SYMPOSIUM ALLERGIE
© Masson, Paris. Ann. Fr. Anesth. Reanim., 4: 109-114, 1985.
R61e du systeme nerveux autonome dans la modulation de I'anaphylaxie Part played by the autonomic nervous system in modulating anaphylaxis J.P. GRILLIAT Service de M#decine D, Medecine Interne et Allergologie, CHU de Nancy-Brabois, F 54500 Vandeeuvre-les-Nancy
Le syst6me nerveux autonome, ind6pendant de la commande volontaire des sujets, constitue un des mdcanismes essentiels de rdgulation et d'adaptation de l'organisme face aux sollicitations internes ou externes de tous ordres. I1 permet l'adaptation permanente des grandes fonctions : cardiovasculaire, respiratoire, digestive, etc., et des tissus : vasomotricit6, stimulation s6crdtoire, etc. L'allergie r6aginique, ou anaphylaxie, se cr6e par m6canisme immunologique de type s6rique et se caract6rise cliniquement par l'action de l'histamine et des interm6diaires chimiques lib6r6s. Ces substances sont susceptibles de provoquer des perturbations importantes et souvent brutales au niveau de certains organes et de l'ensemble de l'organisme. I1 est donc logique de penser qu'il existe des interrelations importantes entre r6action allergique et syst6me nerveux autonome. On se propose, ici, de les 6tudier et d'en envisager les cons6quences. 1. RAPPEL SUR L'ORGANISATION DU SYST#ME NERVEUX AUTONOME
On distinguera : 1) les centres nerveux v6g6tatifs, en relation avec la corticalit6 et l'hypothalamus, 2) le syst6me de d6tection, en relation avec le milieu intdrieur (baror6cepteurs, thermor6cepteurs, etc.) et avec le milieu ext6rieur (peau et muqueuses). L'ensemble du syst~me est constitud de deux sous-syst6mes bien diffdrenci6s : le systbme orthosympathique, ou adr6nergique, et le syst6me parasympathique, ou vagal. Au niveau de chaque organe, on trouve une innervation double correspondant ~ ces deux syst6mes. Globalement, les effets sont antagonistes : le syst6me b~taadr6nergique est bronchodilatateur, le syst6me parasympathique bronchoconstricteur. Au niveau du coeur, le
Re~u le 28 septembre 1984; accept6 le 16 d6cembre 1984. ANN. FR. ANESTH. R~ANIM., 2, 1985.
syst6me adrdnergique est acc616rateur, le syst~me parasympathique bradycardisant. Le r61e de chacun de ces composants peut ~tre diff6renci6 : le sympathique intervient dans les m6canismes d'action de d6pense d'6nergie, le parasympathique intervient plut6t dans l'entretien de l'organisme. On notera surtout une diff6rence de structure des deux syst6mes. Le syst6me parasympathique agit comme syst~me rdflexe /~ partir des r6cepteurs locatis6s /~ un organe. Le rdflexe lib6re l'acdtylcholine, qui est mdtabolis6e au niveau des terminaisons nerveuses et qui a un effet limit6 ~ l'organe. Toutefois, le relais central du r6flexe parasympathique doit ~tre pris en consid6ration et on peut 6voquer la notion de tonus vagal. L'intervention du syst6me orthosympathique se traduit par l'action de la noradr6naline et de l'adr6naline. Ces substances sont lib6r6es au niveau des r6cepteurs, mais incompl6tement d6truites sur place. Rappelons qu'elles sont 6galement lib6r6es par la m6dullo-surrdnale. Dans certaines situations d'ensemble, en particulier de choc, l'activit6 sympathique sera mise en jeu en masse et on observe une action g6n6ralis6e susceptible de se prolonger. Ainsi, le syst6me adr6nergique agit plus volontiers au niveau de l'ensemble de l'organisme; il est susceptible de solliciter indirectement la rdponse sym6trique du syst6me parasympathique, qui agira plus volontiers au niveau des organes. De nombreux exemples peuvent illustrer cette conception: la rhinite vasomotrice, les manifestations d'urticaire non allergique, 6ventuellement les 6tats d'hypersensibilit6 humorale. On voit ici l'importance de certains types de stimulation g6n6rale, en particulier 6motionnelle, susceptibles d'enclencher la rdaction adrdnergique et la r6action secondaire vagale. On remarque que les manifestations parasympathiques se rapprochent des manifestations histaminiques : vasodilatation,
TirOs a part: J.P Grllllat.
