Syndrome du marteau hypoténarien

Syndrome du marteau hypoténarien

© Masson, Paris, 2004 Arch. mal. prof., 2004, 65, n° 7-8, 590-600 MISE AU POINT Syndrome du marteau hypoténarien À propos d’un cas chez un solier c...

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© Masson, Paris, 2004

Arch. mal. prof., 2004, 65, n° 7-8, 590-600

MISE AU POINT

Syndrome du marteau hypoténarien À propos d’un cas chez un solier carreleur D. ACH-BENSA (1), P.J. RÉGNARD (2) (1) Association interprofessionnelle de santé au travail de Côte d’Or, 96 ter avenue Victor Hugo, 21000 Dijon (2) SOS main, Clinique de Fontaine, 1 chemin des Créots, 21121 Fontaine-lès-Dijon.

SUMMARY: Hammer syndrome: a case in a floor tile-layer

RÉSUMÉ

Aim of the study The hammer syndrome is a vascular acrosyndrome of the upper limb, occurring in people using their hypothenar eminence as a hammer during their occupations or entertainments. Considering these traumatisms, the ulnar artery can thrombose or distend to form an aneurism. We report the case of a bilateral thrombosed aneurism of the ulnar artery in a floor tile-layer. Observation The early detection, the medical and technical preventions and the modes of identification confront us with a problem. The Doppler highlights the two aneurisms. The arteriography confirms the diagnosis. These arthropathies are regarded as not very frequent in the general population, but their prevalence is probably underestimated because of the absence of specificity of the clinical signs and of the inconstant character of the clinical repercussion of ulnar arterial thrombosis. The building professions are particularly exposed. This attack is generally unilateral and concerns the dominant hand. Some observations of bilateral attack have been described in the medical literature, in ambidexters, and also when the activity requires the intervention of the both hands at the same time or in an alternative way. The same observation can be made concerning sport. Conclusion A systematic realisation, in the course of a consultation, of the test of Allen in the exposed employees and a more frequent prescription of a Doppler arterial echography of the upper limb would constitute a fundamental progress in the early detection of this pathology. Prevention must be privileged; in priority, the search and the use of individual protection equipments must become more extensive.

But de l’étude Le syndrome du marteau hypothénar est un acrosyndrome vasculaire du membre supérieur, survenant chez des personnes utilisant, au cours de leurs activités professionnelles et/ou récréatives, leur éminence hypothénar comme marteau. Compte tenu de ces traumatismes, l’artère ulnaire peut se thromboser, où se dilater pour former un anévrisme. Nous rapportons un cas d’anévrisme thrombosé de l’artère ulnaire, bilatéral, chez un solier carreleur. Observation Le problème quant au dépistage précoce, à la prévention médicale et technique, et aux modalités de reconnaissance est réel. L’échodoppler réalisé met en évidence les deux anévrismes. L’artériographie confirme le diagnostic. Ces artériopathies sont considérées comme une affection peu fréquente dans la population générale, mais leur prévalence est probablement sous-estimée, en raison de l’absence de spécificité des signes cliniques et du caractère inconstant du retentissement clinique de la thrombose artérielle ulnaire. Les professionnels du bâtiment sont tout particulièrement exposés. Cette atteinte est généralement unilatérale, touchant la main dominante. Quelques observations d’atteinte bilatérale ont été décrites dans la littérature, chez les sujets ambidextres, et également lorsque l’activité nécessite l’intervention des deux mains en même temps ou de façon alternante. Le même constat peut être fait au niveau du sport. Conclusion La réalisation systématique en consultation du test d’Allen chez les salariés exposés et la prescription plus large de l’échographie Doppler artérielle des membres supérieurs constitueraient un progrès fondamental dans le dépistage précoce de cette pathologie. La prévention est à privilégier en priorité. La recherche et l’utilisation d’équipements de protection individuelle doivent prendre de l’ampleur.

Bien que les lésions des mains soient fréquentes dans les activités professionnelles, l’anévrisme artériel est rarement rapporté. Les anévrismes de l’artère ulnaire (cubitale) sont les plus fréquents à la main. Ils surviennent dans les portions exposées de l’artère, à sa sortie du canal de Guyon, dans une zone où elle n’est pas recouverte par l’aponévrose palmaire (34). L’artère est alors sous-cutanée et repose sur l’hamatum (os crochu). Les chocs répétés sur l’éminence hypothénar lorsqu’on utilise cette partie de la main comme mar-

teau ont valu à ce syndrome le nom de syndrome du marteau hypothénarien ou syndrome de hammer (5). La première description clinique précise de l’anévrisme professionnel de l’arcade palmaire superficielle revient à J. Regnault en 1913, chez un second maître cannonier (26). S. Von Rosen fut le premier à faire une description du syndrome consécutif à un traumatisme de la région hypothénarienne en 1934, chez un ouvrier de 23 ans, frappant régulièrement une barre métallique avec la paume de la main pour desserrer des vis (37).

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Le diagnostic est plus facilement évoqué devant cette artériopathie unilatérale, le plus souvent sur la main dominante, chez un patient ayant des activités récréatives ou professionnelles soumettant la région hypothénarienne à des traumatismes répétés. Ce diagnostic est souvent tardif et nécessite dans la plupart des cas une cure chirurgicale par pontage (3, 8, 16). Cette pathologie est inscrite au tableau des maladies professionnelles du régime général no 69 depuis 1991 et à celui de la mutualité sociale agricole no 29 depuis 1993. Nous rapportons un nouveau cas d’anévrisme thrombosé de l’artère ulnaire, bilatéral, chez un solier carreleur, sans antécédents particuliers ; le problème quant au dépistage précoce, à la prévention médicale et technique, et aux modalités de reconnaissance est réel.

