Transfus Clin Biol 2001 ; 8 : 422-32 © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S1246782001001938/SSU
REVUE GÉNÉRALE
Surcharge martiale et syndromes myélodysplasiques (SMD) C. Rose1*, N. Cambier1, M. Mahieu1, O. Ernst2, P. Fenaux3 1 Service d’hématologie hôpital St-Vincent groupe hospitalier Institut catholique de Lille, boulevard de Belfort, 59020 Lille, France ; 2 service de radiologie, hôpital Claude-Huriez, CHRU, Lille 59020, France ; 3 service des maladies du sang, hôpital Claude-Huriez, CHRU, France
Résumé – Les transfusions de concentrés érythrocytaires, seul recours thérapeutique de nombreux syndromes myélodysplasiques et l’hyperabsorption intestinale du fer, en rapport avec la dysérythropoïèse sont source de surcharge martiale. Celle-ci est responsable d’une morbidité et d’une mortalité excessives. Les patients les plus exposés sont : ceux porteurs d’une anémie réfractaire, d’une anémie réfractaire sidéroblastique ou d’un syndrome 5q-, ceux ayant un bon pronostic (score pronostique international faible ou intermédiaire faible), ceux recevant plus de 100 concentrés érythrocytaires et ceux âgés de moins de 70 ans. Le traitement par la deferoxamine est capable de prévenir la surcharge martiale mais il est contraignant puisqu’il nécessite des injections sous-cutanées nocturnes sur huit à 12 heures au moyen d’infuseurs ou d’une pompe portable. Si le traitement est bien conduit, il prévient la mortalité liée à la surcharge martiale. Il doit être commencé suffisamment tôt (en règle générale avant 20 concentrés érythrocytaires). La mesure de la ferritine sérique et la connaissance du nombre de concentrés érythrocytaires sont la plupart du temps suffisants pour apprécier la surcharge en fer. L’intensité du traitement chélateur est adapté en fonction de l’âge, du type de SMD, du score pronostique international, du nombre de concentrés érythrocytaires, de la mesure de la ferritine et surtout de la tolérance des patients. La voie sous-cutanée directe, actuellement évaluée en termes d’efficacité de la prévention, au sein du Groupe français des myélodysplasies, semble un bon compromis en ce qui concerne l’efficacité et l’observance (protocole national en cours). © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS hémochromatose / surcharge martiale / syndrome myélodysplasique / transfusion
Summary – Iron overload and myelodysplastic syndromes. Transfusion of RBC units, the only current treatment for many myelodysplastic syndromes, and excess intestinal absorption of Fe related to dyserythopoiesis often result in iron overload. This condition is associated with high rates of morbidity and mortality. High-risk patients include those with refractory anemia, sideroblastic anemia, 5q- syndrome, patients with a good prognosis (low or lower intermediate international prognosis score), patients having received over 100 RBC units, and patients under the age of 70. Deferoxamine, while it can prevent iron overload, is a strenuous treatment requiring 8-to-12 hour- overnight subcutaneous injections. When patients comply with the regimen, it efficiently prevents mortality due to iron overload, but must be implemented early in the disorder, usually before transfusing 20 RBC concentrates. A simple way of monitoring iron overload is to measure seric ferritin levels and record the number of RBC concentrates. The chelating treatment should
*Correspondance et tirés à part. Adresse e-mail :
[email protected] (C. Rose).