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tendance ~ la sudation, constitution d'oedbme. L'association des deux ph6nom6nes peut donc amplifier la r6action allergique. 2. NEUROTRANSMISSION ET HISTAMINE
La mise en 6vidence de l'histamine au niveau du syst6me nerveux est due h KWIATOWSKIen 1943 [13]. La r6partition est h6t6rog6ne, la plus haute concentration se r6v61ant au niveau de l'hypothalamus. La distribution pr6sente un certain parall61isme avec les autres monoamines : la concentration est en moyenne dix fois plus faible que celle des cat6cholamines. Les effets de l'histamine au niveau du syst6me nerveux apparaissent comme la cons6quence d'une activation de r6cepteurs sp6cifiques. Les premieres approximations ont pu attribuer les effets excitateurs aux r6cepteurs H1 et les effets inhibiteurs aux r6cepteurs He, mais il existe apparemment des exceptions ~ cette r~gle. 2.1. Histamine et centres regulateurs
D'apr~s SCHWARTZ [16], l'histamine pourrait jouer un r61e dans certaines r6gulations, comme celles de la balance hydrique ou la thermo-r6gulation. KLEIN et GERTNER, en 1981 [12], utilisant un inhibiteur de l'histamino-N-m6thyltransf6rase (SKF 91 488), injectent ce produit au niveau des ventricules cdrdbraux de rats et observent une 616vation de la tension art6rieUe, ainsi qu'une bradycardie. Ce m~me effet est observ6 apr~s injection d'histamine exog~ne. Les auteurs observent, aussi, apr6s injection de SKF 91 488, une 616vation significative de l'histamine dans l'hypothalamus et le cortex c6r6bral. 2.2. Histamine et transmission nerveuse sympathique
LOKI-IANDWALA, en 1977 [14], a d6montr6 que l'histamine pouvait exercer un effet cardio-d6c616rateur par activation des r6cepteurs H2 situ6s dans les terminalsons sympathiques : l'apport d'histamine, chez le chien, est susceptible de retarder l'acc616ration cardiaque caus6e par la stimulation du sympathique, alors que ce retard ne s'observe pas si on remplace la stimulation par une perfusion de noradr6naline. Cela prouverait que l'histamine agit sur les rdcepteurs situ6s dans les fibres sympathiques. Par ailleurs, la m6tiamide, inhibiteur de H2, annule l'effet de l'histamine. Tous ces travaux, tr6s intdressants, restent encore fragmentaires. I1 nous manque actuellement une technique histochimique permettant de visualiser l'histamine l'int6rieur des diff6rents 616ments du neurone. 3. SYST~EME NERVEUX AUTONOME ET HISTAMINOLIBF:RATION
La r6gulation de la lib6ration des m6diateurs pr6form6s de l'anaphylaxie a 6t6 6tudi6e chez l'homme au
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niveau des basophiles circulants et des mastocytes pulmonaires. I1 apparait que le mouvement calcique et le m6tabolisme de I'AMP cyclique jouent un r61e d6terminant dans la r6gulation de la lib6ration de ces interm6diaires chimiques. Or, I'AMP cyclique est directement sous l'action du syst6me b6ta-adrdnergique qui, en stimulant l'ad6nylcyclase, favorise la transformation de I'ATP en AMP cyclique. A c6t6 des r6cepteurs histaminiques Hz et des r6cepteurs des prostaglandines, existent des r6cepteurs b6ta2-adrdnergiques qui permettent l'augmentation du taux intracellulaire de I'AMP et, en cons6quence, freinent la libdration de l'histamine et des substances interm6diaires. Cela a 6t6 ddmontr6 pour le mastocyte pulmonaire par ASSEM et SCmLO [1], et plus r6cemment par T u y c et LICHSTENSa'ZIN[20] en ce qui concerne le basophile. I1 apparait donc que le jeu de I'AMP cyclique s'articule ~ la fois sur la stimulation du systbme neurov6gdtatif, sp6cialement b6ta-adr6nergique, et sur la dynamique cellulaire permettant l'histaminolib6ration. On a consid6r6, pendant une certaine p6riode, que le GMP cyclique repr6sentait le contrepoint de I'AMP et agissait en miroir sous la stimulation