Syndrome de Shulman de l’enfant

Syndrome de Shulman de l’enfant

Rec¸u le : 5 juillet 2011 Accepte´ le : 15 novembre 2011 Disponible en ligne 11 janvier 2012 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Imageri...

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Rec¸u le : 5 juillet 2011 Accepte´ le : 15 novembre 2011 Disponible en ligne 11 janvier 2012

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

Imagerie-Re´ponse Shulman syndrome in childhood W. Hamdia,*, M. Haouela, S. Chaabounib, M. Chelli Bouazizb, M.-M. Ghannouchia, M.-F. Ladebb, M.-M. Kchira a Service de rhumatologie, institut Kassab, Ksar Said, 2010 Tunis, Tunisie

Syndrome de Shulman de l’enfant

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Service de radiologie, institut Kassab, Ksar Said, 2010 Tunis, Tunisie

1. Question Une adolescente, aˆge´e de 15 ans, sans ante´ce´dents pathologiques notables, pre´sentait, depuis 18 mois, une tume´faction des poignets, associe´e a` une induration progressive pre´dominant dans les plans sous-cutane´s des avant-bras et des jambes et e´voluant de fac¸on centripe`te vers les bras et les cuisses, en e´pargnant les doigts et orteils. Il n’y avait ni douleur, ni fie`vre, ni syndrome de Raynaud, ni dyspne´e. L’examen physique montrait que l’induration des plans souscutane´s des avant-bras et des jambes e´pargnait la peau. On notait e´galement des placards hyperpigmente´s de la face poste´rieure de la jambe gauche et de l’avant-bras droit (fig. 1). L’examen oste´oarticulaire objectivait une synovite des 2 poignets avec limitation de leur mobilite´, une re´traction

des doigts et un flessum irre´ductible des 2 coudes a` 508. La mobilisation articulaire e´tait peu douloureuse. La nume´ration-formule sanguine e´tait normale avec des globules blancs a` 6000 e´le´ments/mm3, des lymphocytes a` 1500 e´le´ments/ mm3 et des e´osinophiles a` 100/mm3. Il existait, par ailleurs, un syndrome inflammatoire biologique avec une vitesse de se´dimentation (VS) a` 70 mm a` la 1e`re heure et une prote´ine C re´active (CRP) a` 10 mg/dL. L’e´lectrophore`se des protides montrait une hypergamma-globuline´mie polyclonale a` 20 g/L.

Figure 1. Face poste´rieure de la jambe gauche : placards hyperpigmente´s de la face poste´rieure de la jambe gauche associe´s a` une induration des plans superficiels, e´pargnant la peau.

* Auteur correspondant. Faculte´ de me´decine de Tunis, universite´ Tunis El-Manar, Tunis, Tunisie. e-mail : [email protected] 0929-693X/$ - see front matter ß 2012 Publie´ par Elsevier Masson SAS. 10.1016/j.arcped.2011.11.006 Archives de Pe´diatrie 2012;19:180-183

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Figure 2. Imagerie par re´sonance magne´tique (IRM) : coupe transversale de l’avant-bras droit en T1 avec saturation de la graisse et injection intraveineuse de gadolinium : important e´paississement des fascias profonds et superficiels (fle`ches) des fle´chisseurs communs qui sont de signal e´leve´.

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Le bilan immunologique (les facteurs rhumatoı¨des [FR], les anticorps antipeptides citrulline´s [ACPA], les anticorps antinucle´aires [AAN] et les anti-antige`nes nucle´aires solubles [anti-ENA]) e´tait ne´gatif. Les radiographies des mains, des avant-bras, des avant-pieds et des jambes e´taient sans particularite´s. L’e´chographie des mains montrait une synovite radiocarpienne gauche, ainsi que des synovites carpiennes bilate´rales et des 3e et 4e me´tacarpophalangiennes gauches avec hyperhe´mie au doppler. Une imagerie par re´sonance magne´tique (IRM) des mains et des avant-bras e´tait re´alise´e (fig. 2 et 3).

Figure 3. Imagerie par re´sonance magne´tique (IRM) : coupe transversale du poignet gauche en T1 avec saturation de la graisse et injection intraveineuse de gadolinium : e´paississement diffus avec hypersignal des gaines des tendons des extenseurs (fle`che) et des fle´chisseurs (teˆte de fle`ches) du poignet.

