2008) 21, 86—92 D i s p o n i b l e e n l i g n e s u r w w w. s c i e n c e d i r e c t . c o m j o u r n ...

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Journal de pédiatrie et de puériculture (2008) 21, 86—92

D i s p o n i b l e e n l i g n e s u r w w w. s c i e n c e d i r e c t . c o m

j o u r n a l h o m e p a g e : h t t p : / / f r a n c e . e l s e v i e r. c o m / d i r e c t / P E D P U E /

ARTICLE ORIGINAL

Rhumatisme articulaire aigu chez l’enfant : à propos de 169 cas Acute rheumatic fever of childhood: About 169 cases C. Ben Meriem *, S. Hammami, L. Ghédira, S. Hadded, S. Tahri, S. Chouchane, M.-N. Guediche ´ diatrie, CHU Fattouma Bourguiba, 5000 Monastir, Tunisie Service de pe

MOTS CLÉS Rhumatisme articulaire aigu ; Arthrite ; Cardite

KEYWORDS Acute rheumatic fever; Arthritis; Carditis

Résumé Le rhumatisme articulaire aigu (RAA) est une complication tardive non suppurative d’une infection pharyngée streptococcique. Il s’agit d’une maladie inflammatoire multiviscérale, touchant essentiellement les articulations et le cœur. Les auteurs ont réalisé une analyse rétrospective de 169 dossiers de RAA colligés dans le service de pédiatrie de CHU de Monastir (Tunisie) sur une période de 16 ans (1988—2003). Leur objectif était d’étudier les aspects épidémiologiques, cliniques, thérapeutiques et évolutifs de cette maladie. L’âge moyen des patients était de neuf ans et sept mois. Une prédominance masculine était retrouvée (sex-ratio de 1,77). La symptomatologie était dominée par l’atteinte articulaire et cardiaque. Tous les malades ont bénéficié d’un traitement antibiotique associé à un traitement anti-inflammatoire. L’incidence du rhumatisme articulaire aigu est en diminution en Tunisie grâce au programme national de lutte contre cette maladie. Les formes atypiques ou mineures deviennent de plus en plus fréquentes. Son traitement reste préventif. # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Summary Acute rheumatic fever is an inflammatory disease of childhood that occurs following untreated Group A streptococcal pharyngeal infection. It remains a major public health problem in Tunisia and other developing countries. A retrospective study of 169 cases of rheumatic fever older than three years was conducted in a paediatric department at Fattouma Bourguiba Hospital, among a 16-years period (1988—2003). The aim was to evaluate epidemiology, clinical features, treatment and outcome of rheumatic fever. The mean age was nine years and seven months. There was a masculine predominance (sexratio: 1.77). Clinical presentation included essentially rheumatic signs and carditis. Laboratory tests showed evidence of inflammation in all cases. All patients received antibiotherapy and antiinflammatory treatment.

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (C. Ben Meriem). 0987-7983/$ — see front matter # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.jpp.2008.02.001

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Rhumatisme articulaire aigu chez l’enfant

Acute rheumatic fever remains a public health problem in Tunisia despite decrease of its incidence. Actually, atypical or minors forms become more frequent. Treatment is mainly based in prophylaxis. # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

un allongement de l’espace PR à l’ECG, avec preuve d’infection streptococcique récente.

Introduction Le rhumatisme articulaire aigu (RAA), ou maladie de Bouillaud, est une complication tardive non suppurée d’une infection des voies aériennes supérieures par le streptocoque bêtahémolytique du groupe A. Il s’agit d’une maladie inflammatoire multiviscérale touchant essentiellement les articulations, le cœur et le système nerveux central. Le RAA reste encore, dans les pays en voie de développement, une pathologie fréquente et constitue un problème de santé publique. Il est la principale cause de morbidité et de mortalité cardiovasculaire dans ces pays. Les objectifs de notre travail, portant sur 169 cas de RAA colligés dans le service de pédiatrie de CHU Fattouma Bourguiba de Monastir (Tunisie), étaient d’analyser les particularités épidémiologiques de cette maladie dans la région de Monastir et de préciser les aspects cliniques, paracliniques, thérapeutiques et évolutifs.