de l'ac6tylcholine. En fait, toute inhibition au GMP amine une rdduction de la lib6ration des substances interm6diaires et la stimulation de l'ac6tylcholine peut entra~ner directement une diminution de I'AMP cyclique et, par 1~ mame, augmenter la lib6ration de ces substances [9, 10]. Ainsi, se trouve d6montr6 le m6canisme de r6gulation des substances chimiques de l'anaphylaxie, en particuller l'histamine, par le syst6me nerveux autonome. La stimulation b&a2-adr6nergique limite la libdration des m6diateurs, la stimulation parasympathique facilite la lib6ration de ces substances. 4. SYSTI=ME NERVEUX AUTONOME ET REGULATION DES EFFETS DE L'HISTAMINE ET DES SUBSTANCES INTERMI=DIAIRES
Apr6s avoir examin6 les relations entre syst6me nerveux autonome et m6canisme rdaginique, en amont de la lib6ration d'histamine, il convient d'envisager l'autre versant du probl6me, en l'occurrence les cons6quences de la lib6ration d'histamine, de prostaglandines et de leucotri6nes (le r61e du PAF 6tant discut6), pour ne citer que les m6diateurs les plus importants. Ces agents sont susceptibles de perturber gravement certaines fonctions, telles que la circulation (choc anaphylactique) et/ou la respiration, et mettre en jeu la vie du sujet. Par ailleurs, on connalt les parentds entre les mfcanismes r6aginiques et te processus inflammatoire. Or le syst6me nerveux autonome agit au niveau des tissus et des organes pour r6gler leur fonctionnement face ~ diff6rents types d'agression. On doit donc s'attendre ~ la mise en jeu de m6canismes neurov6g6tatifs susceptibles d'att6nuer les effets des substances chimiques lib6r6es. On peut 6galement s'interroger sur les alt6rations ou les perturbations du syst6me neurov6-
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SYSTI~ME NERVEUX AUTONOME DANS L'ANAPHYLAXIE
g6tatif susceptibles de mal compenser les effets et, par cons6quent, de les amplifier et les prolonger. 4.1. Interferences entre allergie reaginique et regulation neurovegetative 4.1.1. R6action anaphylactique g#n#ralis6e
HAMBERGER et coll. [7], 6tudiant les m6canismes d'intervention des cat6cholamines, ont explor6 exp6rimentalement la relation entre choc anaphylactique et cat6cholamines. Ce travail a 6t6 r6alis6 ~ partir de deux races de rats. Sur l'une, capable d'6tre sensibilis6e, HAMBERGER et coll. r6alisent des chocs anaphylactiques par sensibilisation ~t l'albumine de l'eeuf; pour le lot correspondant ~t l'autre race, r6fractaire ~ la sensibilisation, ils provoquent des chocs anaphylactoides en utilisant l'action histaminolib6ratrice du dextran. Les auteurs dosent l'adr6naline et la noradr6naline d6s le d6clenchement de ces chocs et toutes les 15 min pendant une heure. I1 est alors constat6, dans tousles cas, une lib6ration notable d'adr6naline et de noradr6naline. Toutefois, cette lib6ration est plus importante pour le choc anaphylactique que pour le choc anaphylactoide, et surtout la stimulation des cat6cholamines est tr~s att6nu6e lorsque les rats sont anesth6si6s. L'6tude parall61e des variations de la tension art6rielle est int6ressante ~t suivre. En effet, qu'il s'agisse d'un choc anaphylactique ou anaphylactoide, on constate que l'hypotension est nettement plus importante chez les sujets anesth6si6s dont la d6charge d'adr6naline est plus faible. En suivant l'6volution de toute une s6rie de param6tres dans l'heure qui suit le choc, il apparait une 616vation, puis une r6duction progressive et importante de I'AMP cyclique au niveau cellulaire. I1 en est de m~me du glucose et des lactates, alors que le glyc6rol augmente. En m6me temps, chez les sujets sensibilis6s, il y a augmentation importante du taux s6rique des IgE. Ainsi, les travaux d'HAMBERGER et coll. [7] soulignent le r61e majeur et peu soupqonn6 des cat6cholamines au