Quelles sont les anomalies visibles sur les coupes IRM ? Quels diagnostics e´voquez-vous ?

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W. Hamdi et al.

2. Re´ponses L’association d’une atteinte articulaire et d’une induration des plans superficiels des membres avec un trouble de la pigmentation doit faire e´voquer une fasciite a` e´osinophile ou une scle´rodermie. Toutefois, l’absence d’atteinte cutane´e des doigts, la conservation de la souplesse de certaines zones cutane´es malgre´ l’induration perc¸ue des plans plus profonds, ainsi que la ne´gativite´ du bilan immunologique, n’e´taient pas en faveur de ce second diagnostic. L’IRM des mains et des avant-bras montrait un e´paississement diffus des fascias des muscles profonds et superficiels des avant-bras, qui e´taient en hypersignal sur les se´quences T2 avec saturation de la graisse (FatSat) et un rehaussement sur les se´quences T1 FatSat apre`s injection de gadolinium. Cette fasciite, e´pargnant les corps musculaires, e´tait associe´e a` des te´nosynovites des fle´chisseurs et extenseurs ainsi qu’a` une synovite carpienne bilate´rale (fig. 2 et 3). Une biopsie cutane´omusculaire pratique´e au niveau de la face ante´rieure de l’avant-bras droit n’e´tait malheureusement pas concluante. Le diagnostic de maladie de Shulman e´tait retenu donc sur des arguments cliniques et d’imagerie (IRM). Apre`s 1 mois de corticothe´rapie a` la dose de 1 mg/kg/j, l’e´volution e´tait favorable avec re´gression du flessum des coudes de 208 et ame´lioration de la mobilite´ des doigts de 408.

3. Discussion Entite´ rare, le syndrome de Shulman peut survenir a` tout aˆge avec une fre´quence plus grande a` l’aˆge adulte vers la 4e de´cennie, sans pre´dominance de sexe. Une trentaine de cas pe´diatriques ont e´te´ rapporte´s avec un aˆge moyen de survenue supe´rieur a` 7 ans [1]. Par rapport a` la forme de l’adulte, le syndrome de Shulman de l’enfant pre´sente quelques particularite´s : pre´dominance fe´minine, atteinte musculaire concomitante, survenue possible d’un syndrome de Raynaud, he´patosple´nome´galie, faible fre´quence des arthrites (22 vs 44 %), anomalies he´matologiques, possible association a` un de´ficit en immunoglobuline A (IgA) [1,2]. Farrington et al., e´tudiant les manifestations de la maladie de Shulman chez 21 enfants, ont conclu que les manifestations articulaires e´taient rares avec une pre´dilection pour les mains comme dans notre observation [1]. Soixante-sept pour cent des patients e´voluent vers une fibrose cutane´e re´siduelle, surtout les enfants aˆge´s de moins de 7 ans et ceux ayant une forme e´tendue de la maladie. L’e´volution vers une scle´rodermie syste´mique a e´te´ rapporte´e dans 2 cas [3]. Le diagnostic positif de syndrome de Shulman repose sur des arguments cliniques, radiologiques, biologiques et antomopathologiques. L’hypere´osinophilie est un signe tre`s e´vocateur mais inconstant, observe´ dans 60 % des cas [1]. L’e´tude anatomopatlogique constitue un argument de