Méthodes Il s’agit d’une étude rétrospective de 169 cas de RAA colligés dans le service de pédiatrie de CHU Fattouma Bourguiba de Monastir sur une période de 16 ans (1988— 2003). Nous avons inclus dans ce travail tous les enfants d’âge inférieur ou égal à 15 ans, hospitalisés pour la première fois au service de pédiatrie de Monastir pour RAA et répondant aux critères de Jones, modifiés en 1965 et révisés en 1992 [1—4] (Tableau 1). Dans un but pronostique, nous avons classé nos malades en formes majeure et mineure, selon les critères suivants :  une forme majeure associant deux critères majeurs ou un critère majeur et deux critères mineurs, avec preuve d’infection streptococcique récente ;  une forme mineure regroupant deux signes parmi les signes suivants : fièvre, polyarthralgies, antécédents personnels de RAA associés à un syndrome inflammatoire ou à

Tableau 1

Nous avons classé les cardites selon le degré de gravité, basé sur les données cliniques et radiologiques :  cardite légère : souffle peu intense, ne dépassant pas 3/6 pour le souffle systolique et 2/6 pour le souffle diastolique avec un cœur de volume normal. La péricardite isolée faite partie de ce groupe ;  cardite modérée : souffle systolique d’intensité supérieure à 3/6 sans signes de gros débit et sans gros cœur ;  cardite sévère potentielle : souffle intense et gros cœur électrique et radiologique ;  cardite sévère : souffle intense, gros cœur associé à des signes d’insuffisance cardiaque. La pancardite appartient à cette classe. À partir d’une fiche d’étude établie au préalable, nous avons recueilli le maximum de renseignements d’ordres épidémiologique, clinique, diagnostique, thérapeutique et évolutif.

Résultats Dans la période d’étude, 27 809 enfants ont été hospitalisés dans le service de pédiatrie de Monastir. Le RAA a représenté 0,61 % de l’activité du service. Le recrutement annuel était de cinq à 20 malades, avec une incidence moyenne de 11 malades par an. Notre série se compose de 108 garçons et 61 filles avec une sex-ratio de 1,77. L’âge moyen était de neuf ans et sept mois, avec des extrêmes de trois à 15 ans et un pic de fréquence entre neuf et 12 ans. Le RAA survenait tout au long de l’année, avec une recrudescence automnohivernale (72,2 %). Parmi nos malades, 87 % étaient d’origine urbaine et 65 % avaient un niveau socioéconomique moyen ou mauvais. La notion d’antécédents familiaux de RAA a été retrouvée chez

Critères de Jones révisés.

Manifestations majeures

Manifestations mineures

Preuves d’infection streptococcique

Cardite

Fièvre

Polyarthrite

Arthralgies

Taux élevé et croissant des anticorps antistreptococciques (ASLO, Dnase B)

Chorée

Allongement de l’espace PR à l’électrocardiogramme

Positivité des cultures pharyngées ou identification par test rapide du streptocoque ou scarlatine récente

Érythème marginé Nodules sous-cutanés

Signes inflammatoires non spécifiques (élévation de la VS, CRP, gammaglobulines)

88 Tableau 2

C. Ben Meriem et al. Signes cliniques du RAA.

Signes cliniques

Nombre de cas

Fréquence (%)

