Sport et insuffisance respiratoire chronique

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Science & Sports (2010) 25, 158—164 MISE AU POINT Sport et insuffisance respiratoire chronique Chronic respiratory diseases and exercise E. Lonsdorfe...

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Science & Sports (2010) 25, 158—164

MISE AU POINT

Sport et insuffisance respiratoire chronique Chronic respiratory diseases and exercise E. Lonsdorfer-Wolf Service de physiologie et explorations fonctionnelles, NHC, 1, place de l’Hôpital, 67091 Strasbourg cedex, France Rec ¸u le 10 septembre 2009 ; accepté le 15 d´ ecembre 2009 Disponible sur Internet le 11 juin 2010

MOTS CLÉS BPCO ; Asthme ; Mucoviscidose ; Exercice ; Évaluation ; Réentraînement ; Bronchospasme induit par l’exercice

Résumé Objectifs. — Évaluer l’intérêt de l’activité physique dans les insuffisances respiratoires chroniques. Actualités. — Les maladies respiratoires chroniques telles que la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), l’asthme, la mucoviscidose et les atteintes restrictives ont de nombreuses manifestations cliniques communes, telles que la toux, la fatigue musculaire, l’inactivité et surtout la dyspnée, qui se manifeste principalement à l’effort. Les mécanismes impliqués dans la limitation ventilatoire à l’exercice semblent être surtout d’origine mécanique, avec une hyperinflation dynamique plus ou moins associée à des anomalies des échanges gazeux. Le déconditionnement des muscles périphériques est attribué à l’inactivité, le mauvais statut nutritionnel, la prise de corticoïdes au long cours et l’hypoxémie. La réduction des capacités oxydatives des muscles impliqués induit une acidose lactique musculaire précoce. Ainsi, la limitation à l’exercice est très souvent double chez ces patients, musculaire et périphérique. Il n’est plus à prouver aujourd’hui que l’exercice physique et le réentraînement à l’effort sont bénéfiques pour ces patients. Mais avant de les inclure dans un programme complet de réhabilitation, il est important de les évaluer à l’effort et cela selon les recommandations bien établies par les sociétés savantes. Le test d’effort maximal à charges croissantes va permettre à la fois, d’éliminer les contre-indications cardiaques à l’effort, de déterminer la consommation maximale d’oxygène possible pour ces sujets et de personnaliser leur programme d’entraînement, en prévoyant au minimum trois séances d’entraînement de 30 minutes par semaine sur une durée minimale de huit semaines. Des effets bénéfiques importants ont été observés pour ces patients, avec une amélioration nette de leur qualité de vie. Pour les patients sévères et présentant une hypoxémie induite par l’exercice, une supplémentation en oxygène peut être proposée. L’asthme induit par l’exercice n’est en aucun cas une contre-indication à l’exercice. Il demande

Adresse e-mail : [email protected]. 0765-1597/$ — see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.scispo.2010.05.002

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une bonne connaissance des symptômes par le patient, la prise d’une thérapeutique adaptée, et si besoin, la mise en route d’un entraînement en endurance spécifique qui peut, s’il est bien conduit, permettre de reculer le moment d’apparition du bronchospasme. Conclusion. — Quelle que soit la pathologie respiratoire chronique, le mécanisme de la limitation à l’exercice est complexe, mais la mise en route de programmes d’entraînement spécifiques peut considérablement améliorer la qualité de vie de ces patients. © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS COPD; Asthma; Exercise; Rehabilitation; Exercise-induced asthma

