Traitement des brides de la maladie de Dupuytren par la collagénase injectable

Traitement des brides de la maladie de Dupuytren par la collagénase injectable

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www.sciencedirect.com Chirurgie de la main 32 (2013) 199–205

Mise au point

Traitement des brides de la maladie de Dupuytren par la collagénase injectable§,§§ Treatment of Dupuytren’s contracture by collagenase injection R. Foissac *, O. Camuzard, P. Dumas, C. Dumontier, B. Chignon-Sicard Service de chirurgie de la main, chirurgie réparatrice, hôpital Saint-Roch, centre hospitalier universitaire de Nice, 5, rue Pierre-Dévoluy, 06000 Nice, France Reçu le 17 février 2013 ; reçu sous la forme révisée le 23 mai 2013 ; accepté le 24 mai 2013 Disponible sur Internet le 19 juin 2013

Résumé La maladie de Dupuytren (MD) est une affection de l’aponévrose palmaire provoquant l’apparition de brides pathologiques de collagène qui aboutissent progressivement à une rétraction digitale. Ces rétractions entraînent à terme une perte de fonction au niveau de la main avec un véritable handicap pour le patient. Aucun traitement curatif n’existe actuellement dans cette maladie. L’injection de collagénase issue de Clostridium histolyticum provoque une lyse du collagène présent dans les brides rétractiles et entraîne une interruption de la corde palmaire. Il s’agit d’un nouveau traitement dans la prise en charge de la MD. L’utilisation de la collagénase injectable dans le traitement de la forme palmaire de la MD offre de bons résultats à court et moyen termes. Il s’agit d’une technique simple, peu invasive, supportée par plusieurs études ayant prouvé son efficacité, et qui se rapproche de l’aponévrotomie percutanée à l’aiguille par sa facilité de réalisation et dans ses indications. Les patients doivent être bien informés des réactions locales qu’entraîne l’injection de la collagénase de C. histolyticum et du caractère douloureux transitoire de l’injection. L’appréciation du coût de la méthode, comparé à celui des autres méthodes de traitement et, en particulier, l’aponévrotomie à l’aiguille, ainsi que la connaissance de ses résultats sur le long terme, limitent encore la diffusion de son utilisation. # 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Maladie de Dupuytren ; Collagénase de Clostridium histolyticum ; Brides de collagène ; Rétraction digitale

Abstract Dupuytren’s disease is a disorder of the palmar aponeurosis responsible for apparition of pathological collagen cords that will gradually lead to a digital retraction. These cords cause functional disability to the hand with a real handicap for the patient. No curative treatment exists currently in this disease. Injections of collagenase from Clostridium histolyticum cause lysis of the collagen present in the cords and cause an interruption of the palmar cord. It is a new treatment in the management of Dupuytren’s disease. The use of collagenase injection in the treatment of palmar form of Dupuytren’s disease gives good results in the short and medium terms. It is a simple, minimally invasive treatment, several studies have proven its effectiveness and it approximates percutaneous needle fasciotomy in its easy use and its indications. Patients should be well informed about local reactions and transient pain with the injection of C. histolyticum collagenase. Diffusion of this technique is still limited by: the assessment of its cost compared to that of other methods of treatment and particularly the needle fasciotomy, and the evaluation of results over the long-term. # 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Dupuytren’s disease; Clostridium histolyticum collagenase; Collagen cords; Digital retraction

1. Introduction §

Travail présenté le 11 mars 2012 au congrès des jeunes plasticiens (Paris, France). §§ Travail présenté en novembre 2012 au Congrès national de la SOFCPRE (Paris, France). * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (R. Foissac).

