Suivi des lésions tendineuses du sportif à potentiel de rechute : place de l’imagerie

Suivi des lésions tendineuses du sportif à potentiel de rechute : place de l’imagerie

Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com Journal de Traumatologie du Sport 32 (2015) 201–212 Mise au point Suivi des lésions ten...

6MB Sizes 4 Downloads 99 Views

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com Journal de Traumatologie du Sport 32 (2015) 201–212

Mise au point

Suivi des lésions tendineuses du sportif à potentiel de rechute : place de l’imagerie Imaging follow-up for potentially recurrent tendon injury in the athlete M. Morel Imagerie médicale Artois-Lys, 880, rue Delbecque, 62660 Beuvry, France Disponible sur Internet le 27 octobre 2015

Résumé Le sujet de cette mise au point concerne les indications, les apports et les limites de l’imagerie dans le suivi des lésions tendineuses du sportif. Deux contextes sont à envisager : le suivi des tendinopathies chroniques de sur-utilisation et celui des lésions traumatiques de rupture/désinsertion tendineuse. Le recours à l’imagerie n’est pas systématique en cours de traitement pour tendinopathie microtraumatique ou au décours de la prise en charge d’une rupture tendineuse : les résultats et les limites de ce suivi sont précisés. Il est notamment justifié, en cas de modification ou d’aggravation de la symptomatologie clinique, à la recherche d’une majoration lésionnelle ou d’une autre complication post-thérapeutique. Le suivi des ruptures partielles tendineuses est intéressant afin d’adapter le schéma thérapeutique. L’échographie dynamique avec Doppler et l’IRM sont deux examens performants dont les points faibles sont aussi à connaître. L’association des deux techniques est utile en cas de demande de contrôle post-thérapeutique de tendons rompus du fait des difficultés de l’étude. © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Tendinopathie ; Tendon calcanéen ; Rupture tendineuse ; Échographie ; IRM

Abstract This review examines the question of the appropriate imaging work-up schedule for monitoring athletes with potentially recurrent tendon injury. This situation can arise in two contexts: overuse in patients with chronic tendinopathy and traumatic rupture/disinsertion injury. For microtrauma, imaging is not mandatory in the course of treatment; the same is true for resumed activity after a tendon tear. The results and the limits are discussed in detail. An imaging work-up is however warranted if the clinical symptoms change or worsen. The goal is to search for an aggravation of the lesion or a post-therapeutic complication. Imaging results are also useful to monitor repaired partial tears. Dynamic ultrasound with Doppler and MRI are the most powerful tools but have their weak points that must be recalled. The two techniques may be combined for the difficult post-therapeutic assessment of torn tendons. © 2015 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Tendinopathy; Calcaneal tendon; Tendon tear; Ultrasound; MRI

1. Introduction Le sujet de cette mise au point concerne les indications, apports et limites de l’imagerie dans le suivi des lésions tendineuses du sportif. Deux contextes sont à envisager : le suivi des

Adresse e-mail : [email protected] http://dx.doi.org/10.1016/j.jts.2015.09.002 0762-915X/© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

tendinopathies chroniques de sur-utilisation et celui des lésions traumatiques de rupture/désinsertion tendineuse. Lors des pratiques sportives, les microtraumatismes répétés peuvent aboutir à une dégénérescence tendineuse douloureuse. Une fois le diagnostic initial établi, le suivi en imagerie n’est pas systématique. Il peut être indiqué pour contrôler des fissures tendineuses découvertes lors du bilan d’imagerie initial et traitées médicalement. Il est particulièrement utile, en cas d’aggravation brutale de la symptomatologie douloureuse, à la recherche de

202

M. Morel / Journal de Traumatologie du Sport 32 (2015) 201–212

rupture partielle, voire complète, et en cas de douleur rebelle au traitement médical avant avis chirurgical. Une fois le diagnostic de rupture tendineuse complète ou désinsertion tendineuse établi en urgence et le traitement effectué (chirurgical ou orthopédique), l’imagerie n’est pas indiquée en suivi systématique. L’aspect morphologique du tendon rompu traité évolue avec le temps et son étude reste très difficile, l’échographie et l’IRM ayant chacune des forces et des faiblesses. En cas de suspicion clinique de re-rupture, on réalisera un bilan d’imagerie qui associera de préférence les deux techniques afin d’optimiser l’analyse. D’autres complications post-thérapeutiques pourront être diagnostiquées.

