Transmission des agents conventionnels en consultation

Transmission des agents conventionnels en consultation

J Fr. Ophtalmol., 2004; 27, 4, 417-419 © Masson, Paris, 2004. TABLE RONDE DE LA SFO « RISQUE INFECTIEUX EN OPHTALMOLOGIE » Transmission des agents c...

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J Fr. Ophtalmol., 2004; 27, 4, 417-419 © Masson, Paris, 2004.

TABLE RONDE DE LA SFO « RISQUE INFECTIEUX EN OPHTALMOLOGIE »

Transmission des agents conventionnels en consultation

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P.-Y. Robert Service d’Ophtalmologie, CHU Dupuytren, 2, avenue Martin Luther King, 87042 Limoges cedex. Correspondance : P.-Y. Robert, à l’adresse ci-dessus. E-mail : [email protected] Reçu le 9 juillet 2003. Accepté le 16 janvier 2004. Transmission of conventional agents during outpatient care P.-Y. Robert J. Fr. Ophtalmol., 2004 ; 27, 4: 417-419 Outpatient care bring together in a single location a large number of patients potentially bearing conventional infectious agents (virus, bacteria, fungi, parasites). This report details the germs potentially involved. We emphasize adenovirus epidemic keratoconjunctivitis, which is particularly prevalent in ophthalmology outpatient care. We analyze the modes of contamination and the means to prevent iatrogenic infections.

Key-words: Outpatient care, hygiene, adenovirus, hand washing. Transmission des agents conventionnels en consultation L’activité de consultation rassemble dans un même lieu, sur une période de temps courte, un grand nombre de patients de tous horizons, potentiellement porteurs de germes conventionnels : virus, bactéries, mycoses, parasites. Nous précisons dans cet article les germes potentiellement en cause, et plus particulièrement ceux impliqués dans la kératoconjonctivite épidémique à adénovirus, qui concerne spécifiquement la consultation en ophtalmologie. Nous examinons ensuite les modes de contamination et les moyens de prévenir les infections iatrogènes.

Mots-clés : Consultation, hygiène, adénovirus, lavage des mains.

GERMES EN CAUSE La consultation d’ophtalmologie rassemble en un même lieu un grand nombre de patients potentiellement infectés, et l’ophtalmologiste se trouve, par sa pratique, en contact étroit avec ces patients (larmes et sécrétions de l’œil et de ses annexes, voies aériennes supérieures). Le risque infectieux est de propager un germe de patient à médecin, de médecin à patient, et de patient à patient. Les germes en cause peuvent être très divers. Les principales bactéries transmissibles sont des bactéries commensales des culs-de-sac conjonctivaux. Cette flore commensale est constituée principalement de cocci à Gram positif chez le non porteur de lentilles de contact, et de bacilles à Gram négatif chez le porteur de lentilles de contact. La transmission de ces bactéries commensales peut être préjudiciable chez les patients immunodéprimés (patients présentant des pathologies lourdes, traités par immunosuppresseurs, atteints du SIDA, diabétiques mal équilibrés), ou les patients présentant un terrain favorisant (kératite sèche, dystrophie bulleuse, kératite vernale, remaniements de la surface oculaire). En revanche, certains patients infectés présentent dans les culs-desac conjonctivaux, sur les paupières ou la cornée des bactéries pathogènes qui peuvent entraîner un infection grave (par exemple : pneumocoque, pyocyanique, Nocardia). Il

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en va de même de certaines mycoses cornéennes. Les virus sont probablement les agents transmissibles les plus redoutables en consultation. Les virus enveloppés (virus du groupe Herpes, hépatite B, HIV) ont une résistance de courte durée dans le milieu extérieur. En revanche, les virus non enveloppés (hépatite A, adénovirus, rotavirus) ont une bonne résistance dans le milieu extérieur, restent virulents très longtemps et sont parfaitement transmissibles de patient à patient lors d’une consultation médicale.

