Support nutritionnel préopératoire : qui, quand, comment ?

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Nutrition clinique et métabolisme 19 (2005) 106–110 http://france.elsevier.com/direct/NUTCLI/

Mise au point

Support nutritionnel préopératoire : qui, quand, comment ? Preoperative nutritional support: who, when, how? Cécile Chambrier Unité de nutrition artificielle, hôpital Édouard-Herriot, place d’Arsonval, 69437 Lyon cedex 03, France Disponible sur internet le 12 mai 2005 Communication présentée au XXIIIe congrès de la SFNEP à Gand (Belgique) le 1er décembre 2003 au cours du symposium sur la nutrition périopératoire

Résumé La dénutrition définie principalement par une perte de poids en trois mois supérieure à 10 % est associée à des dysfonctionnements de tous les organes et fonctions de l’organisme. De ce fait, l’existence d’une dénutrition chez un patient devant subir une intervention chirurgicale majeure entraîne au moins un doublement des complications postopératoires, de la mortalité, de la durée de séjour et des coûts. En pratique clinique, l’état nutritionnel préopératoire devrait être évalué chez tout patient dès la programmation d’une intervention chirurgicale majeure par l’estimation de la perte de poids éventuellement associée à une mesure de l’albuminémie et au calcul du SGA ou du NRI. Plusieurs études ont démontré que la nutrition parentérale préopératoire n’était efficace que chez les patients présentant une dénutrition sévère et permettait de réduire de près de la moitié le nombre de complications postopératoire. Dans les autres cas, ce support nutritionnel n’améliore pas le pronostic postopératoire bien au contraire il est associé notamment avec une augmentation des complications infectieuses. Les autres supports nutritionnels, compléments oraux et nutrition entérale, bien qu’ils paraissent théoriquement intéressants, n’ont fait l’objet que de peu d’études bien conduites en préopératoire chez des patients dénutris. L’utilisation préopératoire de la nutrition entérale paraît être intéressante. Une renutrition préopératoire de sept à dix jours chez un patient dénutri est nécessaire pour en observer les effets bénéfiques postopératoires. Celle-ci doit être initiée le plus tôt possible pour ne pas retarder la prise en charge chirurgicale. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Malnutrition defined as a weight loss more than 10% in 3 months induced organ dysfunctions. In major surgical procedures, theses disturbances are associated with an increase in postoperative complications, mortality, length of stay and costs. Usually, nutritional status should be evaluated early, in each patient, scheduled for a major surgical intervention by estimation of the weight loss and eventually by the measure of albuminemia and an estimation of SGA and NRI. Several clinical studies have shown that preoperative parenteral nutrition is efficacious to prevent postoperative complications in severely malnourished patients. In non-malnourished patients, preoperative parenteral nutrition is deleterious inducing an increase in septic complications. Only, few studies have evaluated enteral nutrition and oral complementation. In malnourished patients, enteral nutrition seems to be effective to diminished postoperative complications. Concerning conventional oral complementation, there is no well done study. Seven to 10 days of nutritional support are necessary to obtain a postoperative effect and influence the outcome. This nutritional support should be initiated early to avoid a delay in surgical procedure. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Nutrition parentérale ; Nutrition entérale ; Complément nutritionnel ; Dénutrition ; Complication postopératoire

Dans cet article ne seront développés que les supports nutritionnels conventionnels, c’est-à-dire protéinoénergétiques, les autres types d’interventions nutritionnelles ont été traitées Adresse e-mail : [email protected] (C. Chambrier). 0985-0562/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.nupar.2005.03.009

dans les autres articles relatifs au symposium sur la nutrition périopératoire du XXIIIe congrès de la SFNEP en 2003 [1]. Bien que toutes les conférences de consensus [2,3], les conférences d’experts [4] et les recommandations de plusieurs sociétés savantes [5,6] préconisent la prescription d’une

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nutrition artificielle préopératoire chez les patients sévèrement dénutris devant subir une intervention chirurgicale majeure, à peine 10 % des patients éligibles reçoivent ce support nutritionnel [7]. Les raisons de cet écart important entre les pratiques et les recommandations sont multiples, et loin d’être parfaitement élucidées mais à l’évidence une majorité des praticiens ne croient pas à la nutrition. Pourtant, chez les patients dénutris, les arguments et les preuves ne manquent pas.