2. Suivi en imagerie des tendinopathies chroniques du sportif Les gestes répétitifs génèrent des microtraumatismes affectant les constituants du tendon : ils aboutissent à une désorganisation des fibres de collagène (perte du parallélisme des fibres en échographie), voire à des déchirures de ces fibres (zones anéchogènes en échographie, en hypersignal T2 liquidien en IRM), à une augmentation du contenu de la matrice extracellulaire en glycosaminoglycans (épaississement fusiforme ou nodulaire hypoéchogène du tendon en échographie, en discret hypersignal T2 en IRM), et à une néo-vascularisation (vue en Doppler, prise de contraste en IRM) et néo-innervation associée à la symptomatologie douloureuse [1]. L’imagerie permet de distinguer la tendinopathie globale fusiforme, la tendinopathie focale nodulaire et les ruptures partielles/fissures intratendineuses [2]. L’échographie est l’examen d’imagerie le plus souvent pratiqué pour préciser le bilan lésionnel, notamment pour le diagnostic des épicondylites, des tendinopathies du tendon calcanéen et du tendon patellaire. L’IRM est indiquée lorsque l’échographie est limitée pour des raisons de profondeur ou de mauvaise échogénicité, en particulier pour les tendons ischio-jambiers et les adducteurs. Elle a

Fig. 1. Suivi en échographie d’une tendinopathie fusiforme du tendon calcanéen gauche ; a : vue sagittale échographique en mode B montrant un tendon épaissi de fac¸on globale, d’échostructure discrètement hétérogène ; b : hyperhémie Doppler dans la zone de tendinopathie, en faveur du caractère actif de la tendinopathie ; c : examen échographique du tendon calcanéen gauche en mode Doppler réalisé 2 ans après, pour suspicion de tendinopathie du tendon calcanéen droit controlatéral. L’analyse comparative systématique montre une diminution de la convexité des contours du tendon par rapport à l’examen initial, la récupération de l’échostructure fibrillaire et la régression de l’hypervascularisation Doppler du tendon, en bonne correspondance avec la régression complète de la symptomatologie douloureuse du côté gauche.

Fig. 2. Rupture partielle du versant postérieur des fibres du tendon calcanéen ; a : coupe IRM sagittale T2 avec saturation du signal de la graisse (T2 FatSat) : encoche en hypersignal T2 interrompant de fac¸on focale la continuité des fibres postérieures du corps du tendon calcanéen ; b : coupe IRM axiale T2 FatSat montrant le caractère partiel et latéralisé de la rupture ; c : coupe IRM axiale T1 après injection de gadolinium et saturation du signal de la graisse (T1 gado FatSat) : prise de contraste plus étendue au sein du corps du tendon calcanéen, correspondant à la tendinose active du tendon calcanéen au sein de laquelle s’est produite la rupture partielle. Notez également la prise de contraste circonférentielle du périténon.

M. Morel / Journal de Traumatologie du Sport 32 (2015) 201–212

203

Fig. 3. Désinsertion partielle du long adducteur droit chez un footballeur de 22 ans ; a : coupe IRM coronale T2 FatSat ; b : coupe IRM axiale T2 FatSat. Hypersignal T2 d’intensité liquidienne à l’enthèse du long adducteur droit.

l’avantage de pouvoir donner une estimation semi-quantitative des fibres de collagène résiduelles du tendon, de par sa résolution en contraste, en distinguant les fibres en hyposignal du reste du tendon de signal différent selon le type de dégénérescence (hypoxique, myxoïde, ossifiante, adipeuse) [3].

2.1. Résultats du suivi sous traitement Le suivi sous traitement n’est pas systématique. La plupart des études de suivi après renforcement excentrique portent sur le tendon calcanéen et mettent en évidence une amélioration des paramètres échographiques : récupération de l’échostructure fibrillaire, diminution, voire régression de l’hypervascularisation tendineuse et, plus tardivement, diminution de l’épaisseur du tendon (Fig. 1) [1,4,5]. Il semble important de disposer d’un examen initial car le tendon calcanéen du sportif asymptomatique est fréquemment plus épais que celui du sujet non sportif [2,6]. On pourra également voir de fac¸on séquellaire et définitive des altérations focales d’échostructure par suite du processus de cicatrisation. Le tendon du sportif n’est plus « normal » en base rendant compte de la difficulté d’interprétation d’un examen de suivi, d’où la nécessité de disposer d’un examen de référence initial pour pouvoir comparer et apporter une réponse pertinente [7–9]. L’outil Doppler doit être utilisé lors de l’échographie ; la signification exacte de l’hypervascularisation Doppler fait encore débat mais la présence de signaux Doppler significatifs par rapport au côté sain est volontiers corrélée à la symptomatologie douloureuse [1,5,10]. En IRM, il existe une bonne relation, après 3 mois de travail excentrique quotidien, entre l’amélioration clinique d’une part, la diminution de volume du tendon et des anomalies de signal intratendineuses d’autre part (séquences en densité de protons [DP]) [3,8,11]. L’injection de gadolinium semble intéressante pour apprécier le caractère actif des nodules cicatriciels [5]. Le suivi en imagerie peut parfois conduire à une modification du schéma thérapeutique. La détection de calcifications tendineuses est l’apanage du couple radiographie-échographie (faux négatif de l’IRM) ; la présence de ces calcifications contre-indique le massage transverse profond.