La maladie de Dupuytren (MD) est une maladie d’apparition progressive aboutissant à une production anormale de collagène au niveau de l’aponévrose palmaire [1]. L’origine génétique est vraisemblable, comme en témoignent les travaux

1297-3203/$ – see front matter # 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.main.2013.05.004

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sur l’atteinte des ascendants et de la fratrie. La prolifération collagénique est responsable de l’apparition de brides pathologiques qui, avec le temps, entraînent un flessum digital. Elle intègre le cadre nosologique des pathologies fibroprolifératives pouvant entraîner la rétraction de l’aponévrose plantaire (maladie de Ledderhose) et la rétraction des corps caverneux (maladie de Lapeyronie). La fonction de la main peut être limitée du fait de la rétraction des fibres longitudinales de l’aponévrose palmaire, aboutissant à des cordes fléchissant les articulations de la main. Typiquement l’articulation métacarpo-phalangienne (MCP), l’articulation interphalangienne proximale (IPP), ou les deux sont concernées par la rétraction ; le quatrième et le cinquième doigts sont les plus fréquemment touchés [2]. Aucun traitement curatif n’existe actuellement dans cette maladie. La prise en charge de la maladie est fonction de la sévérité, allant de la fasciotomie percutanée, à l’aiguille ou à ciel ouvert, à la fasciectomie chirurgicale, voire la dermofasciectomie. La fasciectomie chirurgicale consistant en l’excision des brides pathologiques est depuis longtemps et reste encore aujourd’hui le traitement le plus commun de la MD. Cependant, la chirurgie n’est pas toujours la solution la plus adaptée en fonction de l’âge du patient, des comorbidités, de la nécessité d’un suivi postopératoire, ou encore des préférences du patient [3]. Les récidives après chirurgie varient en fréquence selon les séries, mais sont élevées et apparemment inéluctables. L’utilisation de la collagénase issue de Clostridium histolyticum, qui lyse le collagène et entraîne l’interruption de la corde palmaire, est un nouveau traitement peu invasif des cordes de la MD [4]. Alors que son utilisation est largement répandue en Amérique et en Europe, son utilisation en France reste limitée actuellement au cadre de protocoles d’essais thérapeutiques. La HAS a donné son autorisation de mise sur le marché en février 2011 chez l’adulte ayant une corde palpable1. Nous avons été amenés à traiter avec la C. histolyticum plusieurs patients qui présentaient une MD dans sa forme palmaire avec brides MCP au moins stade II de la classification de Tubiana. À travers notre propre expérience de son utilisation et une revue de la littérature sur la C. histolyticum, nous détaillons les caractéristiques de la collagénase, la technique d’injection et le suivi, les résultats à long terme, les effets secondaires, ainsi que les facteurs limitant encore son utilisation. 2. La collagénase injectable La collagénase utilisée à l’heure actuelle en France est le Xiapex1. Elle correspond à la formulation de deux collagénases (AUX-I et AUX-II), enzymes co-exprimées et récoltés à partir de la fermentation anaérobie d’une souche de la bactérie C. histolyticum. C. histolyticum est une bactérie Gram positive,

1

Synthèse d’avis de la commission de la transparence Xiapex (collagénase), traitement médical de la maladie de Dupuytren. Février 2012, www.hassante.fr.