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be modulated according to age, MDS type, international prognosis score, number of RBC units received, ferritin levels, and most of all, patient tolerance. The direct subcutaneous approach is currently being evaluated by the French Group for Myelodysplasias for its efficiency to prevent disorders, but seems to be both efficient and well complied with (a national protocol is under way). The recent findings on the proteins implied in iron recycling by macrophages after destruction of RBCs, may in the long term, enable us to manage patients with less burdensome treatments and more effective new oral chelates. © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS hematochromatosis / iron overload / myelodysplastic syndrome / transfusion
Les syndromes myélodysplasiques sont un groupe hétérogène d’affections acquises de la moelle osseuse de cause inconnue. Ils sont caractérisés par la destruction en grand nombre de cellules hématopoïétiques qui meurent avant d’aboutir à des cellules sanguines matures. Il en résulte des cytopénies sanguines contrastant avec une moelle riche où les précurseurs myéloïdes sont morphologiquement anormaux [1]. L’incidence des syndromes myélodysplasiques augmente avec l’âge, elle est de cinq pour cent mille dans le groupe 50–70 ans et de 22 pour cent mille chez les patients de plus de 70 ans [2]. Antérieurement nommés états préleucémiques, une minorité de patients cependant présente une transformation leucémique et certains ont une survie prolongée. L’évolution est essentiellement marquée par les complications liées aux cytopénies. L’infection est au premier plan, suivie des hémorragies. L’avènement d’un score pronostique international [3] a permis de définir quatre groupes pronostiques : faible, intermédiaires 1 et 2, élevé (tableau I). La médiane de survie est respectivement de 5,7– 3,5–1,2–0,4 ans dans chaque groupe (tableau II). Dans une population de moins de 60 ans, la médiane de survie des groupes : faible risque et risque intermédiaire bas est respectivement de 11,8 et 5,2 ans. Ce délai est largement supérieur au délai décrit dans la littérature pour observer des complications liées à la surcharge martiale post-transfusionnelle tableau II [4]. MÉCANISME ET TOXICITÉ DE LA SURCHARGE EN FER La quantité de fer apportée par les transfusions et l’hyperabsorption intestinale du fer suite à l’érythropoïèse inefficace sont les deux facteurs responsables de la surcharge martiale [5, 6]. Dans les anémies réfractaires sidéroblastiques, une surcharge en fer sévère peut se rencontrer avant même les transfusions [5]. La surcharge en fer est d’autant plus importante que la dyséTransfus Clin Biol 2001 ; 8 : 422–32
Tableau I. Mode de calcul du score pronostique international. Paramètres
Score
Blastes médullaires <5% 5-10% 11-20 % 21-30 % Caryotype* favorable intermédiaire défavorable Cytopénies sanguines nbre cytopénies 0/1 PN <1800/mm3 Hb <10g/dl 2/3 plaquettes <100 000/mm3 Score total Groupe de « faible risque » : score 0 Groupe de risque « intermédiaire faible » : score 0,5-1 Groupe de risque « intermédiaire élevé » : score 1,5-2 Groupe de risque élevé : score >2
0 0,5 1,5 2 0 0,5 1 0 0,5
* caryotype. Favorable : normal ou del5q, del20q, -Y comme anomalie isolée. Intermédiaire : tous les autres. Défavorable : -7, +8 ou anomalies complexes (3 anomalies au moins) . PN: polynucléaires.
rythropoïèse est prononcée. La transfusion de concentrés érythrocytaires est nécessaire pour la plupart des patients porteurs de SMD car l’anémie est la manifestation la plus fréquente de l’insuffisance médullaire
Tableau II. Survie médiane des patients porteurs de SMD en fonction de l’âge et du score pronostique international. Âge
Tous < 60 > 60 < 70 > 70
Nbr. de patients
Faible risque (ans)
816 205 611 445 371
5,7 11,8 4,18 9 3,9
Intermédiaire Intermédiaire faible haut (ans) (ans) 3,5 5,2 2,7 4,4 2,4
1,2 1,8 1,1 1,3 1,2
Haut risque (ans) 0,4 0,3 0,5 0,4 0,4
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QUELS SONT LES PATIENTS LES PLUS EXPOSÉS ? La surcharge martiale peut être source de morbidité et de mortalité [10] en particulier dans les syndromes myélodysplasiques réputés de bon pronostic de type anémie réfractaire et anémie réfractaire sidéroblastique ou syndrome 5q- [12-14] (classification FAB [15] ou WHO [16]). Les patients les plus exposés au risque d’hémochromatose post-transfusionnelle sont les patients les plus transfusés, les plus jeunes et ayant un syndrome myélodysplasique de bon pronostic (type cytologique, score pronostique international). Les patients de moins de 60 ans représentent 25 % des patients, ceux de moins de 70 ans 55 %. Les groupes de faible risque et de risque intermédiaire faible représentent respectivement 31 et 39 % des patients [3].
Figure 1. Mécanisme de la toxicité au niveau cellulaire de la surcharge en fer.
au cours des syndromes myélodysplasiques. L’anémie est rencontrée dans 90 % des cas. Son traitement est particulièrement difficile. L’érythropoïétine seule ou en association avec des facteurs de croissance hématopoïétiques n’est malheureusement efficace que dans 35 % des cas. Le traitement est efficace chez les patients ayant un taux d’érythropoïétine sérique bas et étant les moins transfusés [7]. De même, les traitements intensifs ne sont proposés que chez les patients jeunes ; ceux-ci représentent une proportion limitée des patients atteints de syndrome myélodysplasique [8]. Les transfusions de concentrés érythrocytaires restent le seul recours thérapeutique dans la majorité des cas. Chaque concentré érythrocytaire apporte environ 200 mg de fer. Après dix à 20 concentrés, l’organisme présente une surcharge martiale [9]. Celle-ci est d’autant plus symptomatique que le nombre de concentrés est important et que l’évolution est longue. Au-delà de 20 g de fer (soit environ 100 concentrés érythrocytaires) un excès de mortalité est important [10]. Chez des adultes multitransfusés, présentant une anémie chronique, des complications cardiaques et hépatiques liées à la surcharge martiale peuvent survenir dans un délai inférieur à quatre ans [4]. Le fer apporté par les transfusions est rapidement source d’altération cellulaire majeure en particulier au niveau cardiaque chez des patients transfusés [11] (figure 1).