Summary Aim. — To appraise the benefit of exercise for the patients with chronic pulmonary diseases. Current knowledge. — Chronic respiratory diseases such as chronic obstructive pulmonary disease (COPD), asthma, cystic fibrosis and restrictive lung diseases share common manifestations such as cough, muscle fatigue, inactivity and dyspnea. Dyspnea is usually the main complaining symptom, especially during exercise. The mechanisms involved in the exercise limitation in patients with COPD are various. Ventilatory limitation is mostly explained by abnormal respiratory mechanics leading to dynamic hyperinflation and potential gas exchange disturbances. Peripheral muscle dysfunction with skeletal muscles deconditioning is attributed to inactivity, hypoxemia, impaired nutritional state and corticosteroids. The reduced oxidative capacity of these muscles induces an early onset of lactic acidosis during exercise. Therefore, leg effort and dyspnea contribute to the subjective exercise limitation. There is a large body of evidence that exercise and rehabilitation are beneficial to patients with such chronic pulmonary diseases. But before including the patients in rehabilitation programs and because of potential concomitant cardiac disease, it is important to valuate their functional capacity. Following the international recommendations for exercise evaluations, the incremental work exercise test permits to determine the maximal oxygen consumption and to personalize the training methods, which consist generally in endurance sessions (constant or intermittent exercise), with at least three 30-min sessions per week, with a minimal 8-week-program. Beneficial effects of training have been observed on endurance exercise capacity, walking distance, perceived breathlessness and quality of life. In patients with severe COPD and exercise-induced hypoxemia, supplemental oxygen can be proposed during training sessions. Conclusion. — In patients with chronic respiratory disease, the mechanism of exercise limitation is complex, but there is a lot of evidence that training programs induce important improvements in patients’ quality of life. © 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

1. Introduction Ce chapitre aborde les spécificités de la pathologie respiratoire et de la pratique d’activité physique. Deux grandes parties sont développées : une approche générale de l’insuffisance respiratoire et de sa prise en charge par l’activité physique (le réentraînement), une mise au point plus spécifique sur l’asthme de l’enfant et du jeune adulte (les spécificités du bronchospasme d’exercice). La définition de l’insuffisance respiratoire chronique est très précise, elle se définit par l’incapacité permanente de l’appareil respiratoire à assurer une hématose normale au repos, soit une pression partielle en oxygène (PaO2 ) inférieure à 70 mmHg sur deux gaz du sang artériel stables à au moins trois semaines d’intervalle. Elle est qualifiée de grave lorsque la valeur de la PaO2 est inférieure à 60 mmHg dans les mêmes conditions. Les causes d’insuffisance respiratoires chronique se déclinent en deux grands groupes : • les insuffisances respiratoires chroniques obstructives, avec la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), l’asthme et les dilatations des bronches dont la mucoviscidose ; • les insuffisances respiratoires restrictives.

1.1. Les affections respiratoires chroniques telles que la BPCO Les affections respiratoires chroniques telles que la BPCO font partie des premières causes de mortalité dans nos sociétés occidentales. En 2001, la BPCO était la cinquième cause de décès en France et dans les pays riches, avec une perspective d’augmentation nette de l’incidence et de la prévalence, pour les prochaines années, cela notamment dans les pays pauvres. La principale cause de cette maladie est le tabagisme. La BPCO est une maladie chronique définie par une obstruction permanente et progressive des voies aériennes, causée par l’association variable d’une diminution du calibre des bronchioles du fait d’une modification anatomique (remodelage) et d’une destruction des alvéoles pulmonaires (emphysème). Cette obstruction est associée à une réponse inflammatoire pulmonaire anormale à des toxiques inhalés (tabac, pollution. . .). L’évolution de cette maladie est marquée par la possibilité d’exacerbation qui peuvent mettre en jeu le pronostic vital. Elle dépend aussi des co-morbidités associées. La tolérance à l’exercice est rapidement limitée et la qualité de vie souvent mauvaise.

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1.2. La mucoviscidose La mucoviscidose est la cause majeure des insuffisances respiratoires sévères chez l’enfant et l’adolescent. C’est une maladie héréditaire grave transmise sous le mode autosomique récessif. Il existe progressivement une destruction des tractus respiratoires, élément clé de la progression de la maladie. L’anomalie génétique entraîne une déshydratation des sécrétions (en particulier respiratoires). Les cils de l’épithélium bronchique sont paralysés par le mucus trop épais. Les bactéries trouvent un terrain propice aux infections. Ces dernières vont progressivement endommager l’épithélium. Les échanges gazeux sont perturbés, la tolérance à l’effort est rapidement altérée et la qualité de vie très diminuée à des âges peu élevés.

1.3. L’asthme L’asthme se définit par des accès dyspnéiques sifflants liés à une obstruction bronchique réversible, spontanément ou sous traitement bronchodilatateur. L’inflammation bronchique est constante et associée à une hyperréactivité bronchique. Mal soigné ou ignoré, l’asthme peut évoluer vers une BPCO avec l’âge. La tolérance à l’effort est souvent limitée, étonnement de manière importante par une auto-limitation craintive des sujets par rapport à l’effort physique. Nous aborderons asthme et exercice dans un chapitre à part.

