Divers
Transplantation pulmonaire
H. Mal
À
Service de Pneumologie B et Transplantation pulmonaire, Hôpital Bichat, Paris. Correspondance :
[email protected]
15S178
Rev Mal Respir 2006 ; 23 : 15S178-15S179 Doi : 10.1019/20064179
côté de l’utilisation bien connue de la cyclosporine A (CyA) par voie systémique en transplantation pulmonaire, son administration en aérosol a été également proposée par l’équipe de Pittsburgh depuis de nombreuses années. Compte tenu de l’efficacité immunosuppressive dose-dépendante de la CyA, l’hypothèse sous-jacente est que l’on pourrait par ce biais augmenter les concentrations locales de CyA sans majorer la toxicité systémique. Les premiers travaux de l’équipe de Pittsburgh avaient testé avec succès l’utilisation de CyA en aérosol chez des patients présentant une dysfonction chronique du greffon, entité de cause multifactorielle dans laquelle le rejet chronique joue un rôle prépondérant [1]. Mais il s’agissait d’études non contrôlées, donc critiquables. La même équipe a mené une étude contrôlée, en double insu contre placebo, dans laquelle la CyA nébulisée était débutée à la phase précoce de la transplantation en sus de l’immunosuppression systémique habituelle. Les résultats de cette étude ont été publiés en 2006 dans le New England Journal of Medicine [2], mais une affiche présentait des résultats complémentaires [3]. Sur les 58 patients inclus dans l’étude, 28 ont reçu la CyA en aérosol et 30, le placebo. Le traitement était initié dans les six semaines suivant la transplantation, la dose de CyA étant de 300 mg trois fois par semaine. Le critère principal de jugement était le taux de rejet aigu, les critères secondaires étant la survie globale et la survie sans rejet chronique dans chaque groupe. La durée moyenne de traitement était d’environ 13 mois, et le temps moyen de suivi postopératoire, d’environ trois ans dans les deux groupes. Le taux de rejet aigu ne différait pas selon les groupes, mais la survie globale était nettement supérieure dans le groupe CyA (3 décès sur 28 patients dans le groupe CyA vs 14/30 dans le groupe placebo, p = 0,01). Dans le groupe CyA, la survie sans rejet chronique était aussi significativement meilleure que dans le groupe placebo. Le taux d’effets secondaires (notamment la néphrotoxicité) ou d’infections oppor-
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tunistes n’était pas supérieur dans le groupe CyA. Les auteurs présentaient à l’ATS une extension de ce travail portant sur la vitesse de décroissance du VEMS dans les deux groupes [3]. La décroissance du VEMS était de 17,5 ± 6,5 % par an dans le groupe placebo et était quatre fois plus faible (4,3 ± 5,2 % par an) dans le groupe CyA (p = 0,009). Ces résultats très encourageants confirment le bénéfice que peut apporter une immunosuppression locale sur la survenue du rejet chronique, qui reste la cause principale de décès des patients à distance de la transplantation pulmonaire. Le principal problème est que toutes les publications sur ce thème émanent du même groupe, car le produit n’est disponible que dans ce centre. Il serait donc très important de pouvoir répéter ces résultats sur un collectif de patients plus important. C’est ce qu’on peut espérer car une firme pharmaceutique vient d’obtenir la licence du produit. Approximativement 3 % des transplantations pulmonaires réalisées dans le monde concernent des receveurs ventilés mécaniquement avant la greffe. Or, le fait pour le receveur d’être dépendant de la ventilation mécanique a été identifié de façon répétitive comme un facteur de risque significatif de mortalité à un an après transplantation pulmonaire. Par voie de conséquence, certains centres sont réticents à inscrire ce type de patients sur liste d’attente. On comprend bien néanmoins que le terme ventilation mécanique revêt des réalités très différentes, allant de l’insuffisant respiratoire chronique ayant un support ventilatoire tout ou partie de la journée jusqu’au patient de réanimation ventilé en permanence sous sédation pour une affection hypoxémiante type SDRA ou fibrose grave. Ces différences expliquent probablement le fait que les résultats de la transplantation sur ce terrain varient selon les publications, le