MANIFESTATIONS CLINIQUES DE LA SURCHARGE MARTIALE Elles n’offrent pas de particularité au cours des syndromes myélodysplasiques. Les manifestations sont cardiaques, endocriniennes et hépatiques. L’insuffisance cardiaque en adiastolie associée à des troubles du rythme est la manifestation la plus fréquente, suivie du diabète. L’atteinte hépatique se manifeste par une hépatomégalie et une élévation des transaminases . Elle est exceptionnellement parlante cliniquement [17]. Des atteintes cardiaques infra-cliniques sont particulièrement bien mises en évidence en mesure isotopique [18] et également en échographie cardiaque de stress utilisant des faibles doses de dobutamine. MORBIDITÉ ET MORTALITÉ LIÉES À LA SURCHARGE EN FER Les patients n’ayant pas reçu de traitement chélateur présentent des complications cardiaques, hépatiques et endocriniennes liées à la surcharge martiale [17, 19-21]. Dans une série allemande ancienne de 46 patients non chélatés, ayant reçu plus de 50 concentrés érythrocytaires (moyenne : 79), après un suivi médian de 39 mois, 20 d’entre eux présentaient une hémochromatose post-transfusionnelle dont 11 avec une atteinte cardiaque. Onze patients présentaient une atteinte hépatique et cinq ont développé un diabète [22]. Dans la série historique de syndrome 5q-, 16 % des patients ont développé une insuffisance cardiaque et des troubles du rythme et 10 %, un diabète [13]. Au cours de syndromes myélodysplasiques réputés de bon pronostic Transfus Clin Biol 2001 ; 8 : 422–32
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(groupe faible risque et intermédiaire faible), les causes de décès sont le plus souvent intercurrentes vasculaires, néoplasiques dans cette population âgée. La surcharge martiale reste cependant une des principales causes de mortalité spécifique de ce type de SMD. Elle est estimée selon les études de 5 à 25 %, en particulier d’origine cardiaque [13, 14, 22]. Il n’y a aucune étude dans la littérature étudiant spécifiquement et de manière prospective la mortalité liée à la surcharge en fer posttransfusionnelle au cours des SMD. Les chiffres énoncés ci-dessus, sont ceux des causes de décès de certaines séries de SMD de bon pronostic. Il n’est pris en compte dans ces études que l’apparition de novo de complications cardiaques, hépatiques, endocriniennes liées à la surcharge en fer responsable du décès ; la morbidité liée à la surcharge en fer n’a jamais été étudiée spécifiquement. APPRÉCIATION DE LA SURCHARGE EN FER Aucune méthode d’appréciation de la surcharge en fer n’est réellement satisfaisante de manière isolée. Elles ne sont pas toutes utilisables chez les patients atteints de SMD. Ponction biopsie hépatique (PBH) C’est la méthode de référence offrant la meilleure sensibilité et spécificité. Elle permet une mesure directe de la concentration intrahépatique du fer [23, 24] valeur normale : sept à 43 micromoles/g de foie sec soit 400 à 2 400 microgrammes par gramme de foie sec. Elle permet également d’avoir des renseignements sur la topographie des dépôts de fer et des données histologiques (fibrose, cirrhose). Ces données sont également très utiles en cas d’hépatites post-transfusionnelles associées [25]. Si la PBH est réalisée sous repérage échographique, en dehors des tumeurs malignes, par une équipe expérimentée, les complications graves sont exceptionnelles (décès1/250 000) [26]. Elle expose le patient au risque hémorragique et celui-ci est estimé à 0,16 [27]. Les patients porteurs de syndromes myélodysplasiques sont souvent thrombopéniques et présentent également un déficit fonctionnel des plaquettes [28, 29]. Ce dernier point limite considérablement la place de la PBH dans la prise en charge de l’hémochromatose posttransfusionnelle des SMD où elle n’est pratiquement jamais utilisée. Transfus Clin Biol 2001 ; 8 : 422–32
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Nombre de concentrés érythrocytaires reçus La surcharge martiale est clairement corrélée au nombre de concentrés érythrocytaires transfusés [30] et la notification dans le dossier transfusionnel du patient des volumes transfusés permet une appréciation objective du fer apporté. La surcharge martiale est d’autant plus symptomatique que le nombre de concentrés est important et que l’évolution est longue. Au-delà de 20 g de fer (soit environ 100 concentrés) l’excès de mortalité est important [10]. Mesure des protéines sériques impliquées dans le métabolisme du fer La mesure de la ferritine sérique est le paramètre de surveillance le plus facile à obtenir. La mesure doit faire partie du bilan initial de tout syndrome myélodysplasique. Chez l’individu normal, le taux sérique est corrélé avec le fer intra-hépatique [31]. En l’absence de maladie hépatique, la ferritine sérique