En cas de tendinopathie focale nodulaire, l’IRM détecte mieux les nodules à contingent kystique en hypersignal T2 qui traduisent un échec du processus de cicatrisation, ce qui peut conduire à une prise en charge chirurgicale [12]. 2.2. Indications du suivi des tendinopathies microtraumatiques 2.2.1. Survenue d’une douleur aiguë Une indication indiscutable du bilan d’imagerie chez un sportif présentant une tendinopathie chronique est l’apparition d’une douleur aiguë, ou l’aggravation semi-rapide de la symptomatologie [13]. Il faut rechercher une rupture partielle ou un clivage intratendineux. Faut-il réaliser une échographie ou une IRM ? En règle générale, l’IRM est plus sensible pour la détection des fissures intratendineuses grâce aux séquences T2 avec saturation (T2 FATSAT) ou annulation du signal de la graisse (STIR), montrant un hypersignal intense linéaire clivant le tendon, souvent accompagné d’une réaction péritendineuse d’accompagnement si le clivage atteint la surface du tendon (Fig. 2) [6,12]. On la réalisera de préférence pour les tendons ischio-jambiers, les adducteurs (Fig. 3), et parfois pour l’aponévrose plantaire (la recherche de fissures sur une aponévrose épaissie peut s’avérer difficile en échographie).

Fig. 4. Vue sagittale échographique en mode B d’une tendinopathie fusiforme de tendon calcanéen chez un patient de 42 ans pratiquant la course à pied. Multiples zones focales linéaires hypoéchogènes au sein du tendon épaissi. Survenue 4 jours plus tard d’une rupture complète du tendon calcanéen.

204

M. Morel / Journal de Traumatologie du Sport 32 (2015) 201–212

Fig. 5. Fissuration longitudinale de la partie haute et latérale du tendon calcanéen chez un sportif de 27 ans : douleur aiguë survenue lors de la réception d’un saut au handball, dans un contexte de douleurs en regard du tendon depuis 3 semaines. L’échographie est réalisée à j4 du traumatisme, et l’IRM à j7 ; a : vue axiale échographique en mode B montrant la fissure longitudinale clivant la partie latérale du tendon calcanéen, et l’infiltration du périténon ; b–c : vues sagittale et panoramique en mode B : la rupture partielle est haut située, proche de la jonction myotendineuse distale du soléaire. Notez sur la vue panoramique l’épaississement du corps du tendon calcanéen avec hémitendinose des fibres postérieures ; d : coupe IRM axiale T2 FatSat : lésion en hypersignal T2 franc intéressant la partie latérale du tendon calcanéen ; infiltration du périténon adjacent ; e : même vue qu’en Fig. 5a, retournée de 180◦ : notez la superposition avec l’image axiale IRM de la Fig. 5d ; f–g : coupes IRM sagittale et coronale T2 FatSat : la rupture partielle des fibres hautes et latérales du tendon calcanéen se prolonge par une dilacération longitudinale partielle de la partie latérale de l’aponévrose postérieure du soléaire.

M. Morel / Journal de Traumatologie du Sport 32 (2015) 201–212

205

Fig. 6. Péritendinite du tendon calcanéen dans les suites de pratique de course à pied ; a : vue axiale échographique en mode B : épaississement hypoéchogène ici asymétrique prédominant sur un versant du tendon calcanéen, douloureux à la pression sous la sonde d’échographie. Notez l’infiltration hyperéchogène de la graisse de Kager adjacente ; b : coupe axiale IRM T1 gado FatSat chez un autre patient : prise de contraste circonférentielle du périténon autour du tendon calcanéen.

L’échographie peut manquer de sensibilité pour différencier une fissure d’un foyer de dégénérescence myxoïde, apparaissant tous deux comme des zones focales hypoéchogènes (Fig. 4). Elle est cependant de plus en plus performante dans cette indication, notamment grâce aux manœuvres dynamiques [13]. Le tendon s’étudie en tension pour apprécier l’échostructure fibrillaire, mais il faut aussi l’analyser en position détendue pour plicaturer les fibres et voir s’ouvrir « en direct » des clivages interstitiels. C’est notamment le cas pour les fissures de la face antérieure du tendon calcanéen, juste en amont de l’enthèse dans le cadre du syndrome de Haglund [14]. L’outil Doppler est également sensibilisé par cette détente : les vaisseaux ne sont plus écrasés [10]. Il est fréquent de voir ainsi s’allumer le Doppler au sein des tendons épicondyliens latéraux en mettant en détente ces tendons, alors qu’aucun spot Doppler n’était visible lors de l’étude du tendon en tension. La mise en flexion du poing majore la fiabilité de détection des fissures tendineuses des épicondyliens latéraux, et la contraction du quadriceps permet de révéler

