Syndrome de Guillain-Barré après traumatisme crânien grave : une cause d’échec au sevrage de la ventilation mécanique

Syndrome de Guillain-Barré après traumatisme crânien grave : une cause d’échec au sevrage de la ventilation mécanique

Pour citer cet article : Jardel S, et al. Syndrome de Guillain-Barré après traumatisme crânien grave : une cause d'échec au sevrage de la ventilation ...

89KB Sizes 7 Downloads 124 Views

Pour citer cet article : Jardel S, et al. Syndrome de Guillain-Barré après traumatisme crânien grave : une cause d'échec au sevrage de la ventilation mécanique. Anesth Reanim. (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.anrea.2015.11.003 Anesth Reanim. 2016; //: ///

Syndrome de GuillainBarré après traumatisme crânien grave : une cause d'échec au sevrage de la ventilation mécanique Guillain-Barré syndrome after severe head injury: Rare cause of ventilator weaning failure Mots clés Polyradiculonévrite aiguë, Sevrage de la ventilation mécanique, Traumatisme crânien Keywords Guillain-Barré syndrome, Ventilator weaning, Head injury Un homme de 54 ans était admis en réanimation après un traumatisme crânien dans un contexte d'alcoolisation aiguë. L'examen clinique révélait un score de Glasgow à 6, une pression artérielle systolique à 140 mmHg, une mydriase bilatérale aréactive. Le patient était placé sous assistance respiratoire dès sa prise en charge. Un traitement sédatif était débuté pour prévenir une éventuelle hypertension intracrânienne (HTIC). La tomodensitométrie cérébrale montrait des hématomes fronto-temporaux bilatéraux, une hémorragie sous-arachnoïdienne frontale et du quatrième ventricule. Il existait également deux fractures de la boîte crânienne sans embarrure, un hémosinus fronto-sphénoïdal droit et maxillaire bilatéral ainsi qu'une pneumencéphalie. L'avis neurochirurgical ne retenait pas d'indication opératoire. Le doppler transcrânien était symétrique avec des IP à 1,3, des vitesses systoliques à 95 cm/s et des vitesses diastoliques à 30 cm/s. Les traitements à visée sédative étaient arrêtés. Devant un réveil satisfaisant, le patient était extubé à j2. Une première injection vaccinale anti-pneumococcique était réalisée devant la brèche ostéoméningée. À j8, le patient avait des troubles importants de la vigilance. Une paralysie du III droit apparaissait avec mydriase, ptosis, et paralysie oculomotrice. L'ionogramme sanguin montrait des variations importantes de la natrémie (144 mmol/L à j4, 132 mmol/ L à j8). Une nouvelle tomodensitométrie cérébrale mettait en évidence une majoration de l'œdème périlésionnel, un hématome sous-dural droit avec engagement temporal. Un second avis neurochirurgical aboutissait à l'évacuation urgente de

