G Model
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Cas clinique
Syndrome he´molytique et ure´mique atypique confondu avec un syndrome de Goodpasture : a` propos d’un cas Atypic hemolytic uremic syndrome taken for Goodpasture’s syndrome: A case report Marie Bourgault a,*, Damien Sarret a, Pierre Isnard a, Marion Rabant b, Jacques Labaye a a b
Service de ne´phrologie, hoˆpital d’instruction des arme´es du Val-de-Graˆce, 74, boulevard Port-Royal, 75005 Paris, France Service d’anatomopathologie, hoˆpital Necker, 149, rue de Se`vres, 75015 Paris, France
I N F O A R T I C L E
R E´ S U M E´
Historique de l’article : Rec¸u le 9 fe´vrier 2015 Accepte´ le 16 mai 2015 Disponible sur Internet le xxx
Nous pre´sentons le cas d’un patient souffrant d’un syndrome he´molytique et ure´mique idiopathique avec he´morragie intra-alve´olaire inaugurale. Le tableau clinique et la positivite´ des anticorps antimembrane basale glome´rulaire sont compatibles avec un syndrome de Goodpasture au de´but de la prise en charge. La biopsie re´nale permet de rectifier le diagnostic. Une re´cupe´ration partielle de la fonction re´nale est possible graˆce a` une prise en charge spe´cifique et a` l’administration d’e´culizumab. ß 2015 Association Socie´te´ de ne´phrologie. Publie´ par Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.
Mots cle´s : Anticorps anti-MBG E´changes plasmatiques E´culizumab He´morragie intra-alve´olaire Syndrome he´molytique et ure´mique atypique Syndrome pneumo-re´nal
A B S T R A C T
Keywords: Anti-GBM antibodies Atypical hemolytic uremic syndrome Eculizumab Intra-alveolar hemorrhage Plasma exchange Pneumo-renal syndrome
We report the case of a patient suffering from atypical hemolytic uremic syndrome with inaugural intraalveolar hemorrhage. Clinical features and detection of circulating anti-glomerular basal membrane antibodies first raise the possibility of a Goodpasture syndrome. Renal biopsy allows to correct the diagnosis. Partial remission is obtained thanks to specific care and eculizumab infusions. ß 2015 Association Socie´te´ de ne´phrologie. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
1. Abre´viations ANCA EP MBG MO PTT SHU
anticorps anti-cytoplasmiques anti-neutrophiles e´changes plasmatiques membrane basale glome´rulaire microscopie optique purpura thrombotique thrombocytope´nique syndrome he´molytique et ure´mique
* Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (M. Bourgault).
2. Introduction L’he´morragie intra-alve´olaire est une complication grave et potentiellement mortelle des syndromes pneumore´naux. Devant un syndrome pneumore´nal, on e´voque rapidement la possibilite´ d’une maladie des anticorps (Ac) anti-membrane basale glome´rulaire (MBG), d’une vascularite a` anticorps anti-cytoplasmiques anti-neutrophiles (ANCA), d’un syndrome des anticorps antiphospholipides ou encore d’une vascularite a` complexes immuns. La micro-angiopathie thrombotique, repre´sente´e par le purpura thrombotique thrombocytope´nique (PTT) et le syndrome he´molytique et ure´mique (SHU), e´pargne les poumons dans la grande majorite´ des cas. Il s’agit d’une le´sion de l’endothe´lium des petites arte´rioles et des capillaires arte´riolaires entraıˆnant la formation d’agre´gats plaquettaires et de thromboses, a` l’origine d’une
http://dx.doi.org/10.1016/j.nephro.2015.05.002 1769-7255/ß 2015 Association Socie´te´ de ne´phrologie. Publie´ par Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.
Pour citer cet article : Bourgault M, et al. Syndrome he´molytique et ure´mique atypique confondu avec un syndrome de Goodpasture : a` propos d’un cas. Ne´phrol ther (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.nephro.2015.05.002
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thrombope´nie de consommation et d’une ane´mie he´molytique par fragmentation des he´maties dans les vaisseaux le´se´s. Nous pre´sentons le cas d’un patient souffrant d’un SHU atypique avec he´morragie intra-alve´olaire inaugurale. La pre´sentation clinique et la positivite´ des Ac anti-MBG sont compatibles avec un syndrome de Goodpasture au de´but de la prise en charge. Ce cas illustre une nouvelle fois les difficulte´s diagnostiques que peut poser le SHU atypique, tant les pre´sentations cliniques sont varie´es. Il rappelle l’importance de l’analyse histologique re´nale, seul moyen de poser un diagnostic de certitude dont l’enjeu est la mise en place rapide d’un traitement spe´cifique adapte´.