Fig. 7. Bursite rétro-achilléenne (de Bovis) : vue sagittale échographique en mode Doppler couleur montrant un épaississement hypoéchogène hyperhémié des parties molles situées en arrière de l’enthèse distale du tendon calcanéen.

les fissures de la face profonde de l’enthèse proximale du tendon patellaire. Un cas particulier est la rupture partielle du tendon calcanéen à sa partie proximale proche de la jonction myotendineuse, plus rare que les ruptures du corps tendineux ou du tiers distal. Le diagnostic est difficile, volontiers méconnu, découvert au stade tardif de rupture chronique avec un épaississement du tendon [6]. Toute symptomatologie douloureuse aiguë à clinique négative pour une rupture complète doit faire l’objet d’une étude en imagerie. L’échographie est plus contributive au stade de rupture fraîche : il existe une infiltration péritendineuse et du liquide au sein de la rupture qui seront ensuite remplacés par un tissu cicatriciel hypoéchogène difficile à distinguer de la tendinopathie. L’IRM doit être réalisée car elle est plus performante

Fig. 8. Fracture de contrainte du calcanéum : coupe IRM coronale T1 montrant le trait de fracture extra-thalamique en hyposignal T1.

206

M. Morel / Journal de Traumatologie du Sport 32 (2015) 201–212

Fig. 9. Conflit postérieur de cheville chez un footballeur : coupe IRM sagittale T1 gado Fatsat montrant un œdème osseux de l’os trigone et des berges de la synchondrose, une synovite de la sous-talienne postérieure et une prise de contraste osseuse en miroir des berges de la sous-talienne postérieure, ainsi qu’une ténosynovite du tendon long fléchisseur de l’hallux (autre coupe).

Fig. 10. Suivi à 4,5 mois en échographie de la fissuration longitudinale de la partie haute du tendon calcanéen et de l’aponévrose postérieure du soléaire (cas de la Fig. 5) ; a : vue axiale en mode B, la zone de rupture est occupée par un épaississement hypoéchogène, non fibrillaire ; b : en mode Doppler, le tissu fibrocatriciel est discrètement hyperhémié en faveur du caractère actif du processus de cicatrisation.

que l’échographie dans cette zone, à condition que le champ de vue de l’IRM ait été agrandi pour inclure la jonction myotendineuse, sous peine de faux négatif (Fig. 5) [15].On recherchera des diagnostics différentiels en échographie ou IRM [9,14,16] : • une péritendinopathie : pour le tendon calcanéen, la péritendinite, inflammatoire et hyperhémiée au Doppler et rehaussée à l’IRM, est de meilleur pronostic si elle est isolée qu’en cas d’association à la tendinopathie (Fig. 6) [12]. À noter cependant que l’épaississement du périténon et l’œdème de la graisse de Kager peuvent être constatés chez des sujets asymptomatiques [6] ; • une bursite : la bursite rétro-achilléenne est le plus souvent retrouvée chez des sujets symptomatiques (Fig. 7) ; • une fracture de contrainte : citons en exemple, les fractures de contrainte du bassin ou du calcanéum chez le marathonien (Fig. 8). Le couple radiographie-IRM fait le diagnostic ; • autres pathologies tendineuses de voisinage (conflit postérieur (Fig. 9) et douleurs d’arrière-pied), ou syndromes canalaires neurologiques (tunnel tarsien et aponévropathie plantaire). 2.2.2. Suivi des fissures tendineuses Une autre indication est le suivi des tendinopathies fissuraires à risque de rupture complète (Fig. 10). C’est le cas, notamment des sportifs présentant un syndrome de Haglund traité médicalement (Fig. 11) [6]. Les fissures de la face antérieure du tendon correspondent à des ruptures partielles du tendon calcanéen : elles sont bien décelées en échographie dynamique sur tendon

Fig. 11. Suivi à un an en échographie d’un syndrome de Haglund. Cliniquement, amélioration incomplète de la symptomatologie douloureuse ; a : l’examen initial en mode B montre l’association d’une bursopathie préachilléenne, et d’une fissure tendineuse de la face antérieure du tendon calcanéen ; b : le contrôle ne retrouve plus la fissure, mais retrouve une bursite préachilléenne modérément hypervascularisée au Doppler.

