Transplantation pulmonaire

Transplantation pulmonaire

Chirurgie thoracique Transplantation pulmonaire H. Mal P rès de 30 ans après les premiers succès cliniques, la transplantation pulmonaire (TP) a a...

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Chirurgie thoracique

Transplantation pulmonaire

H. Mal

P

rès de 30 ans après les premiers succès cliniques, la transplantation pulmonaire (TP) a atteint sa maturité et s’est imposée comme une option thérapeutique valide pour différentes formes d’insuffisance respiratoire évoluée, chez des patients sélectionnés. Certaines complications postopératoires après la TP ont pu être maîtrisées, permettant une amélioration de la survie des patients au fil du temps. Celle ci se situe selon le registre ISHLT (International Society for Heart and Lung Transplantation) autour de 80 % à 1 an et vers 40-50 % à 5 ans. Le problème principal limitant la survie prolongée est celui de la défaillance chronique du greffon. S’il est maintenant majoritairement admis que la TP a bien sa place dans la stratégie thérapeutique de l’insuffisance respiratoire, de nombreux points restent en discussion. Certains d’entre eux ont été abordés dans l’édition 2009 de l’ATS.

Transplantation mono ou bipulmonaire dans la BPCO et la fibrose pulmonaire ?

Service de Pneumologie B et Transplantation pulmonaire, Hôpital Bichat-Claude Bernard 75877 Paris cedex 18, France. Correspondance [email protected]

Les 2 types de TP peuvent être proposés dans ces indications mais quelle est l’intervention optimale ? Une controverse sur ce thème opposait D. Davies (Durham, Etats-Unis) à S. Keshavjee (Toronto, Canada) au cours au cours d’une session scientifique dédiée aux points « chauds » en matière de TP. Pour la BPCO, le choix de l’intervention optimale a fait l’objet d’un débat assez vif. Après avoir été considérée initialement comme contre-indiquée, la transplantation monopulmonaire (TMP) était devenue au début des années 1990 l’intervention la plus couramment pratiquée (en dehors bien sûr du cas où des dilatations des bronches bilatérales étaient constatées). Néanmoins, la transplantation bi-pulmonaire

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(TBP) gardait la faveur de certains centres. Au fil des années, la TBP a pris une place prépondérante dans cette indication et actuellement la TBP représente plus de la moitié des TP pour BPCO [1]. Pour la fibrose pulmonaire, l’indication de référence est restée longtemps la TMP, mais on assiste, comme pour le cas de la BPCO, à un déplacement progressif des indications vers la TBP (plus de 50 % dans le registre 2008) [1]. Existe-il des arguments solides pour étayer ces choix ? En sachant que seule une étude randomisée très difficile à faire pourrait vraiment répondre à cette question, on en est réduit à trouver des arguments indirects. En faveur de la TMP, on peut retenir la relative simplicité technique, la moindre lourdeur des suites postopératoires et surtout la possibilité au moins théorique d’utiliser le second poumon pour un autre receveur. Parmi les inconvénients de la TMP, il faut citer des résultats spirométriques post-opératoires moins bons qu’après TBP (mais les capacités d’effort sont voisines après les deux interventions) et surtout le risque de complications se développant à partir du poumon natif (infection, saignement, cancer, distension…). Pour ce qui concerne la survie, la situation diffère selon les pathologies traitées. Pour la BPCO, aucune différence entre les deux types d’intervention n’était initialement repérée par le registre international de l’ISHLT. A partir de la fin des années 1990, une différence de survie en faveur de la TBP a été détectée par plusieurs centres et cette différence a été confirmée par le registre ISHLT. Néanmoins des biais de sélection significatifs peuvent venir compliquer l’analyse. Les centres ont par exemple tendance à choisir la TMP pour les patients les plus âgés et dont l’état général est compromis. Des auteurs ont essayé de s’affranchir de ces biais en stratifiant les patients selon plusieurs paramètres confondants dont l’âge. Le travail d’ajustement le plus abouti est paru en 2008 dans le Lancet [2]. Il a été largement cité au cours de cette controverse. Les auteurs [2] ont comparé la survie après TBP et TMP chez 9 883 patients du registre ISHLT, transplantés pour BPCO, en s’ajustant sur les variables confondantes potentielles au moyen de trois techniques statistiques différentes (fig. 1). Ils ont pu confirmer un différentiel significatif de survie en faveur de la TBP mais celui-ci est modeste (autour de 5 % à 5 ans) et ont montré que la TMP était associée à un moindre risque de décès chez les patients âgés. Aucune attitude claire ne s’est dégagée eau terme de cette controverse, le petit gain de survie associé à la TBP pouvant être contre balancé par l’économie d’organe permise par la TMP. Pour la fibrose, les résultats de survie selon le type de TP sont très discordants selon les études. Le registre ISHLT met quant à lui en évidence une meilleure survie après TBP mais les remarques évoquées plus haut sur les potentiels biais méthodologiques sont valables. Pour la défense de la TMP dans cette indication, S. Keshavjee a cité une étude non encore