Arthrite Cardite Chorée Érythème marginé Nodules sous-cutanés Arthralgies Fièvre

69 90 6 1 0 162 113

40,8 53,25 3,6 0,6 0 95,8 66,8

11 patients (6,6 %). Des antécédents d’angine à répétition ont été rapportés chez 104 patients (61,8 %). La notion d’angine récente a été retrouvée chez 69 malades (40,9 %). Les manifestations cliniques sont dominées par la symptomatologie articulaire qui était de type d’arthrites (40,8 %) et/ou arthralgies (95,8 %). L’arthrite touchait les grosses articulations, notamment les genoux (60,8 %) et les chevilles (52,1 %). La localisation des arthralgies était signalée au niveau des genoux (57,3 %), des chevilles (34,5 %) et des coudes (19,3 %). La cardite était cliniquement présente chez 90 enfants (53,25 %). Elle a été révélée constamment par un souffle cardiaque. La cardite était plus fréquemment retrouvée entre l’âge de 13 et 15 ans (62,5 %). L’insuffisance mitrale était la plus fréquemment retrouvée (91,1 %). La cardite était classée selon la gravité, en cardite légère (55,5 %), modérée (30 %), sévère potentielle (13,4 %) et sévère (1,1 %). La chorée était rapportée dans six cas (3,6 %). Elle était isolée (chorée pure) chez un enfant et associée à une cardite dans cinq cas (Tableau 2). Le syndrome inflammatoire était noté dans tous les cas. Le prélèvement de gorge, pratiqué chez 40 patients, n’a permis d’isoler le streptocoque A que chez 17 enfants (42,5 %). Le titrage des ASLO, réalisé chez 154 patients, a montré un taux d’ASLO supérieur à 200 UI/ml lors du premier prélèvement chez 152 patients (98,7 %). Le deuxième prélèvement d’ASLO n’a été effectué que chez 107 patients, dont seulement 41 avaient un taux supérieur à 200 UI/ml ; cela est probablement expliqué par l’intervalle entre les deux prélèvements qui n’a pas été respecté (Tableau 3). L’ECG, pratiqué chez 167 enfants (98,8 %), était pathologique dans 39 cas (23,3 %), montrant surtout un allongement de l’espace PR dans 31 cas (18,6 %). La radiographie thoracique, pratiquée chez tous nos patients, était pathologique dans 40 cas (24 %), montrant surtout une cardiomégalie chez 18 patients (10,7 %). L’échographie cardiaque, réalisée chez 112 patients (66,2 %), était pathologique dans 69 cas (61,6 %),

Tableau 3

montrant constamment une valvulopathie dont trois associées à une péricardite. Chez les enfants ayant une cardite suspectée cliniquement, l’échographie était pathologique dans 75 % des cas, et parmi les enfants ayant un RAA sans cardite clinique, l’échographie a permis de découvrir une cardite dans 33,3 % des cas (un malade sur trois). Notre étude a permis de distinguer des formes majeures chez 118 malades (69,8 %) et des formes mineures chez 51 malades (30,2 %). Sur le plan thérapeutique, une antibiothérapie était prescrite de façon systématique dans tous les cas pendant dix jours. Il s’agissait de Pénicilline G1 à raison de un million UI, deux fois par jour chez 167 enfants (98,8 %), et d’érythromycine à raison de 50 mg/kg par jour par voie orale chez deux malades allergiques à la pénicilline. L’acide acétylsalicylique était prescrit dans 83,4 % des cas. La corticothérapie était prescrite chez 52 patients (30,8 %), dont 16,6 % d’emblée et 14,2 % secondairement (Tableau 4). La chorée était traitée par un neuroleptique à base d’halopéridol à raison de 0,1 mg/kg par jour en deux prises par voie orale pendant une durée de quatre semaines dans deux cas et par une corticothérapie dans quatre cas. Tous nos patients ont reçu un traitement prophylactique à base de benzathine benzylpénicilline dans 167 cas (98,8 %) et d’érythromycine dans deux cas, dont la durée était de cinq ans pour les RAA sans cardite et jusqu’à l’âge de 18 ans, voire programmé à vie pour les RAA avec cardite. Sur le plan évolutif, 120 malades (71 %) seulement ont été régulièrement suivis. L’évolution clinique de la cardite était précisée dans 75 cas (83,3 %). Elle était marquée par une aggravation dans six cas (8 %), une disparition ou une diminution d’intensité dans 37 cas (49,3 %) et par un état stable dans 32 cas (42,6 %). La surveillance échographique de la cardite a été déterminée chez 34 malades (49,2 %). L’évolution était marquée par une aggravation dans six cas (17,6 %), une disparition ou une diminution d’intensité dans 24 cas (70,5 %) et par un état stable dans quatre cas (11,7 %). Les rechutes étaient observées chez 13 patients (10,8 %), dont huit cas ayant un RAA avec une cardite confirmée par l’échographie. Elles sont survenues en moyenne à 21,7 mois après la première poussée, avec des extrêmes de 12 à 48 mois. Elles sont survenues durant la première année dans 38,4 % des cas.

