Gastroentérologie Clinique et Biologique (2009) 33, 199—209
LETTRES À LA RÉDACTION
Traitement endoscopique d’un kyste hydatique surinfecté et fistulisé dans les voies biliaires Endoscopic treatment of an infected hydatic cyst complicated by a biliary fistula Introduction L’hydatidose hépatique est due au développement chez l’homme d’une larve d’un cestode nommé Echinoccocus granulosus. La plupart du temps le kyste hydatique hépatique est asymptomatique. La fréquente fistulisation du kyste hydatique dans les voies biliaires pose des problèmes de prise en charge : il est impossible d’injecter des produits scolicides et la chirurgie hépatique n’est pas dénuée de risques. Le traitement endoscopique dans cette situation peut être une alternative.
Observation Une femme de 78 ans, d’origine algérienne, était hospitalisée pour angiocholite. Dans ses antécédents, outre un kyste hydatique calcifié du segment VII, on notait une insuffisance aortique, une extrasystolie, une dégénérescence maculaire liée à l’âge et une thrombose de l’artère centrale de la rétine. L’histoire de la maladie commenc ¸ait par un premier épisode d’angiocholite. L’échographie et l’imagerie par résonance magnétique (IRM) biliaire montraient une dilatation de la voie biliaire principale (10 mm) associée à une dilatation des voies biliaires intrahépatiques ainsi que des images lacunaires intracholédociennes. Il existait également un kyste hydatique. Après discussion médicochirurgicale, et en raison de l’âge et du terrain de la patiente, une sphinctérotomie biliaire endoscopique était décidée. La cholangio-pancréatographie rétrograde endoscopique (CPRE) permettait l’extraction d’une boue biliaire noirâtre et de débris blanchâtres pouvant correspondre à des vésicules filles de kyste hydatique. Cependant, l’opacification biliaire ne mettait pas en évidence de communication kystobiliaire mais seulement une voie biliaire intrahépatique droite laminée par le kyste et surmontée d’une dilata-
tion discrète des voies biliaires intrahépatiques. La patiente était réticente pour une cholécystectomie qui n’était donc pas réalisée. Six mois plus tard, la patiente avait des épisodes de frissons et de malaises accompagnés d’un syndrome inflammatoire biologique. Elle avait eu aussi une poussée d’urticaire. Le scanner montrait un kyste hydatique à parois calcifiées contenant un niveau hydroaérique non présent sur les précédents examens d’imagerie et une aérobilie faisant évoquer une fistulisation entre le kyste et les voies biliaires. L’examen clinique notait une altération de l’état général sans fièvre. La patiente rapportait des épisodes quotidiens de malaises sans perte de connaissance avec sensations vertigineuses, pâleur et céphalées. Le bilan cardiologique exhaustif était négatif. L’examen neurologique était sans particularité, notamment sans nystagmus. L’IRM cérébrale était normale. Le bilan biologique montrait un syndrome inflammatoire biologique modéré et un bilan hépatique normal. La sérologie de l’hydatidose était positive à 1,33 (test Elisa et Western blot). L’échographie abdominale montrait un kyste calcifié de 7 cm de diamètre du foie droit, une lithiase vésiculaire, un aspect de cholédocite avec un épaississement de la paroi cholédocienne à 0,8 mm et une absence de dilatation des voies biliaires. La CPRE montrait des voies biliaires normales avec opacification du kyste hydatique par une communication kystobiliaire (Fig. 1). Après dilatation de la communication au ballonnet de 8 mm, une prothèse biliaire plastique de 10F-15 cm était mise en place pour drainer le kyste dans le tube digestif via les voies biliaires. Un drain nasokystique était mis en place en fin de procédure le long de la prothèse biliaire pour des lavages kystiques au sérum salé hypertonique (Fig. 2). Les prélèvements de bile réalisés lors de la CPRE étaient purulents mais leur culture ne mettait en évidence qu’une flore digestive polymorphe et l’absence de vésicule fille. À noter que la CPRE avait été encadrée d’une antibiothérapie par amoxicilline—acide clavulanique et ciprofloxacine. Un scanner de contrôle à 48 heures montrait un drain nasokystique et une prothèse biliaire en place, avec aérobilie, ainsi qu’une légère diminution de taille du kyste (Fig. 3). Le drain nasokystique était alors retiré. Le bilan biologique de sortie notait une régression du syndrome inflammatoire.