taux de survie à un an allant de 25 à 75 %. Le centre de Hanovre, qui figure parmi les centres européens les plus en pointe en matière de transplantation pulmonaire, présentait les résultats des transplantations réalisées sur des receveurs ventilés mécaniquement [4]. Les auteurs ont pour ce faire sélectionné uniquement les patients ventilés mécaniquement pour une hypoxémie profonde, c’est-à-dire avec une ventilation mécanique invasive permanente, en excluant donc les patients avec ventilation non invasive ou avec support ventilatoire partiel. Sur un peu moins de six ans, 39 patients de ce type (9,2 % de l’ensemble de la cohorte) ont été transplantés dans ce centre. L’âge moyen des receveurs était de 38 ± 14 ans. Un tiers des patients était sous circulation extracorporelle (CEC) avant la greffe. Les pathologies sous-jacentes étaient principalement la mucoviscidose (33 %) et la fibrose pulmonaire (23 %). La greffe était une retransplantation chez 13 % des patients. La transplantation était réalisée sous CEC dans 80 % des cas. La durée de suivi postgreffe était de 368 ± 478 jours. La survie à trois mois et à un an était respectivement de 62 % et de 45 %. Aucune différence entre les caractéristiques des receveurs
n’était identifiée entre les survivants et les non-survivants à un an. Les auteurs concluent que, chez des patients bien sélectionnés, le fait d’être sous support ventilatoire complet ne constitue pas une contre-indication absolue à la transplantation, même si on doit s’attendre à un taux de survie plus faible que dans l’indication classique. Le risque d’infection aspergillaire est très élevé après transplantation pulmonaire, en particulier si le patient est déjà colonisé à ce germe. Compte tenu du haut risque de mortalité associé à cette infection, les équipes de greffe ont pour la plupart opté pour une chimioprophylaxie en cas de situation à risque. Parmi les agents communément utilisés figurent les azolés tels que l’itraconazole et le voriconazole, plus récemment commercialisé. Un des problèmes rencontrés avec la prise de ces médicaments est la possible survenue d’effets indésirables, notamment hépatiques. Un poster rapportait l’expérience de l’équipe de San Antonio (Texas, États-Unis) en matière de complications hépatiques observées avec ces agents [5]. Les auteurs ont repris les dossiers de 28 patients ayant reçu soit de l’itraconazole pour 14 d’entre eux (groupe 1), soit du voriconazole pour les 14 autres (groupe 2). Les deux groupes ne différaient pas en termes de caractéristiques démographiques. Si l’efficacité antiaspergillaire était jugée similaire dans les deux groupes, la survenue d’une altération franche du bilan hépatique était significativement plus fréquente (38 %) dans le groupe 2. Ces données confirment l’impression clinique que le voriconazole a une hépatotoxicité particulière. Fait intéressant, celle-ci ne semble pas être toujours croisée, car, pour un certain nombre de patients ayant développé une hépatotoxicité au voriconazole, le remplacement de ce dernier par l’itraconazole peut être effectué sans problèmes.
Références 1
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Iacono AT, Corcoran TE, Griffith BP, Grgurich WF, Smith DA, Zeevi A, et coll. : Aerosol cyclosporin therapy in lung transplant recipients with bronchiolitis obliterans. Eur Respir J 2004 ; 23 : 384-90. Iacono AT, Johnson BA, Grgurich WF, Youssef JG, Corcoran TE, Seiler DA, et coll. : A randomized trial of inhaled cyclosporine in lungtransplant recipients. N Engl J Med 2006 ; 354 : 141-50. Iacono AT, Johnson BA, Corcoran TE, Grgurich WF, Dauber JA, Smaldone GC, et coll. : Preservation of lung function with aerosol cyclosporine in a double blinded placebo controlled study. Proc Am Thorac Soc 2006 ; 3 : A539. Gottlieb JT, Simon AR, Hoeper MM, Strueber M, Welte T : Short-term outcome after lung transplantation in critically ill patients. Proc Am Thorac Soc 2006 ; 3 : A535. Levine DJ, Angel JF, Sanchez JF, Mawxell P, Johnson S, Levine SM : Liver function abnormalities in lung transplant recipients receiving voriconazole versus itraconazole for aspergillus prophylaxis. Proc Am Thorac Soc 2006 ; 3 : A536.
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