1.4. Les pathologies interstitielles pulmonaires Les pathologies interstitielles pulmonaires comprennent la fibrose pulmonaire idiopathique, les pneumopathies interstitielle aiguës et chroniques, les connectivites et la sarcoïdose. Elles se caractérisent sur le plan fonctionnel respiratoire par une diminution nette et proportionnelle des volumes pulmonaires, associée à une limitation de la capacité de diffusion de la membrane alvéolo-capillaire, se traduisant par une chute de PaO2 à l’effort. De manière évidente, la tolérance à l’effort est souvent très faible.

2. Physiopathologie Ainsi, quelle que soit l’origine de l’insuffisance respiratoire chronique, la dyspnée est le maitre symptôme fonctionnel. À ce stade, il n’est plus question pour la plupart des sujets de parler de sport en tant qu’activité ludique. Les patients sont emportés dans une spirale infernale qui les conduit à limiter progressivement leurs activités physiques en raison de leur essoufflement précoce, ce qui va entraîner une sédentarisation, qui s’accompagne régulièrement de symptômes anxiodépressifs (Fig. 1). Le déconditionnement musculaire résultant va modifier le rapport des fibres musculaires périphériques de type I et II au profit des fibres glycolytiques de type II. À l’effort, cela génère une hyperlactatémie précoce, qui va, par le biais des centres respiratoires, aggraver encore la sensation de dyspnée. La qualité de vie ce des patients est considérablement altérée. La dyspnée apparaît au moindre effort.

Figure 1.

Spirale du déconditionnement.

L’expression musculaire de la maladie est importante, et la myopathie de l’insuffisante respiratoire chronique, particulièrement dans la BPCO est bien reconnue. De nombreuses études ont aujourd’hui démontré que l’atrophie a un rôle dominant dans la perte de force musculaire des membres inférieurs chez ces patients. Les traitements concomitants par corticoïdes, le stress oxydant et l’inflammation pouvant en partie être induits par l’hypoxémie sont d’autres éléments favorisants l’altération musculaire.

2.1. Fondements du réentraînement Tous ces éléments nous permettent de comprendre que la dyspnée peut s’expliquer par une origine ventilatoire, mais qu’il existe une part musculaire non négligeable impliquée, et que c’est sur cette part que l’indication du réentraînement à l’effort est fondée. Celui-ci aura pour objectif de régénérer la voie aérobie musculaire, de diminuer à la fois l’hyperlacatémie, la ventilation et la fréquence cardiaque pour un niveau de charge donné. Mais avant de proposer un réentraînement à l’effort à ces patients, il est important de pouvoir les évaluer, dans le but de quantifier à la fois les capacités maximales à l’exercice, d’apprécier l’intégration des différents systèmes face à un stress croissant, de déterminer l’origine de la limitation et le moment d’apparition de l’essoufflement, encore appelé seuil ventilatoire ou seuil de dyspnée.

2.2. Évaluation à l’effort [2] Tous les critères de mise en place d’un test d’effort sont donnés par les recommandations internationales définies par l’ATS/ERS et ont été abordés dans un chapitre spécifique. La particularité du test d’évaluation dans le cadre des pathologies respiratoires chroniques obstructives est donnée par la prise en compte du handicap ventilatoire dans le calcul des valeurs théorique de consommation maximale d’oxygène (VO2max ). Il convient ainsi de pondérer le calcul du VO2max théorique par le rapport volume expiratoire maximal seconde (VEMS) mesuré/VEMS théorique (VEMS mesuré sur la courbe débit-volume des explorations respiratoires). Cela permettra de personnaliser l’évaluation de ces patients, mais il ne faut oublier de tenir compte des activités quotidiennes du patient qui peut être plus ou moins

Sport et insuffisance respiratoire chronique sédentaire et donc plus ou moins apte à répondre à un effort physique. Dans sa forme la plus complète, ce test sera réalisé avec un enregistrement de la fréquence cardiaque, une analyse des gaz expirés au moyen d’un ergospiromètre, des gaz du sang au repos et en fin d’effort, de la tension artérielle, de la saturation artérielle en O2 en continu par méthode transcutanée. Lors du test d’effort, c’est toute la chaine de transport de l’oxygène dans sa globalité qui est étudiée. Les facteurs limitants pourront être de trois types : ventilatoire, périphérique musculaire ou cardiaque.