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nutritionnel préopératoire permet de réduire la durée d’hospitalisation, le nombre des complications postopératoires sévères (non infectieuses et infectieuse selon les études), et pour Muller de la mortalité postopératoire [4,16–18]. Cependant, les résultats de toutes les études ne convergent pas dans le même sens [4,18] et il apparaît que seulement certains patients bénéficient d’une renutrition préopératoire traditionnelle.

2. Support nutritionnel préopératoire : qui ? 1. Le contexte Il y a près de 70 ans, Hiram Studley a montré que le seul paramètre associé à un taux de mortalité élevé après une chirurgie pour le traitement de l’ulcère gastrique (gastrectomie), était la perte de poids préopératoire. Chez les patients ayant perdu plus de 20 % de leur poids habituel, le taux de mortalité augmentait de 3,5 % à plus de 33 % [8]. Depuis de nombreux travaux ont confirmé cette association entre la dénutrition et les complications et/ou la mortalité postopératoire. Globalement, l’existence d’une dénutrition augmente d’au moins d’un facteur 2 le nombre de complications, la mortalité et la durée de séjour [9–13]. Les raisons sont multiples car la dénutrition induit des dysfonctionnements de tous les organes et fonctions de l’organisme entraînant des retards de cicatrisation responsable de lâchage d’anastomose ; un affaiblissement de l’immunité avec pour corollaire une augmentation des infections postopératoires ; une diminution des fonctions musculaires, respiratoires et de la qualité de vie. Il est admis que la dénutrition a un retentissement néfaste sur l’organisme dés une perte de 20 % de la masse maigre [14]. Cependant la perte de poids et la perte de masse maigre ne sont pas obligatoirement parallèles. En effet, selon le type de dénutrition (marasme, kwashiokor, mixte), la perte de poids n’est pas associée à une modification similaire de la composition corporelle. La perte de poids chez un patient marasmique est équilibrée concernant pratiquement autant la masse maigre que la masse grasse, et le seuil de perte de 20 % de masse maigre a été établi dans cette catégorie de patient. À l’inverse, un patient présentant une dénutrition de type kwashiokor associant hypoalbuminémie majeure et œdèmes, à une perte de poids modérée avec une perte de masse maigre importante, le pronostic est plus sévère mais aucune valeur seuil n’a été établie. Par ailleurs, l’effet péjoratif de la dénutrition sur les suites postopératoires est proportionnel à l’intensité de la dénutrition. Une étude prospective sur plus de 54 000 patients chirurgicaux montre que la morbidité et la mortalité double pour chaque diminution de 10 g/L de l’albuminémie. En d’autres termes, la mortalité augmente de 1 à 29 % lorsque l’albuminémie préopératoire (5 jours avant la chirurgie) n’est plus qu’à 21 g/L au lieu de 46 g/L. L’hypoalbuminémie semble être le meilleur facteur prédictif de la morbidité postopératoire [15]. À côté des nombreux travaux montrant que la dénutrition est source de complications, d’autres montrent qu’un support