des protides a` 49 g/L ; une albumine a` 17 g/L ; une CRP a` 218 mg/L ; une procalcitonine ne´gative ; une ferritine a` 3000 ; une he´moglobine a` 10,4 g/dL (VGM 87) ; des re´ticulocytes a` 29 000/mm3 ; des globules blancs a` 9630/mm3 ; des plaquettes a` 181 000/mm3 ; des schizocytes a` 0,2 % ; une haptoglobine a` 2,68 g/L.
3. Observation Un homme aˆge´ de 63 ans est admis en re´animation pour insuffisance re´nale aigue¨. Ses ante´ce´dents comportent une ne´oplasie testiculaire traite´e chirurgicalement il y a 20 ans, une dyslipide´mie et une hyperurice´mie traite´es, une ste´atose he´patique, une arte´riopathie oblite´rante des membres infe´rieurs (AOMI) stade 2 et une bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) sous bronchodilatateur de longue dure´e d’action. On note un tabagisme a` 60 paquets-anne´e (PA) sevre´ il y a 2 ans et une exoge´nose. Il n’y a pas d’ante´ce´dents familiaux notables. L’histoire est marque´e par l’apparition d’une asthe´nie et de douleurs late´rothoraciques dyspne´isantes majore´es a` l’effort, avec notion de frissons et pics fe´briles sans toux depuis 5 jours. Le patient consulte dans un SAU : la cre´atinine est chiffre´e a` 94 mmol/ L avant re´alisation d’un scanner injecte´ qui permet d’e´liminer une embolie pulmonaire et met en e´vidence des condensations apicales bilate´rales. Le patient est traite´ par amoxicilline-acide clavulanique a` domicile. Il est re´adresse´ 6 jours apre`s pour hypotension arte´rielle et oligo-anurie e´voluant depuis 4 jours dans un contexte d’intole´rance alimentaire totale et de vomissements. Le bilan retrouve une cre´atinine a` 1300 mmol/L et une ure´e a` 48 mmol/L. Il n’y a pas d’obstacle ni de syndrome occlusif sur le scanner abdominal. Le patient est he´modialyse´ dans un service de re´animation et be´ne´ficie d’un remplissage massif et d’une courte mise sous amines qui ne permet pas de reprise de diure`se. Il est secondairement transfe´re´ en ne´phrologie, compte tenu d’un e´tat clinique stable. A` l’admission, le patient est apyre´tique, la pression arte´rielle est a` 130/80 mmHg, la fre´quence cardiaque a` 105 bpm et la saturation a` 93 % en air ambiant. La diure`se est nulle, le patient est sonde´. Il pre´sente une dyspne´e de repos. L’examen est peu contributif en dehors d’une auscultation spastique avec sibilants diffus et cre´pitants des bases. 3.1. Premiers examens comple´mentaires et diagnostic initial Le bilan biologique (dialyse la veille) retrouve (Tableau 1) : une cre´atinine a` 664 mmol/L ; une ure´e a` 20 mmol/L ; Tableau 1 E´volution de la fonction re´nale et des parame`tres biologiques de micro-angiopathie thrombotique avant le diagnostic anatomopathologique. j1/ SAU
j6/ SAU
j7/ j8/ re´animation re´animation
Cre´atinine (mmol/L) 96 1334 1340 Plaquettes 96 94 221 3 ( 10 /mL) 14,5 13,3 11,6 Hg (g/dL) LDH (UI/L) 510 613 Haptoglobine (g/L) Schizocytes (%)
j9/ ne´phrologie
761 (dialyse´) 664 (dialyse´) 118 181 10,8 1160
10,4 1349 2,68 0,2
Le bilan he´patique est perturbe´ : ASAT 4 N, ALAT 2 N, GGT 174, PAL 118, LDH 1349 UI/L, bilirubine totale a` 33 mmol/L (0–20), bilirubine conjugue´e a` 20 mmol/L (0–5), TP 70 %, TCA 40 sec. La troponine est ne´gative. Les se´rologies virales pour le VHB, le VHC et le VIH sont ne´gatives. L’e´lectrophore`se des prote´ines se´riques retrouve un profil inflammatoire et une hypogammaglobuline´mie mode´re´e associe´e a` la pre´sence d’un pic monoclonal de faible intensite´ de type IgG kappa quantifie´ a` 2,4 g/L. Le bilan immunologique demande´ en urgence retrouve une ne´gativite´ des facteurs antinucle´aires, ANCA et anticorps antiphospholipides, et un comple´ment normal. Les Ac anti-MBG reviennent positifs a` 40,9 (N < 20) en Elisa, faisant