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Annales Franc¸aises d’Anesthe´sie et de Re´animation 27 (2008) 850–853 http://france.elsevier.com/direct/ANNFAR/
Cas clinique
Syndrome cave supe´rieur : une cause secondaire d’e´le´vation de la pression intracraˆnienne apre`s traumatisme craˆnien grave Superior vena cava syndrome: Cause of secondary raise of intracranial pressure after traumatic brain injury I. Piteaud, L. Abdennour *, C. Icke, I. Stany, T. Lescot, L. Puybasset De´partement d’anesthe´sie-re´animation, groupe hospitalier Pitie´-Salpeˆtrie`re, AP–HP, universite´ Pierre-et-Marie-Curie (Paris 6), 47, boulevard de l’Hoˆpital, 75013 Paris, France Rec¸u le 29 avril 2008 ; accepte´ le 21 aouˆt 2008 Disponible sur Internet le 2 octobre 2008
Re´sume´ Victime d’une chute de sa hauteur, un homme de 41 ans pre´sentait un traumatisme craˆnien avec agitation majeure ne´cessitant la mise sous se´dation apre`s intubation–ventilation. Le scanner ce´re´bral retrouvait un he´matome sous-dural aigu he´misphe´rique droit avec le´ger effet de masse sur les structures me´dianes associe´ a` un œde`me diffus. Le monitorage de la pression intracraˆnienne (PIC) re´ve´lait l’existence d’une hypertension intracraˆnienne (HIC) mode´re´e a` se´ve`re bien controˆle´e par un traitement me´dical neurospe´cifique adapte´. L’alle`gement the´rapeutique e´tait amorce´ a` partir du dixie`me jour post-traumatique. La survenue d’un syndrome cave supe´rieur dans un contexte septique et une re´action inflammatoire majeure associe´s a` un cathe´te´risme veineux sous-clavier gauche e´taient responsables d’une re´ascension secondaire de la PIC en fin de deuxie`me semaine d’e´volution. La thrombose des deux veines sous-clavie`res avec extension aux deux veines jugulaires entravait le drainage veineux ce´re´bral, responsable de cette HIC secondaire. L’e´volution sous anticoagulation efficace e´tait favorable en quelques jours. La geˆne au retour veineux ce´re´bral est une cause d’HIC secondaire ou prolonge´e souvent me´connue. Elle doit eˆtre recherche´e devant la persistance ou la re´ascension tardive de la PIC, d’une persistance ou de la majoration de l’œde`me ce´re´bral, de l’apparition d’une hydroce´phalie communicante. # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. Abstract A 41-year-old male is admitted for cranial trauma, having fallen from his own height. His state of extreme agitation imposes sedation, intubation and mechanical ventilation. A CT-scan reveals acute right hemispheric subdural haematoma, with discrete midline shift, and diffuse cerebral oedema. ICP-monitoring reveals severely increased intracranial pressure, which is responsive to routine medical neuroprotective treatment. Ten days after admission, sedation and neuroprotective treatment is gradually withdrawn. At the end of the second week, a secondary ascent in ICP is observed. The presence of a right subclavian central venous line, in combination with the strong inflammatory response and septic state of the patient, has caused bilateral thrombosis of subclavian and internal jugular veins. This superior vena cava syndrome (SVCS) impedes cerebral venous drainage, thus raising ICP. Within a few days of anticoagulant therapy, SVCS resolved. Impeded cerebral venous drainage is often forgotten or ignored as a cause of secondary elevated ICP. In face of persisting or recurring raised ICP and cerebral oedema, or apparition of communicant hydrocephalus, cerebral venous drainage should be investigated. # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. Mots cle´s : Traumatisme craˆnien ; Hypertension intracraˆnienne ; Cathe´ter veineux sous-clavier ; Syndrome cave supe´rieur ; Thrombose veineuse Keywords: Cranial trauma; Intracranial pressure; Subclavian venous catheter; Superior vena cava syndrome; Venous thrombosis
* Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (L. Abdennour). 0750-7658/$ – see front matter # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. doi:10.1016/j.annfar.2008.08.002