M. Morel / Journal de Traumatologie du Sport 32 (2015) 201–212

207

Fig. 12. Conflit de Haglund chez un patient de 43 ans pratiquant la course à pied ; a : la radiographie de profil de pied en charge montre comparativement au pied controlatéral (non montré) une augmentation de l’angle de Chauveaux. Notez le caractère saillant du coin postéro-supérieur du calcanéus et l’infiltration des parties molles préachilléennes correspondant à la bourse préachilléenne rétrocalcanéenne ; b : coupe IRM sagittale T1 objectivant le caractère proéminant du coin postérosupérieur du calcanéus au contact des fibres antérieures distales du tendon calcanéen ; c : coupe sagittale IRM T2 FatSat : l’œdème osseux du coin postéro-supérieur du calcanéus résulte du conflit. Notez la bursite préachilléenne en hypersignal T2 liquidien.

Fig. 13. Suivi en IRM à 2 ans d’un conflit de Haglund après traitement conservateur et diminution de la gêne douloureuse ; a : coupe IRM sagittale T2 FatSat montrant initialement une rupture partielle de la face antérieure du tendon calcanéen se prolongeant longitudinalement, proximalement et distalement ; b : l’examen IRM de contrôle montre une régression de la languette proximale et une diminution de la bursite préachilléenne. Lésion des fibres antérieures distales du tendon calcanéen à proximité de l’œdème osseux de la tubérosité postérieure du calcanéus.

208

M. Morel / Journal de Traumatologie du Sport 32 (2015) 201–212

Fig. 14. Coupe IRM coronale T2 FatSat de cuisse gauche : désinsertion ostéotendineuse complète du tendon conjoint du semi-tendineux/biceps fémoral et du tendon proximal du semi-membraneux, avec rétraction des corps charnus musculaires et hématome en hypersignal T2 liquidien interposé entre la tubérosité ischiatique et les muscles ischio-jambiers.

détendu et peuvent être mesurées (profondeur, largeur). L’IRM objective également ces fissures ; des faux négatifs sont possibles en cas de fissure peu étendue au sein de l’hypersignal T2 du tendon [14]. Elle est la seule technique à montrer l’œdème osseux du coin postéro-supérieur du calcanéum qui atteste du conflit ostéotendineux (Fig. 12 et 13). Une majoration douloureuse peut ainsi être liée à une progression lésionnelle et inciter à une prise en charge chirurgicale, ou être consécutive à une bursite préachilléenne rétrocalcanéenne. L’IRM aide à la planification de l’acte chirurgical.

Fig. 16. Échographie réalisée à 4 mois d’une rupture complète de tendon calcanéen traitée chirurgicalement pour raideur persistante ; a : en mode B, le tendon est « normalement » épaissi, d’échostructure hétérogène, au contact du matériel de suture hyperéchogène. Notez l’absence de signe de re-rupture ; b : la présence de signaux Doppler au sein du tendon est normale à ce stade. L’examen dynamique du tendon montre l’existence d’adhérences péritendineuses.

2.3. Limites de l’imagerie Des anomalies peuvent persister en échographie et IRM alors que le patient a un bon résultat fonctionnel [2,7,8,17]. Aussi, l’imagerie n’est pas indiquée pour décider de la reprise sportive après une tendinopathie calcanéenne. C’est le suivi clinique qui prime.

Fig. 15. Désinsertion distale du tendon du biceps brachial ; a : l’échographie en mode B réalisée à 48 h objective la rétraction du tendon bicipital par rapport à la tubérosité bicipitale du radius ; b : l’IRM en coupe sagittale T2 FatSat permet la mesure de la rétraction à visée préopératoire. Notez l’aspect ondulé du tendon rétracté et l’hématome au contact en hypersignal T2.

M. Morel / Journal de Traumatologie du Sport 32 (2015) 201–212

209

Fig. 17. Re-rupture du tendon calcanéen à 3 mois du traitement chirurgical par suture percutanée d’une rupture complète ; a : présence sur la vue panoramique en mode B d’une collection anéchogène liquidienne au sein du tendon calcanéen, au contact du matériel hyperéchogène ; b–c : coupes IRM sagittale et coronale T2 FatSat évaluant l’étendue de la zone de re-rupture en hypersignal T2 liquidien ; d–e : coupes IRM axiales T1–T2 FatSat : la collection intratendineuse se prolonge en péritendineux, à proximité de la face postérieure du nerf sural sans l’englober.