Discussion L’incidence du RAA a diminué dans les pays industrialisés avec une valeur de l’ordre de 0,5/100 000 enfants d’âge scolaire par an ; des bouffées épidémiologiques ont été

Signes paracliniques du RAA.

Examen

Nombre de cas

Nombre de cas pathologiques

Fréquence (%)

Sd inflammatoire ASLO (1er prélèvement) ASLO (2e prélèvement) Prélèvement de gorge ECG Rx thorax Échocardiographie

169 154 107 40 167 169 112

169 152 41 17 39 40 69

100 98,7 38,3 42,5 23,3 24 61,6

89

Rhumatisme articulaire aigu chez l’enfant Tableau 4 Répartition de l’antibiothérapie et du traitement anti-inflammatoire. Traitement

Nombre de cas

Fréquence (%)

Antibiothérapie Pénicilline G1 Érythromycine

167 2

98,8 1,2

117 28 24

69,24 16,56 14,20

Anti-inflammatoire Acide acétylsalicylique Corticoïde Acide acétylsalicylique, puis corticoïde

observées en 1985 aux États-Unis, avec une incidence de l’ordre de 18/100 000 enfants. Dans les pays en voie de développement, le RAA demeure fréquent, avec une incidence de 100 à 200/100 000 enfants ; il reste aussi une cause de morbidité et de mortalité cardiovasculaire [2,5—7]. L’épidémiologie du RAA a toujours été différente selon les pays, qu’ils soient industrialisés ou en voie de développement (Tableau 5). Le RAA est une maladie essentiellement de l’enfant et de l’adolescent, généralement observée entre l’âge de cinq ans et 15 ans, exceptionnellement avant l’âge de trois ans et rare chez l’adulte [2,9]. Dans notre série, comme dans la majorité des études, une prédominance masculine était retrouvée ainsi qu’une recrudescence saisonnière lors de la période automnohivernale [3,10—14]. Le rôle des facteurs socioéconomiques dans la genèse du RAA a été souligné par plusieurs auteurs dans le monde. La Tableau 5

surpopulation, la promiscuité, les mauvaises conditions d’habitation et d’hygiène ainsi que la malnutrition favorisent l’éclosion des angines et, par conséquent, l’apparition ultérieure du RAA [2,15—19]. L’atteinte articulaire se présente sous différentes formes cliniques, ayant en commun le fait que l’atteinte est fugace et migratrice et disparaît sans laisser de séquelles. La fréquence de l’arthrite et des arthralgies dans la littérature était variable, respectivement de 13 à 84,4 % et 42 à 64,8 % [20—26]. Elle était, dans notre étude, respectivement de 40,8 et 95,8 % des cas. L’atteinte cardiaque fait toute la gravité de la maladie dans l’immédiat par le risque de défaillance cardiaque puis, à long terme, par la survenue de séquelles valvulaires [27— 30]. Sa fréquence est variable selon les séries allant de 35 à 93 % des cas (Tableau 6), qui est, certes, dépendant du mode de recrutement de chaque service. La chorée de Sydenham est une manifestation tardive de la maladie qui peut survenir quelques fois plusieurs mois après l’épisode initial, ce qui explique son caractère le plus souvent isolé et la difficulté d’apporter la preuve d’infection streptococcique récente [2,32—35]. La fréquence de la chorée est diversement appréciée et ne semble pas être en rapport avec le caractère industrialisé ou non du pays. Les manifestations cutanées sont rares, fugaces et récidivantes. Elles disparaissaient sans laisser de séquelles, mais leurs présences ont une grande valeur diagnostique. La fréquence de l’érythème marginé de Besnier et des nodules de Meynet est variable mais rare, inférieure respectivement à 4 et 7 % [6,14,31]. La fièvre est le signe le plus fréquemment rencontré, répondant bien aux traitements anti-inflammatoires