KÉRATOCONJONCTIVITE À ADÉNOVIRUS

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La kératoconjonctivite épidémique à adénovirus est l’archétype de la pathologie à agents conventionnels transmise par l’ophtalmologiste, pour plusieurs raisons. Il s’agit d’une affection fréquente, avec de grandes épidémies en automne et en hiver, qui a un tropisme particulier pour la cornée, et qui peut entraîner à long terme des séquelles douloureuses et une baisse de l’acuité visuelle. Les adénovirus sont des virus à ADN non enveloppés. On a décrit plus de 70 sérotypes infectants pour l’homme et l’animal. En ophtalmologie, les sérotypes 8, 19, 37 et 5 sont les plus souvent en cause dans les grandes épidémies de kératoconjonctivites. Ces virus sont équipés d’une capside icosaédrique qui protège l’ADN viral, ce qui les rend particulièrement résistants aux désinfectants. Le virus survit 20 jours à température ambiante (par exemple dans un flacon de collyre…) ; il faut pour le détruire un chauffage à 90 °C pendant 5 min ou une stérilisation. Le virus a une affinité particulière pour les ganglions lymphatiques, et pour les molécules HLA. L’infection s’accompagne d’une réaction inflammatoire importante. L’infection est en principe vaccinante,

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et les rechutes ou récidives sont exceptionnelles. La période de contagiosité précède celle des signes cornéens. Les troubles commencent par une conjonctivite folliculaire non spécifique, très contagieuse. Huit jours après, apparaît une kératite ponctuée superficielle qui précède les nodules cornéens. Les nodules apparaissent secondairement. Il s’agit de granulomes inflammatoires développés aux dépens de la membrane de Bowman, douloureux lorsqu’ils percent l’épithélium cornéen. Ils diminuent l’acuité visuelle par l’astigmatisme irrégulier qu’ils induisent, et peuvent persister plusieurs années. Parmi les autres complications, il existe des formes plus inflammatoires, avec conjonctivite pseudomembraneuse ou symblépharon. Des iridocyclites ou des opacités cornéennes (kératite disciforme ou opacités nummulaires) ont également été décrites. Le traitement de la kératoconjonctivite épidémique à adénovirus est décevant. Aucun antiviral n’a, à ce jour, fait la preuve de son efficacité clinique (le cidofovir donnerait quelques espoirs chez l’animal). L’indication de la corticothérapie locale est controversée. Elle est indiscutable en présence de signes inflammatoires sévères (iridocyclite…) et elle n’a pratiquement aucune utilité en dehors de la phase aiguë. La chirurgie réparatrice des nodules est également décevante, car les nodules sont souvent nombreux, irréguliers et profonds. La kératoplastie lamellaire et la photokératectomie thérapeutique sont souvent insuffisantes pour supprimer les douleurs et l’astigmatisme. Il s’agit donc d’une affection dont le traitement repose presque uniquement sur la prévention. L’ophtalmologiste est en première ligne, car il est en contact avec tous les patients pendant la phase contagieuse, mais n’a aucun moyen clinique de déceler un adénovirus. C’est donc une attitude systématique de prophylaxie pour chaque

patient présentant une conjonctivite qui peut permettre de diminuer la transmission de cette affection.

MODES DE CONTAMINATION Les sources de contamination sont multiples dans le cabinet de consultation. Il y a d’abord les produits pathologiques (larmes, meibum, sécrétions, haleine, gouttelettes de pflugg). Les lentilles et leurs étuis sont également des dispositifs potentiellement infectés. Vient ensuite le matériel de consultation : lampe à fente, la mentonnière (dont le papier devrait être changé à chaque patient examiné) et l’appuie-front, très proche des yeux, qu’il ne faut pas oublier de désinfecter après l’examen d’un patient infecté. Les autres surfaces (table, sols, poignées de porte) sont plus éloignées de l’œil du patient. Les collyres utilisés en consultation devraient être systématiquement des unidoses, car il est très difficile d’instiller une goutte de collyre sans toucher la paupière ou la conjonctive ou les deux. Le petit matériel est en principe stérilisé ou à usage unique. Il faut se méfier également du matériel de la salle d’attente (revues, sièges) et des toilettes (y a-til un distributeur de savon ?) qui peuvent s’avérer infectants. Un outil médical mérite cependant une attention particulière : la main du médecin. Elle est au contact de tous les yeux, de toutes les sécrétions, de toutes les surfaces. En particulier, les virus restent plus longtemps sur les mains que sur les surfaces, et y survivent plus longtemps que les bactéries [1]. Dans une étude très récente, il a été montré que la charge en ATP (marqueur des débris cellulaires), en bactéries et en staphylocoques se répartissait inégalement sur le poste de lavage des mains. La charge est très importante sur les robinets, un peu moins sur le distributeur, et résiduelle sur le

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distributeur de papier, montrant ainsi la diminution de la charge en bactéries au fur et à mesure du lavage [2]. La flore commensale des mains a été également étudiée. Chez 264 américains, la flore commensale était constituée de bacilles à Gram négatif (75,1 %), de mycoses (32,9 %) et de staphylocoques (18,5 % dont 2,4 % résistants aux fluoroquinolones) [3].