Les conférences de consensus recommandent d’instituer une nutrition artificielle préopératoire chez les patients sévèrement dénutris devant avoir une intervention chirurgicale majeure. En effet, les études montrent que la nutrition artificielle préopératoire permet de diminuer les complications non infectieuses de plus de 10 % en valeur absolue (soit une réduction entre 30 et 40 % des complications) chez les patients les plus sévèrement dénutris. Par conséquent, ce support nutritionnel, ne pourra montrer réellement son efficacité que pour la chirurgie à haut risque de complications c’est-à-dire les interventions chirurgicales majeures [19]. À l’inverse, un support nutritionnel conventionnel (calorico-azoté standard) chez un patient non dénutri est inefficace et coûteux voire dangereux, plusieurs études ayant montré une augmentation des complications infectieuses dans ce cas-là [4,17]. Quels sont les paramètres permettant de définir une dénutrition sévère ? Plusieurs indicateurs peuvent être pris en compte : • l’ensemble des recommandations admet qu’une perte de poids supérieure à 10 % dans les trois à six mois précédents est un critère de dénutrition et est également un facteur de risque de complications postopératoires. Cependant, selon l’association ou non à une hypoalbuminémie, l’effet péjoratif de la perte de poids est différent. Une dénutrition associée à une hypoalbuminémie inférieure à 35 g/L induit une augmentation de plus de 2,5 fois des infections et de quatre fois de la mortalité alors qu’une dénutrition sans hypoalbuminémie (marasme pur) n’est associée à aucune surmortalité [20]. Néanmoins, une diminution de la fonction immunitaire et des autres fonctions de l’organisme sont observées dés une perte de poids d’environ 10 % [21]. L’estimation de la perte de poids est certainement le critère le plus simple et le plus fiable pour évaluer l’état nutritionnel d’un patient ; • l’albuminémie a incontestablement une valeur pronostic [15,22]. La morbidité comme la mortalité augmente significativement dés que l’albuminémie est inférieure à 35 g/L [15]. Récemment, un travail rétrospectif de K.A. Kudsh et al. suggèrent que le niveau d’albuminémie associé à une augmentation des complications postopératoires est différent selon le type d’intervention chirurgicale [21]. Ainsi, l’augmentation du nombre des complications postopératoires après chirurgie colique ou gastrique apparaît pour

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des valeurs albuminémie inférieures à celles qui sont observées pour la chirurgie pancréatique. Si l’état nutritionnel d’un patient, et en particulier la dénutrition, influence le niveau de l’albuminémie, la valeur de l’albuminémie est également dépendante de nombreux autres paramètres et l’interprétation de l’albuminémie doit être associée au contexte clinique [23]. Malgré la valeur prédictive de complications postopératoire de l’albuminémie, on ne peut pas préconiser d’inclure une mesure systématique de l’albuminémie dans le bilan préopératoire. La valeur de l’albuminémie permettra de préciser la sévérité d’une dénutrition, et c’est seulement devant une présomption sérieuse de dénutrition que l’on peut proposer d’en demander sa mesure ; • l’indice de masse corporelle ou indice de Quételet (IMC) ne peut affirmer une dénutrition que s’il est bas (< 17), mais un patient avec un IMC normal ou élevé peut être dénutri. Par ailleurs, comme pour la mesure du poids, cet indice est perturbé par la présence d’œdèmes, d’ascite ou d’une déshydratation. L’IMC est donc un paramètre insuffisant et peu sensible ; • divers index nutritionnels ont été proposés. Nous n’en aborderons que deux : le SGA (subjective global assessment) et le NRI (nutritional risk index ou index de Buzby). L’évaluation globale subjective (ou SGA) a été élaborée par l’équipe de Detsky [24] et porte exclusivement sur l’interrogatoire et l’examen clinique. De façon subjective, les patients sont classés comme non dénutris (A), modérément dénutris (B) ou sévèrement dénutris (C). Même s’il existe une bonne concordance interobservateurs, sa mise en œuvre nécessite un apprentissage et un certain entraînement ne permettant pas de le proposer comme seul paramètre nutritionnel dans le contexte préopératoire. L’index de Buzby (NRI) a été mis au point par Busby et al. dans le cadre d’une étude pilote préalable pour déterminer des marqueurs de la dénutrition reliés à une augmentation de la morbidité postopératoire en vue d’une étude sur la nutrition parentérale périopératoire (étude des Veterans) [19]. Cet index est le résultat de la régression linéaire multivariée permettant de relier le devenir postopératoire à son état nutritionnel à partir de différentes variables mesurées en préopératoire. Il permet, en fonction de la perte de poids et de l’albuminémie, de déterminer l’état nutritionnel du patient et le risque de complications postopératoires. NRI = 1,519 albuminémie (g/L) + 0,417 (poids actuel/poids habituel en %). Est considéré comme patient non dénutri un patient ayant un NRI supérieur à 100 ; comme modérément dénutri un patient ayant un NRI compris entre 97,5 et 83,5 et comme sévèrement dénutri celui dont le NRI est inférieur à 83,5. Ce score n’a jamais fait l’objet de validation spécifique a posteriori. Cependant, quelques études ont montré en médecine et en chirurgie que l’évaluation de l’état nutritionnel par le NRI donnait des résultats comparables aux autres techniques d’évaluation et en particulier avec le SGA [25,26]. Par ailleurs, il est important de noter que, quelle qu’en soit l’étio-