Incidence du RAA dans la littérature.

Auteurs

Pays

Années d’étude

Incidence/100 000

Olivier [6] Karantana et al. [10] Barsaoui et Oubich [2] Barsaoui et Oubich [2] Bouhour et Heymann [8] Dussarat [25] Olivier et al. [7] Olivier et al. [7]

France Grèce Tunisie Maroc Arabie Saoudite Nouvelle-Zélande Martinique Guadeloupe

1996 1970 2001 2001 1997 1992 1993 1993

0,14 1,1 1,55 6,12 11,2 13 20 17

Tableau 6

Fréquence des arthrites et des cardites rhumatismales et des chorées de Sydenham dans la littérature.

Auteurs

Années d’étude

Arthrite (%)

Cardite (%)

Chorée (%)

Richmond et Harris [13] Olivier et al. [7] Karaaslan et al. [22] Veasy et al. [31] Karantana et al. [10] Bitar et al. [23] Abbag et al. [20] Terreri et al. [36] Ozkutlus et al. [37] Maheu et al. [24] Notre série

1998—1992 1995—1997 1993—1995 1987—1992 1980—1997 1980—1995 1985—1995 1986—1999 1998—1999 1991—1992 1988—2003

59 77,7 81,4 50 74,5 39 84,8 68 — 44 40,8

50 56 60,9 68 70 93 67,6 49 54 — 53,25

21 37,5 17,9 2 4,5 2 — 29,6 27 5 3,6

90

C. Ben Meriem et al.

Figure 1

Schéma thérapeutique : traitement anti-inflammatoire.

[4,29,30,38]. Ce symptôme, bien qu’il soit non spécifique de la maladie, prend une valeur significative quand la fièvre est élevée, supérieure à 39 8C et associée à un syndrome inflammatoire dans un contexte d’une symptomatologie fruste de polyarthralgies [4,39]. Sa fréquence était variable selon les séries allant de 40 à 89 % des cas [21,22,24,25,27]. Sur le plan paraclinique, les examens biologiques précisent les signes de l’inflammation et de l’infection streptococcique. L’ECG permet de rechercher essentiellement l’allongement de l’espace PR qui est évocateur de la maladie à la phase aiguë. La radiographie thoracique et l’échocardiographie permettent de rechercher une cardite et aussi de suivre ultérieurement l’évolution, la valve mitrale étant le plus souvent atteinte, puis la valve aortique. L’atteinte valvulaire de type fuite est plus fréquente que la sténose. Le diagnostic de RAA est simple dans les formes typiques. Il peut être difficile dans certaines formes trompeuses. En effet, si on analyse les critères de Jones, on constate que la cardite peut être simulée par des souffles anorganiques ; la polyarthrite peut s’observer dans d’autres affections ; l’érythème marginé peut être confondu avec une fièvre éruptive ; les arthralgies sont souvent difficiles à analyser ; les tests biologiques d’inflammation et l’allongement de l’espace PR n’ont aucune spécificité. Seule une scarlatine récente témoigne d’infection streptococcique récente, mais elle est devenue rare. L’élévation du taux des ASLO ne permet pas d’affirmer le diagnostic de RAA, étant donné la fréquence de cette élévation chez les enfants sains [3,39,40]. Le traitement d’une poussée rhumatismale est essentiellement basé sur :  le traitement antibiotique de l’infection streptococcique : la pénicilline reste le traitement de référence pendant une dizaine de jours. En cas d’allergie, on utilise un macrolide ;  le traitement anti-inflammatoire permet de faire céder les signes inflammatoires aigus et surtout d’éviter ou de limiter les remaniements vasculaires cardiaques. Les produits utilisés sont l’acide acétylsalicylique et les corticoïdes. Le choix et la durée du traitement l’antiinflammatoire dépendent surtout de l’absence ou de la présence de la cardite ainsi que de sa sévérité. Les