3. Suivi en imagerie des ruptures complètes/désinsertions tendineuses après traitement Il est important de distinguer en aigu les désinsertions tendineuses des lésions myotendineuses car les premières peuvent nécessiter une intervention chirurgicale en urgence :

• c’est le cas de la désinsertion ostéotendineuse proximale de tout ou partie des ischio-jambiers : l’échographie permet de suspecter le diagnostic en montrant un hématome sous la tubérosité ischiatique et la rétraction d’un ou des 2 tendons proximaux. Cependant, l’IRM doit être réalisée rapidement (Fig. 14) ; elle est indispensable pour confirmer le diagnostic

210

M. Morel / Journal de Traumatologie du Sport 32 (2015) 201–212

(versus les diagnostics différentiels : rupture partielle, bursite ischiatique, fracture de branche, conflit ischio-fémoral. . .), établir une cartographie préopératoire précise (nombre de tendons concernés, mesure de la rétraction tendineuse, tendinopathie du tendon sous-jacent), et préciser les rapports de l’hématome avec le nerf sciatique ; • c’est aussi le cas du tendon du biceps brachial distal : le bilan d’imagerie (échographie souvent complétée d’une IRM : mesure de la rétraction, statut du lacertus fibrosus) doit être réalisé dans des délais brefs pour ne pas compromettre les possibilités de réinsertion (Fig. 15). Pour les adducteurs, l’échographie peut être suffisante, sauf conditions d’exploration difficile (profondeur, échogénicité) car la sanction chirurgicale est plus rare. Le suivi après traitement orthopédique ou chirurgical est clinique. Le recours à l’imagerie est réservé aux évolutions péjoratives lors de la rééducation avec suspicion de re-rupture ou recherche d’autres complications. 3.1. Résultats Les études portant sur l’aspect post-thérapeutique de tendons rompus sont peu nombreuses et portent essentiellement sur le tendon calcanéen et, dans une moindre mesure, sur le tendon patellaire et le tendon du biceps brachial [18]. L’imagerie ne permet pas d’évaluer le résultat fonctionnel du tendon calcanéen après traitement, et elle n’est pas indiquée à titre systématique après prise en charge d’une rupture de celui-ci [19]. Elle est justifiée en cas de mauvaise évolution clinique, afin de rechercher des signes de re-rupture ou d’autres complications péritendineuses. L’échographie a l’avantage d’être dynamique (diagnostic des adhérences), et de s’affranchir des artéfacts du matériel de suture, de palper sous la sonde la zone gâchette (névrome sural) [20]. Cependant, les zones de re-rupture ne sont pas forcément liquidiennes, ce qui peut expliquer des faux négatifs en échographie. A contrario, l’IRM est statique, artéfactée par le matériel de suture, mais est capable de par sa résolution en contraste de bien distinguer le tissu collagène des autres matériaux [20]. Elle doit comprendre un plus grand champ de vue afin d’inclure la jonction myotendineuse [21]. L’idéal, étant donné la difficulté d’interprétation des examens, est de réaliser les deux examens afin de coupler les apports des deux techniques. Un examen IRM postopératoire pourrait être licite dans des cas sélectionnés de traitement difficile (risque élevé de re-rupture) pour servir de référence en cas de doute lors de la rééducation. On distingue 2 périodes [1,20,22,23] : • avant 6 mois, correspondant à la période de cicatrisation active du tendon. Le tendon doit être épaissi, notamment entre 4 semaines et 3 mois. L’échostructure du tendon est hétérogène : la zone de suture ou la zone cicatricielle est hypoéchogène, hétérogène, en hypersignal T2 relatif. La

Fig. 18. a : Vue panoramique échographique en mode B chez un patient opéré 14 mois auparavant d’une rupture complète du tendon calcanéen. Le motif de l’examen est une talalgie controlatérale. Le tendon est épaissi, son échostructure est modifiée, mais l’échostructure fibrillaire est en partie retrouvée ; b : comparaison de l’échostructure en vue axiale des 2 tendons calcanéens d’un autre patient vu pour talalgies, opéré du tendon calcanéen droit (à gauche de la figure) il y a 6 mois, et du tendon calcanéen gauche il y a 2 ans (à droite de la figure). Diminution avec le temps de l’épaississement du tendon et régularisation de l’échostructure.

présence de petites collections péritendineuses est banale en postopératoire immédiat. Il existe une accentuation de la vascularisation au Doppler, notamment dans les 3 premiers mois, qui stagne ensuite. La vascularisation péritendineuse est également importante. Lors de l’étude dynamique, les adhérences postopératoires sont normales : le délai de réapparition du glissement tendineux est variable en fonction de la rééducation, du site opératoire et du type de chirurgie (Fig. 16). Les signes péjoratifs en cas de doute clinique sur une rerupture sont les suivants : un tendon grêle ou comportant une diminution focale de calibre avec encoche, la persistance au-delà d’un mois de collections péritendineuses ou en augmentation de taille au suivi [12], la présence d’une collection liquidienne intratendineuse au voisinage du matériel de suture en hypersignal T2 non rehaussée par le gadolinium (Fig. 17) [21] ; • après 6 mois : la cicatrisation active est le plus souvent terminée. Le tendon va rester épaissi et mesurer 2 à 3 fois le calibre du tendon controlatéral [19,21]. Les anomalies d’échostructure (remplacement de la structure fibrillaire par du matériel hypoéchogène hétérogène) diminuent progressivement après un an, sans restitution ad integrum (Fig. 18)