l'hématome sous-dural aigu (j9). Le volet était immédiatement reposé devant un cerveau non tendu. Le réveil progressif du patient permettait son extubation 48 heures après la chirurgie (j11). À j13, le patient présentait des troubles de la conscience nécessitant d'être, à nouveau, placé sous ventilation mécanique. Cette dégradation neurologique était d'abord mise sur le compte d'une majoration de l'œdème cérébral avec une HTIC. Les traitements à visée sédative étaient repris. Finalement l'HTIC était infirmée par la mise en place d'un dispositif de monitorage invasif de la pression intracrânienne. Un épisode infectieux pulmonaire postopératoire était également suspecté, mais le diagnostic n'était pas retenu devant la négativité des prélèvements bactériologiques respiratoires et l'absence de foyer radiologique. Devant l'apparition d'une hyponatrémie à 126 mmol/ L, associée à une polyurie et à une natriurèse élevée chez un patient hypovolémique, le diagnostic de syndrome de perte de sel d'origine cérébrale était retenu. Un remplissage vasculaire par des solutions sodées isotoniques était débuté permettant la normalisation progressive de la volémie, puis de la natrémie (138 mmol/L à j17). À j16, devant l'absence d'HTIC, tous les traitements sédatifs étaient arrêtés. Quarante-huit heures après, le patient présentait quelques signes de réveil. Il ouvrait spontanément les yeux et l'examen clinique notait une tétraparésie. Un mutisme akinétique était évoqué devant l'étendue des lésions frontales bilatérales. Finalement, à j21, le score de Glasgow était à 6 (V4-E1-M1). Il ouvrait et fermait les yeux à la demande. Il était tétraplégique sans réflexe ostéotendineux, ni signe d'irritation pyramidale. Il existait également une paralysie diaphragmatique et chaque tentative de mise en sevrage respiratoire se soldait par des épisodes d'apnées puis l'apparition une acidose respiratoire. À partir de j24, des épisodes dysautonomiques étaient rapportés avec bradycardie profonde aux aspirations trachéales et grande labilité tensionnelle. Le patient était trachéotomisé. Une IRM cérébrale écartait une myélinolyse centropontine. Un électromyogramme (EMG) retrouvait une abolition des réponses sensitives, des vitesses de conduction motrice globalement ralenties associées à un allongement majeur des latences distales motrices témoignant d'une importante atteinte myélinique (tableau I). Une ponction lombaire retrouvait une dissociation albumino-cytologique avec une hyperprotéinorachie à 1,87 g/L et 12 GB/mm3. Le diagnostic de syndrome de Guillain-Barré était retenu devant le tableau clinique, l'hyperprotéinorachie, et l'EMG. La sérologie Campylobacter jejuni était négative de même que la recherche des anticorps

1

tome xx > n8x > xx 2016

Correspondance

en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/anrea www.sciencedirect.com

ANREA-121

Pour citer cet article : Jardel S, et al. Syndrome de Guillain-Barré après traumatisme crânien grave : une cause d'échec au sevrage de la ventilation mécanique. Anesth Reanim. (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.anrea.2015.11.003

Correspondance

S. Jardel, M. Gouttard, N. Sédillot

TABLEAU I EMG initial Latence distale (ms)

Vitesse de conduction (m/s)

Amplitude (mV)

Médian D

10,9

25,1

1,1

Onde F abolie

Ulnaire D

5,7

30,4

2,3



Tibial D

11

31s

0,7



2

anti-gangliosides. Le patient recevait des immunoglobulines intraveineuses (0,4 g/kg/j pendant 5 jours) avec une bonne tolérance. À 1 mois des perfusions d'immunoglobulines, l'examen clinique notait un déficit moteur très modéré du membre supérieur gauche, et un déficit distal des releveurs des membres inférieurs. Un second EMG retrouvait une amélioration des amplitudes et des vitesses de conduction motrice (3,9 mV et 29 m/s respectivement au médian droit), avec une diminution des latences distales motrices (7,3 ms au médian droit). Le syndrome de Guillain-Barré est une polyradiculonévrite aiguë inflammatoire dont le facteur déclenchant le plus communément admis est infectieux [1]. Le rôle de la vaccination et son impact sur la réponse immunitaire ont été discutés, sans qu'un lien statistique n'ait pu être établi [2]. Sur le plan immunologique, plusieurs concepts sont proposés comme la présence d'anticorps antigangliosides (retrouvés chez 50 % des patients), un mimétisme moléculaire avec réaction immune croisée et la formation de complexes d'attaque membranaire sur le site de dommages nerveux. D'autres facteurs déclenchants ont été exceptionnellement décrits, notamment des gestes neurochirurgicaux ou des traumatismes crâniens [2,3]. Les mécanismes physiopathologiques expliquant la survenue d'un syndrome de Guillain-Barré posttraumatique restent incertains et des atteintes de l'immunité humorale et cellulaire ont été rapportées. Des taux sériques élevés de protéine MBP (myelin basic protein) ont été mis en évidence chez le cérébrolésé. Ils induiraient la synthèse d'anticorps anti-MBP et participeraient à la destruction myélinique par mimétisme moléculaire [3]. Il existerait également, dans les suites d'un traumatisme crânien, une dysfonction de l'immunité cellulaire par dysfonction des lymphocytes T régulateurs pouvant favoriser la survenue de la polyradiculonévrite [3]. Dans le cas de notre patient, le traumatisme crânien grave, associé à une vaccination précoce, a pu déstabiliser le système immunitaire et favoriser le développement de la polyradiculonévrite. Le syndrome de Guillain-Barré est également l'une des principales causes de détresse respiratoire aiguë par paralysie des muscles respiratoires. Le recours à la ventilation mécanique est estimé à 20 % des cas [4,5] et fait habituellement suite au diagnostic. Chez notre patient, la difficulté réside dans l'évocation du diagnostic chez un malade déjà placé sous ventilation