logie, une albuminémie basse peut conduire à classer le patient comme dénutri. Ainsi, une albuminémie inférieure à 27,4 g/L sans perte de poids donne un NRI inférieur à 83,5 classant le patient comme sévèrement dénutri. En conclusion, l’utilisation du NRI comme aide à l’évaluation nutritionnelle préopératoire est certainement, dans ce contexte, une bonne indication puisqu’elle correspond aux conditions de son élaboration. Pour se résumer, sont considérés comme dénutris les patients présentant l’un des critères suivants : • perte de poids supérieure à 10 % en trois à six mois ; • hypoalbuminémie inférieure à 35 g/L en l’absence d’autre cause ; • IMC inférieur à 17 ; • SGA : B ou C ; • NRI inférieur à 97,5. À côté des patients dénutris devant subir une intervention majeure, d’autres catégories de patients doivent nécessairement recevoir un support nutritionnel préopératoire comme dans les autres situations pathologiques. Il s’agit de tous les patients ayant un apport oral inférieur à 60 % de leur ration alimentaire normale pendant une période de temps prolongé (supérieure à 7 jours) [27]. Le cas des patients atteints de cancer des voies aérodigestives supérieures doit être également mentionné et a fait l’objet de recommandations spécifiques [28]. En raison de la relation étroite entre l’état nutritionnel et les complications postopératoires, ces patients doivent avoir une évaluation précise de leur état nutritionnel surtout s’il est envisagé une radiothérapie ou chimiothérapie préopératoire. Avant tout traitement, tout patient présentant une perte de poids de 10 % en six mois devrait avoir une prise en charge nutritionnelle systématique [28].

3. Support nutritionnel préopératoire : comment ? Nous avons à notre disposition trois types de support nutritionnel : les compléments nutritionnels, la nutrition entérale et la nutrition parentérale. Actuellement, toutes les recommandations s’accordent pour préconiser la nutrition entérale en première intention et n’avoir recours à la nutrition parentérale que lorsque le tube digestif n’est pas utilisable. En excluant les immunonutriments (conférer article précédant sur la nutrition périopératoire [1]), trois études seulement ont évalué l’efficacité des compléments nutritionnels en préopératoire. Deux de ces études concernent des patients non dénutris devant subir une chirurgie digestive. Dans ces deux études, l’utilisation de deux compléments nutritionnels par jour (2 × 300 kcal) en plus de l’alimentation habituelle n’a eu aucun effet sur la morbidité et la mortalité postopératoires [29,30]. Le cadre de la troisième étude est plus particulier puisqu’il concerne des patients en attente de transplantation hépatique [31]. Dans cette étude, en plus de conseils diététiques, il était recommandé de boire 500 mL d’un complément nutritionnel. Les deux groupes ont amélioré leur

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apport nutritionnel. Si le groupe recevant en plus les compléments nutritionnels a amélioré son état nutritionnel, il n’y a eu, cependant, aucune différence significative sur la survie post-transplantation. Malheureusement, ces études n’ont pas été réalisées avec la bonne population cible c’est-à-dire des patients dénutris. En conclusion, même si l’on peut penser que les compléments nutritionnels puissent avoir un intérêt, actuellement, les données de la littérature ne permettent pas de se prononcer sur l’efficacité ou non de ces compléments nutritionnels dans la prise en charge des patients dénutris dans la période préopératoire. La nutrition entérale a été, également, peu étudiée dans la période préopératoire. Nous avons recensé quatre études. Elles ont toutes inclus des patients dénutris (perte de poids de 6 à 16 %). La durée d’administration de la nutrition entérale a été au minimum de 8 jours. Deux études ne montrent aucune efficacité de la nutrition entérale sur les complications postopératoires [32,33]. Une étude montre une réduction des infections intra-abdominales seulement chez les patients présentant une perte de poids supérieure à 10 % [33]. Enfin la dernière étude, apparemment réalisée chez des patients très dénutris (poids moyen à 37 kg, albuminémie à 29 g/L) montre une diminution significative de plus de 29 % de la morbidité et de moitié de la mortalité [34]. Au total, la nutrition entérale préopératoire, si elle paraît séduisante, manque de preuve réelle concernant son efficacité sur la diminution des complications postopératoires. En ce qui concerne la nutrition parentérale, une métaanalyse [4], regroupant 13 essais randomisés réalisés entre 1977 et 1992, concernant plus de 1250 patients, montre que lorsque celle-ci est prescrite chez des patients dénutris devant avoir une chirurgie majeure, elle permet de diminuer les complications postopératoires de plus de 10 % en valeurs absolues. Il n’y a aucun effet sur la mortalité ou la durée de séjour. Globalement, la nutrition parentérale diminue l’incidence des complications non infectieuses. Plus récemment, une étude montre qu’en plus de réduire le nombre de complications non infectieuses, la nutrition parentérale diminue significativement la mortalité postopératoire [35].

