Technique chirurgicale
Traitement chirurgical de l’ulcère duodénal hémorragique par antroduodénectomie, avec exclusion de l’ulcère, et fermeture du duodénum par « déjantement » partiel Ch. Meyer, C. Brigand, S. Rohr Service de Chirurgie Générale et Digestive, Hôpital Hautepierre - Strasbourg. e-mail :
[email protected] Correspondance : Ch. Meyer, Service de Chirurgie Générale et Digestive, Hôpital de Hautepierre, F67098 Strasbourg Cedex.
Mots-clés : Duodénum. Technique chirurgicale. Ulcère. Déjantement.
Introduction Les ulcères duodénaux hémorragiques restent, en dépit de l’usage très répandu des anti-sécrétoires, une complication grave de la maladie ulcéreuse, notamment chez le sujet âgé, qui paye un lourd tribut avec une mortalité de l’ordre de 10 à 30 %. Le seul traitement efficace des gros ulcères creusants, angio-térébrants, est chirurgical ; ce qui permet généralement de sauver la vie de ces malades, à la condition expresse d’obtenir une hémostase définitive. À cet égard la résection antro-pyloro-duodénale, emportant l’ulcère qui est ensuite exclu, est tout particulièrement indiquée car la vagotomie et la pyloroplastie avec suture hémostasiante de l’ulcère peut être exposée, dans cette variété d’ulcère compliqué, à des saignements itératifs, à l’origine de 50 % de décès. La technique du « déjantement » partiel du duodénum, décrite par Slattery [1] nous est apparue s’adresser de façon spécifique aux ulcères hémorragiques postérieurs de grande taille localisés au 1er duodénum[2, 3]. Cette technique nous paraît recommandée pour plusieurs raisons : 1) elle exclut l’ulcère du circuit digestif, ce qui réduit fortement le risque de récidives hémorragiques ; 2) la dissection intra-murale entre les deux couches de la musculeuse du duodénum évite les blessures du cholédoque et du pancréas ; 3) la fermeture du moignon duodénal partiellement « déjanté » est aisée et sûre, notamment en utilisant la pince à suture mécanique linéaire, ce qui limite le risque de désunion. Dans l’éventualité, peu fréquente, d’une fistule duodénale, celle-ci est de traitement relativement simple, car il s’agit d’une fistule exclue du circuit alimentaire, réagissant bien au traitement médical.
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J Chir 2004,141, N°2 • © Masson, Paris, 2004
J Chir 2004,141, N°2 • © Masson, Paris, 2004
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Installation et incision
L’opéré est installé en décubitus dorsal, les membres supérieurs en abduction. Sont mis en place une sonde naso-gastrique et une sonde urinaire. Deux piquets sont installés à la tête du patient. Ils permettent d’exercer une traction vers le haut, grâce à un rétracteur fixé sur une valve sous-costale. L’opérateur est à la droite, l’aide en face avec à ses côtés l’instrumentiste. L’incision est préférentiellement bi sous-costale ou médiane sus ombilicale, si l’auvent costal a un angle très fermé.
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Exploration abdominale et exposition
La région antro-pyloro-duodénale est exposée en utilisant une valve de Leriche passée sous le foie droit, afin de présenter le pédicule hépatique. L’angle colique droit est refoulé vers le bas et maintenu par un petit champ. Il est dès lors procédé à un décollement duodéno-pancréatique jusqu’au genu inferius afin de pouvoir empaumer le bloc duodéno-pancréatique et permettre ainsi un éventuel contrôle manuel de l’hémorragie.
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b Diagnostic et contrôle de l’hémorragie
Il est procédé à une antro-pyloro-duodénotomie longitudinale de 6 cm environ, l’extrémité droite de l’incision ne dépassant pas de plus de 2 travers de doigt le pylore (a). Le sang intra-gastrique est aspiré afin de bien voir l’ulcère qui est généralement bulbaire, postérieur et angio-térébrant ; sa taille oscillant entre 1 et 2 cm de diamètre. Le saignement est contrôlé par une compression digitale ou un point hémostatique en X (b).