CAS CLINIQUE Mr P.C., 37 ans, gaucher, consulte pour une symptomatologie à type de phénomène de Raynaud prédominant à droite, au niveau du 5e doigt, depuis 3 mois. Le patient ne prend pas de vasoconstricteurs, n’a pas d’antécédents familiaux de syndrome ou phénomène de Raynaud, il est carreleur mosaïste et solier depuis 21 ans. La NFS, la VS, les plaquettes et l’électrophorèse des protéines sériques sont normales, ni cholestérol, ni diabète. La recherche d’agglutinines froides est négative. Pas de localisation d’athérome connue. Aucun traitement actuellement. Comme facteurs de risque artériel, on note une consommation tabagique de 22 paquets/année. Il ne pratique pas d’activité récréative ou sportive pouvant être source de microtraumatismes. Pas de notion de syndrome de Raynaud, pas d’allergies solaires ni engelures dans l’enfance. Pas d’hypertension artérielle. Les 2 pouls radiaux sont symétriques, un test d’Allen est pathologique à droite et à gauche avec retard à la recoloration du territoire ulnaire plus marqué à droite. Il existe un signe de Tinel modéré de façon bilatérale. Il n’existe pas de trouble trophique de la pulpe des doigts, pas de circulation veineuse collatérale thoracique ou périscapulaire visible ; pas de souffle vasculaire perçu. L’échodoppler réalisé met en évidence une dysplasie de l’artère ulnaire droite débutant au pli du poignet sur 7 centimètres de long environ, avec anévrisme thrombosé (4,3 mm de diamètre alors que l’ulnaire au-dessus du poignet mesure 2,1 mm) en regard de l’éminence hypothénar. Il existe également un anévrisme limité de l’artère ulnaire gauche à l’éminence hypothénar, partiellement thrombosé. La capillaroscopie périunguéale effectuée sur 8 doigts à la température ambiante de 20q C montre des capillaires de répartition homogène, grêles sur leurs deux versants,

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sans mégacapillaire visible sur les plages explorées, le courant sanguin présente un discret effet de sludge, les plexus veineux sous-papillaires ne sont pas vus, le fond est de coloration normale, les hémorragies de type traumatique sont peu nombreuses. Au total, il s’agit d’une ischémie de l’auriculaire droit par embole probable à partir de l’anévrisme thrombosé de l’artère ulnaire droite ; anévrisme partiellement thrombosé de l’ulnaire gauche à l’éminence hypothénar. L’artériographie par ponction humérale droite confirme le diagnostic d’oblitération des 2 anévrismes ulnaires droit et gauche avec précision sur la hauteur et constat de pauvreté de la vascularisation digitale (Fig. 1 et 2). Un traitement chirurgical est indiqué, l’anévrisme est réséqué (7 cm) et la réparation artérielle est effectuée par un pontage. Ablation des fils et de l’attelle 10 jours plus tard. Une cure chirurgicale controlatérale est réalisée environ 2 mois plus tard, même type d’intervention. Succès des deux interventions avec disparition de la symptomatologie clinique, le patient a pu reprendre une activité professionnelle adaptée, 6 mois après le premier pontage, avec certaines précautions compte tenu de l’amincissement cutané engendré par la mise au repos des mains et moyennant les conseils de prudence habituels chez tout salarié porteur de ces antécédents pathologiques. Un certificat de déclaration de maladie professionnelle est rédigé. Etude des gestes professionnels des soliers La littérature concernant le syndrome de hammer développé aux dépens du métier de solier étant extrêmement limitée, nous nous sommes déplacés afin de pouvoir constater les gestes incriminés. Nous nous sommes donc rendus dans un centre de formation professionnelle pour adultes (AFPA) qui gère l’enseignement des soliers moquettistes. Avec l’aide des enseignants, du médecin du travail responsable de la section et des apprentis, nous avons individualisé deux gestes effectués de façon quasi permanente par les opérateurs et potentiellement responsables de cette pathologie. Les autres gestes sont occasionnels et probablement difficilement responsables de la genèse du syndrome du marteau hypothénar. Le grattage Il nécessite un rasoir à sols ou scrappeur (Fig. 3), ce geste consiste à gratter les résidus de colle, d’enduit adhérent ou de scotch sur le sol une fois le revêtement arraché afin d’avoir une surface lisse, apte à recevoir un nouveau revêtement. Cet outil est également utilisé pour aider à décoller le revêtement

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1 2 Fig. 1 et 2. — Artériographie mettant en évidence les lésions.

si l’adhérence au sol est importante. La manipulation de l’outil sera alors superposable à l’activité précédente. Le manche est saisi à la manière d’un marteau puis l’outil est utilisé comme une raclette que l’on utiliserait sur un pare-brise pour enlever le gel, cependant l’opérateur est à genoux et utilise le poids

du corps pour forcer sur l’instrument qui va racler le sol d’avant en arrière par à-coups brutaux (Fig. 4). Ces gestes brusques et répétés engendrent ainsi à chaque mobilisation un impact au niveau de la loge hypothénarienne. La photo du scrappeur trouvé sur place, mettant en évidence un glissement du manche

3 4 Fig. 3. — Rasoir à sol.

Fig. 4. — Le grattage.