fortement protéolytique, contenant plusieurs formes de collagénases, dont certaines peuvent être impliquées dans des affections graves, comme la gangrène gazeuse. Elle se présente sous la forme de poudre lyophilisée pour l’injection. La dose recommandée de Xiapex1 est de 0,58 mg par injection dans une corde palpable de Dupuytren. Le volume de Xiapex1 reconstitué à administrer dans la corde de Dupuytren diffère selon le type d’articulation traitée, avec un volume moindre pour les articulations interphalangiennes. 3. Physiopathologie de la collagénase Les nombreuses avancées de ces dernières décennies ont permis de mieux définir les mécanismes cellulaires et moléculaires qui amènent à transformer une aponévrose saine en un tissu fibreux formant des brides. L’étiologie de la MD, bien qu’encore controversée, serait susceptible d’être héréditaire, reportée sur un gène autosomique dominant ou transmise comme un trait complexe [5]. L’apparition des cordes est en relation avec un véritable déséquilibre entre une production excessive de collagène et un défaut de dégradation, avec production excessive de myofibroblastes et de fibronectine [6]. Les cordes peuvent se développer dans les brides de collagène qui contiennent une proportion accrue de collagène de type III par rapport au collagène de type I et qui viennent connecter derme et aponévrose palmaire, limitant ainsi l’extension normale de l’articulation. Au niveau physiopathologique, la collagénase agit sur les fibres de collagène de types I et III, qui sont les principales composantes de la corde de Dupuytren. Les métalloprotéases contiennent un site de liaison au substrat de collagène qui accepte sa structure en triple hélice, ce qui conduit à la lyse et la dégradation de sa structure tridimensionnelle [7]. Elle ne semble pas avoir d’action sur les fibres de collagène de type IV qui composent les membranes épithéliales basales, les parois vasculaires et l’épinèvre, ce qui protégerait ces structures d’une dégradation enzymatique. Cette lyse sélective des fibres de collagène permet de limiter l’activité de la collagénase au site d’injection dans la corde de Dupuytren et d’éviter une action sur les structures vasculaires et nerveuses adjacentes [8]. 4. Technique d’injection Dans la notice d’information du produit, l’injection doit être intralésionnelle au niveau de la corde pathologique avec l’injection unique d’une dose administrée dans un volume d’injection de 0,25 mL pour une articulation MCP et 0,2 mL pour une articulation IPP. Dans notre pratique personnelle, l’injection est précédée d’une anesthésie locale à la Xylocaïne1 1 % non adrénalinée et réalisée en salle de consultation dans des conditions classiques d’antisepsie-asepsie. Nous effectuons un point de ponction unique, puis l’injection intracordale de la collagénase est faite en trois points rapprochés de la corde, sur une distance d’environ 1 cm, en prenant garde de ne pas retirer l’aiguille, afin d’éviter plusieurs points de ponction pouvant être douloureux pour le patient. Il est admis pour l’instant qu’une seule bride à la fois est injectée. Si le patient présente

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plusieurs cordes pathologiques, en accord avec le chirurgien, on choisit d’injecter d’abord la corde la plus gênante sur le plan fonctionnel. Une même corde peut être injectée à plusieurs reprises. Le patient doit avoir reçu une information claire avant d’être injecté. Il faut notamment l’informer qu’il ne doit pas fléchir ou étendre les doigts de la main traitée pour ne pas entraîner d’extravasation en dehors de la corde jusqu’à la fin de la procédure d’extension du doigt, ou tenter lui-même de rompre la corde traitée. La main traitée doit être surélevée au maximum, afin de limiter les douleurs après l’injection, causées par l’œdème réactionnel. 5. Suivi post-injection Après injection, les patients sont revus à plusieurs reprises. Vingt-quatre heures après l’injection, une manœuvre d’extension du doigt est réalisée pour faciliter la rupture de la corde. Dans la série de patients que nous avons traités par la collagénase de C. histolyticum, la corde était presque toujours déjà rompue et la manœuvre d’extension n’a fait que confirmer l’efficacité de la collagénase. Nous n’avons prescrit aucune rééducation spécifique, ni le port d’orthèse, diurne ou nocturne. La mesure de l’efficacité du traitement au cours des consultations successives de contrôle est réalisée à l’aide d’un goniomètre digital pour tous les doigts affectés de la main avec calcul du déficit d’extension. Le critère principal d’efficacité du traitement est la correction du déficit d’extension objectivée grâce à la mesure goniométrique qui doit trouver un flessum inférieur ou égal à 58, 30 jours après l’injection. La normalisation du test de la table est un moyen facile témoignant de l’efficacité du traitement. Dans notre pratique les patients remplissent un questionnaire de satisfaction (HEQ) ainsi qu’une échelle d’Unité rhumatologique des affections de la main (URAM scale) permettant d’évaluer l’invalidité spécifique à la MD. 6. Patients concernés Les patients présentant une maladie de stade I ou II de la classification de Tubiana dans sa forme palmaire sont les meilleurs candidats, mais tous les stades peuvent être concernés par le traitement. Son utilisation est réservée à l’adulte chez un patient qui présente une corde palpable, pouce exclu pour l’instant. Les essais thérapeutiques ayant été limités à un type de population, son utilisation n’est pas recommandée :  chez la femme en âge de procréer, allaitante ou pouvant être enceinte pendant la phase de traitement (test de grossesse à faire) ;  en cas de notion d’hypersensibilité à la collagénase ;  ou d’anticoagulant reçu dans les sept jours précédant l’injection. 7. Efficacité de la collagénase injectable L’utilisation de la collagénase en France en est à ses débuts, alors qu’elle est beaucoup plus répandue aux États-Unis où, dès