M. Morel / Journal de Traumatologie du Sport 32 (2015) 201–212

211

Fig. 19. Ostéite du calcanéus à 12 mois d’une cure chirurgicale de rupture complète de tendon calcanéen ; a–b : l’échographie visualise un trajet d’allure fistuleux à contenu hypoéchogène hyperhémié, partant de la surface cutanée en direction de la tubérosité postérieure du calcanéus ; c–d : les coupes IRM coronale T1 et axiale T2 FatSat montrent le trajet fistuleux en hyposignal T1, hypersignal allant de la peau au calcanéus ; e–f : sur les coupes sagittales T2 FatSat et T1 gado FatSat, œdème de l’os spongieux du calcanéus et collections autour des vis calcanéennes.

[18]. En IRM, ces bandes cicatricielles, qui peuvent persister, sont de signal non liquidien intermédiaire en T1. Elles ne doivent plus se rehausser après 8 mois. L’hypervascularisation Doppler diminue également et disparaît à 2 ans. Le périténon se normalise. La mobilité tendineuse lors des manœuvres dynamiques est retrouvée. Les cas de re-rupture sont moins fréquents qu’en période précoce. Un tendon aminci est péjoratif. La présence de calcifications péritendineuses peut être source de douleurs chroniques invalidantes, et pourrait favoriser la pérennisation d’adhérences péritendineuses.

• névrome : l’échographie est le meilleur examen pour mettre en évidence des névromes en territoire superficiel, reproduisant sous la sonde le signe de Tinel et permettant de suivre, par la technique de l’ascenseur, la continuité du nodule hypoéchogène avec le nerf en amont et en aval (Fig. 20). La réparation chirurgicale du tendon calcanéen peut se compliquer d’un névrome du nerf sural (notamment après abord percutané, par rapport à l’abord à ciel ouvert) ;

3.2. Indications Elles se limitent à la recherche de complications : • suspicion de re-rupture ; • sepsis sur foyer traité : l’échographie recherche des collections des parties molles à pourtour hyperhémié au Doppler, dont la ponction échoguidée permet d’affirmer la nature septique par l’analyse bactériologique. L’examen devra être suivi en urgence d’une IRM avec injection à la recherche d’ostéite de contact qui ne peut être affirmée en échographie (Fig. 19) [21] ;

Fig. 20. Repérage échographique du nerf sural à proximité de la collection intra et péritendineuse dans un contexte de re-rupture de tendon calcanéen (patient de la Fig. 17) : absence de névrome.

212

M. Morel / Journal de Traumatologie du Sport 32 (2015) 201–212

• recherche d’adhérences au périténon ou à la peau. Seule l’échographie dynamique objective le défaut de glissement et reproduit la réaction douloureuse ; • hématome enkysté ou récidivant, diagnostiqué et ponctionné sous contrôle échographique, sauf en cas de topographie profonde défavorable, avec réalisation en alternative d’une IRM. 4. Conclusion Oui, il peut être indiqué de réaliser un suivi en imagerie des lésions tendineuses du sportif. Le suivi des tendinopathies est avant tout clinique, après un bilan lésionnel initial précis dont la modalité dépend de l’accessibilité du tendon. Il est indiqué de contrôler des tendinopathies fissuraires à risque d’aggravation. L’imagerie (IRM, ou de plus en plus l’échographie dynamique) recherchera des fissures tendineuses ou un diagnostic différentiel en cas d’aggravation aiguë ou de modification de la symptomatologie. Soulignons, enfin, la difficulté d’interprétation des examens d’imagerie sur un tendon opéré ; l’indication est posée devant une mauvaise évolution clinique ; il faudra souvent avoir recours aux deux techniques (échographie et IRM) pour rechercher une re-rupture. Déclaration de liens d’intérêts L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts. Références [1] Lamontagne M, Michaud J. Échographie, doppler et cicatrisation tendineuse. In: L’imagerie en traumatologie du sport. SIMS Opus XXXVII. Montpellier: Sauramps Médical; 2010. p. 343–50. [2] Astrom M, Gentz C-F, Nilsson P, Rausing A, Sjoberg S, Westlin N. Imaging in chronic achilles tendinopathy: a comparison of ultrasonography, magnetic resonance imaging and surgical findings in 27 histologically verified cases. Skelet Radiol 1996;25:615–20. [3] Shalabi A, Movin T, Kristoffersen-Wiberg M, Aspelin P, Svensson L. Reliability in the assessment of tendon volume and intratendinous signal of the Achilles tendon on MRI: a methodological description. Knee Surg Sports Traumatol Arthrosc 2005;13:492–8. [4] Ohberg L, Lorentzon R, Alfredson H. Eccentric training in patients with chronic Achilles tendinosis: normalised tendon structure and decreased thickness at follow-up. Br J sports Med 2004;38:8–11. [5] Richards PJ, McCall IW, Day C, Belcher J, Maffulli N. Longitudinal microvascularity in Achilles tendinopathy (power doppler ultrasound, magnetic resonance imaging time-intensity curves and the Victorian Institute of Sport Assessment-Achilles questionnaire): a pilot study. Skelet Radiol 2010;39:509–21.