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protecteur en caoutchouc le long du manche en métal, en est une bonne illustration. Il est possible actuellement de trouver sur le marché quelques manches ergonomiques avec un renflement médian qui permet une préhension avec une surface plus importante de la main. Certains opérateurs conscients du traumatisme généré par cet outil prennent l’habitude de couvrir le manche de moquette afin d’obtenir un maintien plus confortable et un moindre traumatisme. Le maroufflage Nécessite une cale de liège à maroufler. Cet instrument est une plaque de liège de 12 cm sur 30, d’environ 2 cm d’épaisseur. Elle est maintenue par les deux mains, et chacune des extrémités repose ou est calée sur la loge hypothénarienne (Fig. 5). L’opérateur appuie sur cette cale en la faisant glisser d’avant en arrière afin d’évacuer les bulles d’air situées entre le revêtement et la colle. Là encore l’opérateur utilise le poids de son corps (qu’il déplace à droite ou à gauche en fonction de l’angle de la pièce dans lequel il se trouve), de façon plus ou moins soutenue, selon la résistance et l’épaisseur du revêtement qu’il utilise. Pour cette tâche, il n’existe pas de protection individuelle particulière. Compte tenu de son objectif, ce geste n’est pas effectué de façon préférentielle par la main dominante, mais par les deux mains en règle générale. La situation de l’opérateur dans les angles des pièces ou escaliers le fera forcer à droite ou à gauche. Les autres gestes, ponctuels ou occasionnels La pose de certains revêtements dans les angles se réalise par à-coups ou pression avec la tranche de la main, l’utilisation de la main droite ou de la main

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gauche est ici aussi variable en fonction de l’angle de la pièce dans lequel on se trouve. Les deux mains sont donc utilisées là-encore en alternance. Le dernier mode opératoire potentiellement coupable que l’on peut observer de façon moins fréquente est la pose de sols sur des marches intégrales et les marches mixtes comportant un nez de marche. Cet exercice nécessite une pression importante des deux mains sur l’une et l’autre des deux loges de façon alternante. Les bandes d’accroche qui étaient auparavant fixées avec des clous pour la pose de moquette tendue sont beaucoup moins fréquentes. Physiopathologie Les traumatismes représentent la première cause des anévrismes de l’artère ulnaire. Il peut s’agir, soit de plaies génératrices de faux anévrismes, soit de contusions. Ces dernières peuvent être uniques (dues par exemple à une chute en hyperextension sur la main), mais aussi répétées (consécutive à des microtraumatismes). Ainsi, du point de vue physiopathologique, il existe deux sortes d’anévrismes de l’artère ulnaire : — le faux anévrisme, d’aspect sacciforme, le plus souvent secondaire à un traumatisme unique ; — le vrai anévrisme est en revanche d’aspect fusiforme, et il est présent en cas de traumatismes répétés de la paroi artérielle. De fait, différents auteurs ont noté à l’examen anatomopathologique des modifications localisées au niveau de la média et de l’intima. En effet, la média est amincie, en outre, l’intima présente un épaississement (5). Par ailleurs, les raisons pour lesquelles certains patients porteurs d’un syndrome du marteau hypothénar développent préférentiellement des anévrismes et d’autre des thromboses n’ont pas été déterminées jusqu’alors. S. Von Rosen à supposé, de même que J. Conn et al., que les traumatismes de l’intima induisaient des thromboses tandis que les traumatismes de la média entraînaient des anévrismes (5, 37). Historique

Fig. 5. — Le marouflage du sol.

C. Guattani nous rapporte en 1772 la première observation d’anévrisme post-traumatique de l’artère ulnaire chez un cocher de fiacre à Rome (10). En 1905 A. Morestin décrit un anévrysme de l’arcade palmaire superficielle de même que D. Robinson en 1912. En 1913, R. Rastouil rapporte un cas consécutif à un traumatisme sans plaie. La première description clinique précise de l’anévrisme professionnel de l’arcade palmaire superficielle revient à J. Regnault, en 1913, chez un second maître canonnier (26). D. Middleton met en cause, en 1933, une pathologie

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professionnelle. C. Leriche propose en 1937 l’excision du segment atteint comme principal traitement. En 1965, A. Kleinert prône la reconstruction artérielle par suture ou par greffe. S. Von Rosen, qui fut le premier à décrire la thrombose de l’artère ulnaire, pensait que la lésion de la média artérielle provoquait un anévrisme tandis que celle de l’intima était responsable d’une thrombose (37). Ce fut J. Conn en 1970 qui parla le premier d’hypotenar hammer syndrome (Syndrome du marteau hypothénarien) et insista sur l’origine professionnelle des troubles (5). Apparition du syndrome du marteau au tableau no 69 des maladies professionnelles en novembre 1991 et au tableau no 29 du régime agricole en 1993.

GÉNÉRALITÉS Depuis, l’anévrisme de l’artère ulnaire a été observé dans différentes activités sportives et professionnelles où la main est sujette à des impacts traumatiques répétés au niveau de l’éminence hypothénar (14, 21, 22, 28). Effectivement, nous avons vu que l’artère ulnaire dans sa portion distale est très vulnérable aux traumatismes. Tous les auteurs ne sont pas d’accord, certains pensent que des traumatismes répétés sont volontiers responsables de lésions intimales isolées sources de thrombose, alors qu’un traumatisme unique sévère entraîne une rupture des différentes tuniques artérielles aboutissant alors à un anévrisme, d’autres soutiennent la thèse inverse (24, 38). L’éventualité d’une pathologie artérielle sous-jacente est également évoquée par certains lors de signes bilatéraux à l’imagerie, révoquée par d’autres (9, 29). La thèse de l’hyperplasie préexistante de la média est très discutée. Ainsi peut-on retrouver dans la littérature tous les aspects lésionnels. Maladie professionnelle La maladie du marteau est reconnue, depuis 1991 par le régime général de la Sécurité sociale, et depuis 1993 par le régime agricole, comme maladie professionnelle apparentée aux artériopathies des vibrations. Dès lors, le bénéfice d’un reclassement professionnel et d’une indemnisation est aujourd’hui possible pour les victimes de la maladie du marteau hypothénar. Cependant, la demande de réparation nécessite trois conditions nécessaires et suffisantes permettant de bénéficier de la présomption d’origine légale des maladies professionnelles : — un délai de prise en charge d’1 an, — une exposition au risque de 5 ans, — une angiographie objectivant un anévrisme et/ou une thrombose de l’artère ulnaire ou de l’arcade palmaire superficielle.