est habituellement corrélée à la surcharge en fer post-transfusionnelle jusqu’à un chiffre de ferritine de 4 000 µg/L mais il existe de très grandes variations individuelles [32]. Au-delà, il est probable que d’autres facteurs interviennent, en particulier ceux connus pour augmenter de manière artéfactuelle la ferritine : l’inflammation, les cancers disséminés, les hépatites chroniques, l’hémolyse [33, 34]. A l’inverse, en cas de déficit en vitamine C, la ferritine peut être sous-estimée et être plus élevée alors qu’il existe une carence martiale sévère [35]. De même, la mesure du coefficient de saturation de la transferrine et de la sidérémie n’a pas une bonne sensibilité au cours des surcharges martiales post-transfusionnelles et a peu d’intérêt [36]. Le récepteur soluble de la transferrine représente dans le sérum, la richesse en récepteur à la transferrine des précurseurs hématopoiétiques et de manière indirecte l’activité érythroïde médullaire. Il existe à titre individuel de grandes variations de la ferritine sérique [32] mais son caractère non invasif, répétitif et facilement accessible en font un élément de surveillance important. Une valeur seuil de la ferritine en dessous de laquelle la mortalité et les complications étaient moindres, a été décrite au cours des thalassémies (< 2 000 ng/mL) [37]. Ce seuil n’a pas été validé au cours des syndromes myélodysplasiques mais le maintien d’un chiffre de ferritine en deçà de ce seuil est un objectif thérapeutique raisonnable au cours des syndromes myélodysplasiques. L’excrétion urinaire du fer n’est intéressante que sous traitement pour en apprécier
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l’efficacité et l’observance, elle est très dépendante de la qualité du recueil des urines. Examens d’imagerie Le scanner simple énergie hépatique donne des résultats exprimés en unités Hounsfield (HU) qui représentent le degré d’atténuation des rayons X dans un volume donné. Une augmentation des HU est retrouvée dans toutes les séries mais ces données sont peu sensibles et non spécifiques. L’examen ne doit plus être utilisé dans ce but [38]. L’examen par résonance magnétique nucléaire (RMN) est beaucoup plus performant. Le fer est une substance superparamagnétique. Placé dans un champ magnétique, le fer est responsable d’un raccourcissement du temps de relaxation surtout prononcé en T2 (relaxation transversale), entraînant une diminution du signal en T2 (aspect plus noir). Cette diminution du signal en T2 est plus certainement due à la présence de fer intracytoplasmique en excès qu’à la présence de ferritine en excès dans les cellules [39]. Lorsqu’il étudie l’intensité du signal du ratio foie/muscle en utilisant des séquences T2 en gradient écho, sur des machines puissantes délivrant de hauts champs magnétiques (> ou =1,5 Tesla), l’examen offre une excellente sensibilité et peut donner une appréciation quantitative de la surcharge en fer de l’organisme jusqu’à des valeurs de 300 µmoles/g de tissu hépatique (poids sec) [40-42]. La corrélation du signal de résonance magnétique et de la concentration hépatique en fer est bonne [41, 43]. Il faut cependant que l’appareil ait été étalonné avec des quantités connues de fer et que, théoriquement, une étude de corrélation entre fer intrahépatique (résultats par PBH) et résultats en RMN ait été effectuée [41]. Ces conditions strictes de méthode sont effectuées sur quelques appareils en France. Le problème de cette méthode est qu’elle doit être standardisée pour une machine donnée et que la corrélation entre les signaux et la surcharge en fer est mauvaise pour des surcharges modérées (< 40 µmoles / g de tissu hépatique (poids sec) ou extrêmes (> à 300 µmoles) [44] et en cas de fibrose hépatique, si la méthodologie précédente n’est pas respectée [45]. Il y a également une corrélation linéaire inverse entre le nombre de concentrés érythrocytaires transfusés et le signal ratio [46]. La corrélation obtenue en RMN est largement supérieure à celle donnée par la ferritine sérique [47]. La RMN peut également apprécier les variations de concentration hépatique en fer sous traitement [43, 48]. Elle peut