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le début des années 2000, les premiers travaux sur la collagénase ont été publiés. Récemment la United States food and drug administration (FDA) a autorisé la mise sur le marché de la collagénase comme traitement alternatif sûr et efficace des cordes de la MD, après avoir complété la phase 3 d’essai clinique ayant étudié 1082 patients ayant reçu 2630 injections dans 1780 cordes distinctes [9]. Les résultats d’une grande étude (CORD I) multicentrique de phase 3 d’essais cliniques ont été publiés en 2009 [10]. Cette étude randomisée, en double insu, contrôlée versus placebo, a inclus 308 patients recevant un total de 741 (444 placebos et 297 collagénases) injections dans 20 centres. Elle a montré que 64 % des patients ayant reçu la collagénase contre 6,8 % dans le groupe placebo ont corrigé leur perte d’amplitude avec un flessum inférieur ou égal à 58 au niveau de la corde injectée ( p < 001). Elle a également montré une amélioration de l’amplitude globale du mouvement dans les articulations touchées, de 43,98 à 80,78 dans le groupe de la collagénase, et de 45,38 à 49,58 dans le groupe placebo ( p < 0,001). Des événements indésirables ont été observés dans 96,6 % des patients dans le groupe collagénase contre 12,2 % dans le groupe placebo ; la plupart de ces événements étaient des réactions locales dues à l’injection : œdème périphérique, douleur, contusion, hémorragie au site d’injection, etc. L’étude CORD II, de haut niveau de preuve, publiée l’année suivante, a montré une diminution de la rétraction articulaire de 70,5 % dans le groupe collagénase contre 13,6 % dans le groupe placebo ( p < 0,001) [11]. L’étude ouverte multicentrique JOINT I (États-Unis) et JOINT II (Australie et Europe) a, elle aussi, évalué l’efficacité et la sûreté de la C. histolyticum dans la MD. Elle a inclus des patients présentant un flessum de la MCP de 208 à 1008 et de l’IPP de 208 à 808. Chaque patient pouvait recevoir jusqu’à trois injections par corde avec un nombre total d’injection de collagénase de C. histolyticum inférieur à six. Comme dans les autres études, le critère de jugement principal était la correction du déficit d’extension (08 à 58) 30 jours après la dernière injection. Avec une réduction moyenne de flessum de 73 % et une amélioration moyenne de l’amplitude de mouvement de 308, 92 % des patients étaient « très satisfaits » (71 %) ou « assez satisfaits » (21 %) avec le traitement. Plus de 70 % des articulations traitées avaient nécessité une seule injection, avec une corrélation directe entre la précocité de traitement dans l’avancée de la maladie et l’amélioration des résultats [12]. En Europe, une grande étude a porté sur des patients européens, issus d’une étude ouverte, qui a confirmé l’efficacité de la collagénase dans le traitement du flessum digital des articulations MCP et IPP. Les données de tolérance et d’efficacité dans ce sous-groupe de patients sont comparables à celles observées dans de précédentes études [13]. 8. Résultats à long terme et récidives après traitement Les récidives de la contracture de la MD après chirurgie (fasciectomie) sont trouvées chez 26 à 80 % des patients, bien que les définitions des récidives, variant selon les études, soient pour la plupart subjectives, et qu’une récidive vraie ne nécessite pas toujours une nouvelle intervention [14,15]. Parce que le