I. Piteaud et al. / Annales Franc¸aises d’Anesthe´sie et de Re´animation 27 (2008) 850–853
1. Introduction Le controˆle de la pression intracraˆnienne (PIC) et le maintien de la perfusion ce´re´brale constituent l’essentiel des objectifs de la prise en charge du traumatise´ craˆnien grave [1– 3]. Durant la phase aigue¨, l’hypertension intracraˆnienne (HIC) est fre´quente. Selon sa se´ve´rite´ et son e´volution, elle peut conduire a` une escalade the´rapeutique par paliers successifs au bout desquels, et en cas d’e´chec, l’e´ventualite´ d’une craniectomie de´compressive peut eˆtre envisage´e sous certaines conditions [4]. Une se´dation profonde, aux effets neurophysiologiques marque´s, peut remplacer une se´dation standard initiale lorsque l’HIC n’est pas controˆle´e [5]. La normalisation de la PIC caracte´rise la fin de la phase aigue¨ et permet le sevrage progressif des the´rapeutiques neurospe´cifiques et d’amorcer un de´but de re´veil. La re´ascension secondaire de la PIC apre`s cette phase est rare. Sa survenue traduit souvent une complication justifiant une recherche e´tiologique minutieuse. Nous rapportons ici le cas d’une cause peu fre´quente d’HIC se´ve`re et prolonge´e a` la phase subaigue¨ d’un traumatisme craˆnien grave. 2. Observation Victime d’une chute de sa hauteur suite a` un malaise inexplique´, un patient de 41 ans, sans ante´ce´dent particulier, pre´sentait un traumatisme craˆnien avec perte de connaissance initiale. Le score de Glasgow initial e´tait a` 11. Devant un e´tat d’agitation extreˆme, en l’absence de tout de´ficit moteur, le patient e´tait intube´, mis sous ventilation me´canique et se´date´. Le scanner ce´re´bral re´alise´ a` l’admission re´ve´lait l’existence d’une lame d’he´matome sous-dural aigu he´misphe´rique droit avec un minime effet de masse sur les structures me´dianes (de´viation de la ligne me´diane infe´rieure a` 5 mm) et un œde`me diffus. La mise en place d’un cathe´ter de de´rivation ventriculaire externe couple´e a` la pose d’un capteur intraparenchymateux selon le protocole de notre service [6], mettait en e´vidence une HIC se´ve`re avec une PIC d’emble´e a` 45 mmHg. Le recours a` une se´dation associant midazolam (15 mg/h) et sufentanil (30 mg/h) en administration continue intraveineuse dans un premier temps, puis combine´e au propofol (200 mg/h) [6,7] dans un second temps, en plus de bolus de chlorure de sodium hypertonique a` 20 % [6] s’ave´rait peu efficace sur le controˆle de la PIC. La mise du patient en hypothermie mode´re´e a` 35 8C a` l’aide d’une couverture refroidissante (Blanketroll II. Cincinatti, E´tats-Unis)
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avec curarisation permettait le maintien d’une PIC en dessous de 20 mmHg. De`s l’admission, la stabilite´ he´modynamique ge´ne´rale et ce´re´brale e´tait assure´e par un remplissage ade´quat et l’administration continue de noradre´naline. ` 48 heures de l’admission, une pre´vention antithromboA tique par he´parine de bas poids mole´culaire e´tait de´bute´e a` la dose de 40 mg/j en administration sous-cutane´e. Les rares e´pisodes d’HIC, survenus la premie`re semaine, le plus souvent lors des soins et des mobilisations, e´taient controˆle´s par l’administration de chlorure de sodium hypertonique a` 20 % (40 ml). En fin de premie`re semaine, un cathe´ter veineux sousclavier gauche e´tait pose´ en remplacement d’un cathe´ter veineux fe´moral mis en place a` l’entre´e. Le patient e´tait, par ailleurs, traite´ pour un syndrome infectieux a` point de de´part pulmonaire. Il pre´sentait, en outre, un syndrome inflammatoire important (fibrinoge`ne : 15 g/l, plaquettes : 450 000 par millilitre, CRP : 350 mg/l). Au 14e jour de son hospitalisation, une re´ascension progressive de la PIC e´tait observe´e. Les valeurs de PIC oscillaient entre 25 et 50 mmHg. Le controˆle de cette HIC ne´cessitait le recours a` une nouvelle escalade the´rapeutique progressive a` la manie`re de celle suivie a` la phase aigue¨ mais ponctue´e cette fois par l’utilisation des barbituriques a` faibles doses. Paralle`lement, le patient de´veloppait