2.2.1. Réponse ventilatoire à l’effort La réponse ventilatoire à l’effort est caractérisée par un effondrement, voire une consommation totale des réserves ventilatoires, calculées selon la formule : (VEMS × 35) − ventilation maximale (VEmax ) (VEmax mesurée lors de l’épreuve d’effort). Le mécanisme explicatif est l’anomalie consécutive à la distension thoracique dans le cas des pathologies obstructives et de l’emphysème et par la limitation du volume courant dans les atteintes restrictives. Dans l’obstruction bronchique, le temps expiratoire est considérablement raccourci à l’effort, ce qui ne permet plus au poumon de revenir à sa position d’équilibre thoracique de fin d’expiration. Le sujet n’a pas le temps de vider complètement ses poumons qu’il doit reprendre une nouvelle inspiration. Il s’installe alors un mécanisme adaptatif appelé hyperinflation dynamique, les sujets se plac ¸ant sur des volumes pulmonaires plus hauts (respiration superficielle) afin de pouvoir mieux augmenter leurs débits expiratoires. (Fig. 2). Cette position a des effets bénéfiques pour supporter l’effort demandé, mais cela se fait au dépend d’un travail ventilatoire considérablement augmenté. Dans les pathologies restrictives et principalement dans les pneumopathies interstitielles diffuses, la limitation ventilatoire est majeure avec une nette diminution des réserves ventilatoires, une polypnée superficielle avec une fréquence respiratoire de 35 à 40 cycle par minute minimum et de

161 petits volumes courants mobilisés. La dyspnée limitant l’effort est majeure. La mesure des gaz du sang au repos et à la fin de l’effort nous donne des indications importantes. En effet, dans les pathologies obstructives de type bronchite chronique, les gaz du sang s’améliorent à l’effort. Dans les pathologies de type emphysème, mucoviscidose où il existe une destruction du parenchyme pulmonaire et/ou une altération de la membrane alvéolo-capillaire, et dans les atteintes restrictives, une hypoxémie induite à l’exercice peut se révéler, parfois sévère. Cela peut orienter vers une oxygénothérapie à l’effort, voire de déambulation, ce qui peut incontestablement être nécessaire dans le cadre de la prescription d’un réentraînement à l’effort.

2.2.2. Réponse périphérique Comme nous l’avons déjà vu, la part périphérique est un facteur limitant important à l’effort dans l’insuffisance respiratoire chronique. Lors du test d’effort, ce déconditionnement est objectivé une hyperlactatémie précoce, ce qui va déclencher une hyperventilation réactionnelle pour de faible niveau de charge et un arrêt prématuré de l’effort compte tenu de l’adaptation ventilatoire particulière de ces patients.

2.2.3. Réponse cardiaque La réserve chronotrope est le plus souvent normale et importante chez les sujets porteurs d’insuffisance respiratoire chronique. La limitation ventilatoire apparaît avant que le sujet n’ait pu utiliser toutes ses réserves chronotropes. Il est rare que les épreuves d’effort des sujets BPCO entraînent une stimulation cardiaque supérieure à 80 % de la fréquence cardiaque maximale, mais il moins rare d’observer des anomalies de la repolarisation de type sous décalage du segment ST ; n’oublions pas que ces sujets sont tabagiques. . . Dans les atteintes fibrosantes en revanche, il peut exister une limitation cardiovasculaire et l’hypertension artérielle pulmonaire n’est pas rare, ce qui, jusqu’à aujourd’hui, a considérablement limité la réalisation de tests d’effort chez ces patients ainsi que la prescription du réentraînement à l’effort. Le déconditionnement est toutefois présent chez ces patients, et de récentes études nous montrent que bien personnalisé, le réentraînement peut aussi être bénéfique, même dans le cadre des hypertensions artérielles pulmonaires primitives.

3. Le réentraînement à l’effort [3—5] 3.1. Prescription

Figure 2. Déplacement du volume courant à l’effort chez le sujet sain et chez le sujet BPCO.