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risque de récidive est un facteur clé lors de l’évaluation des options de traitement du patient, plusieurs études prospectives ont été initiées dans ce sens. Andrew et al. ont présenté les résultats à long terme de l’utilisation de la collagénase de C. histolyticum [16]. Une étude rétrospective portant sur huit patients, dont six présentaient des cordes MCP, qui ont été suivis pendant huit ans, a montré que le flessum moyen était de 578 avant injection, 98 à une semaine, 118 à un an et 238 à huit ans. Aucun des patients n’a bénéficié d’une intervention chirurgicale et 88 % des patients étaient satisfaits et souhaitaient continuer la prise en charge par la collagénase pour les récidives de leur maladie. Les auteurs ont conclu que la fasciotomie enzymatique n’empêche pas les récidives, mais que celles-ci à long terme sont moins sévères que la rétraction initiale et que la satisfaction des patients est élevée. L’étude CORDLESS a publié ses résultats après trois ans de suivi [17]. La récidive dans une articulation préalablement traitée avec succès (flessum de 08 à 58 après l’administration de collagénase de C. histolyticum) a été définie comme 208 ou plus dans l’aggravation de la rétraction avec une corde palpable ou une intervention médicale ou chirurgicale nécessaire pour corriger une nouvelle rétraction ou son aggravation. Dans leurs résultats sur 1080 articulations traitées par la collagénase de C. histolyticum (648 MCP, 432 IPP), 623 (451 MCP, 172 PIP) ont rempli le critère de réussite du traitement. Parmi ces articulations, 35 % (217 sur 623) ont récidivé (27 % pour la MCP, 56 % pour l’IPP). Parmi ces récidives, une intervention a été réalisée dans 7 % des cas. Leur taux de récidive est donc comparable à ceux des autres traitements standards de la maladie. Ces résultats confirment également que l’articulation IPP est connue pour être moins sensible aux interventions thérapeutiques et à une amélioration moins durable [14]. Aucun nouvel effet indésirable à long terme attribuable à la collagénase de C. histolyticum n’a été identifié durant tout le suivi.

l’injection de collagénase de C. histolyticum. Ils ont réalisé une analyse coût-utilité afin de comparer la fasciectomie traditionnelle, l’aponévrotomie à l’aiguille et l’injection de collagénase. Leurs résultats en années de vie ajustées sur la qualité de vie démontrent que la collagénase est rentable lorsque son prix est inférieur à 945 $ [18]. Actuellement, le prix d’une ampoule de collagénase de C. histolyticum se situe entre 1100 et 1200 s.

9. Efficacité dans les récidives de la maladie

La technique en elle-même ne présente pas de difficultés. L’injection se faisant au centre de la corde, il n’existe en pratique pas de risque de léser des structures vasculonerveuses digitales. Le risque existe en fait dans le cas de brides spiralées où le pédicule peut prendre un trajet superficiel centralisé. De ce fait, l’injection par l’aiguille peut léser un nerf digital palmaire propre et être responsable d’une anesthésie hémipulpaire, voire d’une réaction névromateuse sur le point d’injection. Cependant, avec la diffusion de l’échographie en chirurgie de la main, qui constitue un outil d’imagerie non irradiant, peu coûteux et facile d’accès, on peut contourner cette éventuelle complication en faisant une injection échoguidée qui contrôlerait le site d’injection sur des brides où l’on suspecte un trajet du pédicule superficiel au point d’injection. Chez les patients ayant des troubles de la crase sanguine, le Xiapex1 doit être utilisé avec prudence. Dans les trois études de phase III en double insu, contrôlées contre placebo, 73 % des patients traités par Xiapex1 présentaient une ecchymose ou une contusion, et 38 % une hémorragie au site d’injection. L’efficacité et la tolérance de Xiapex1 chez les patients recevant des anticoagulants autres que l’acide acétylsalicylique jusqu’à 150 mg par jour, avant l’administration de Xiapex1, ne

L’utilisation de la C. histolyticum dans les récidives de la MD a également été étudiée. Les réinterventions chirurgicales peuvent être complexes, avec des complications plus fréquentes que lors du premier traitement. Bainbridge et al. ont étudié l’efficacité et la tolérance de la collagénase chez des patients atteints de flessum de Dupuytren, précédemment traités par chirurgie [13]. Les résultats de leur étude ayant analysé 1082 patients suggèrent que la réalisation d’une précédente chirurgie ne modifie pas l’efficacité ou la tolérance de la collagénase de C. histolyticum. La collagénase trouverait donc une place dans le traitement des patients ayant une récidive après chirurgie. 10. Coût du traitement Le coût du traitement représente actuellement un important facteur limitant son utilisation. Dans notre série de patients, nous n’avons pas été confrontés au problème du coût du traitement, car ils rentraient dans le cadre d’un essai clinique. Une récente étude américaine s’est intéressée au coût de