d6but du choc anaphylactique. Cette action est apparemment b6n6fique dans l'imm6diat, puisqu'il existe une aggravation de la symptomatologie du choc chez les sujets pr6sentant une faible d6charge adr6nergique (cas des sujets anesth6si6s). Par contre, dans les suites du choc anaphylactique, on observe une perturbation du taux de I'AMP cyclique, en m6me temps qu'une augmentation des IgE. Cela laisse ~ penser qu'il y a une prolongation de l'effet anaphylactique qui, dans une certaine mesure, p6rennise le choc. D'apr~s la pr6sentation d'HAMBERGER et coll., les rats capables d'6tre sensibilis6s, mais soumis ~ un choc anaphylactoide au dextran, se comportent sur le plan biologique de faqon interm6diaire. 4.1.2. Reaction allergique a un organe. Exemple de la bronche
Dans le cas de l'asthme allergique, l'histamine, en dehors de son action directe qui facilite l'0ed~me de la
muqueuse, sollicite, par son action irritatrice, les ~ irritant receptors ~ proximaux du systSme vagal; il s'ensuit la mise en action du r6flexe parasympathique bronchique, qui aboutit h la lib6ration d'ac6tylcholine et la bronchoconstriction. Bien entendu, la stimulation du syst6me vagal peut ~tre r6alis6e par d'autres sollicitations, ce qui explique que des 6tiologies diverses, allergiques ou non, aboutissent au m~me effet physiopathologique. 4.2. Perturbations specifiques du systeme nerveux autonome chez les sujets allergiques
Cette question a fait l'objet de nombreux travaux, sp6cialement dans le cadre de l'asthme allergique. 4.2.1. Modifications de la receptivite gen6rale do I'allergique
KALINER et coll. [9, 10] ont mis au point un certain hombre de techniques. En ce qui conceme la r6ponse adr6nergique, ils utilisent des perfusions d'isoprot6r6nol et d6finissent la quantit6 n6cessaire pour obtenir une augmentation de 22 mmHg de la pression art6rielle. I1 apparait que chez l'allergique asthmatique ou pr6sentant des manifestations ORL la dose n6cessaire est nettement sup6rieure h la dose n6cessaire chez les sujets normaux. On peut en d6duire l'existence d'un certain d6ficit de la r6ceptivit6 b&a2-adr6nergique chez les sujets pr6sentant ce type d'allergie. En ce qui concerne la r6ponse alpha-adr6nergique, ces auteurs ont recours ~t l'action de la ph6nyl6phrine. Par une technique tr6s d61icate de pupillom6trie, ils d6terminent la quantit6 de ph6ny16phrine, en utilisation locale, n6cessaire pour provoquer une dilatation de 0,5 mm de la pupille. Ils constatent alors que chez les sujets asthmatiques, plus d'ailleurs que chez les sujets pr6sentant une allergie ORL, il faut utiliser une quantit6 moindre de ph6nyl6phrine pour obtenir le m6me r6sultat. Cela traduit une hypersensibilit6 adr6nergique alpha. En ce qui concerne la sensibilit6 cholinergique, KALINER et coll. utilisent la pupillom6trie et le carbachol. Ils recherchent la quantit6 de carbachol n6cessaire pour obtenir une constriction pupillaire de 1 mm. Les auteurs constatent alors que, chez les sujets pr6sentant un asthme allergique ou une allergie ORL, la quantit6 de carbachol n6cessaire est moindre que pour les sujets normaux (de l'ordre de 20 %). On remarquera toutefois que chez les sujets pr6sentant un asthme intrins6que non allergique la dose de carbachol n6cessaire est encore plus faible que pour l'asthme allergique. Quoi qu'il en soit, en r6f6rence aux travaux pr6c6dents, on peut r6sumer les perturbations du systSme nerveux autonome chez le sujet allergique de la fa~on suivante : chez les sujets porteurs d'asthme allergique ou de rhinite allergique, il y aurait un d6ficit de la sensibilit6 b~ta et une 616vation de la sensibilit6 cholinergique. Par ailleurs, dans le cas de l'asthme aUergique, il existe une sensibilit6 alpha qui n'est pas nettement retrouv6e pour les rhinites allergiques.