mécanique et chez qui une étiologie centrale par mutisme akinétique peut être suspectée devant les lésions frontales diffuses à l'IRM. L'obtention rapide d'un réveil satisfaisant avec réponse aux ordres simple et l'absence d'atteinte pyramidale à l'examen clinique n'orientent pas vers une étiologie centrale. Parallèlement, l'EMG affirme l'atteinte périphérique typiquement myélinique et élimine les étiologies axonales toxiques, médicamenteuses ou alcoolique. En réanimation, la mise en évidence d'une tétraparésie à la levée de la sédation n'est pas rare. Elle peut s'accompagner d'une abolition des réflexes ostéotendineux et s'associer à des difficultés de sevrage de la ventilation mécanique sans forcément en imposer pour une polyradiculonévrite aiguë. En revanche, si ce tableau s'associe à une atteinte des paires crâniennes ou des épisodes dysautonomiques et survient dans les suites d'un traumatisme crânien ou d'un geste de neurochirurgie, il faudra évoquer le diagnostic de syndrome de Guillain-Barré. Il paraît alors judicieux de réaliser un EMG devant tout tableau neurologique périphérique inhabituel s'associant à des difficultés de sevrage de la ventilation mécanique d'autant plus s'il existe une abolition des réflexes ostéotendineux, des troubles dysautonomiques ou une atteinte des paires crâniennes. Déclaration de liens d'intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d'intérêts.

Références [1]

[2]

[3]

[4]

[5]

Eldar AH, Chapman J. Guillain Barré syndrome and other immune mediated neuropathies: diagnosis and classification. Autoimmun Rev 2014;13:525–30. http://dx.doi.org/10.1016/j.autrev.2014.01.033. Vucic S, Kiernan MC, Cornblath DR. Guillain-Barré syndrome: an update. J Clin Neurosci 2009;16:733–41. http://dx.doi.org/10.1016/j.jocn. 2008.08.033. Tan IL, Ng T, Vucic S. Severe Guillain-Barré syndrome following head trauma. J Clin Neurosci 2010;17:1452–4. http://dx.doi.org/10.1016/j. jocn.2009.11.037. A prospective study on the incidence and prognosis of Guillain-Barré syndrome in Emilia-Romagna region, Italy (1992–1993). Neurology 1997;48:214–21. Orlikowski D, Prigent H, Raphaël J-C, Sharshar T. L'insuffisance respiratoire aiguë du syndrome de Guillain-Barré et de la myasthénie autoimmune. De la détection au sevrage de la ventilation mécanique. Reanimation 2005;14:118–25. http://dx.doi.org/10.1016/j.reaurg.2004. 10.016.

tome xx > n8x > xx 2016

Pour citer cet article : Jardel S, et al. Syndrome de Guillain-Barré après traumatisme crânien grave : une cause d'échec au sevrage de la ventilation mécanique. Anesth Reanim. (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.anrea.2015.11.003

1 Centre hospitalier de Bourg-en-Bresse, service de réanimation polyvalente, 900, route de Paris, 01012 Bourg-en-Bresse, France 2 Centre hospitalier de Bourg-en-Bresse, service de neurologie, 900, route de Paris, 01012 Bourg-en-Bresse, France

Correspondance : Nicholas Sédillot, Centre hospitalier de Bourg-en-Bresse, service de réanimation polyvalente, 900, route de Paris, CS 90401, 01012 Bourg-en-Bresse, cedex, France [email protected], [email protected]

tome xx > n8x > xx 2016

Disponible sur internet le : http://dx.doi.org/10.1016/j.anrea.2015.11.003 © 2015 Société française d'anesthésie et de réanimation (Sfar). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

3

Sabine Jardel1, Michel Gouttard2, Nicholas Sédillot1

Correspondance

Syndrome de Guillain-Barré après traumatisme crânien grave : une cause d'échec au sevrage de la ventilation mécanique