Épidémiologie Les artériopathies d’origine professionnelle, prédominant en règle générale aux membres supérieurs, s’expriment, le plus souvent, par un phénomène de Raynaud, et se compliquent parfois de gangrènes digitales (12). Le syndrome du marteau hypothénar est la seconde cause de survenue de phénomènes de Raynaud d’origine professionnelle, après la maladie des vibrations (7, 12). S’il est classiquement considéré comme une affection peu fréquente dans la population générale, sa prévalence est en fait probablement sous-estimée, en raison notamment de l’absence de spécificité des signes cliniques et du caractère inconstant du retentissement clinique de la thrombose artérielle ulnaire. Ainsi, J. Little et D. Ferguson ont détecté, grâce à l’utilisation systématique du doppler, sur une étude comportant soixante-dix-neuf ouvriers de l’industrie automobile exposés aux traumatismes répétés de l’artère ulnaire, une thrombose ulnaire asymptomatique chez onze sujets (14 % des cas) (18). Le terrain

Activités professionnelles La topographie des lésions artérielles traumatiques de la main apparaît peu spécifique de telle ou telle profession ou de tel sport ; toutefois, on peut retenir : le syndrome du marteau hypothénar apparaît essentiellement chez les sujets exerçant des professions manuelles au cours desquelles ils sont amenés à utiliser la paume de leurs mains comme un marteau (9). C’est la raison pour laquelle les professionnels du bâtiment sont tout particulièrement exposés, mais aussi les menuisiers, charpentiers, les métallurgistes, les mécaniciens, les travailleurs agricoles, les jardiniers, les ouvriers forestiers, parfois les camionneurs (utilisation itérative du levier de vitesse), les maçons, les peintres, les sculpteurs (2, 7, 8, 35, 36, 39). C’est l’artère ulnaire de la main dominante qui est généralement traumatisée (27, 28). Mais comme nous le décrivent certains articles, il peut exister une gestuelle occasionnant une utilisation traumatisante bilatérale des loges hypothénar (plaquistes, moquettistes…), engendrant un développement bilatéral de cette pathologie (39). La durée d’exposition au risque est en général longue, de l’ordre de cinq à dix ans.

Activités de loisirs Si les traumatismes de l’artère ulnaire surviennent, le plus souvent, au décours d’activités de loisirs effectuées régulièrement, elles peuvent également être la conséquence d’un traumatisme unique occasionné par la pratique d’un sport. De nombreuses équipes ont

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rapporté des observations d’occlusion de l’artère ulnaire chez des sujets pratiquant plus particulièrement certaines activités sportives. Il s’agit des karaté, judo, base-ball, handball, frisbee, badminton, golf, tennis, squash, VTT (1, 5, 17, 19, 21, 22, 27, 30, 35). Dans ces différents cas, la thrombose de l’artère ulnaire était secondaire : — soit à un mécanisme traumatique habituel, induit par des impacts répétés au niveau de l’éminence hypothénar ; — soit à un mécanisme atypique, responsable de l’interposition de l’artère ulnaire entre un plan dur (poignée de vélo, bêches) et l’apophyse unciforme de l’hamatum (os crochu) (7, 27). De plus, L. Muller et al., dans une revue de la littérature englobant des patients porteurs d’un syndrome du marteau provoqué par les activités sportives, ont noté les symptômes révélateurs de la maladie ainsi que l’évolution sous traitement des manifestations cliniques (21, 22). Ces auteurs soulignent que le facteur déclenchant du syndrome du marteau hypothénar est représenté par des traumatismes itératifs de l’artère ulnaires dans 83 % des cas. Autres facteurs favorisants

Le tabac Il semble exister une association entre le tabagisme et le syndrome du marteau hypothénar. Ainsi l’intoxication tabagique pourrait constituer un facteur de risque supplémentaire de cette affection, car quasiment constamment rapportée chez les patients.

Les particularités anatomiques Une arcade superficielle complète a été retrouvée dans seulement 78 % des cas sur 650 mains autopsiées (25). Existence d’une particularité musculaire au niveau de la loge de Guyon, comprimant l’artère et ralentissant le flux sanguin (3, 21, 22).

Le sexe Le syndrome du marteau hypothénar atteint de manière préférentielle les sujets de sexe masculin, avec un pourcentage d’homme de l’ordre de 90 % (5, 35, 39). Les facteurs professionnels expliquent, probablement en grande partie, la prépondérance masculine de cette pathologie. Une caractéristique du syndrome du marteau hypothénar est sa survenue chez les hommes jeunes. C. Pineda et al., ont constaté dans une série de 53 patients, une moyenne d’âge de 43,2 ans (25). Différents autres résultats publiés dans la revue de la littérature révèlent un âge des sujets atteints compris entre 40 et 49,8 ans (5, 18, 35).