112 4.2.2. Modifications au mveau des adr6norecepteurs cellulaires de I'allergique
A partir de ces faits, peut-on retrouver une perturbation de la sensibilit6 b~ta-adr6nergique au niveau des adr6nor6cepteurs cellulaires des sujets allergiques ? De tr6s nombreux travaux ont 6t6 consacr6s h ce sujet depuis 15 ann6es. Dans une premi6re p6riode, COOKSON et REED [4], puis KIRKPATR~CK et KELLER [11] ont montr6 que la r6duction de la sensibilit6 des asthmatiques aux cat6cholamines allait de pair avec une diminution des acides gras libres, des lactates, de la glyc6mie, ainsi que de I'AMP cyclique plasmatique et urinaire. Une deuxi6me s6rie de travaux, publi6s entre 1972 et 1975, ont 6t6 r6alis6s in vivo sur des cellules isol6es provenant d'asthmatiques allergiques. 11 s'agissait essentiellement de leucocytes et de lymphocytes. I1 a 6t6 g6n6ralement constat6 une diminution de la r6ponse de I'AMP cyclique ~ la stimulation par les substances b~taadr6nergiques, ce qui a permis de penser que l'anomalie se situait au niveau des r6cepteurs b6ta-adr6nergiques. Dans les ann6es suivantes (1975-1977), il a 6t6 montr6 qu'une hyposensibilit6 adr6nergique pouvait ~tre induite chez un sujet sain en cas de pr6traitement par des substances adr6nergiques : d'ol) la notion de ~ d6sensibilisation ~ pharmacologique acquise. La question est alors de savoir si chez des sujets allergiques l'hyposensibilit6 adr6nergique n'est pas le r6sultat soit d'abus des sympathomim6tiques, soit de stimulations adr6nergiques physiologiques r6p6t6es et importantes. En fait, CONOLLY et coll. [2, 3] ont montr6 que l'hyposensibilit6 spontan6e des allergiques asthmatiques 6tait diff6rente de l'hyposensibilit6 acquise. Notamment, dans le premier cas, cette hyposensibilit6 s'accompagne de perturbations au niveau du syst~me alpha et du GMP cyclique. Si donc il existe une anomalie constitutionnelle, comment peut-on la d6finir ? Pour SZENTIVANYI [17, 18], l'anomalie serait une sorte de ~ flexibilit6 ~ des r6cepteurs avec possibilit6 de transformation de b6ta2 en alpha en certaines circonstances. Cette th6orie de SZENTIVANYI n'a pas 6t6 g6n6ralement accept6e. FRASER et coll. [5] ont donn6 r6cemment une autre explication ~ la r6duction des b~ta-r6cepteurs. Ces auteurs ont mat6rialis6 la structure des diff6rents r6cepteurs et constat6 une parent6 de structure tr~s importante entre les r6cepteurs b&al et b&a2. Par contre, les r6cepteurs alpha sont tr6s diff6rents, proches des r6cepteurs cholinergiques. Ces auteurs en concluent qu'il y a mat6riellement une impossibilit6 d'interconversion entre les r6cepteurs b~ta2 et alpha. Ils ont alors 6mis l'hypoth6se qu'il pouvait exister des anticorps antir6cepteurs et en particulier des anticorps anti-b~ta/. Sur un ensemble de 60 sujets, ils sont trouv6 9 fois des sujets ayant des anticorps a n t i - b ~ t a 2 : 4 fois il s'agissait d'asthmatiques et 2 lois de patients pr6sentant des manifestations allergiques d'autre nature. Par ailleurs,
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67 % des sujets dont la r6action ~ la stimulation b~ta-adr6nergique est diminu6e auraient des anticorps anti-b~ta2. Pour TOWNLEY et coll. [19], on pourrait admettre qu'il existe deux pools de r6cepteurs b~ta-adr6nergiques : des r6cepteurs fixes et des r6cepteurs labiles. Certains antagonistes b~ta pourraient donner une r6duction des r6cepteurs labiles et ainsi cr6er un certain 6tat de d6sensibilisation. Par contre, les corticoides seraient susceptibles de r6g6n6rer les r6cepteurs b6ta labiles. Tout ceci montre que l'unanimit6 est loin d'etre faite sur les modalit6s de r6duction de sensibilit6 des b~ta-r6cepteurs. 4.2.3. Perturbations du systeme cholinergique