La réalisation d’un test d’effort avant la mise en place d’un programme de réentraînement est donc importante car elle va permettre de déceler les potentielles contre-indications cardiaques à faire de l‘exercice physique, et personnaliser l’entraînement réalisé ultérieurement, en endurance. Le vélo est actuellement l’outil le plus utilisé pour les séances d’entraînement en endurance, mais le tapis peut être une solution pour les patients ne sachant pas pédaler. Le vélo a l’avantage d’être bien contrôlable, sûr, et souvent moins dyspnéisant que la marche ou la montée des escaliers. Bien

162 évidemment, en fonction des goûts et des possibilités des patients, l’activité doit être le plus ludique possible, et la marche, la natation, le ski de fond, la marche nordique. . . sont autant de possibilités adaptables aux patients. Aujourd’hui, la majorité des programmes sont personnalisés : ils se définissent partir du test d’effort d’évaluation et prennent en compte le moment d’apparition du seuil ventilatoire et les capacités maximales mesurables des sujets. Les programmes peuvent être globalement de deux types, soit continus, soit intermittent. Les programmes d’entraînement doivent répondre aux critères suivants : • à chaque séances, la durée de travail est d’au moins 30 minutes par séance ; • la fréquence des séances est de minimum trois séances par semaine et jusqu’à cinq, cela au moins pendant huit semaines. Il n’y a pas de consensus en ce qui concerne les intensités des séances de travail. Celles-ci doivent de situer à un niveau suffisamment intense pour induire une stimulation cardiocirculatoire et ventilatoire réelle, mais sans entraîner de phénomènes de fatigue trop importants, qui pourraient raccourcir les durées des séances de travail, décourager rapidement les patients et ne leur apporter que peu de bénéfices. Les différents travaux réalisés jusqu’ici nous autorisent à proposer une intensité de travail au moins égale à celle correspondant au seuil ventilatoire ou au seuil de dyspnée, soit en puissance continue, soit en protocole intermittent alternant par exemple des phases de travail au niveau du seuil ventilatoire pendant quatre minutes suivis d’une phase d’une minute comprise entre 80 et 90 % de la puissance maximale tolérée par le sujet. Les séances alternées ont l’avantage d’être plus ludiques et de se rapprocher des activités de la vie quotidienne. Dans les cas de déconditionnement très sévère avec amyotrophie majeure, des séances d’électrostimulation peuvent être utiles.

3.2. Suivi Le suivi de ces séances d’entraînement nécessitera un monitoring de la fréquence cardiaque qui peut être réalisé au moyen d’un cardiofréquencemètre, et dans la mesure du possible, de la saturation en oxygène. Bien que le bénéfice de l’oxygénothérapie au long cours lors du réentraînement n’ait pas été prouvé, la possibilité de permettre un entraînement plus intense aux patients doit être prise en compte et justifie pour l’instant la décision de supplémenter en oxygène les patients pour lesquels la saturation est inférieure à 90 %. L’oxygénothérapie des insuffisants respiratoires est à adapter de manière à assurer une saturation supérieure ou égale à 90 %.

3.3. Quels muscles travailler ? Les méthodes de réentraînement en endurance classique concerne les membres inférieurs. Aux exercices d’endurance peuvent être associés avec succès des exercices en force (répétition de mouvements sur les appareils de musculation), permettant une sollicitation musculaire variée. Mais pour l’instant, aucun consensus n’est claire-

E. Lonsdorfer-Wolf ment établi quant au protocole d’un entraînement mixte en pratique courante. De la même manière, il peut être logique d’envisager de réentraîner les membres supérieurs ou les muscles respiratoires chez des patients porteurs de pathologie respiratoire chronique. Après entraînement des membres supérieurs, plus qu’une modification de la force des bras (qui reste similaire à celle de sujets sains après entraînement), on peut observer une amélioration du pattern ventilatoire à l’effort, mais cela n’a pas encore permis de dégager un consensus de prescription. En revanche, un travail musculaire respiratoire contre résistance améliore l’endurance et la force des muscles respiratoires et il est recommandé aujourd’hui d’inclure dans le réentraînement des séances de travail des muscles respiratoires inspiratoires. Dans les pathologies respiratoires chroniques, l’entraînement doit être intégré dans une prise en charge plus large de la pathologie avec une concentration à la fois sur le traitement médical de la maladie primaire en cause, la prise en charge du sevrage tabagique (s’il y a lieu), de la nutrition (valable aussi dans la mucoviscidose), du suivi psychologique et de l’exercice physique. Ce n’est qu’à ce prix que les patients pourront obtenir un bénéfice réel qui pourra se répercuter sur leur qualité de vie.