11. Utilisation sur le pouce et le premier espace Le pouce représente en termes de fréquence le troisième doigt le plus atteint dans la MD et on trouve une atteinte du pouce et du premier espace dans 3 à 28 % de tous les cas de MD [19]. Dans les grandes études citées précédemment, l’injection excluait systématiquement le pouce. Bendon et Giele [20] ont étudié l’efficacité et la tolérance de la collagénase sur les atteintes du pouce et du premier espace. Il n’a pas eu de surrisque bien que les pédicules digitaux palmaires propres du pouce soient en position plus centrale qu’au niveau des autres doigts, donc plus près de la corde. Parmi cinq patients ayant été injectés avec 0,25 mL de Xiapex1 au niveau de leur bride MCP, tous ont obtenu une rupture de leur bride avec restauration d’une extension et d’une abduction satisfaisantes. Les effets indésirables trouvés étaient similaires à ceux décrit habituellement. La satisfaction des patients était très importante, notamment car ils avaient tous eu une prise en charge chirurgicale sur leurs autres doigts et ils avaient pu juger de la simplicité et de l’efficacité de ce traitement. L’appréciation des résultats à long terme reste encore nécessaire avant de pouvoir conclure à l’efficacité et à l’innocuité de collagénase de C. histolyticum au niveau du pouce. 12. Précautions d’emploi

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l’injection d’une corde touchant une articulation interphalangienne du cinquième doigt. 14. Collagénase et réactions immunologiques

Fig. 1. Aspect initial après injection. La flèche représente le point d’injection. Notez le caractère œdématié classique de l’ensemble de la main.

sont pas connues. Son utilisation chez les patients qui ont reçu des anticoagulants (à l’exception de l’acide acétylsalicylique jusqu’à 150 mg par jour) au cours des sept jours précédant une injection de Xiapex1 n’est à ce jour pas recommandée. 13. Effets indésirables Ils sont surtout locaux et transitoires et présents chez la majorité des patients. Globalement, les patients présentent une main œdématiée et sensible la première semaine suivant l’injection, avec une disparition progressive jusqu’à la fin du premier mois (Fig. 1). Parmi les effets indésirables précoces dans la série de patients que nous avons traités, nous avons relevé un prurit au point d’injection rapidement contrôlé et un hématome sous-cutané n’ayant entraîné aucune altération fonctionnelle chez un patient traité par Plavix1. La première semaine suivant l’injection, les patients ont eu systématiquement recours aux antalgiques de palier I, avec parfois nécessité de palier II. Nous n’avons pas observé de lymphadénopathies douloureuses, de réactions immuno-allergiques généralisées ou encore de ruptures tendineuses parmi les patients que nous avons pris en charge. La chirurgie elle-même est pourvoyeuse d’une certaine morbidité, avec un taux de complication dans la littérature allant de 17 jusqu’à 39 % [3], incluant les complications cutanées, les hématomes, les atteintes des nerfs digitaux palmaire propres, le syndrome algoneurodystrophique [6,21]. Parmi les complications majeures, mais rares, de l’injection de C. histolyticum, on trouve la rupture tendineuse. Une étude rétrospective portant sur 444 injections de collagénase de C. histolyticum a retrouvé deux ruptures (0,45 %) [13]. Ce chiffre diffère peu du risque lors d’une fasciectomie à ciel ouvert, où l’incidence de l’atteinte d’un tendon fléchisseur est estimée à 0,2 % [22]. La rupture avait lieu de sept à huit jours avec un cas de rupture des deux fléchisseurs [23], dans le cadre d’une troisième injection sur une corde toujours digitale localisée au cinquième rayon. Il est probable que la répétition des injections sur une même corde augmente le risque d’atteinte tendineuse et qu’il faut savoir limiter les injections sur un même site, et être prudent et superficiel lors de