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publiée de S. Nathan et coll. présentée sous forme d’abstract au récent congrès de l’ISHLT [3]. Ces auteurs montrent que l’éventuel avantage de survie associé à la TBP est en fait « gommé » par le fait que plus de patients meurent sur liste en attendant une TBP qu’en attendant une TMP. On voit que là aussi le débat n’est pas tranché.

Risque de cancer cutané associé à la prise de voriconazole Le cancer cutané est le type de cancer le plus fréquemment rencontré après TP avec un effet favorisant reconnu de l’exposition solaire. Le voriconazole, agent azolé antifungique largement prescrit dans la prophylaxie et dans le traitement curatif de l’infection fungique en particulier aspergillaire est connu, comme les autres agents de cette classe pour induire des réactions de photosensibilisation. L’utilisation du voriconazole est donc potentiellement à même de favoriser le développement de cancers cutanés, en association avec le traitement immunosuppresseur. C’est cette hypothèse qu’une équipe américaine s’est attachée à démontrer [4]. De 2000 à 2006, 150 patients ont reçu une TP à San Diego. Parmi eux, 28 (19 %) recevaient du voriconazole en prophylaxie. Un cancer cutané (baso ou spinocellulaire) s’est développé chez 12 d’entre eux (43 %) alors que cette incidence était de 10 % chez ceux ne recevant pas de voriconazole. Un autre élément mis en évidence dans cette série était l’agressivité plus grande de ces cancers chez les patients recevant du voriconazole (début plus précoce, plus grande fréquence de formes métastatiques). Cette étude doit conduire les cliniciens à être particulièrement vigilants sur la survenue de cancer cutané chez les malades recevant cette molécule.

Durée de prévention de la pneumocystose après transplantation pulmonaire Les patients transplantés du poumon ou du cœur sont comme les autres transplantés d’organe solide, des candidats potentiels au développement d’une pneumonie à Pneumocystis jirovecii (PPJ) est c’est pour cette raison qu’une prophylaxie postopératoire est largement recommandée. La durée de cette prophylaxie n’est pas consensuelle, certains centres s’orientent vers une prévention à vie, d’autres pour une durée plus limitée. L’équipe de Birmingham (Alabama, États-Unis) a rapporté son expérience en la matière [5]. De 2001 à 2008, ce centre a réalisé 164 transplantations cardiaques et 218 TP. Pendant cette période, les patients recevaient une prophylaxie anti-PPJ de 12 mois pour les receveurs de cœur et de 6 mois après TP. Une PPJ, développée après la fin de la période de prophylaxie a été observée dans 7 cas dont 5 cas après TP. Deux de ces 5

Transplantation pulmonaire

100 Transplantation monopulmonaire Transplantation bipulmonaire

Survie (%)

75

50

25

0 0

2

4

6

8

10

977 635 342

461 291 170

Temps (années) Nombre à risque Total monopulmonaire bipulmonaire

9883 6358 3525

5499 3718 1781

3406 2333 1073

1876 1273 603

Fig. 1.