Traitement chirurgical de l’ulcère duodénal hémorragique par antro-duodénectomie
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Résection antro-pyloro-duodénale
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« Déjantement » partiel du duodénum par dissection intra-murale
Il est ensuite procédé à la résection antro-pyloro-duodénale jusqu’au bord droit de l’ulcère qui est matérialisé par un bourrelet muqueux hypertrophique. Cette libération est aisée au niveau du bulbe duodénal grâce à une traction exercée sur le viscère, puisqu’il s’agit d’un ulcère perforé au niveau du pancréas. La grande courbure gastrique est disséquée sur 12 cm en conservant les vaisseaux gastro-épiloïques droits. L’artère gastrique gauche (artère coronaire stomachique) est liée puis sectionnée à 2 travers de doigt au-dessus de l’angle de la petite courbure. L’estomac est sectionné et agrafé, puis une double vagotomie tronculaire sous-diaphragmatique est réalisée.
Ce temps de dissection intra-murale implique de saisir le bord droit de l’ulcère, par deux pinces fines d’Allis, puis d’inciser le bourrelet muqueux en utilisant un bistouri à petite lame ronde, afin de mettre en évidence le plan séparant les musculeuses longitudinales et circulaires. Cette manœuvre, a priori délicate, se trouve en fait grandement facilitée par la réaction inflammatoire et œdémateuse péri-ulcéreuse qui épaissit les tissus de la partie fixe du 1er duodénum. Cette incision postérieure est prolongée en queue d’aronde sur 1 à 2 cm, au niveau des bords supérieur et inférieur de D1.
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Ch. Meyer, C. Brigand, S. Rohr
Libération premier duodénum
L’artère gastrique droite (artère pylorique) est liée puis sectionnée (a) ainsi que 2 à 3 vaisseaux supra-duodénaux, situés dans la lame pré-duodénale (b), afin d’exposer le bord supérieur du 1er duodénum jusqu’au genu superius.
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Poursuite de la dissection intra-murale
Le duodénum se détache ainsi très aisément du pancréas sur lequel reste en place la couche musculeuse longitudinale. Deux à trois petits vaisseaux duodénaux trans-pariétaux sont coagulés à la pince bi-polaire, ce qui finit de libérer le duodénum de la tête du pancréas, à l’instar d’une « pelure d’oignon ». La dissection intra-murale est grandement facilitée par l’introduction de l’index de l’opérateur dans la lumière du duodénum, puis en exerçant avec le doigt une légère traction vers la droite tout en utilisant un petit tampon monté sur une pince.
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b Fermeture du duodénum
Le duodénum qui est dégagé sur 2 cm en aval de l’ulcère, peut ensuite être fermé par l’application d’une pince agrafeuse linéaire (a). Le rétablissement de la continuité digestive (b) est réalisé en deux plans au fil à résorption lente, sous la forme d’une anastomose gastro-jéjunale faite en utilisant les 2/3 gauches de l’estomac (procédé de Finsterer) après avoir réséqué une partie de la zone initialement agrafée. L’anastomose est passée en trans-mésocolique et positionnée en sous-mésocolique. Une lame de drainage mise en place dans l’hiatus de Winslow sort ensuite par une contre-incision du flanc droit. La paroi abdominale est refermée plan par plan. La sonde naso-gastrique est laissée en place jusqu’à la reprise franche du transit.
Traitement chirurgical de l’ulcère duodénal hémorragique par antro-duodénectomie
Ch. Meyer, C. Brigand, S. Rohr
Références 1. Slattery LR. Intramural dissection and staggered closure of the duodenal stumps. Surg Gyn Obst 1960;110:253. 2. Meyer Ch, Rohr S, Bahnini J, Azoulay G. Dejantement du duodénum dans la résection gastrique pour ulcère duodénal hémorragique. Presse Med 1989;40:1974-1976. 3. Meyer Ch, Rohr S, de Manzini N, Dai B. Reliable procedure for closing the duodenal stump for bleeding posterior duodenal ulcer. World J Surg 1994;18:286-289.
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