également détecter les surcharges en fer au niveau d’autres organes que le foie, en particulier, l’hypophyse et le cœur où les biopsies sont très délicates ou impossibles[42,49].EnRMN,lasurchargeenferpost-transfusionnelle apparaît d’abord dans le foie et la rate, puis dans le cœur [50]. Une distinction peut être faite en RMN entre la surcharge martiale post-transfusionnelle et la surcharge liée à l’hyperabsorption intestinale des dysérythropoïèses non transfusées ; dans ce dernier cas il n’y a pas d’anomalie du signal splénique [51]. Cet examen au cours des SMD offre le meilleur rapport sensibilité / risque sous réserve de bonnes conditions d’examen. En dehors de la surcharge martiale, il n’y a pas de modification du signal en T2 chez les patients présentant un SMD. Il a cependant été décrit une diminution du temps de relaxation en T1 du tissu médullaire vertébral en rapport avec la dysmyélopoïèse alors que ce signal est plus bas chez les patients présentant une transformation en leucémie aiguë [52]. La susceptibilité magnétique d’un tissu est directement corrélée à la quantité de fer de ce tissu. C’est une propriété physique de la ferritine et de l’hémosidérine. La susceptibilité dans un champ magnétique se mesure à l’aide de magnétomètres avec supra conducteur (Super Conducting Quantum Interference Device) [53]. La mesure de la susceptibilité magnétique est directement corrélée à la concentration intrahépatique en fer [53]. En France, ces appareils ne sont pas disponibles en pratique clinique et un nombre limité d’appareils existe aux États-Unis et en Allemagne. Ceux-ci restent réservés à des études pharmacologiques [54]. La ferritine sérique et la notification du nombre de concentrés érythrocytaires transfusés sont indispensables dans l’appréciation de la surcharge en fer des syndromes myélodysplasiques multitransfusés. Ces deux examens sont suffisants pour prendre les décisions thérapeutiques dans la plupart des cas. En cas de problème d’appréciation (hépatite associée, inflammation ou de franche discordance entre la ferritine /nombre de concentrés érythrocytaires/ l’état du patient, ou de non réponse au traitement chélateur) l’examen par RMN est une bonne alternative en terme de sensibilité et spécificité. L’examen par RMN est préférable à la PBH utilisée uniquement en dernier recours ; en l’absence de toute anomalie de l’hémostase et la plupart du temps en cas d’indication hépatologique associée (hépatite posttransfusionnelle). Transfus Clin Biol 2001 ; 8 : 422–32
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MODALITÉS DU TRAITEMENT PAR LA DÉFEROXAMINE La surcharge martiale post-transfusionnelle doit être prévenue et traitée par un agent chélateur du fer, capable de complexer le fer et de promouvoir son excrétion. Le seul agent chélateur largement utilisable en pratique clinique est la déferoxamine (Desferalt). La modalité de traitement de référence pour obtenir une balance négative du fer est l’injection sous-cutanée nocturne continue sur 8 à 12 heures [55, 56]. La posologie de déferoxamine est de 50 mg/kg cinq à six jours sur sept [57]. L’injection sous-cutanée nocturne de déferoxamine se faisait habituellement par l’intermédiaire d’une pompe portable (bruyante et encombrante). Ces modalités rendent le traitement particulièrement pénible. Une amélioration du matériel de délivrance est survenue avec l’apparition d’infuseurs portables non bruyants délivrant le produit sur huit heures ou sur 48 heures [58] et même sur sept jours. Ce matériel un peu plus coûteux a amélioré notablement le confort des patients. Une injection sous-cutanée en bolus de 25 mg/kg par 12 heures est également capable d’entraîner une excrétion urinaire du fer suffisante pour entraîner une négativation de la balance martiale [59]. L’efficacité de ce type de traitement chez des adultes multitransfusés atteints de SMD a été très récemment démontrée. Le traitement est aussi efficace sur l’excrétion urinaire du fer. Avec un suivi médian de 20 mois une diminution du chiffre de la ferritine est observée chez 73 % des patients [60]. On peut difficilement dépasser 10 mL en injection directe, ceci limite l’injection à 1,5 g de déferoxamine. Cette modalité de traitement est particulièrement intéressante au cours des SMD car elle est un bon compromis entre efficacité et qualité de vie. Elle est bien suivie au long cours par les patients refusant les injections sous-cutanées continues [61, 62]. Nous la proposons maintenant en première intention depuis deux ans. Elle est actuellement étudiée à titre préventif dans le cadre d’un protocole national sous l’égide du groupe français des myélodysplasies. En cas de surcharge martiale menaçant le pronostic vital (cardiopathie arythmogène ou sévère), le traitement intraveineux est le plus efficace [63, 64]. Il expose aux risques infectieux [65]. Ceux-ci peuvent être combattus par une préparation unique hebdomadaire avec mise en place sur une voie centrale en hôpital de jour selon des règles strictes d’asepsie ; le produit étant déjà Transfus Clin Biol 2001 ; 8 : 422–32