4. Support nutritionnel préopératoire : quand ? Les études d’intervention réalisées sur de brèves périodes (inférieures à une semaine) n’ont pas montré un effet du support nutritionnel. En revanche, un support nutritionnel de sept à dix jours au moins permet d’obtenir une réduction significative des complications majeures. Ce support nutritionnel peut et doit être prescrit par l’un des praticiens en charge du patient avant l’intervention chirurgicale : le médecin ayant réalisé le bilan et le diagnostic médical, le chirurgien lors de son avis ou enfin l’anesthésiste. Il est certain que plus l’évaluation de l’état nutritionnel a lieu tôt, plus l’intervention nutritionnelle débutera tôt et sera bénéfique au patient. Par ailleurs, une programmation précoce du support nutritionnel permet de l’organiser et de le program-

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mer au mieux pour le patient. En d’autres termes, le médecin anesthésiste, intervenant souvent le dernier dans le long parcours du patient, est certainement le praticien le moins adéquat à proposer et à prescrire ce support nutritionnel. Une dernière question mérite d’être posée. Où doit se réaliser ce support nutritionnel ? À domicile ou dans un établissement de soins ? À côté du désir du patient, le choix doit dépendre du type de support nutritionnel choisi et des possibilités organisationnelles. L’utilisation de compléments nutritionnels comme support nutritionnel peut se faire sans aucun problème à domicile. Cependant, l’appréciation de la compliance au traitement sera difficile. La mesure de la transthyrétine (préalbumine) avant le support nutritionnel et à l’admission en chirurgie peut être un paramètre intéressant pour apprécier la réalité de l’observance thérapeutique. Il paraît difficile d’initier directement à domicile sans hospitalisation préalable une nutrition entérale ou parentérale préopératoire. Ces supports nutritionnels, s’ils doivent être prolongés, peuvent être poursuivis à domicile après une initialisation dans un centre de soins pendant une période de quelques jours pour apprécier la tolérance ou l’intolérance à ces supports.

5. Conclusion Lorsque l’intérêt du support nutritionnel préopératoire est abordé dans sa conception actuelle (diminution des complications postopératoires, de la mortalité et de la durée de séjour) tous les patients dénutris (perte de poids > 10 % dans les trois mois) devant avoir une intervention chirurgicale majeure devraient recevoir ce support nutritionnel préopératoire. Seule la nutrition parentérale a prouvé réellement son efficacité dans cette situation, mais nous manquons cruellement d’études pour les deux autres types de support nutritionnel : nutrition entérale et compléments nutritionnels. Cependant, dans d’autres circonstances, la nutrition entérale est aussi efficace que la nutrition parentérale et entraîne moins de complications et à un moindre coût que la nutrition parentérale [36]. L’intérêt du support nutritionnel préopératoire pourrait être également envisagé avec une vision à plus long terme (durée de la convalescence, efficacité des traitements adjuvants, maintien du poids à long terme, qualité de la reprise du travail, qualité de vie, etc.) mais à notre connaissance, aucune étude n’ayant porté sur ces évaluations, aucune recommandation ne peut être faite.

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