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poids en faveur du diagnostic, mais elle n’est pas primordiale. Elle montre un infiltrat du fascia et du tissu cellulaire sous-cutane´ essentiellement lymphoplasmocytaire et de fac¸on inconstante par des e´osinophiles [1]. Dans notre observation, le diagnostic avait e´te´ retenu sur des arguments cliniques et d’imagerie (IRM) malgre´ l’absence d’hypere´osinophilie et de signes histologiques. Dans la litte´rature, 2 observations pe´diatriques similaires ont e´te´ rapporte´es ou` la biopsie musculaire n’e´tait pas concluante et ou` le diagnostic avait e´te´ porte´ sur des arguments cliniques, biologiques et surtout sur l’IRM [4]. En effet, a` l’e´tat normal, les fascias intermusculaires pre´sentent un signal bas sur toutes les se´quences. En cas de fasciite a` e´osinophiles, l’IRM montre un e´paississement du fascia superficiel et moins fre´quemment du fascia profond avec un hypersignal sur les se´quences en T2, la se´quence d’inversion–re´cupe´ration (STIR) et apre`s injection de gadolinium tre`s e´vocateurs [4]. Les fascias des muscles extenseurs semblent eˆtre plus fre´quemment atteints que ceux des muscles fle´chisseurs [4]. Il existe une corre´lation entre l’intensite´ du signal du fascia a` l’IRM et le degre´ d’inflammation sur les coupes histologiques [4]. L’IRM apporte ainsi des e´le´ments comple´mentaires au diagnostic en l’absence de confirmation anatomopathologique [5]. Elle peut e´galement guider le geste biopsique et constituer un moyen de suivi de la re´ponse au traitement [4]. En effet, on observe une re´duction marque´e de l’intensite´ du signal a` l’IRM sous corticothe´rapie [4]. L’IRM est donc l’examen de choix pour confirmer le diagnostic de syndrome de Shulman et permet aussi de surseoir a` la biopsie musculaire, geste souvent traumatique et mal tole´re´ par les enfants. Le diagnostic diffe´rentiel se pose surtout avec la scle´rodermie syste´mique devant l’atteinte diffuse et scle´rodermiforme souvent observe´e chez les enfants [1]. Des cas de contractures douloureuses sans atteinte cutane´e pouvant mimer une myopathie ou une myosite ont e´te´ e´galement rapporte´s [3]. Le traitement du syndrome de Shulman est mal codifie´. Il repose essentiellement sur la corticothe´rapie a` des doses allant de 0,5 a` 2 mg/kg/j, avec diminution progressive de`s la constatation d’une ame´lioration clinique et biologique [2]. La dure´e du traitement est controverse´e. Dans les cas de corticore´sistance, plusieurs immunosuppresseurs ont e´te´ utilise´s chez l’adulte comme chez les enfants, tels que le me´thotrexate, les anti-TNF-a (Tumor Necrosis Factor-alpha) et le mycophe´nolate mofe´til avec des re´sultats variables [6]. Le pronostic du syndrome de Shulman est globalement bon chez l’enfant, vue la faible association a` des anomalies he´matologiques. Toutefois, le pronostic fonctionnel peut eˆtre compromis par l’e´volution fre´quente (2/3 cas) vers une fibrose, source de raideurs articulaires irre´versibles. Cette e´volution est corre´le´e a` l’aˆge infe´rieur a` 7 ans et au caracte`re diffus de la fasciite, mais pas au sexe, ni au de´lai diagnostique, ou aux parame`tres biologiques et aux traitements [1,2].

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4. Conclusion Le syndrome de Shulman est rare chez l’enfant. Il doit eˆtre e´voque´ devant toute induration scle´rodermiforme des plans superficiels des membres. Dans ce cadre, l’IRM est d’un grand apport diagnostique et permet de surseoir a` la biopsie musculaire souvent traumatique chez l’enfant.

Re´fe´rences [1]

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De´claration d’inte´reˆts Les auteurs de´clarent ne pas avoir de conflits d’inte´reˆts en relation avec cet article.

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Farrington ML, Haas JE, Nazar-Stewart V, et al. Eosinophilic fasciitis in children frequently progresses to scleroderma-like cutaneous fibrosis. J Rheumatol 1993;20:128–32. Kahn MF. Maladies et syndromes syste´miques. Paris: Flammarion; 2000. Bodemer C, Belon M, Hamel-Teillac D, et al. Scleroderma in children: a retrospective study of 70 cases. Ann Dermatol Venereol 1999;126:691–4. Moulton SJ, Kransdorf MJ, Ginsburg W, et al. Eosinophilic fasciitis: spectrum of MRI findings. AJR 2005;184:975–8. Ronneberger M, Janka R, Schett G, et al. Can MRI substitute for biopsy in eosinophilic fasciitis? Ann Rheum Dis 2009;68:1651–2. Loupasakis K, Derk CT. Eosinophilic fasciitis in a pediatric patient. J Clin Rheumatol 2010;16:129–31.

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