[6] Petrover D. Rupture partielle du tendon d’Achille. In: L’imagerie en traumatologie du sport. SIMS Opus XXXVII. Montpellier: Sauramps Médical; 2010. p. 401–11. [7] Haims AH, Schweitzer ME, Patel RS, Hecht P, Wapner KL. MR Imaging of the Achilles tendon : overlap of findings in symptomatic and asymptomatic individuals. Skelet Radiol 2000;29:640–5. [8] Khan KM, Forster BB, Robinson J, Cheong Y, Louis L, Maclean L, et al. Are ultrasound and magnetic resonance imaging of value in assessment of Achilles tendon disorders? A two year prospective study. Br J Sports Med 2003;37:149–53. [9] Wijesekera NT, Calder JD, Lee JC. Imaging in the assessment and management of Achilles tendinopathy and paratendinitis. Semin Musculoskelet Radiol 2011;15:89–100. [10] Daenen B, Denis ML, Houben G. Vascularisation dans les tendinopathies mécaniques. In: Le tendon et son environnement. SIMS Opus XXXX. Montpellier: Sauramps Médical; 2013. p. 95–104. [11] Shalabi A, Kristoffersen M, Svensson L, Aspelin P, Movin T. Eccentric training of the Gastrocnemius-Soleus complex in chronic Achilles tendinopathy results in decreased tendon volume and intratendinous signal as evaluated by MRI. Am J Sports Med 2004;32:1286–96. [12] Sans N, Faruch M, Bayol MA, Lapegue F, Chiavassa H, Railhac JJ, et al. IRM et autres techniques d’imagerie dans les tendinopathies. In: Le tendon et son environnement. SIMS Opus XXXX. Montpellier: Sauramps Médical; 2013. p. 105–12. [13] Alfredson H, Masci L, Ohberg L. Partial mid-portion Achilles tendon ruptures: new sonographic findings helpful for diagnosis. Br J Sports Med 2011;45:429–32. [14] Court-Payen M, Cardinal E, Dakhil Delfi A, Haugegaard M, Angermann P, Larsen E. Lésions distales du tendon calcanéen. In: Le pied. SIMS Opus XXXVIII. Montpellier: Sauramps Médical; 2011. p. 331–44. [15] Kayser R, Mahlfeld K, Heyde CE. Partial rupture of the proximal Achilles tendon: a differential diagnostic problem in ultrasound imaging. Br J Sports Med 2005;39:838–42. [16] Schepsis AA, Jones H, Haas AL. Achilles tendon disorders in athlètes. Am J Sports Med 2002;30:287–305. [17] Soila K, Karjalainen PT, Aronen HJ, Pihlajamaki HK, Tirman PJ. High-resolution MR imaging of the asymptomatic Achilles tendon: new observations. AJR 1999;173:323–8. [18] Miquel A, Molina V, Phan C, Lesavre A, Menu Y. Échographie des ruptures du tendon calcanéen après ténoraphie percutanée. J Radiol 2009;90:305–9. [19] Moller m, Kalebo P, Tidebrant G, Movin T, Karlsson J. The ultrasonographic appearance of the ruptures Achilles tendon during healing: a longitudinal evaluation of surgical and nonsurgical treatment, with comparison to MRI appearance. Knee Surg Sports Traumatol Arthrosc 2002;10:49–56. [20] Fantino O, Borne J, Bousquet JC, Journé C, Bordet B. Imagerie du tendon opéré. In: Le tendon et son environnement. SIMS Opus XXXX. Montpellier: Sauramps Médical; 2013. p. 271–87. [21] Bergin D, Kearns S, Cullen E. Postoperative imaging of the ankle and foot. Semin Musculoskelet Radiol 2011;15:408–24. [22] Karjalainen PT, Aronen HJ, Pihlajamaki HK, Soila K, Paaonen T, Bostman OM. Magnetic Resonance Imaging during healing of surgically repaired Achilles tendon ruptures. Am J Sports Med 1997;25:164–71. [23] Fujikawa A, Kyoto Y, Kawaguchi M, Naoi Y, Ukegawa Y. Achilles tendon after percutaneous surgical repair: serial MRI observation of uncomplicated healing. AJR 2007;189:1169–74.