un œde`me important au niveau de la face et du cou avec une exophtalmie bilate´rale geˆnant l’occlusion des yeux et un œde`me majeur au niveau de membres supe´rieurs et du thorax e´pargnant le reste du corps. Devant ce tableau clinique fortement e´vocateur d’un syndrome cave supe´rieur, un scanner et un angioscanner ce´re´braux et thoraciques e´taient re´alise´s. Le scanner et l’angioscanner ce´re´braux ne retrouvaient pas de nouvelles le´sions par rapport au premier scanner hormis la persistance tardive d’un œde`me ce´re´bral diffus. En revanche, l’angioscanner thoracopulmonaire retrouvait une thrombose de la veine sous-clavie`re gauche a` partir du cathe´ter veineux central s’e´tendant a` la veine sous-clavie`re droite et aux deux veines jugulaires (Fig. 1). Une anticoagulation efficace par he´parine non fractionne´e e´tait de´bute´e. L’e´volution e´tait rapidement favorable. Apre`s 72 heures de traitement, la PIC se normalisait et restait infe´rieure a` 20 mmHg, autorisant l’arreˆt des barbituriques, des curares et de l’hypothermie induite. Paralle`lement, les signes cliniques du syndrome cave supe´rieur s’amendaient comple`tement en une semaine. Ayant be´ne´ficie´ d’une trache´otomie percutane´e, trois semaines apre`s son admission et a` l’arreˆt total des se´dations, le patient se re´veillait comple`tement. Il e´tait conscient, sans de´ficit moteur.
Fig. 1. Angioscanner thoracique : les fle`ches indiquent les thromboses veineuses sous-clavie`re et jugulaire bilate´rales.
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3. Discussion Le drainage veineux ce´re´bral joue un roˆle essentiel dans le maintien de l’e´quilibre entre les diffe´rents compartiments contenus dans la boite craˆnienne. Les contraintes biome´caniques exerce´es sur le cerveau lorsque sa compliance est effondre´e peuvent eˆtre conside´rablement majore´es en cas de geˆne au retour veineux. C’est ainsi que la position proclive de la teˆte entre 15 et 308 par rapport au plan horizontal, favorisant un retour veineux ce´re´bral optimal, est pre´conise´e de fac¸on syste´matique chez les patients traumatise´s craˆniens [8]. Le de´bit sanguin veineux, a` la sortie du cerveau, est assure´ en grande partie par le re´seau veineux jugulaire et a` un degre´ moindre par le re´seau veineux verte´bral [9,10]. Toutefois en cas d’obstacle a` l’e´coulement veineux au niveau des veines jugulaires, la supple´ance assure´e par le re´seau verte´bral peut devenir insuffisante [11] et entraıˆner une stase veineuse. La position allonge´e, un collier cervical trop serre´, l’existence d’une hyperhe´mie peuvent accentuer l’engorgement veineux ce´re´bral dans ces conditions. Dans le cas rapporte´ ici, l’obstruction aussi exceptionnelle qu’inexplique´e des deux veines sous-clavie`res e´tendue aux jugulaires a entraıˆne´ une insuffisance circulatoire au niveau de l’ensemble du re´seau veineux cave supe´rieur. Le drainage veineux ce´re´bral empruntant ce re´seau n’e´tait plus assure´ de fac¸on efficace avec comme conse´quence une re´ascension de la PIC et la ne´cessite´ d’une nouvelle escalade the´rapeutique. Plusieurs cas cliniques sont rapporte´s dans la litte´rature [11]. Dans certains cas, le diagnostic n’a pu eˆtre e´tabli qu’en postmortem [12]. Cela tend a` prouver que cette cause d’HIC est souvent me´connue. Le diagnostic n’est pas toujours aise´ en raison de la variabilite´ de l’expression clinique et radiologique de cette pathologie. En effet, l’insuffisance veineuse ce´re´brale peut se traduire soit par un œde`me ce´re´bral diffus, soit par une dilatation ventriculaire, en particulier chez l’enfant [13,14], secondaire aux troubles de la re´sorption du LCR (inversion du gradient de pression entre sinus veineux et LCR). Il faut signaler que les granulations de Paccioni ne s’individualisent vraiment et ne deviennent fonctionnelles qu’apre`s l’aˆge de 18 mois. Chez l’adulte, des cas d’hydroce´phalie ont e´te´ rapporte´s au de´cours de thrombose de sinus veineux [15,16]. L’HIC be´nigne, autre manifestation de l’insuffisance du drainage