suspecter un syndrome de Goodpasture. Un nouveau scanner objective une majoration des plages en verre de´poli et des condensations parenchymateuses pre´dominant au lobe supe´rieur droit. Le lavage broncho-alve´olaire met en e´vidence macroscopiquement un lavage he´morragique et des stigmates d’he´morragie intra-alve´olaire importantes en microscopie optique (MO), avec un score de Golde a` 119. Le patient be´ne´ficie a` 48 h de son admission de 3 boli de solume´drol a` la dose de 1 g/j, avec un relai par corticothe´rapie orale a` 1 mg/kg, associe´s a` 3 e´changes plasmatiques a` l’albumine. 3.2. Diagnostic de´finitif Une ponction biopsie re´nale est effectue´e par voie transjugulaire. L’examen anatomopathologique, re´alise´ sur 8 glome´rules en MO, met en e´vidence l’absence de prolife´ration extracapillaire, des glome´rules pathologiques d’aspect ische´mique, des cellules inflammatoires au sein des capillaires glome´rulaires avec des images de thrombose aux poˆles vasculaires et une image de ne´crose fibrinoı¨de d’une arte´riole pre´glome´rulaire. Il n’est pas observe´ de francs doubles contours mais des aspects de cellules endothe´liales turgescentes dans les capillaires glome´rulaires. Le secteur tubulo-interstitiel est tre`s alte´re´, avec une ne´crose tubulaire aigue¨ se´ve`re, des zones de ne´crose ische´mique et de suffusions he´morragiques. Il s’y associe des le´sions vasculaires chroniques se´ve`res sur les arte´rioles. L’immunofluorescence ne retrouve pas de de´poˆts line´aires d’IgG sur la membrane basale glome´rulaire, l’anticorps antifibrine fixe sur les thrombi (Fig. 1–3). Ceci permet de re´futer avec certitude le diagnostic de ne´phropathie a` Ac anti-MBG. L’aspect est en faveur d’une micro-angiopathie thrombotique. L’IRM re´nale objective des lacunes ische´miques diffuses (parenchymes crible´s de lacunes en hyposignal non rehausse´es par l’injection de gadolinium), avec une e´paisseur corticale conserve´e et l’absence d’anomalie morphologique des axes vasculaires. Le comple´ment de bilan met en e´vidence une recherche de shiga toxines ne´gative sur selles et un mye´logramme qui objective un syndrome mye´lodysplasique de type cytope´nie re´fractaire avec dysplasie multiligne´e, sans exce`s de blastes. Le caryotype est
Pour citer cet article : Bourgault M, et al. Syndrome he´molytique et ure´mique atypique confondu avec un syndrome de Goodpasture : a` propos d’un cas. Ne´phrol ther (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.nephro.2015.05.002
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normal. L’activite´ ADAMTS 13 est dose´e a` 12 % avant le de´but des EP et 13 % sur un controˆle apre`s. Il n’est pas retrouve´ d’IgG antiADAMTS 13. Il n’y a pas de le´sion hyperme´tabolique au TEP-TDM. Les explorations du comple´ment effectue´es sur des e´chantillons pre´leve´s apre`s le de´but des EP retrouvent un CH 50 % abaisse´ a` 48 %, un C3 abaisse´ a` 615 mg/L (N 660–1250) et un C4 normal. Les dosages antige´niques des prote´ines implique´es dans la re´gulation de l’activation de la voie alterne du comple´ment (facteurs H, I et CD46) sont normaux. Des e´tudes ge´ne´tiques sont effectue´es secondairement : aucune anomalie n’est mise en e´vidence sur l’ensemble des exons des ge`nes des facteurs H, I et CD46, n’excluant pas une participation ge´ne´tique. 3.3. E´volution sous traitement
Fig. 1. Volumineuses thromboses au poˆle vasculaire des 2 glome´rules. Les lumie`res des capillaires glome´rulaires sont obstrue´es par des thrombi constitue´s d’he´maties agglutine´es, des polynucle´aires, des thrombi plaquettaires ou fibrineux. Pre´sence de suffusions he´morragiques dans le secteur tubulo-interstitiel. Trichrome vert de Masson ( 200).