I1 faut citer en particulier les travaux de KALINER et coll. [9, 10], r6alis6s ~ partir de deux lots de jeunes lapereaux : un lot qui sert de r6f6rence, tandis que les autres animaux sont immunis6s en p6riode n6onatale par la peroxydase de raifort. I1 se cr6e ainsi une allergie immunologique, avec augmentation du taux des IgE. Parall~lement, il se d6veloppe une sensibilit6 accrue au carbachol et ~ la stimulation du syst6me atpha-adr6nergique. Ainsi, se trouverait d6montr6e, une fois encore, l'intrication qui existe entre syst6me nerveux autonome et allergie. 5. EXPLORATION DU SYSTEME NERVEUX AUTONOME CHEZ L'HOMME
5.1. Sur le plan general
Le test ~ l' isoprot~r~nol (Isuprel®), qui est repris de la technique propos6e par FROHLICHet coll. [6], se d6roule chez le sujet mis au repos jusqu'~ l'obtention d'un pouls basal stable. L'isoprot6r6nol est inject6 par une seringue 61ectrique ~ doses croissantes, en trois paliers de 5 min raison de 1, 2 et 3 ~g • min -1. A la fin de chaque 6tape, on note l'augmentation du pouls et de la tension art6rielle diff6rentielle avec enregistrement 61ectrocardiographique au moyen de l'appareil de Hawksley. Le test est arr~t6 si les effets de tachycardie et d'excitation 6motionnelle deviennent intol6rables. Le recueil de chaque type de donn6es est fait par le m~me observateur. On peut ainsi appr6cier la sensibilit6 g6n6rale des sujets ~ la stimulation b~ta-adr6nergique qu'elle s'exprime en plus ou en moins, le cas extreme 6tant celui du b~ta-blocage th6rapeutique des r6cepteurs b&a. Le test ~ la ph~nyl~phrine (n~osyndphrine ®) permet l'6valuation du syst~me cholinergique. Cette substance se distingue de l'adr6naline par deux caract6res principaux : une dur6e d'action plus longue et l'absence quasi complete d'activit6 b&a. Ce produit agit sur le syst6me alpha, ce qui provoque une vasoconstriction p6riph6rique et une hypertension art6rielle, qui est suivie et contr616e. Cette hypertension art6rielle stimule les baror6cepteurs carotidiens et aortiques et provoque une
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SYSTC=ME NERVEUX AUTONOME DANS L'ANAPHYLAXIE
bradycardie non drpendante de la dose et qui correspond au rrflexe vagal. On obtient une pente de rdgression qui permet d'rvaluer la sensibilit6 cholinergique. 5.2. Au niveau cellulaire En dehors des investigations faites sur le patient, on peut envisager d'apprrcier la rrponse cellulaire l'isoprotrrrnol selon les mrthodes prrconisres notamment par CONOLLY et GREENACRE [2] ou SAGER et JACOBSEN [15]. La fonction des rrcepteurs b6ta2adrrnergiques des lymphocytes est mesurre en termes d'accumulation d'AMP cyclique en rrponse ~ l'isoprotrrrnol, puisque les lymphocytes ne poss~dent que des rrcepteurs b~ta2. Cette technique, dont l'intrr~t throrique est 6vident, paralt actuellement encore lourde et coOteuse, mais reprrsente une approche intrressante ~t laquelle on pourrait avoir recours dans certains cas particuliers. Au-del~ de ces explorations, la clinique est capable d'apprrcier dans une certaine mesure l'aptitude vagale des sujets : hypotension, bradycardie, etc. 6. DEDUCTIONS THERAPEUTIQUES
Compte tenu des donn6es prrcrdentes, il existe des attitudes thrrapeutiques discutables et des conduites thdrapeutiques utiles et recommandables. 6.1. Therapeutiques discutees