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Tableaux cliniques Ce sont habituellement des douleurs, des troubles vasomoteurs tels que l’intolérance au froid, un phénomène de Raynaud, qui révèlent l’affection (4, 14). Plus rarement, il s’agit de troubles trophiques, voire de l’existence d’une tuméfaction visible ou palpable de la paume de la main (34). Le plus souvent, les manifestations cliniques sont unilatérales, touchant la main régulièrement exposée au traumatisme (8, 36, 39). Cependant, quelques observations d’atteinte bilatérale ont été décrites dans la littérature, notamment chez les sujets ambidextres, et également lorsque le mode opératoire des patients nécessite l’intervention des deux mains en même temps ou de façon alternante (18, 25, 39). Le même constat peut être fait au niveau du sport (1, 27). À l’examen, il peut exister seulement une sensibilité anormale sur le trajet de l’artère cubitale à la main, voire des signes d’irritation nerveuse à type de paresthésies, d’engourdissements et de douleurs par compression, parfois concernant uniquement le 5e doigt (13). Les pouls radial et cubital sont généralement palpés. Les doigts apparaissent le plus souvent normaux avec une coloration pulpaire conservée. Dans tous les cas, l’interrogatoire du patient doit rechercher l’existence de traumatismes hypothénariens ; ceux-ci sont généralement itératifs ou, de manière plus inhabituelle, occasionnels. Certains signes révélateurs doivent attirer l’attention du praticien afin de prévenir la principale complication de cette affection : la nécrose digitale. En cas d’embolie digitale peuvent apparaître une hémorragie sous-unguéale, une ulcération, ou même une gangrène. Les symptômes inauguraux du syndrome du marteau hypothénar peuvent être d’intensité variable (2, 5, 7, 8, 9, 25, 36). En effet, ils sont divers et peuvent être représentés par : — un phénomène de Raynaud non compliqué de troubles trophiques, unilatéral et d’apparition insidieuse, révélant la lésion (7) ; — une ischémie brutale, intéressant préférentiellement les deux derniers doigts de la main ; — une ischémie subaiguë, marquée par des paresthésies, une pâleur, un refroidissement des deux ou trois derniers doigts de la main. La branche sensitive du nerf ulnaire étant à proximité de l’artère, des troubles sensitifs peuvent compléter le tableau. Dans ce cas, c’est la thrombose artérielle et le tissu fibreux péri-artériel qui provoquent une compression de la branche sensitive du nerf ulnaire. De fait, Pineda et al., dans une analyse de la littérature colligeant 53 syndromes du marteau hypothénar, ont répertorié les caractéristiques cliniques de ces patients. Il s’agissait de sensation de froid (43 %), douleur digitale (41,5 %), paresthésies (30 %), cya-

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nose (24,5 %), pâleurs digitales (24,5 %), ulcère digital (19 %), aggravation des symptômes à l’exposition au froid (15 %), phénomène de Raynaud se traduisant par des phases asphyxiques et cyaniques isolées (11 %), hémorragie sous-unguéale (9 %), gangrènes digitales (2 %) (25). L’examen clinique L’interrogatoire doit rechercher des traumatismes répétés propres à l’exercice de certaines professions (soliers, carreleurs…), à la pratique de certains sports (VTT, golf, tennis…), de certains loisirs, (bricolage, bois…), ou une contusion unique et sévère de la paume de la main, voire une chute sur la paume en hyperextension (judo, hockey). Les données anamnestiques et cliniques, le caractère unilatéral, l’atteinte de la main dominante doivent faire évoquer le diagnostic de syndrome du marteau hypothénar. En outre, l’examen clinique peut apporter des arguments diagnostiques complémentaires ; ainsi il peut mettre en évidence des anomalies en faveur d’un syndrome du marteau hypothénar, telles que : • une tuméfaction de l’éminence hypothénar, tendue et douloureuse à la palpation, correspondant à un anévrisme localisé de la partie terminale de l’artère ulnaire. La découverte d’une masse tendue et douloureuse de l’éminence hypothénar est de grande valeur diagnostique chez les patients porteurs d’un syndrome du marteau hypothénar. En fonction du volume de l’anévrisme, peuvent s’associer des signes d’irritation du nerf ulnaire. Il importe surtout d’apprécier l’intensité et l’étendue de l’ischémie digitale, qui constituent des éléments de discussion thérapeutique et de reclassement professionnel ; • une sensibilité sur le trajet de l’artère ulnaire est le témoin d’une lésion pariétale ou d’une thrombose récente. L’examen clinique doit être complété par la manœuvre d’Allen, qui est particulièrement intéressante (32). En effet, elle a pour but de rechercher une obstruction des artères digitales, de l’arcade palmaire ou de la partie distale des artères radiale et ulnaire. Elle consiste à décolorer la main par plusieurs flexions-extensions des doigts alors que les artères ulnaire et radiale sont comprimées. Le retard de recoloration d’un ou de plusieurs des derniers doigts de la main lors de la levée de la compression de l’artère cubitale est en faveur d’une obstruction de celle-ci ou de l’arcade et des artères digitales qui en dépendent. Une thrombose dans le territoire de la radiale se manifeste par une absence de recoloration des premiers doigts de la main lors de la levée de la compression de cette artère. Si elle est souvent positive, la manœuvre d’Allen n’est pas spécifique ; en effet, elle