3.4. À qui s’adresse le réentraînement ? Tous les patients BPCO peuvent bénéficier des bienfaits du réentraînement, indépendamment de la sévérité de la maladie et de l’âge. Cependant, les études montrent que l’adhésion aux programmes de réentraînement au long cours reste un élément difficile à obtenir, même si aujourd’hui les différentes structures pouvant accueillir les patients sont nombreuses. La persistance du tabagisme, l’isolement social sont des facteurs souvent péjoratifs. Il peut être proposé de pratiquer une réhabilitation en hospitalisation complète, pour les patients les plus graves ou peu observant. La réhabilitation peut se faire en ambulatoire en centre ou en structure de proximité, ce qui permet de les maintenir dans leur milieu social familial, mais nécessite en revanche une motivation réelle. La dernière possibilité, la moins utilisée en France est représentée par le domicile, avec une partie supervisée selon les endroits soit par des kinésithérapeutes, infirmières, personnel formé en éducation thérapeutique et sportive. L’objectif est de permettre de proposer un large panel de possibilité de manière à obtenir un taux d’adhésion le plus élevé possible pour ces patients. Dans la mucoviscidose, il a été montré que l’espérance de vie est corrélée au niveau des capacités aérobies. Le réentraînement à l’effort et en tous les cas l’activité physique régulière est à conseiller pour ces patients jeunes.

4. Cas particulier de l’asthme [1] Dans ce chapitre, nous n’aborderons pas le cas de l’asthme vieilli qui peut s’apparenter aux pathologies chroniques obstructives abordées précédemment, mais plus particulièrement l’asthme du sujet jeune impliqué ou non dans la pratique sportive.

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Figure 3.

Prévalence de l’asthme chez les athlètes.

En 2006, dans la population générale franc ¸aise, la prévalence de l’asthme était de 6,7 %. Si l’on regarde la prévalence de l’asthme existant dans le milieu des sportifs ayant participé aux jeux olympiques, elle n’a cessé d’augmenter sur les 20 dernières années (Fig. 3), mais n’a pas empêché un bon nombre de ces sportifs de gagner des médailles !!! Ainsi, l’image de l’asthmatique interdit d’activité sportive doit aujourd’hui disparaître de l’esprit des praticiens, même si le sport peut être en lui-même un élément déclencheur de l’asthme ou tout au moins d’un hyper réactivité bronchique. En effet, du point de vue clinique, l’asthmatique allergique va avoir un ressenti de son asthme au quotidien lorsqu’il sera en contact avec son allergène, mais également lorsqu’il sera soumis à des variations thermiques (froid. . .), des polluants (atmosphérique, parfums, chlore des piscines pour les nageurs), ou tout simplement dans le cadre d’un l’exercice physique, d’accès de fou rire ou tout facteur déclenchant une hyperventilation. Malgré les recommandations des spécialistes, beaucoup de sujets asthmatiques se refusent encore à faire du sport de peur de faire plus de crises, voire d’aggraver leur asthme et cela est un argument qui peut expliquer que la capacité physique du sujet asthmatique jeune est plus basse que celle de sujets sains appariés. Une étude récente a montré que les enfants regardant la télévision plus de deux heures par jour ont quasi deux fois plus de risque de développer un asthme à l’âge de 11 ans ½ que les enfants qui ne la regardent qu’entre un et deux heures par jour (odd ratio : 1,8). La prévalence de l’asthme est également plus élevée chez les obèses. Proposer l’exercice physique comme moyen thérapeutique, avec une évaluation physique personnalisée semble donc tout à fait en rapport avec une bonne pratique clinique.

4.1. Le bronchospasme induit par l’effort [6] La plupart des sujets asthmatiques équilibrés qui ont une fonction ventilatoire de repos normale peuvent pratiquer un sport sans problème. La situation qui peut entraîner une limitation de leur activité sportive est l’apparition du bronchospasme induit par l’effort, qui peut être géré par des conduites spécifiques et un traitement préventif adapté.