Le probtrme de l'utilisation des mrdicaments brtabloquants chez les sujets prrsentant des manifestations immuno-allergiques doit retenir l'attention. Sans doute, on a pu remarquer que les sujets sains, sans hypersensibilit6 bronchique particulirre, et traitrs par brtabloquants, ne faisaient pas de manifestation de bronchoconstriction et ne drveloppaient pas d'asthme. Par contre, une lourde interrogation existe sur Faction facilitante des mrdicaments b~ta-bloquants sur les manifestations allergiques grnrrales. Ainsi, la revue de la littrrature montre que le blocage des rrcepteurs brta peut majorer les rractions anaphylactiques. JACOBS et coll. [8] prdcisent que la symptomatologie paralt modifire et aggravre clans ces cas d'hypotension majeure : importantes manifestations viscrrales (en particulier neurologiques et cardiaques) pouvant donner des srquelles durables. Un signe particuli~rement intrressant ~ noter est l'existence d'une bradycardie et non d'une tachycardie comme il est habituel dans le choc anaphylactique. Ainsi, se trouve nettement pos6 le problrme du risque de l'utilisation des b~ta-bloquants chez des sujets connus pour &re menacrs de choc anaphylactique. On pense en particulier aux sujets allergiques aux hymrnopt~res ou prrsentant une allergie alimentaire vraie. Ce qui vient d'etre dit concerne la relation entre mrdication b&a-bloquante et allergie vraie. Le probl6me
est tres diffrrent en prrsence d'une fausse allergie induite par stimulation adrrnergique et stress. Dans ce cas, et compte tenu de l'exprrience des rhinites vasomotrices ou des manifestations d'urticaire entretenue non allergique, les thrrapeutiques de b~ta-blocage peuvent ~tre utilisdes. Ceci amrne ~t 6voquer le probl~me de l'arr~t des b~ta-bloquants chez les sujets en traitement. Une suspension brutate risque de relancer la symptomatologie et surtout des phrnom~nes d'anxirtr. La librration des phrnom~nes d'anxirtr, habituellement bien influencrs par les brta-bloquants, risque de favoriser le drvetoppement de manifestations de pseudo-allergie. Ainsi, le problrme de t'utilisation des brta-bloquants en face du risque allergique doit 6tre envisag6 sous ses diffrrents aspects, et ne pas entrainer d'attitude trop brutale. En ce qui concerne le traitement du choc anaphylactique par l'adrdnaline, les travaux d'HAMBERCER et coll. [7] ont bien montr6 l'implication du syst~me des catrcholamines. L'adrrnaline est certainement brnrfique au drbut du choc anaphylactique, mais serait ensuite susceptible de prrenniser les manifestations cliniques. L'utilisation de l'adrrnaline au drbut du choc anaphylactique a, de l'avis de tous, un effet heureux, qui complrte sans doute la rraction physiologique. Mais les travaux d'HAMBERCER et coll. semblent montrer que la prolongation de cette action peut avoir finalement des effets ndfastes (drsensibilisation des rrcepteurs b~ta-adrrnergiques ?), favorisant 6ventuellement la baisse de I'AMP cyclique et la librration des intermrdiaires chimiques de l'anaphylaxie. L'action thrrapeutique devrait donc permettre aux rdcepteurs brta de retrouver leur sensibilitr. Nous savons que les corticoides ont un trbs bon effet h cet 6gard. I1 est donc ainsi parfaitement logique de complrter rapidement l'action de l'adrrnaline par l'utilisation de corticoides en perfusion. Les faits cliniques et l'exprrience ont d'ailleurs drj~ confirm6 cette conception thrrapeutique, qui se trouve ainsi confortde. 6.2. Therapeutiques proposees En se rrfrrant ~ l'exprrience du traitement des perturbations du systeme nerveux autonome au niveau de certains organes, par exemple le nez dans les rhinites vasomotrices, certaines thrrapeutiques peuvent 6tre proposres. Dans l'asthme allergique ou non allergique, les antihistaminiques paraissent avoir une action intdressante, surtout s'ils n'ont pas une action antihistaminique pure. L'action centrale et anticholinergique, que l'on regrette dans certains cas, peut ~tre brndfique dans le domaine envisag6 ici. L'exemple en est l'hydroxyzine (Atarax®), prrconis6 depuis longtemps par l'auteur de ce travail et qui paratt avoir un intdr~t tout particulier dans la prrvention des manifestations allergiques et pseudoallergiques.