Des études immunologiques se sont intéressées à l’apparition d’anticorps anticollagénase : après une injection, 85 % des patients développent ces anticorps et ce taux augmente avec la répétition des injections. Ces résultats peuvent expliquer l’apparition de réaction de type urticaire chez les patients ayant reçu deux injections ou plus. Dans l’étude de la littérature, aucun cas de choc anaphylactique n’a été constaté, bien que les fabricants préviennent que cette complication ne peut être exclue. Dans l’étude CORDLESS, les auteurs ont trouvé la présence d’anticorps anticollagénase (anti-Clostridium de type I et/ou anti-Clostridium de type II) chez 96 % des patients qui avaient reçu deux injections ou plus de collagénase de C. histolyticum et 82 % qui avaient reçu une injection [17]. L’absence d’apparition de nouveaux effets indésirables trois ans après le traitement initial, notamment l’absence de réactions allergiques systémiques, malgré de multiples injections, leur fait dire que le traitement par la collagénase représente un traitement sûr. Cependant, on ne sait toujours pas si l’apparition de ces anticorps peut avoir une répercussion sur l’efficacité lors d’injections ultérieures. 15. Intérêts de la méthode La méthode a l’avantage d’être peu invasive, facilement réalisée en salle de consultation et sans nécessité de suivi de pansement. Dans la fiche technique du produit, les manœuvres d’injection et d’extension du doigt peuvent être réalisées jusqu’à trois fois par corde à intervalles d’environ quatre semaines, en traitant une seule corde à la fois. Si la maladie a provoqué de multiples flessums, le traitement de chaque corde doit être entrepris dans un ordre séquentiel déterminé auparavant. Les études cliniques avec Xiapex1 sont actuellement limitées à l’évaluation de trois injections au maximum par corde, et huit injections au maximum au total. Parmi les méthodes non chirurgicales, la collagénase de C. histolyticum est un traitement ayant montré son efficacité. En effet, les injections de corticostéroïdes, d’interféron, de dimethylsulfoxide et les vitamines en topique sont inefficaces [24]. 16. Discussion L’aponévrotomie à l’aiguille présente l’avantage d’avoir peu de morbidité, d’être facilement réalisable et de pouvoir traiter plusieurs cordes à la fois. Cependant, son taux de récidive à moyen terme reste élevé (environ 60 %). L’injection de C. histolyticum se rapproche de l’aponévrotomie percutanée à l’aiguille dans sa facilité de réalisation, sa faible morbidité, mais aussi dans ses principales indications. Le taux de récidive et donc l’efficacité à long terme de la collagénase de C. histolyticum ne sont pas réellement connus ; la seule étude ayant étudié les résultats à long terme (huit ans) est

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rétrospective et comporte peu de patients. De même, aucun article n’a étudié l’éventuelle complexité d’une fasciectomie chirurgicale après injection de C. histolyticum. Dans la littérature on trouve deux études s’étant intéressées au coût de la méthode :  une étude américaine a étudié le rapport coût-efficacité. Elle a évalué à partir de quel seuil de prix l’injection de collagénase de C. histolyticum devenait rentable. Ils ont supposé que la fasciectomie à ciel ouvert, l’aponévrotomie à l’aiguille et l’injection de collagénase étaient des techniques rentables en se basant sur des normes sociétales (50 000 $ ou moins par année ajustée sur la qualité de vie [QALY]). L’étude a conclu que l’aponévrotomie à l’aiguille est une technique rentable seulement quand le taux de réussite est proche de 100 % et quand elle est réalisée en ambulatoire. La collagénase injectable deviendrait rentable lorsque son prix est inférieur à 945 $. La tarification actuelle du médicament fait qu’elle n’est pas rentable, mais dans ce modèle, l’injection devient rentable à un prix de 945 $ à condition que les taux de récidive soient similaires à ceux rapportés dans les résultats d’essais cliniques précoces. Lorsque le taux de récidive est plus élevé ou proche de celui de l’aponévrotomie à l’aiguille, l’injection de collagénase devient alors beaucoup moins rentable et son utilisation n’est pas justifiée ;  une étude espagnole [25] a étudié l’impact budgétaire de la C. histolyticum versus la fasciectomie chirurgicale dans le traitement de la MD. En partant du principe que l’efficacité était similaire pour les deux techniques, les auteurs ont relevé les coûts liés à la prise en charge de la MD dans les deux techniques. Le coût global de la collagénase de C. histolyticum (médicaments, administrations et visites) a été obtenu à partir d’essais cliniques, alors que le coût de la chirurgie (admissions, visites, salle d’opération, réadmissions, tests, médicaments et coûts de la rééducation) a été évalué à travers une étude locale, rétrospective, observationnelle. Le coût moyen était de 2250 s pour la chirurgie (72 % des patients hospitalisés) : 1703 s pour les patients ambulatoires et 2467 s pour les patients hospitalisés. Le coût moyen pour la collagénase de C. histolyticum était évalué entre 1220 s (1,5 flacon/injection et quatre visites) et 898 s (1,1 flacon/injection et trois visites). Le cumul des trois années d’analyse leur a permis de mettre en évidence un réel bénéfice financier à l’utilisation de la collagénase avec un véritable impact budgétaire en termes d’économie de santé. Outre le conflit d’intérêt avoué, on peut reprocher à cette étude de se baser sur l’hypothèse que les deux techniques ont une efficacité similaire, de retenir des indications identiques pour les deux techniques et surtout de ne pas comparer la collagénase de C. histolyticum à la fasciotomie à l’aiguille, qui est son comparateur principal. Cependant, c’est à travers ce type d’études que l’on doit tenter de démontrer la possible rentabilité de la C. histolyticum en comparaison à l’aponévrotomie à l’aiguille. Aujourd’hui pour les stades débutants de la maladie, il semble difficile en termes de coût de trouver un avantage à la