peut-être positive du fait d’un spasme artériel ou d’une hyperextension du poignet (7). En revanche, les faux négatifs sont rares et surviennent lors de l’existence d’une circulation collatérale développée. Le test d’Allen, rapide et facile, est important à utiliser en consultation (2, 32). Le problème majeur est donc le fait que ces anévrismes peuvent longtemps passer inaperçus et ne se révéler qu’à l’occasion d’une thrombose, où le patient présente alors une sub-ischémie chronique de la main, stade auquel la chirurgie est habituellement incontournable. Toutefois, dans une étude regroupant 53 syndromes du marteau hypothénar, C. Pineda et al. ont décrit les données de l’examen clinique des patients ; ils ont constaté la présence d’une masse hypothénarienne dans 19 % des cas, une zone hypothénar douloureuse dans 19% des cas, une manœuvre d’Allen positive dans 70 % des cas (25). Enfin et surtout, l’examen clinique vérifie la normalité des autres territoires artériels, c’est-à-dire l’absence d’étiologie artérioscléreuse, athéromateuse ou inflammatoire. Explorations Les examens complémentaires paracliniques et biologiques sont indispensables pour conforter le diagnostic de syndrome du marteau hypothénar et éliminer une pathologie associée. Longtemps l’artériographie a dominé les investigations des pathologies vasculaires de la main. Ceci est moins vrai actuellement et des techniques non invasives comme l’échographie et le Doppler peuvent parfois suffire à leur diagnostic. L’échographie doppler artérielle des membres supérieurs L’échographie doppler artérielle montre un intérêt grandissant et mérite d’être réalisée par un opérateur expérimenté en raison du petit calibre des artères (31). Cette pathologie est rare et les opérateurs expérimentés semblent malheureusement faire encore un peu défaut. Cet examen non invasif et parfaitement indolore peut mettre en évidence les modifications du parallélisme de l’artère, et une modification du flux au doppler s’il existe une thrombose. Même s’il est relativement facile de suivre l’artère ulnaire dans son trajet palmaire et au niveau du poignet, il semble difficile d’en déduire que tous les anévrismes artériels post-traumatiques de l’artère ulnaire puissent être visualisés par l’échographie doppler (6). Cependant, cet examen apparaît comme une exploration non invasive, simple et reproductible, pouvant être proposée comme complément indispensable de l’examen clinique chez un patient suspect d’un syndrome du

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marteau hypothénar, à condition qu’il soit réalisé par un opérateur expérimenté (6). L’examen sera systématiquement bilatéral et explorera également les artères collatérales digitales et l’efficacité de la collatéralité par l’arcade palmaire superficielle. Les données de la littérature donnent l’échographie doppler contributive dans environ 60 % des cas (mise en évidence d’une thrombose de l’artère ulnaire ou encore d’un anévrisme ulnaire ainsi que d’un anévrisme thrombosé). Toutefois un tel bilan peut être jugé insuffisant par certains.

Toutefois, l’artériographie, compte tenu des risques qui en découlent, n’est pratiquée par certains auteurs que si un acte chirurgical est envisagé chez les patients.

L’artériographie

L’imagerie par résonance magnétique

Pour certaines équipes, l’exploration par l’échographie doppler ne rend plus nécessaire l’opacification des artères du membre supérieur par l’artériographie, qui pourrait être ainsi réservée aux patients pour lesquels : — les données ultrasonographiques sont insuffisantes ou discordantes ; — une aggravation des signes cliniques d’ischémie digitale est observée en l’absence d’explications échographiques ; — une reconnaissance de maladie professionnelle est envisagée. Toutefois, l’artériographie demeure, à l’heure actuelle, l’examen de choix pour le diagnostic du syndrome du marteau hypothénar (6). Elle est devenue de moins en moins agressive grâce à la mise au point de matériels de ponction peu traumatisants, de produits de contraste non douloureux et de procédés de numérisation. Ainsi, entre les mains d’un opérateur entraîné, c’est un examen de réalisation simple, rapide, pouvant être réalisé en pré-opératoire. Ceci explique qu’elle conserve encore de nombreuses indications. Elle est de toute façon le seul examen capable de fournir une cartographie précise des artères de la main, document indispensable au chirurgien ou au radiologiste d’intervention. Ainsi, l’artériographie est réalisée par ponction fémorale ou humérale (25, 35) ; elle va permettre d’identifier, de manière précoce, les anomalies traduisant l’existence d’un syndrome du marteau hypothénar par : — la mise en évidence d’un diagnostic lésionnel précis au niveau de l’artère ulnaire ; — la visualisation du retentissement sur le réseau d’aval (embolies distales) ; — la détection du caractère fonctionnel ou non de l’arcade palmaire superficielle. Par ailleurs, l’artériographie permet d’éliminer la présence de lésions sur les autres axes (sous-claviers, axillaires, huméral, radial) susceptibles de provoquer une ischémie digitale, et secondaires à d’autres pathologies.

Malgré l’intérêt de l’imagerie par résonance magnétique dans les pathologies vasculaires, il est impossible de remplacer le doppler artériel et l’artériographie des membres supérieurs par cette dernière, en raison de la difficulté de visualiser le flux sanguin par cette méthode. D’autres examens pourront être pratiqués, afin d’éliminer une autre pathologie sous-jacente, susceptible d’engendrer un acrosyndrome et/ou des nécroses digitales. La biologie est systématique, elle comportera, en fonction de l’orientation diagnostique, un bilan minimum composé de : NFS plaquettes, VS, cholestérol total, TG, glycémie, agglutinines froides, électrophorèse des protéines sériques.

La pléthysmographie La pléthysmographie est un examen d’intérêt limité, dans le cadre du diagnostic étiologique du syndrome du marteau hypothénar, du fait de son manque de sensibilité (9).