Apre`s connaissance du diagnostic de micro-angiopathie thrombotique, les e´changes plasmatiques (EP) sont poursuivis quotidiennement avec du plasma frais congele´ (40 mL/kg/j), puis toutes les 48 heures (10 EP sur 14 jours). L’e´volution initiale est marque´e par l’absence de nouvelle manifestation d’he´morragie intra-alve´olaire et une reprise de diure`se. La cre´atinine est stable en plateau a` 600 mmol/L a` l’arreˆt des dialyses. Les diffe´rents examens pratique´s font retenir le diagnostic de SHU atypique, sporadique, dont le facteur de´clenchant pourrait eˆtre, sans certitude, une infection des voies respiratoires. Il existe une indication de traitement par e´culizumab (anticorps monoclonal humanise´ qui cible la prote´ine C5 du comple´ment et inhibe l’activation non controˆle´e de la voie terminale du comple´ment). La premie`re perfusion est re´alise´e a` 38 jours de la biopsie re´nale, apre`s information du patient, vaccination contre le me´ningocoque et antibioprophylaxie par oracilline a` poursuivre au long cours. Le traitement est parfaitement tole´re´ et poursuivi selon le sche´ma habituel (une perfusion de 900 mg toutes les semaines pendant 4 semaines, puis une perfusion de 1200 mg tous les 15 jours). L’ame´lioration initiale de la fonction re´nale, probablement en raison de la re´cupe´ration naturelle des le´sions de ne´crose ische´mique se´ve`re, se poursuit sous anti-C5, avec une cre´atinine´mie a` 274 mmol/L a` 4 semaines du traitement et a` 245 mmol/L (DFG 23 mL/min/1,73 m2) a` un an.
4. Discussion Fig. 2. Volumineuse thrombose au poˆle vasculaire. Coloration argentique (200).
Fig. 3. Fixation de l’anticorps sur les thrombi de fibrine intraglome´rulaires et arte´riolaires. Immunofluorescence avec l’anticorps anti-fibrine.
La pre´sentation de ce cas nous a paru inte´ressante et didactique sur plusieurs points. Tout d’abord, soulignons la fausse positivite´ des anticorps antiMBG qui a induit un premier diagnostic errone´. Une e´tude re´cente, re´alise´e a` partir d’une cohorte de 11 patients pre´sentant un syndrome de Goodpasture et d’une cohorte de 14 te´moins atteints de maladie auto-immune, a rapporte´ une sensibilite´ de 100 % et une spe´cificite´ variant entre 92 et 100 % en comparant 5 coffrets de de´tection des anticorps anti-MBG par Elisa (dont l’antige`ne cible est la chaıˆne alfa 3 du collage`ne IV) [1]. Ces donne´es ont confirme´ les re´sultats d’une e´tude ante´rieure [2]. Le cas que nous rapportons nous rappelle de rester me´fiants vis-a`-vis des se´rologies malgre´ une valeur de spe´cificite´ excellente, y compris lorsque le tableau clinique est tout a` fait compatible. Seule l’analyse histologique confirme le diagnostic et la biopsie re´nale reveˆt donc un caracte`re d’urgence au meˆme titre que la mise en place du traitement spe´cifique, l’un de´pendant de l’autre. Ne´anmoins, syndrome de Goodpasture et micro-angiopathie thrombotique ne sont pas des diagnostics exclusifs et plusieurs observations ont rapporte´ une maladie des anticorps anti-MBG associe´e a` des le´sions de micro-angiopathie thrombotique a` l’examen anatomopathologique. Celles-ci e´taient pre´sentes chez
Pour citer cet article : Bourgault M, et al. Syndrome he´molytique et ure´mique atypique confondu avec un syndrome de Goodpasture : a` propos d’un cas. Ne´phrol ther (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.nephro.2015.05.002