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Lettres à la rédaction
Figure 3 Coupe tomodensitométrique montrant un début d’affaissement du kyste hydatique avec drain nasokystique et endoprothèse en place (flèche).
Figure 1 Cholangio-pancréatographie rétrograde endoscopique (CPRE) montrant la fistule kystobiliaire (flèche).
La prothèse était retirée deux mois plus tard. Deux mois plus tard, la patiente était asymptomatique. Le bilan biologique ne montrait pas de syndrome inflammatoire et l’échographie montrait un kyste hydatique de 6 cm de grand axe à paroi calcifiée sans niveau hydroaérique intrakystique. Une cholangiographie par résonance magnétique réalisée dix mois après le retrait de la prothèse montrait le kyste hydatique de 56 mm de grand axe, avec présence d’un niveau hydroaérique faisant suspecter la persistance d’une fistule biliaire et une voie biliaire dilatée au contact du kyste mais de calibre cependant régulier sans signe de cholangite sclérosante secondaire. Un contrôle scanographique était réalisé le mois suivant devant un tableau de douleurs abdominales fébriles avec syndrome inflammatoire biologique et montrait le kyste hydatique sans niveau hydroaérique mesurant 50 mm de grand axe. Le tableau clinique régressait spontanément et était mis sur le compte d’une infection virale.
Discussion
Figure 2 Cholangio-pancréatographie rétrograde endoscopique (CPRE) montrant la mise en place d’une prothèse plastique 10F-15 cm (flèche noire) et d’un drain nasokystique (flèche blanche).
Le traitement de référence du kyste hydatique non compliqué est la chirurgie radicale (périkystectomie ou résection hépatique). Cependant, la périkystectomie n’est pas envisageable si le kyste est proche des voies biliaires et a fortiori s’il existe une fistule biliaire. De plus, la résection hépatique s’adresse plutôt aux kystes situés dans le foie gauche. Dans certains cas, il existe une place pour le traitement percutané ponction—aspiration—injection d’agent scolicide—réaspiration, pour les kystes CE I, II et III (PAIR) et pour le traitement médical par albendazole ou mébendazole (pour les kystes non calcifiés), à visée pré- ou postinterventionnelle, de manière alternative ou combinée [1]. En cas de fistule entre le kyste et les voies biliaires (10 % des cas), le traitement est plus difficile. La méthode percutanée n’est pas recommandée en raison du risque de cholangite sclérosante après injection d’alcool ou de pro-
Lettres à la rédaction duit scolicide, tel que le sérum salé hypertonique [2]. Le traitement chirurgical classique consiste en la résection du dôme saillant. Zaouche et al. recommandent, plutôt qu’une résection du dôme saillant, une chirurgie conservatrice par drainage transfistuleux interne (résection limitée du dôme, lavage de la cavité, respect de la fistule et suture du dôme) cette méthode étant particulièrement adaptée au traitement des fistules de plus de 5 mm de diamètre [3]. Le traitement chirurgical comporte un taux non négligeable de complications (38 % des cas) à type de fuite biliaire, infection de la cavité résiduelle, récidive ou dissémination de la maladie, nécessitant souvent une réintervention. La mortalité s’élève à 4,5 % dans la série de Zaouche et al. [3]. Les indications du traitement endoscopique sont classiquement les suivantes [4,5] : • à visée préopératoire en cas de vésicules filles ou de débris hydatiques dans l’arbre biliaire ; • sténoses bénignes postopératoires de l’ampoule de Vater ; • fistule biliaire externe postchirurgicale ; • débris intrabiliaires résiduels ; • cholangite sclérosante secondaire. La prise en charge uniquement endoscopique des fistules kystobiliaires est un traitement innovant qui a déjà montré son efficacité et son innocuité. Aucune complication grave n’a été décrite après drainage endoscopique. Cependant, pour ce qui est du risque infectieux, il est important d’assurer un bon drainage de la cavité kystique par une dilatation du trajet fistuleux suivie de la mise en place d’une prothèse biliaire et d’un drain nasokystique. Une