Traitement

Traitement étiologique Le traitement étiologique est le meilleur moyen d’obtenir une régression des signes ischémiques localisés et d’éviter toute récidive du syndrome du marteau hypothénar. Ainsi, il doit être spécifique de la lésion causale : c’est pourquoi, au cours du syndrome du marteau hypothénar, il est nécessaire d’obtenir l’éviction complète des traumatismes par : — un arrêt de la profession et/ou des activités sportives incriminées ; — une modification des gestes professionnels, voire si nécessaire un reclassement professionnel… D’autres mesures peuvent également être utiles, et notamment il semble licite d’améliorer l’équipement visant à protéger les sujets victimes des traumatismes de l’éminence hypothénar par le port de gants. L’information et la prévention sont fondamentales.

Traitement symptomatique Le traitement symptomatique fait appel au traitement médical, seul ou complété par un traitement chirurgical dont les indications dépendent des aspects lésionnels visualisés par l’artériographie.

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Traitement médical Il est variable en fonction de la sévérité de l’atteinte digitale (35). Le traitement local : — repose essentiellement sur des soins locaux quotidiens. Le traitement général conservateur : — fait appel principalement à l’utilisation de vasodilatateurs, d’antiagrégants plaquettaires, de perfusions de macromolécules.

Traitement chirurgical Le traitement est fonction des lésions artérielles, de leur topographie et des symptômes qu’elles entraînent (27). — Les lésions anévrismales justifient un traitement chirurgical compte tenu de la gravité potentielle des complications emboligènes. — Les lésions occlusives de l’artère ulnaire peuvent justifier le rétablissement de la continuité par greffe veineuse si les signes ischémiques persistent. Celles des artères collatérales relèvent du traitement médical (vasodilatateurs). L’indication chirurgicale reste controversée, à l’heure actuelle, en raison du manque de données anatomiques évolutives de cette chirurgie.

d’emboles distaux). Par conséquent, le problème n’est pas tant celui du repérage des patients à risque que celui de la connaissance de la pathologie, de son dépistage clinique à un stade débutant et la prescription, en cas de positivité, d’un examen paraclinique fiable. Le test d’Allen, décrit précédemment, rapide et facile, pourrait être plus systématiquement utilisé en consultation chez les salariés exposés (2, 32). Cette manœuvre, d’une grande simplicité, permettrait de dépister davantage de pathologies à un stade précoce. L’échographie et le doppler, non invasifs, facilement accessibles, permettent, avec un opérateur entraîné, comme nous l’avons vu précédemment, un descriptif détaillé et précis des lésions. L’éventualité d’une prédisposition vasculaire à type d’hyperplasie de la média ne fait pas l’unanimité dans la littérature et ne pourrait faire l’objet d’un examen particulier en vue d’un dépistage lors des visites d’embauche, le rôle du médecin du travail n’étant en aucun cas de pratiquer une médecine de sélection. Une plus ample connaissance de cette pathologie en médecine du travail permettrait une meilleure formation et information des victimes potentielles, ce qui aboutirait certainement à une vigilance accentuée quant aux gestes les plus incriminés, une éventuelle modification ou éviction de ces gestes, une adaptation des techniques opératoires des professions, sports ou loisirs les plus exposés, et un autodépistage des signes précoces.

Dépistage, prévention médicale Nous sommes en principe en mesure de cerner en santé au travail les populations susceptibles d’être victimes de cette pathologie. Connaître les professions à risque ne semble pas être le handicap majeur des médecins du travail ; pourtant notre revue de la littérature met en évidence un diagnostic en général trop tardif, qui doit nous amener à davantage de vigilance et de méthode dans la recherche de ce syndrome (13). Doit-on attribuer ce retard diagnostic à une méconnaissance de cette pathologie ? Les médecins du travail sont-ils suffisamment informés et sensibilisés aux signes évocateurs et aux manifestations du syndrome du marteau ? Le syndrome de Raynaud, souvent atypique par l’absence des 3 phases de changement de couleur, ou les paresthésies isolées du 5e doigt devraient alerter le clinicien (4). L’ignorance de cette pathologie rend probablement l’interrogatoire et l’examen clinique incomplets, rares étant les praticiens dont la recherche du signe d’Allen fait partie de l’examen clinique systématique. Nous savons que la vascularisation collatérale se développe parallèlement et proportionnellement à la lésion vasculaire, d’où une pathologie d’installation insidieuse, parfois quasi-muette cliniquement, habituellement révélée par une de ses complications (à type de thromboses et

Prévention technique La notion de fragilité de l’artère ulnaire, bien connue au niveau de la loge hypothénar à sa sortie du canal de Guyon, parfaitement décrite en anatomie, et la connaissance du syndrome du marteau nous donnent tous les arguments nécessaires à une réflexion, non seulement portée sur la gestuelle de l’opérateur, mais aussi sur le port renforcé des équipements de protection individuelle (gants), leur amélioration et la création d’outils à manches ou poignées ergonomiques moins traumatisants pour cette région. Les gants utilisés pourraient être renforcés au niveau de la loge hypothénar à l’aide de cuir, de silicone ou autre, au risque de réduire la sensibilité fine, d’aggraver leur inconfort, et de rendre leur utilisation probablement encore plus intermitent. Quant à la gestuelle, peut-elle être modifiée sans gêner le travail de l’opérateur ? Un autre obstacle, plutôt d’ordre idéologique, s’est présenté à nous lors des entretiens que nous avons eus avec les soliers et de façon identique avec un grand nombre de professionnels du bâtiment. Nous comprenons bien les contraintes liées aux équipements de protection individuelle : E.P.I ; le sigle à lui seul est déjà dissuasif, et son développement peu incitatif :

SYNDROME DU MARTEAU HYPOTÉNARIEN

E) entrave, encombrement ; P) prothèse, professionnel ; I) comme inconfortable, incommode, inadapté. L’obligation d’une protection pèse quotidiennement, quand le risque est perçu comme lointain. Depuis les analyses de P. Bourdieu sur les clivages sociaux, être un manuel n’est déjà pas une sinécure, être féminisé par des « précautions de coquette » n’entre pas toujours volontiers dans les moeurs d’un solier carreleur.