Courbe de survie après transplantation pulmonaire selon le type de procédure chirurgicale (mono-pulmonaire ou bi-pulmonaire) chez 9 883 patients atteints de BPCO. D’après [2].

patients sont décédés suite à cette PPJ alors qu’aucun décès n’était à déplorer parmi les receveurs de cœurs. Ces constatations confirment le caractère potentiellement grave des PPJ chez le transplanté d’organe solide, notion déjà vérifiée chez les greffés rénaux. Une seconde information apportée par cette étude est le fait que tous les cas de PPJ sont survenus au cours de la période 2007-2008, faisant penser à une recrudescence récente du risque. Les auteurs proposent au vu de leurs données de s’orienter vers une prophylaxie plus prolongée voire définitive.

L’asthme chez le donneur est-il une contreindication à l’utilisation des poumons ? Des cas cliniques rapportés au début de l’expérience de la TP ont mentionné des cas de transmission possible de maladie asthmatique du donneur au receveur pulmonaire. L’utilisation de poumons provenant d’un patient en état de mort cérébrale connu pour être atteint d’asthme était de ce fait considérée

comme contre-indiquée dans la plupart des centres. L’équipe de Sydney (Australie) a souhaité revisiter ce dogme en analysant le devenir des 25 patients de leur centre ayant reçu des poumons provenant de donneurs asthmatiques (incluant 4 donneurs décédés d’asthme aigu grave) [6]. La survie globale de ces 25 receveurs de donneurs asthmatiques n’était pas différente de celle des 134 autres receveurs de ce centre (groupe contrôle). Trois des 4 receveurs dont le donneur était mort d’asthme aigu grave ont développé un bronchospasme qui a dû faire l’objet d’un traitement spécifique. Par ailleurs 9 autres patients ont présenté un niveau de réversibilité du VEMS postopératoire remplissant les critères diagnostiques ATS d’asthme avec chez 7 d’entre eux une résolution en 6 mois sous traitement. On voit donc, à partir de cette série monocentrique, que la notion d’un donneur asthmatique ne doit pas représenter une contreindication absolue à l’utilisation de ses poumons mais qu’il convient d’être vigilant sur la survenue (en général transitoire) de symptômes d’asthme chez le receveur.

Références 1

Christie JD, Edwards LB, Aurora P, Dobbels F, Kirk R, Rahmel AO, Taylor DO, Kucheryavaya AY, Hertz MI : Registry of the international society for heart and lung transplantation: twenty-fifth official adult lung and heart/lung transplantation report 2008. J Heart Lung Transplant 2008 ; 27 : 957-69.

2

Thabut G, Christie JD, Ravaud P, Castier Y, Brugiere O, Fournier M, Mal H, Leseche G, Porcher R : Survival after bilateral versus single lung transplantation for patients with chronic obstructive pulmonary disease : a retrospective analysis of registry data. Lancet 2008 ; 371 : 744-51.

3

Shlobin OA, Edwards E, Nathan SD : Waiting times and mortality for ipf patients listed for bilateral or single lung transplantation. J Heart Lung Transplant 2009 ; 28 : S168.

4

Feist A, Osborne S, Thistlethwaite P, Madani M, Yung G : Voriconazole use increases the incidence of skin cancer in lung transplant recipients. Am J Respir Crit Care Med 2009 ; 179 : A4589.

5

Fulton JC, Hajari AS, Barney J, Tallaj JA, Pamboukian S, Gaggar A, Leon K, DeAndrade J, Pajaro OE, McGiffin DC, Young KR, Wille KM : Recent rise in the incidence of Pneumocystis jirovecii pneumonia in heart and lung transplant recipients beyond the standard prophylaxis interval. Am J Respir Crit Care Med 2009 ; 179 : A4591.

6

Glanville AR, Harkess M, Liew CL, Benzimra M, Pearson R, Hanning K, Havryk A, Malouf MA, Plit M : Even fatal donor asthma is not a contraindication to lung transplantation. Am J Respir Crit Care Med 2009 ; 179 : A4605.

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