veineux, ne s’accompagne classiquement d’aucune anomalie tomodensitome´trique [17]. Cette dernie`re, dont le me´canisme de l’hyperpression veineuse n’est classiquement pas d’origine thrombotique, inte´resse la circulation veineuse endocraˆnienne (ste´nose, age´ne´sie). Dans ce cas, l’œde`me papillaire est constant alors que le diagnostic n’est e´tabli de fac¸on formelle que par la mesure de la PIC. La thrombose veineuse au niveau du syste`me cave supe´rieur malgre´ son caracte`re exceptionnel, en raison de l’aspect bilate´ral des thromboses, e´tait favorise´e chez notre patient par deux facteurs essentiels. Le premier est le syndrome inflammatoire majeur qui apparaıˆt dans les suites d’un traumatisme craˆnien [18] et au cours du sepsis (infection pulmonaire) [19]. Il est a` l’origine d’un e´tat d’hypercoagulabilite´ [20], caracte´rise´ biologiquement par une hyperfibrino-
ge`nemie, une thrombocyte´mie et une augmentation de l’ensemble des facteurs de la coagulation. Le second est repre´sente´ par l’ensemble des manœuvres instrumentales au niveau des veines (jugulaires, sous-clavie`res) [21]. Il s’agit des cathe´ters veineux profonds pose´s a` des fins de perfusion ou de monitorage, a` partir desquels s’amorce le processus thrombotique. Les traumatismes cervicothoraciques sont une cause rare de survenue de syndrome cave supe´rieur [22]. Ils imposent d’emble´e une surveillance stricte, surtout lorsqu’ils sont associe´s a` un traumatisme craˆnien grave. Une anomalie de l’he´mostase a` haut potentiel thromboge`ne peut constituer un terrain favorable a` ce type de complication. Chez notre patient, le bilan de thrombose n’a malheureusement pas e´te´ re´alise´. L’anticoagulation pre´ventive, de´bute´e meˆme pre´cocement, s’est ave´re´e insuffisante et n’a pas permis d’e´viter cette complication. Il est important de signaler que le caracte`re assez spectaculaire de l’e´volution du patient paraıˆt difficile a` expliquer par la seule action de l’he´parine sur les thromboses (de´lai trop court), mais plutoˆt par un processus dans lequel s’associent tre`s probablement le retrait du cathe´ter, le de´veloppement de la circulation veineuse verte´brale, favorise´e par la position demiassise et l’arreˆt d’extension des caillots sous he´parine. Ainsi, en pre´sence d’une re´ascension secondaire de la PIC ou d’une HIC prolonge´e inexplique´e, la recherche d’un obstacle au drainage veineux ce´re´bral extra- ou endocraˆnien doit eˆtre syste´matique. L’existence d’un syndrome inflammatoire associe´ a` un cathe´te´risme veineux jugulaire ou sous-clavier constitue un facteur de risque majeur de thrombose veineuse extensive thoracocervicale. Un e´cho-Doppler veineux, voire une angiographie veineuse, sont les outils diagnostiques habituels. La disponibilite´ aujourd’hui d’appareil d’e´chographie dans les unite´s de soins intensifs et de re´animation permet un controˆle syste´matique des axes veineux profonds et des veines centrales portant un cathe´ter. La recherche d’une thrombophle´bite ce´re´brale fait appel a` l’angioscanner ou a` l’IRM. 4. Conclusion La recherche d’un obstacle au drainage veineux ce´re´bral doit eˆtre envisage´e devant toute HIC prolonge´e ou re´ascension secondaire inexplique´e de la PIC. La thrombose veineuse jugulaire bilate´rale de la veine cave supe´rieure ou des sinus intrace´re´braux reste une complication assez rare mais aux conse´quences de´sastreuses en l’absence de traitement. Une recherche syste´matique par e´chographie-Doppler chez tout patient de re´animation, en particulier avant le retrait des cathe´ters veineux, pourrait eˆtre une re`gle de bonne pratique clinique. L’anticoagulation efficace constitue l’essentiel du traitement. Re´fe´rences [1] Guidelines for the management of severe traumatic brain injury. VIII. Intracranial pressure thresholds. J Neurotrauma 2007;24(Suppl 1):S55–8. [2] Guidelines for the management of severe traumatic brain injury. IX. Cerebral perfusion thresholds. J Neurotrauma 2007;24(Suppl 1):S59–64.
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