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6 patients sur 12 dans une e´tude ancienne et certains patients (6 sur 12 e´galement) pre´sentaient les signes biologiques d’une ane´mie he´molytique me´canique [3]. Cette association serait lie´e aux le´sions endothe´liales induites par la glome´rulone´phrite ne´crosante a` croissants, elles-meˆmes a` l’origine du de´clenchement de la micro-angiopathie thrombotique [4,5]. L’apparition d’un PTT par de´ficit en ADAMTS 13 acquis documente´ chez un patient atteint d’un syndrome de Goodpasture a re´cemment e´te´ de´crite, e´voquant l’implication de me´canismes immunologiques associe´s [6]. La survenue d’une glome´rulone´phrite a` anticorps anti-MBG chez une patiente dont la fille a pre´sente´ un syndrome he´molytique et ure´mique atypique du post-partum permet e´galement de sugge´rer l’existence de ge`nes de susceptibilite´ communs, non identifie´s a` ce jour, entre ces deux maladies [7]. Ensuite, le cas rapporte´ illustre la pauvrete´ des signes biologiques de micro-angiopathie thrombotique qui concourt a` rendre le diagnostic de SHU parfois difficile. Dans le cas que nous pre´sentons, il existe une thrombope´nie relativement mode´re´e en re´animation, qui n’est pas retrouve´e sur le bilan d’admission en ne´phrologie (mais il existe une baisse de plus de 25 % par rapport a` la premie`re valeur connue). L’ane´mie, non re´ge´ne´rative, est facilement mise sur le compte du syndrome inflammatoire majeur. L’e´le´vation des LDH, bien que significative, est d’abord associe´e a` une cytolyse he´patique et elle peut eˆtre rapporte´e, a posteriori, aux le´sions ische´miques re´nales. Il y a peu d’arguments par ailleurs pour une he´molyse avec un rapport bilirubine libre/total a` 40 %, une haptoglobine e´leve´e et un taux de schizocytes infe´rieur a` 1 %, donc non significatif. Ne´anmoins, il est de´sormais admis que la thrombope´nie n’est plus ne´cessaire pour porter le diagnostic de SHU atypique, car absente initialement chez 16 et 21 % des patients adultes souffrant d’un SHU atypique dans deux e´tudes [8,9]. Dans la dernie`re e´tude, un des patients est rentre´ dans la maladie par un syndrome ne´phrotique sans thrombope´nie ni he´molyse biologique, le tableau de MAT complet n’apparaissant que 4 semaines apre`s. Un autre cas de micro-angiopathie thrombotique a e´te´ rapporte´ avec une atteinte clinique (he´morragie intra-alve´olaire et insuffisance re´nale) et anatomopathologique re´nale pre´ce´dant de 7 jours l’apparition des signes biologiques d’he´molyse me´canique intravasculaire [10]. Et l’on peut rappeler que les signes biologiques de MAT sont parfois absents dans les micro-angiopathies thrombotiques re´nales pures induites par les anti-VEGF notamment [11]. L’absence de thrombope´nie initiale peut faire retarder le diagnostic alors qu’elle n’est pas corre´le´e a` un meilleur pronostic re´nal. Il est recommande´ de tenir compte de l’absence d’ame´lioration significative de la fonction re´nale et non de l’e´volution des plaquettes et des LDH apre`s 5 EP pour juger d’une re´sistance aux EP et porter l’indication d’un traitement par e´culizumab [9]. Enfin, si l’atteinte pulmonaire a de´ja` e´te´ rapporte´e dans la pathologie de micro-angiopathie thrombotique au sens large, celle-ci reste peu fre´quente et tre`s peu de´crite dans le SHU idiopathique. L’he´morragie intra-alve´olaire est le reflet de la perte de l’inte´grite´ de la barrie`re capillaire pulmonaire. On distingue deux me´canismes principalement a` son origine [12] : l’augmentation de la pression veineuse capillaire, qui entraıˆne une fuite des he´maties du lit capillaire pulmonaire vers la lumie`re alve´olaire (maladie mitrale, de´faillance cardiaque gauche prolonge´e et maladie veino-occlusive par exemple) ; l’alte´ration pathologique de la paroi des capillaires, constate´e dans de nombreux syndromes le´sionnels pulmonaires, inflammatoires, immunologiques, toxiques ou infectieux. Dans la micro-angiopathie thrombotique, la le´sion endothe´liale responsable d’une adhe´sion des plaquettes et de la formation de thrombi hyalins conduit a` une augmentation de la perme´abilite´ a`