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préparé dans des infuseurs pour une semaine, la stabilité du produit a été démontrée sur sept jours [66]. Le traitement est particulièrement efficace et permet une régression dans la plupart des cas de l’atteinte organique cardiaque. Le fait que le produit soit préparé pour une semaine est particulièrement intéressant chez les patients peu compliants. Il peut être utilisé sur de longues périodes sans risque infectieux majeur [64]. INDICATIONS ET RÉSULTATS C’est le point le plus délicat au cours des SMD en raison du coût du traitement et de la contrainte imposée à une population âgée. En cas d’anémie au cours des SMD, une mesure de l’érythropoïètine sérique doit être réalisée pour vérifier que le patient ne puisse bénéficier d’un traitement par EPO + G-CSF. En cas de nonréponse à ce traitement, les transfusions de concentrés érythrocytaires sont indispensables en cas d’anémie symptomatique et en cas de chiffre d’hémoglobine inférieur à 8g/dL. La surcharge martiale apparaît dès que dix à 20 concentrés érythrocytaires ont été transfusés [9]. Les conséquences cliniques peuvent apparaître au-delà de ce nombre de concentrés érythrocytaires et sur un délai rapide (inférieur à quatre ans) [4]. Les dépôts cardiaques de fer sont systématiquement présents et un excès de mortalité est rencontré, en cas de transfusions de 20 g de fer [11], ce qui correspond environ à 100 concentrés érythrocytaires. À la lumière de ces informations, le traitement chélateur martial doit être réservé aux syndromes myélodysplasiques régulièrement transfusés de faible risque ou de risque intermédiaire ayant une survie attendue suffisamment prolongée. L’idéal est de pouvoir apprécier précocement (au diagnostic) les patients de bon pronostic (à l’aide du score pronostique international) susceptibles de recevoir plus de 100 concentrés érythrocytaires, et de prendre la décision de chélation suffisamment tôt dans l’évolution, en règle générale, après 20 concentrés érythrocytaires, la ferritine étant habituellement aux alentours de 1 000 ng/mL. Le traitement doit être adapté à l’âge ; il sera plus intensif avant 60 ans et moins au-delà de 70 ans. Dans les formes de pronostic intermédiaire élevé, le traitement chélateur doit être réservé aux rares patients répondeurs au traitement (exemple : rémission complète d’une AREB sous AraC faible dose). Il faut débuter le traitement plus précocement lorsqu’il existe avant transfusion une augmentation de la ferritine sérique témoignant d’une hyperabsorption intestinale et d’une érythropoïèse inefficace [5]. Il n’y a
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habituellement pas lieu de rechercher dans ces circonstances la présence du gène de l’hémochromatose qui n’est pas présent. Le meilleur traitement en terme d’efficacité est, bien sûr, la déferoxamine en injection souscutanée continue nocturne sur huit à 12 heures, mais la meilleure modalité est celle qui permet de délivrer la déferoxamine de manière prolongée et d’obtenir une bonne compliance. L’explication au patient de l’importance du traitement et des bénéfices attendus est primordiale, étant donné la lourdeur du traitement. Les injections sous-cutanées directes sont une bonne alternative dans cette population âgée peu compliante [62, 67]. Une surveillance de la tolérance locale et du risque infectieux, en particulier cutané, est indispensable. Cette surveillance s’ajoute à la recherche systématique de manière annuelle d’une toxicité neurosensorielle par la réalisation d’un fond d’œil et d’une audiométrie. L’amélioration de la survie chez les patients régulièrement transfusés et bien chélatés a essentiellement été démontrée chez les patients thalassémiques [68, 69]. Il existe une différence très significative entre deux groupes de patients, ceux correctement chélatés (plus de 250 perfusions par an de déferoxamine) et les patients mal chélatés (moins de 250 perfusions de déferoxamine par an) avec des survies respectives à 30 ans de 95 % contre 15 % [37]. La mortalité excessive décrite chez les patients porteurs de SMD non chélatés [22] n’a pas été rencontrée dans notre série de 36 patients régulièrement transfusés et chélatés. 32/36 patients avaient un index pronostique international inférieur ou égal à 1, l’âge médian était de 68 ans au diagnostic de SMD. Ils avaient reçu en moyenne 146 concentrés érythrocytaires (56-400). Le suivi médian était de 57 mois. Aucun décès lié à l’hémochromatose n’a été observé. La survie à dix ans de ce groupe était de 47 % [61]. Cet élément plaide pour une utilisation large du traitement chélateur dans ce groupe de patients comme l’ont proposée d’autres équipes [70, 71]. De manière exceptionnelle, une diminution du rythme transfusionnel sous déferoxamine a été rapportée [72]. Nous n’avons pas constaté ce fait dans notre série [61]. AUTRES MODALITÉS THÉRAPEUTIQUES En raison des contraintes imposées par le traitement, des alternatives thérapeutiques sont recherchées et essentiellement représentées par les chélateurs oraux.