salicylés ont été essentiellement indiqués dans les formes sans cardite ou avec une cardite modérée [4,30,38,39]. Pour les auteurs anglo-saxons, les salicylés représentent le traitement anti-inflammatoire de choix pour toutes les formes qui ne comportent pas d’atteinte cardiaque [4,38,41]. Au terme de cette étude, nous proposons ce schéma du traitement anti-inflammatoire d’une poussée rhumatismale (Fig. 1). Pour le traitement de la chorée :  si elle est isolée et ne s’accompagne pas du syndrome inflammatoire, le traitement prescrit est symptomatique, le plus souvent l’halopéridol à raison de 0,2 à 0,5 mg/kg par jour. Le valproate de sodium à la dose de 15 mg/kg par jour semble aussi bénéfique [2] ;  si un syndrome inflammatoire est observé, une corticothérapie est associée à l’halopéridol. Le seul garant d’une maîtrise de la progression de la maladie passe obligatoirement par une prévention simple et efficace qui repose sur :  la prophylaxie primaire : traitement adéquat de toute angine streptococcique ;  la prophylaxie secondaire : traitement par la penzathine pénicilline G ou un macrolide en cas d’allergie pour éviter les rechutes ;  l’amélioration des conditions socioéconomiques ;  le bon suivi des programmes de lutte mis en place dans notre pays et la déclaration obligatoire de la maladie ;  une éducation sanitaire du patient et de sa famille, en expliquant à chaque consultation l’intérêt de suivre le traitement prophylactique, les dangers encourus par son arrêt, l’hygiène de vie qu’il doit respecter tels que les soins dentaires, le traitement d’une sinusite et l’intérêt de bénéficier d’un carnet de santé où sont consignés les dates des infections et les éventuels incidents observés. Le pronostic d’une poussée de RAA est généralement bon. Une prophylaxie bien conduite prévient tout risque de récurrence, d’où l’importance essentielle de la qualité de l’observance du traitement préventif. Le risque de récidive est

Rhumatisme articulaire aigu chez l’enfant d’autant plus à craindre que le malade est plus jeune, qu’on se trouve plus près de la poussée initiale et qu’il existe des séquelles valvulaires [2,5,30,42]. Dans notre étude, le taux de rechutes variait de 8,3 à 46 % des cas selon les séries [26,31]. Les rechutes sont plus fréquentes dans les trois à cinq années après le premier épisode et le risque d’atteinte cardiaque était plus élevé si le premier épisode était associé à une cardite [5,6].

Conclusion Le RAA reste encore une maladie fréquente dans les pays en voie de développement et constitue un problème de santé publique. Son diagnostic est rendu difficile par l’absence de critères diagnostiques spécifiques et surtout par la plus grande fréquence des formes frustes et atypiques, posant un problème diagnostique et donc un problème de prise en charge thérapeutique, notamment en ce qui concerne la prophylaxie. Son traitement reste essentiellement préventif, en insistant surtout auprès des parents sur l’intérêt du traitement préventif et les dangers encourus par son arrêt.

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