114 6.3. Attitude therapeutique En terminant, il convient de rappeler que toute stimulation trop brutale du syst6me nerveux autonome risque de d6clencher une cascade de r6actions dont certaines s6quences, en particulier la phase vagale, peuvent imiter la r6action allergique (pseudo-allergique) ou s'additionner au ph6nom6ne allergique (potentialisation des ph6nom~nes). Parmi les stimulations envisag6es, une place importante doit ~tre faite au choc 6motionnel, surtout s'il est entretenu et r6p6t6. Dans le cadre de l'anesth6siologie, cette 6tude foumit nombre d'arguments pour renforcer la pr6paration psychologique et le conditionnement du sujet ~t l'intervention.
J.P. GRILLIAT 3. CONOLLYM.E., TASHKIND.P., HUI K.K.P., LITTNERM.R., WOLFE R.N. Selective subsensitization of beta-adrenergic receptors in central airways of asthmatics and normal subjects during long-term therapy with inhaled salbutamol. J. Allergy Clin. Immunol., 70: 423-431, 1982. 4. COOKSOND.U., REED C.E. A comparison of the effects of isoproterenol in the normal and asthmatic subjects. Am. Rev. Respir. Dis., 88: 636-643, 1963. 5. FRASERC.M., VENTERJ.C., KALINERM. Autonomic abnor-
6.
7.
8. 7. CONCLUSION
De cette 6tude, on peut retenir que le syst6me adr6nergique (b6ta2) intervient dans la r6gulation des interrn6diaires chimiques de l'anaphylaxie. I1 est 6galement d6montr6 que le syst6me cholinergique a sa part en sym6trie et repr6sente, en quelque sorte, l'autre plateau de la balance. Ces notions doivent aboutir h u n certain comportement op6rationnel en mati6re d'allergologie clinique. On peut aussi s'interroger sur certains m6canismes g6n6raux, intervenant en particulier dans la lib6ration des cat6cholamines. L'intervention de l'adr6naline d6pend en grande partie de l ' a x e hypophysosurr6nalien en relation avec le <~cerveau primaire >>. Le mode personnel de r6action du sujet aux g6n6rateurs de stress est susceptible de conditionner la stimulation hypothalamique, puis adr6nergique, avec toutes les cons6quences d6duites des observations pr6c6dentes. Sur le plan th6rapeutique, les d6marches qui visent h r6guler et ~t r6duire les g6n6rateurs de stress peuvent &re tr6s b6n6fiques chez le sujet allergique. En dehors des b6ta-stimulants et des b6ta-bloquants, dont les difficult6s d ' e m p l o i chez les sujets allergiques ont 6t6 rappel6es, on peut souhaiter l'61aboration de < qui pourraient avoir leur place dans le traitement de la maladie allergique. BIBLIOGRAPHIE 1. ASSEME.S.K., SCHILD H.O. Antagonism by beta-adrenoreceptor blocking agents of the anti-anaphylactic effect of isoprenaline. Br. J. Pharmacol., 42: 620-630, 1971. 2. CONOLLY M.E., GREENACRE J.K. The lymphocyte betaadrenoreceptor in normal subjects and patients with bronchial asthma. J. Clin. Invest.. 58: 1307-1316, 1976.
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