La déferiprone Elle bénéficie maintenant d’une large expérience clinique au cours de la thalassémie mais de très peu d’expérience au cours des syndromes myélodysplasiques [73-75]. Elle appartient à la famille des trois hydroxypyridones. Ce sont des ligands bi-dentés qui fixent le fer et ne fixent pas le calcium ni le magnésium. Ils sont capables de mobiliser le fer directement de la ferritine mais aussi de l’hémosidérine et de la transferrine différique [76]. La posologie habituelle est de 25 mg/kg trois fois par jour en dehors des repas. La toxicité est beaucoup plus importante chez l’animal que chez l’homme, en raison de l’absence de glucuronidation (mécanisme de détoxification hépatique) chez l’animal [77]. De manière curieuse l’excrétion urinaire semble moins importante chez les patients porteurs de syndrome myélodyplasique que chez ceux présentant une thalassémie majeure [73]. L’action chélatrice de la deferiprone est confirmée au cours des thalassémies et dans des séries plus modestes de syndromes myélodyplasiques. Dans environ 50 % des cas elle n’est pas capable seule d’assurer une balance négative du fer, essentiellement sur les données de la concentration intra-hépatique en fer. Elle est moyennement tolérée puisqu’un arrêt du traitement survient dans 20 à 40 % des cas en raison des effets secondaires [75, 78-80]. Il s’agit principalement de douleurs articulaires, de troubles digestifs, de carence en zinc. Des incertitudes persistant sur le caractère potentiellement hépatotoxique incitent à une grande prudence chez les patients porteurs d’hépatites [79, 81, 82]. La survenue initiale de neutropénie et d’agranulocytose a limité son utilisation au cours des SMD. Elle semble beaucoup moins importante qu’initialement rapportée [83, 84] et la fréquence peut être estimée à 0,6 % [79]. Le mécanisme précis n’est pas connu mais il semble plus lié à une susceptibilité individuelle de type immunoallergique qu’à un mécanisme dose-dépendant [85]. Elle est toujours régressive à l’arrêt du traitement. La déferiprone semble en culture liquide moins myélotoxique que la déferoxamine [86]. Au cours des SMD, nous n’avons pas observé de toxicité hématologique majeure dans notre expérience limitée [74] ; celle-ci a cependant déjà été signalée dans ce groupe de patients [73]. La deferiprone est un moyen thérapeutique supplémentaire modeste dans la prise en charge des patients surchargés en fer ; son grand intérêt réside dans sa facilité d’utilisation et elle mérite d’être utilisée en particulier chez les rares patients refusant de manière définitive la Transfus Clin Biol 2001 ; 8 : 422–32
Surcharge en fer et myélodysplasies
déferoxamine quelle que soit la modalité. C’est pour cette raison et dans ces indications que la déferiprone a obtenu l’autorisation de mise sur le marché au niveau européen (le produit est commercialisé sous le nom de Ferriprox 500 mg™ par comprimé sécable) mais uniquement au cours des thalassémies en raison de l’absence de données suffisantes au cours des syndromes myélodysplasiques. L’indication au cours des thalassémies est « patients présentant une contre indication ou une toxicité majeure à la deferroxamine ». Autres chélateurs oraux En raison du risque de transformation leucémique de l’affection, aucun développement de nouveau chélateur oral n’est actuellement en cours dans les SMD. Ces développements passent obligatoirement par une phase d’étude chez des patients présentant une surcharge en fer d’autre étiologie (thalassémie). L’IRCO 11 dont les propriétés pharmaceutiques semblaient prometteuses (mobilisation préférentielle du fer issu du catabolisme des globules rouges et très bonne tolérance) a un intérêt limité en pratique clinique en raison du caractère hydrosoluble et de la faible perméabilité membranaire et de son action chélatrice faible [87]. L’HBED est une