thématique TraitementDossier du diabète de type 1 Le coin biblio de la SFD
Thérapie génique du diabète de type 1 : quelles avancées ? Callejas D, et al. Treatment of diabetes and long-term survival after insulin and glucokinase gene therapy. Diabetes 2013;62:1718-29.
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a thérapie génique est une approche séduisante comme alternative à l’insulinothérapie dans le diabète de type 1. Utilisée initialement et avec succès chez l’homme dans certaines maladies monogéniques (déficit immunitaire combine sévère lie à l’X, adrenoleucodystrophie, s-thalassemie) [1], elle est aujourd’hui envisagée comme traitement de maladies plus complexes, le but étant non plus d’intégrer une version fonctionnelle d’un gène déficient, mais de restaurer une fonction cellulaire, comme par exemple la production de dopamine au cours de la maladie de Parkinson. Dans le cadre du diabète de type 1, l’objectif de ce type de traitement est de rétablir une sécrétion insulinique régulée par la glycémie. L’équipe de Bosch a développé dans ce contexte une approche intéressante: l’induction de l’expression simultanée au niveau du muscle strie, des gènes de l’insuline et de la glucokinase, obtenue par l’injection intra-musculaire de vecteurs viraux (AAV) transfectés avec ces deux gènes. Physiologiquement, sous l’action de l’insuline, 70 % du glucose circulant dans la période post-absorptive est capte par le muscle, par le biais du transporteur GLUT-4 et métabolise sous l’action de l’hexokinase, de capacité limitée. L’idée du modèle développé par Bosch et al était de permettre, grâce à une production locale d’insuline, l’expression membranaire de GLUT-4 et ainsi le transport du glucose dans le muscle, et par l’expression de la glucokinase, une captation non limitée de glucose et adaptée à la glycémie. Des résultats encourageants utilisant ce type de thérapie génique ont déjà été obtenus par la même équipe dans un modèle murin de
diabète induit, montrant une amélioration de la glycémie à jeun et post-charge et avec une bonne tolérance [2]. Les auteurs ont voulu dans cette nouvelle étude tester l’efficacité de leur approche sur une durée plus longue, dans un modèle animal plus large (le chien Beagle, poids ≈ 12 kg, durée de vie 12-15 ans), étape indispensable avant la transposition a l’homme. Le diabète était induit à l’âge de 6-12 mois par une injection de streptozotocine et d’alloxan. Les vecteurs étaient injectes une seule fois mais en plusieurs sites par voie IM, 15 jours après l’induction du diabète. Douze chiens ont été étudiés, sur une durée de 6 mois à 4 ans : • 4 (DogDb) traites par insuline sc (1 à 2 injections/j) ; • 1 (Dog Ins) traites par vecteurs transfectés avec le gène de l’insuline ; • 2 (Dog/Gck) traites par vecteurs transfectés avec le gène de la glucokinase ; • 5 (DogIns/Gck) traites vecteurs transfectés avec le gène de l’insuline et avec celui de la glucokinase, dont un après 5 mois d’hyperglycémie. Alors que les animaux traités par insuline (DogDb) restaient hyperglycémiques à jeun (2 à 3 g/l), perdaient du poids (2 à 3 kg) et présentaient une hyperglycémie franche lors d’une charge en glucose (4 à 6 g/l), les animaux traites simultanément par les 2 types de vecteurs (DogIns/Gck) avaient des glycémies et des insulinémies à jeun normales, reprenaient du poids, et présentaient une tolérance au glucose quasiment normale, et ce sur une durée allant jusqu’à 4 ans. Aucune hypoglycémie n’était notée, tant à jeun qu’à l’effort. Le chien traite par le seul vecteur insuline (DogIns) présentait un
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phénotype intermédiaire, avec hyperglycémie modérée à jeun et amélioration très modeste de la tolérance a la charge en glucose comparativement aux chiens traites par insuline. Enfin, les 2 animaux traités par le seul vecteur glucokinase (Dog/Gck) étaient hyper glycémiques à jeun avec une tolérance au glucose comparable à celle des témoins en l’absence d’insuline exogène, mais supérieure quand traites par insuline sous-cutanée. Aucun effet délétère lie aux injections des différents vecteurs n’a été note durant l’étude, notamment au niveau musculaire. Cette étude confirme l’efficacité de la co-expression d’insuline et de glucokinase au niveau musculaire pour contrôler la glycémie. L’insuline est ainsi secrétée (l’insertion au niveau du transgène d’un site de clivage pour une endoprotéase permet le processing de l’insuline) de manière adaptée à la glycémie, sans risque d’hypoglycémie. Cette sécrétion de base permet non seulement la captation de glucose par le muscle, mais également l’inhibition de la néoglucogenèse, comme le suggère l’inhibition de l’expression hépatique de la PEPCK. L’absence de pic précoce d’insulino-sécrétion et d’accumulation d’insuline au niveau des fibres musculaires chez les animaux traites par les vecteurs insuline, suggère une sécrétion de type constitutive (et non pas régulée par une exocytose de granules de sécrétion), expliquant probablement l’excursion glycémique initiale lors des tests de charge en glucose. Ce travail souligne également l’intérêt de la voie intramusculaire pour le transfert de gènes, techniquement facile et permettant d’éviter, en l’absence de passage systémique, l’effet bloquant des anticorps antiviraux.
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Traitement du diabète de type 1 Le coin biblio de la SFD Elle confirme en outre l’obtention d’une expression durable des gènes transférés. Si la « correction du diabète » obtenue dans ce modèle est prometteuse, un certain nombre de points restent a déterminer : transposition ou non de ces résultats a la maladie humaine, de nature auto-immune et dont l’un des auto-antigènes est précisément l’insuline ; vérification de l’absence de développement d’une réponse immune a
l’égard du transgène, comme cela a été décrit dans d’autres modelés [3] ; innocuité sur le long terme concernant notamment le risque d’hypoglycémie, l’expression de l’insuline induite au niveau musculaire étant irréversible. Danièle Dubois-Laforgue • Mots-clés : Diabète de type 1 – DT1 – thérapie génique – insuline – glucokinase.
Références [1] Mingozzi F, et al. Therapeutic in vivo gene transfer for genetic disease using AAV: progress and challenges. Nat Rev Genet 2011;12:341-55. [2] Mas A, et al. Reversal of type 1 diabetes by engineering a glucose sensor in skeletal muscle. Diabetes 2006;55:1546-53. [3] Mendell JR, et al. Dystrophin immunity in Duchenne’s muscular dystrophy. N Engl J Med 2010;363:1429-37.
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