Modalités de reconnaissance Le syndrome du marteau hypothénarien est reconnu au titre des maladies professionnelles aux tableaux no 69 du régime général et 29 du régime agricole. Le bénéfice d’un reclassement professionnel et d’une indemnisation sont donc possibles pour les victimes. Nous avons vu que cette demande de réparation nécessitait trois conditions nécessaires et suffisantes permettant de bénéficier de la présomption légale des maladies professionnelles : — un délai de prise en charge d’1 an, — une exposition au risque de 5 ans, — une angiographie objectivant un anévrisme et/ou une thrombose de l’artère ulnaire ou de l’arcade palmaire superficielle. L’exigence d’une artériographie pourrait, compte tenu des données de la littérature concernant l’échographie Doppler, ne plus être une nécessité et se limiter aux diagnostics discutables. La modification des conditions de travail n’est pas possible dans tous les cas. Toutefois, certains patients pour lesquels un aménagement professionnel est impossible peuvent bénéficier d’un reclassement professionnel.

CONCLUSION En définitive, le syndrome du marteau hypothénar est une affection classiquement considérée comme peu fréquente, sa prévalence étant probablement sous-estimée. C’est un acrosyndrome vasculaire du membre supérieur, survenant chez les personnes utilisant, au cours de leurs activités professionnelles et/ou récréatives, leur éminence hypothénar comme marteau. En effet, l’artère ulnaire, en aval du canal de Guyon, est particulièrement vulnérable du fait de sa situation entre le plan cutané de l’éminence hypothénar et les plans osseux des os pisiforme et hamatum. De fait, en raison de ces microtraumatismes, en règle générale itératifs, engendrant des altérations de la paroi vasculaire, l’artère ulnaire peut se thromboser ou être le siège d’un anévrisme. Les données de la littérature soulignent la gravité potentielle du syn-

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drome du marteau hypothénar s’il existe un retard à la prise en charge thérapeutique, la principale complication évolutive étant la nécrose pulpaire puis digitale (embolisation distale pourvoyeuse d’ischémie digitale aiguë). La réalisation systématique en consultation du test d’Allen chez les salariés exposés, ainsi que la prescription plus large de l’échographie Doppler artérielle des membres supérieurs, constitueraient un progrès fondamental dans le dépistage précoce de cette pathologie, même si l’artériographie demeure encore souvent, à l’heure actuelle, l’examen de diagnostic de choix. La prévention est en conséquence à privilégier en priorité, de meilleures informations et la formation des médecins et des patients contribueraient non seulement à un dépistage plus précoce de cette pathologie, mais aussi à une attitude probablement différente quant aux modes opératoires et à l’utilisation de l’éminence hypothénar comme marteau. La recherche et l’utilisation d’équipements de protection individuelle doivent prendre de l’ampleur. Le syndrome du marteau hypothénarien est reconnu au titre des maladies professionnelles aux tableaux no 69 du régime général et 29 du régime agricole. RÉFÉRENCES [1] Applegate K.E., Spiegel P.K. : Ulnar artery occlusion in mountain bikers: A report of two cases. J Sports Med Phys Fitness, 1995, 35, 232-234. [2] Cantero J. : Le syndrome hypothénarien du marteau. À propos de deux cas. Ann Chir Main, 1987, 6, 303-306. [3] Carneiriao R.S., Mann R.J. : Occlusion of the ulnar artery associated with anomalous muscle: a case report. J Hand Surg, 1979, 4, 412-414. [4] Cooke R.A. : Hypothenar hammer syndrome: a discrete syndrome to be distinguished from hand-arm vibration syndrome. Occup Med (Lond), 2003 Aug, 53, 320-324. [5] Conn Jr J., Bergan J.I., Bell J.L. : Hypothenar hammer syndrome post-traumatic digital ischemia. Surgery, 1970, 68, 1122-1128. [6] De Faucal P., Planchon B., Dupas B., Dupas A., Geraut P. : Value of echography in the diagnosis of post traumatic pathology of the ulnar artery, in manual workers. J Mal Vasc, 1991, 16, 9-12. [7] Denoël C., Collignon L., Dardenne C.B., Clanet M., Verhelle N., Heymans O., Carlier A. : Le syndrome du marteau. Rev Méd Liège, 2001, 56, 830-834. [8] De Monaco D., Fritsche E., Rigoni G., Schlunke S., Von Wartburg U. : Hypothenar hammer syndrome. Retrospective study of nine cases. J Hand Surg [Br], 1999 Dec, 24, 731-734. [9] Ferris B.L., Taylor L.M. Jr, Oyama K., McLafferty R.B., Edwards J.M., Moneta G.L., Porter J.M. : Hypothenar hammer syndrome: proposed etiology. J Vasc Surg, 2000, 31, 104-113. [10] Guattani C. : De externis aneurysmatibus manuchirurgica methodece peretractandis. Rome, 1772. [11] Grégoire R., Oberlin S. : Précis d’anatomie 9e édition. Éditions J.B.Baillière : 1973.

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