amine polyanionique, non toxique, modérément active par voie orale et qui a récemment été utilisée par voie sous-cutanée toutes les 48 heures. L’efficacité sur l’excrétion urinaire du fer semble supérieure à la déferoxamine à raison d’une injection sous cutanée unique de 150 µmol/kg par jour [88-90]. Des prodrogues de cette molécule sont actuellement en cours d’évaluation. L’ICL 670 A est un chélateur tridenté qui appartient à la famille des hydroxyphényltriazolés et représente une nouvelle classe. Une phase I a été développée par le laboratoire Novartis chez 24 patients thalassémiques confirmant l’absence d’effets secondaires graves [91]. Nous ne disposons pas des résultats de la phase II actuellement en cours. Les études sur un modèle de rat surchargé en fer montrent que le produit semble deux fois plus efficace que la deferoxamine et cinq fois plus que la défériprone en entraînant une excrétion de fer par voie fécale et par voie urinaire (résultats non publiés, données Novartis, EHA Barcelone, symposium satellite). Aucun chélateur n’est malheureusement à un stade suffisamment avancé pour espérer une utilisation clinique dans les quatre à cinq ans chez des patients atteints de syndromes myélodysplasiques. Transfus Clin Biol 2001 ; 8 : 422–32
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À terme, si la tolérance des chélateurs oraux est confirmée chez les patients atteints de SMD, il pourrait être envisagé des associations de chélation orale et souscutanée ou de plusieurs chélateurs pouvant potentialiser leurs effets et diminuer la toxicité comme cela a été récemment rapporté [92, 93]. CONCLUSION Les patients les plus exposés à la surcharge en fer sont ceux porteurs d’une anémie réfractaire, d’une anémie réfractaire sidéroblastique ou d’un syndrome 5q-, ceux ayant un bon pronostic (score pronostique international faible ou intermédiaire faible), ceux recevant plus de 100 concentrés érythrocytaires et ceux agés de moins de 70 ans. Le traitement par la déferoxamine est capable de prévenir la surcharge martiale mais il est contraignant. Il doit être commencé suffisamment tôt (en règle générale avant 20 concentrés érythrocytaires). La mesure de la ferritine sérique et la connaissance du nombre de concentrés érythrocytaires transfusés sont la plupart du temps suffisantes pour apprécier la surcharge en fer. L’intensité du traitement chélateur par la déferoxamine est adaptée en fonction de l’âge, du type de SMD, du score pronostique international, du nombre de concentrés érythrocytaires, de la mesure de la ferritine et surtout de la tolérance des patients. La découverte des protéines impliquées dans le recyclage du fer par les macrophages après destruction des globules rouges pourrait modifier à terme la prise en charge des patients vers des modalités moins contraignantes et des nouveaux chélateurs oraux. RE´FE´RENCES 1 Fenaux P. Myelodysplastic syndromes. Hematol Cell Ther 1996 ; 3 (5) : 363-80. 2 Provan P, Weatherall DJ. Red cells II : acquired anaemias and polycythaemia. Lancet 2000 ; 355 : 1260-8. 3 Greenberg P, Cox C, LeBeau MM, Fenaux P, Morel P, Sanz G, et al. International scoring system for evaluating prognosis in myelodysplastic syndromes [published erratum appears in Blood 1998 Feb 1 ; 9 (3) : 1100]. Blood 1997 ; 8 (6) : 2079-88. 4 Schafer AI, Cheron RG, Dluhy R, Cooper B, Gleason RE, Soeldner JS, et al. Clinical consequences of acquired transfusional iron overload in adults. N Engl J Med 1981 ; 30 (6) : 319-24. 5 Beris P, Samii K, Darbellay R, Zoumbos N, Tsoplou P, Kourakli A, et al. Iron overload in patients with sideroblastic anaemia is not related to the presence of the haemochromatosis Cys282Tyr and His63Asp mutations. Br J Haematol 1999 ; 10 (1) : 97-9. 6 Jensen IM, Hokland M, Hokland P. A quantitative evaluation
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