163 Le bronchospasme induit par l’exercice est lié à l’hyperréactivité bronchique des sujets asthmatiques. Il survient en général entre cinq et dix minutes après l’effort, sa durée varie de 10 à 60 minutes, et il est souvent suivi d’une période réfractaire prolongée dont les sportifs de haut niveau se servent parfois : ils déclenchent leur bronchospasme et profitent de la période réfractaire pour démarrer l’entraînement. Il a été clairement démontré que le niveau d’aptitude physique est corrélé avec la prévention du bronchospasme induit par l’exercice. Ainsi, il se développe une bronchodilatation post exercice protectrice chez les sujets à bon niveau d’entraînement. Le niveau d’aptitude physique n’a pas d’effet sur la réactivité bronchique, mais il recule le seuil d’apparition du bronchospasme. Les activités dans lesquelles on rencontre le plus de bronchospasme induit sont les sports d’endurance réalisés dans des conditions environnementales particulières (extérieurs, climat froid et sec, intérieurs en présence de produits chlorés, piscine. . .). Les zones très polluées, proches des villes, des concentrations élevées en ozone sont aussi des facteurs favorisants. Les débits ventilatoires élevés et soutenus entraînent un stress mécanique et une inflammation réactionnelle au niveau de l’épithélium bronchique qui favorisent encore l’apparition du bronchospasme. Les examens permettant d’évaluer l’hyperréactivité bronchique sont nombreux aujourd’hui. Leur objectif est de faire baisser le VEMS de 10 à 20 % par rapport à la valeur de base, en faisant soit inhaler des substances cholinergiques (test à la métacholine), soit en simulant une hyperventilation d’exercice pendant six minutes en air sec et isocapnique (test d’hyperventilation isocapnique), soit en faisant réaliser une épreuve d’effort abrupte en laboratoire avec enregistrement des VEMS à la 5, 10, 15, 20 et 30e minute de récupération. Le test le plus spécifique aujourd’hui et préconisé par les fédérations sportives internationales est le test d’hyperventilation isocapnique, avec comme critère de positivité un VEMS chutant de 10 % par rapport à la valeur de base. Ce test ne peut être malheureusement réalisé qu’en laboratoire.

4.2. Effort et réentraînement Lors d’un test d’effort maximal réalisé par un asthmatique, on observe une hyperventilation exagérée à tous les niveaux d’effort avec une fréquence respiratoire identique à celle des sujets sains mais une mobilisation du volume courant plus importante ce qui permet de limiter les phénomènes de turbulences intra-bronchiques. Cela a été expliqué par le détournement du débit d’oxygène entraînant vers les muscles respiratoires qui travaillent plus et une sensation de dyspnée largement exagérée. L’adaptation cardiaque est peu différente de celle des sujets sains déconditionnés. Lorsque l’obstruction est sévère, il a été observé des perturbations hémodynamiques à type de diminution du débit cardiaque et du volume d’éjection systolique, proportionnelle à l’hyperventilation. L’adaptation musculaire périphérique est également superposable à celle des sujets sédentaires et l’apparition précoce du seuil ventilatoire témoigne de leur déconditionnement. L’objectif du réentraînement à l’effort sera de faire

164 reculer le moment d’apparition du bronchospasme induit et de rompre le cercle vicieux de déconditionnement, permettant une meilleure tolérance à l’effort au quotidien et par-là même, une meilleure qualité de vie. Les mêmes principes de préparation et de réalisation du réentraînement (fréquence, durée des séances) que dans l’insuffisance respiratoire chronique peuvent être appliqués pour les sujets asthmatiques. Les auteurs s’accordent à dire qu’un entraînement au seuil ventilatoire permet d’obtenir de bons résultats. Il permet d’améliorer les capacités d’endurance fondamentale, de réduire la dyspnée pour un même niveau de travail et de majorer la bronchodilatation induite par l’exercice.

5. Conclusion Quelle que soit l’origine de l’insuffisance respiratoire chronique, la pratique d’une activité physique est à conseiller aux patients. Bien adaptée, et personnalisée, elle permet d’améliorer la fonction musculaire périphérique, de reculer le seuil d’apparition de la dyspnée. Lorsque l’entraînement est démarré tôt dans l’évolution de la maladie, il permet de limiter le déconditionnement et d’améliorer la qualité de vie des sujets. Les stratégies sont nombreuses aujourd’hui pour proposer aux patients la possibilité de bénéficier de cet adjuvant thérapeutique ; quel que soit le degré d’avancement de la maladie, il est important d’y faire appel. Dans l’asthme, le sport se révèle être un moyen efficace de lutter contre le déconditionnement et de reculer le seuil d’apparition d’un éventuel bronchospasme à l’effort. Le sport pour tous, bien adapté, on y arrive. . .

E. Lonsdorfer-Wolf

Conflit d’intérêt L’auteur ne déclare aucun conflit d’intérêt.

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