LAVAGE DES MAINS L’efficacité du lavage des mains ne doit pas s’évaluer sur un lavage, mais sur le long terme. Une expérience originale a été menée en 2003 sur 238 ménages américains. Elle a montré qu’un lavage simple à l’aide d’un savon antiseptique ne diminuait pas la charge bactérienne des mains. En revanche, l’usage du même savon pendant 1 an diminuait cette charge bactérienne de façon significative [4]. Un lavage des mains régulier permet une diminution de la charge bactérienne, et une diminution de la population de mutants résistants présents sur les mains. Trois procédures sont communément appliquées pour le lavage des mains. La première procédure, le lavage avec un savon classique non antiseptique (pain de savon) est à éviter. Les pains de savon n’ont aucune efficacité contre les microbes, représentent des milieux de culture souvent efficaces, et sont parfois irritants par friction ce qui détache de la peau des particules qui peuvent être infectantes. La deuxième procédure consiste à utiliser un savon liquide désinfectant (chlorhexidine, hexamidine,

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Bétadine®). Ce lavage est efficace à condition de le pratiquer dans de bonnes conditions. La totalité de la procédure (mouillage, savonnage, lavage, rinçage, séchage) doit prendre au minimum 30 secondes, durée compatible avec une activité de bloc opératoire, mais très longue dans une activité de consultation. La troisième procédure consiste à utiliser une solution hydro-alcoolique, à base d’éthanol ou de propanol. Ces solutions s’utilisent sans mouillage préalable, sans rinçage et sans séchage. Elles permettent une désinfection de la peau de bonne qualité, sans pour autant détacher de particules infectantes, et sont efficaces en 10 secondes seulement. Le produit sèche spontanément à l’air libre. Elles sont également moins irritantes pour la peau [5, 6]. Ces solutions sont particulièrement adaptées à l’activité de consultation, et peuvent être recommandées entre chaque patient.

CONSEILS PRATIQUES Les documents officiels sont nombreux concernant la stérilisation des dispositifs médicaux. En revanche, il n’existe aucune recommandation officielle pour le premier dispositif médical qui soit, et peut-être celui qui présente le plus de risque de transmettre une infection iatrogène : la main du médecin. Une bonne prophylaxie de la transmission des agents conventionnels en consultation consiste en une veille constante à l’application principaux modes de transmission, et à la nature des germes en cause.

L’isolement des patients à risque est souvent efficace : par exemple examiner les patients infectés en fin de consultation, séparer dans une salle d’hôpital les patients opérés de chirurgie propre et les patients infectés, ménager un lieu à part pour les patients infectés (chambre seule, salle d’attente séparée…). Enfin, le lavage systématique des mains du médecin entre chaque patient examiné devrait être un réflexe. Une bonne hygiène, c’est se sentir mal à l’aise lorsqu’on passe d’un patient à l’autre sans s’être lavé les mains.

RÉFÉRENCES 1. Sattar SA, Springthorpe VS, Tetro J, Vashon R, Keswick B. Hygienic hand antiseptics: should they not have activity and label claims against viruses? Am J Infect Control, 2002;30:355-72. 2. Griffith CJ, Malik, R, Cooper RA, Looker N, Michaels B. Environmental surface cleanliness and the potential for contamination during handwashing. Am J Infect Control, 2003;31:93-6. 3. Larson EL, Gomez-Duarte C, Lee LV, Della-Latta P, Kain DJ, Keswick BH. Microbial flora of hands of homemakers. Am J Infect Control, 2003;31:72-9. 4. Larson E, Aiello A, Lee LV, Della-Latta P, Gomez-Duarte C, Lin S. Short- and longterm effects of handwashing with antimicrobial or plain soap in the community. J Community Health, 2003;28:13950. 5. Larson E, Silberger M, Jakob K, Whittier S, Lai L, Della Latta P, Saiman L. Assessment of alternative hand hygiene regimens to improve skin health among neonatal intensive care unit nurses. Heart Lung, 2000;29:136-42. 6. Grove GL, Zerweck CR, Heilman JM, Pyrek JD. Methods for evaluating changes in skin condition due to the effects of antimicrobial hand cleansers: two studies comparing a new waterless chlorhexidine gluconate/ethanol-emollient antiseptic preparation with a conventional water-applied product. Am J Infect Control, 2001;29:361-9.

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