l’origine d’un œde`me pulmonaire non cardioge´nique. Un œde`me pulmonaire cardioge´nique en rapport avec des microthrombi vasculaires myocardiques et une de´faillance cardiaque gauche peut parfois se surajouter. Le relargage de me´diateurs vaso-actifs (histamine, kinines, se´rotonine) avec les thromboses a e´galement e´te´ avance´ comme pouvant jouer un roˆle dans les changements de perme´abilite´ vasculaire. La de´faillance respiratoire re´sulte d’un œde`me pulmonaire non cardioge´nique, cardioge´nique et du saignement intrapulmonaire [13]. L’atteinte pulmonaire a e´te´ de´crite dans les SHU typiques a` Escherichia coli, se´cre´teurs de shiga toxine [14–16], ainsi que dans les SHU secondaires aux ne´oplasies [17] et a` leur traitement (avec la mitomycine [18] notamment). L’atteinte pulmonaire associe´e a` la de´faillance re´nale a e´galement e´te´ rapporte´e dans les PTT [19], soulignant la ne´cessite´ d’inte´grer les PTT dans les diagnostics diffe´rentiels des syndromes pneumo-re´naux. Certains agents infectieux (Haemophilus influenza, Legionella pneumophila, Streptococcus pneumoniae, CMV, VIH) et certaines maladies autoimmunes avec le lupus e´rythe´mateux syste´mique notamment [20–22] peuvent eˆtre implique´s. Re´cemment, a e´te´ rapporte´ le cas d’un homme aˆge´ de 47 ans pre´sentant un syndrome pneumo-re´nal sur micro-angiopathie thrombotique, dont l’atteinte he´matologique et pulmonaire a e´te´ traite´e avec succe`s par une longue se´rie d’EP. Celle-ci n’a, en revanche, pas permis de re´cupe´ration de la fonction re´nale. Le me´canisme suspecte´ est la pre´sence d’anticorps anti-ADAMTS 13, bien que le titre de l’article sugge`re un SHU atypique, mais aucune e´tude de l’activite´ ADAMTS 13 ni du comple´ment n’avait pu eˆtre re´alise´e pour confirmer le diagnostic e´tiologique [23]. Dans la se´rie franc¸aise de Fremeaux-Bacchi et al. [8] portant sur 214 patients, dont 89 enfants atteints de SHU atypiques, il est fait mention de seulement 2 cas d’he´morragies intra-alve´olaires chez des enfants. Les autres atteintes extrare´nales comportent l’atteinte neurologique dans 16 % des cas, la pancre´atite dans 7 % des cas, l’he´patite dans 6 % des cas, la de´faillance multivisce´rale dans 3 % des cas et la pe´ricardite dans 1 % des cas. Les atteintes extrare´nales chez l’adulte en dehors de l’atteinte neurologique (pre´sente dans 8 % des cas) ne sont pas pre´cise´es. 5. Conclusion Ce cas incite donc a` e´voquer, devant tout syndrome pneumore´nal, la possibilite´ d’un SHU atypique en l’absence de contexte e´vocateur de SHU secondaire. Il s’agit d’une urgence the´rapeutique qui menace le pronostic vital et re´nal en l’absence de traitement spe´cifique adapte´. On rappelle que dans la se´rie de SHU atypiques familiaux et sporadiques collige´s par Noris et al. [24], le taux de mortalite´ ou d’insuffisance re´nale terminale a` trois ans chez les patients pour qui aucune mutation n’avait e´te´ mise en e´vidence (soit 130 patients) e´tait de 50 %, et le taux de survie du greffon a` un an en cas de transplantation de seulement 41 %, avant l’usage de l’e´culizumab. Ce traitement a conside´rablement ame´liore´ le pronostic des patients [9]. La dure´e optimale du traitement et les modalite´s de son arreˆt ne sont actuellement pas e´tablies de manie`re formelle. ˆ ts De´claration d’inte´re Les auteurs de´clarent ne pas avoir de conflits d’inte´reˆts en relation avec cet article. Re´fe´rences [1] Beauvillard D, Se´galen I, Le Meur Y, Leroyer C, Renaudineau Y, Youinou P. Autoanticorps antimembrane basale glome´rulaire et syndrome de Goodpasture. Immuno-Anal Biol Spe 2011;26:60–7.
Pour citer cet article : Bourgault M, et al. Syndrome he´molytique et ure´mique atypique confondu avec un syndrome de Goodpasture : a` propos d’un cas. Ne´phrol ther (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.nephro.2015.05.002
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Pour citer cet article : Bourgault M, et al. Syndrome he´molytique et ure´mique atypique confondu avec un syndrome de Goodpasture : a` propos d’un cas. Ne´phrol ther (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.nephro.2015.05.002