collagénase en absence de connaissances sur son efficacité sur le long terme. En effet, c’est essentiellement sur l’amélioration des résultats à long terme que son coût peut être justifié. La diminution du nombre de récidives peut justifier un coût initial élevé d’injection. Beaucoup d’études de qualité montrent que la collagénase de C. histolyticum est efficace dans la MD, mais nous ne disposons pas d’études qui la comparent à la l’aponévrotomie à l’aiguille. C’est d’ailleurs en considérant l’absence d’études ayant comparé le Xiapex1 aux alternatives disponibles, en particulier à l’aponévrotomie à l’aiguille, et donc l’impossibilité d’apprécier son bénéfice clinique, que la HAS a rendu un avis défavorable au remboursement en ville et à la prise en charge à l’hôpital1. Enfin, il est important de signaler qu’il existe encore une incertitude quant à sa tolérance à long terme, et notamment l’apparition de maladies auto-immunes en rapport avec une certaine parenté antigénique entre les collagénases utilisées et certaines enzymes humaines. 17. Conclusion L’utilisation de la collagénase injectable dans le traitement de la forme palmaire de la MD représente un traitement efficace dans la prise en charge des brides. Elle peut être une véritable alternative à la chirurgie lorsque celle-ci ne trouve pas ses indications. Il s’agit d’une technique simple, peu invasive, supportée par de nombreuses études ayant prouvé son efficacité, la possibilité de son utilisation après chirurgie, des résultats à court et moyen termes satisfaisants et des taux de récidives comparables à ceux des autres méthodes de traitement. Les patients doivent être bien informés des réactions locales et du caractère douloureux transitoire qu’entraîne l’injection de collagénase de C. histolyticum. L’absence de données de qualité sur ses résultats à long terme, et l’absence d’appréciation du coût de la méthode comparée aux autres méthodes de traitement et en particulier l’aponévrotomie à l’aiguille, limitent la diffusion de son utilisation. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] Gudmundsson KG, Arngrimsson R, Jónsson T. Eighteen years follow-up study of the clinical manifestations and progression of Dupuytren’s disease. Scand J Rheumatol 2001;30:31–4. [2] Rayan GM. Clinical presentation and types of Dupuytren’s disease. Hand Clin 1999;15:87–96. [3] Denkler K. Surgical complications associated with fasciectomy for Dupuytren’s disease: a 20-year review of the English literature. Eplasty 2010;10:116–33. [4] Badalamente MA, Hurst LC. Enzyme injection as non-surgical treatment of Dupuytren’s disease. J Hand Surg 2000;25A:629–36. [5] Thomas A, Bayat A. The emerging role of Clostridium histolyticum collagenase in the treatment of Dupuytren disease. Ther Clin Risk Manag 2010;6:557–72.

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