hémobilie ou une perforation des voies biliaires compliquée d’hydatidose intrapéritonéale sont d’autres complications potentielles. Dans notre cas clinique, il s’agissait d’une patiente à l’état général altéré qui refusait toute chirurgie. Nous avons donc opté à deux reprises pour un traitement endoscopique avec de bons résultats cliniques, confortant l’idée que le traitement endoscopique seul des kystes hydatiques hépatiques compliqués de fistulisation dans les voies biliaires pouvait suffire. Un complément de traitement par lavage des voies biliaires au sérum salé hypertonique a été réalisé, comme dans la série de Singh et al. [6], malgré le risque potentiel de cholangite sclérosante secondaire, sans complication. La présence d’une prothèse biliaire pourrait permettre d’éviter cette complication en maintenant calibré le tractus biliaire et en protégeant la muqueuse. La série de Hosch et al. [7] montre que tous les kystes calcifiés ne sont pas inactifs et que le meilleur facteur prédictif d’inactivité est la stabilité échographique du contenu kystique dans le temps et non son type échographique. Ces kystes hydatiques de type V auraient donc un potentiel évolutif. La surinfection du kyste hydatique pourrait être responsable de la fistulisation (par inflammation pariétale), mais l’inverse est aussi possible : un kyste hydatique type CE V n’étant pas forcément inactif, la fistulisation dans les voies biliaires pourrait être la seule responsable de la surinfection du kyste hydatique. On doit aussi évoquer la responsabilité
201 de la sphinctérotomie endoscopique biliaire réalisée en janvier 2006 qui, en favorisant un reflux duodénobiliaire, aurait pu surinfecter le kyste. Cependant, à cette date aucune communication kystobiliaire n’avait été démontrée. En conclusion, le traitement endoscopique est une option thérapeutique efficace et sûre du kyste hydatique surinfecté compliqué de fistulisation dans les voies biliaires. De plus, les kystes calcifiés peuvent se compliquer car leur caractère inactif n’est pas évident.
Références [1] WHO Informal Working Group. Guidelines for treatment of cystic and alveolar echinoccocosis in humans on echinoccocosis. Bull World Health Organ 1996;74:231—42. [2] Bastid C, Sahel J. Percutaneous treatment of hydatid cysts is now validated by WHO. Acta Endoscopica 2004;34:101—9. [3] Zaouche A, Haouet K, Jouini M, El Hachaichi A, Dziri C. Management of liver hydatid cysts with a large biliocystic fistula: multicenter retrospective study. Tunisian surgical association. World J Surg 2001;25:28—39. [4] Ponchon T, Bory R, Chavaillon A. Endoscopic retrograde cholangiography and sphincterotomy for complicated hepatic hydatid cyst. Endoscopy 1987;19:174—7. [5] Simsek H, Özaslan E, Sayek I, Savas C, Abbasoglu O, Soylu AR, et al. Diagnostic and therapeutic ERCP in hepatic hydatid disease. Gastrointest Endosc 2003;58:384—9. [6] Singh V, Reddy DC, Verma GR, Singh G. Endoscopic management of intrabiliary-ruptured hepatic hydatid cyst. Liver Int 2006;26:621—4. [7] Hosch W, Stojkovic M, Jänish T, Kauffmann GW, Junghans T. The role of calcification for staging cystic echinoccosis. Eur Radiol 2007;17:2538—45.
O. Malet L. Heyries X. Lagrange J. Sahel ∗ Service d’hépatogastroentérologie et de pancréatologie, hôpital de La-Conception, 147, boulevard Baille, 13385 Marseille cedex 05, France ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (J. Sahel).
Disponible sur Internet le 23 f´ evrier 2009 doi:10.1016/j.gcb.2009.01.002
Hémobilie par dysplasie fibromusculaire de l’artère hépatique Hemobilia due to fibromuscular dysplasia of the hepatic artery La dysplasie fibromusculaire est une maladie idiopathique des artères de grand et moyen calibre, touchant préférentiellement la femme jeune. Tout l’arbre artériel peut être atteint mais les artères rénales et carotides internes sont les plus fréquemment atteintes [1]. Un homme âgé de 23 ans, sans antécédent, était admis pour un melæna évoluant depuis trois jours, associé à des douleurs épigastriques. L’examen clinique montrait