Troubles olfactifs d’origine médicamenteuse : analyse et revue de la littérature

Troubles olfactifs d’origine médicamenteuse : analyse et revue de la littérature

Carrefour des spécialités Rev Méd Interne 2000 ; 21 : 972-7 © 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S0248866300...

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Carrefour des spécialités

Rev Méd Interne 2000 ; 21 : 972-7 © 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S0248866300002538/SSU

Troubles olfactifs d’origine médicamenteuse : analyse et revue de la littérature J.M. Norès1, B. Biacabe2, P. Bonfils2 1 Service de médecine interne, hôpital Raymond-Poincaré, université René-Descartes, 92380 Garches, France ; 2service d’ORL et de chirurgie cervicofaciale, hôpital européen Georges-Pompidou, faculté Necker-Enfants-malades, université René-Descartes, Paris, France

(Reçu le 28 septembre 1999 ; accepté le 15 février 2000)

Résumé Propos. – Les troubles de l’odorat induits par une prise médicamenteuse sont peu fréquents. Néanmoins, une telle origine doit être systématiquement recherchée car la perte olfactive peut être réversible à l’arrêt du traitement. Actualités et points forts. – L’analyse des publications permet de constater que, pour de nombreux médicaments supposés être responsables de troubles olfactifs, cet effet secondaire n’a été découvert que sur des préparations animales sans qu’aucun cas clinique n’ait été rapporté. La réelle toxicité chez l’homme n’est alors qu’hypothétique. Sur 150 000 dossiers recensés dans les centres de pharmacovigilance en France, seulement 68 rapportent des complications olfactives (0,05 % des dossiers) avec seulement 22 % des dossiers qui atteignent le niveau d’imputabilité plausible. Les médicaments cardiovasculaires arrivent en tête de liste des médicaments impliqués dans la genèse des troubles. Parmi eux, il faut citer les inhibiteurs de l’enzyme de conversion, plus connus pour les troubles du goût, quelques bêtabloquants et un inhibiteur calcique appartenant à la famille des dihydropyridines. Des troubles de l’odorat ont été aussi observés avec des médicaments utilisés en anesthésie, en carcinologie, en endocrinologie (carbimazole), en immunologie (interféron), en infectiologie (ciprofloxacine, doxycycline, terbinafine) et en rhumatologie (D-pénicillamine). Perspectives et projets. – Affirmer une relation directe entre la prise d’un médicament et un trouble de l’odorat reste souvent difficile et l’imputabilité du médicament dans la genèse de ces troubles se révèle souvent délicate à établir. © 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS troubles olfactifs / médicaments / iatrogène

Summary – Olfactory disorders due to medicinal drugs: an analysis and review of the literature. Introduction. – Olfactory disorders caused by medicinal drug intake are an uncommon occurrence. However, such an etiology should be systematically taken into account and investigated, as olfactory loss may be reversible once the particular treatment has been stopped. Current knowledge and key points. – An analysis of the literature shows that of the large number of drugs that are apparently responsible for olfactory disorders, this adverse side effect has in fact only been observed in animal study populations, and no clinical case report has been made on the subject. The real toxicity to man is therefore only hypothetical. Of the 150,000 cases recorded in the pharmacovigilance centers in France, only 68 have reported olfactory complications (0.05% of cases), and only 22% of the medical files on this disorder reach a satisfactory level of plausibility. Cardiovascular drugs are mainly implicated in the development of olfactory disorders. Of these, certain drugs in particular should be mentioned: conversion enzyme (ACE) inhibitors which are responsible for taste disorders, some betablockers, and a calcium antagonist (a dihydropyridine derivative). Olfactory disor-

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ders have also been reported following administration of drugs used in anesthesia, in cancerology, endocrinology (carbimazole), in immunology (interferon), in the treatment of infectious diseases (ciprofloxacine, dioxycycline, terbinafine), and in rheumatology (D-penicillamine). Future prospects and projects. – It is frequently difficult to establish a direct relationship between drug exposure and an olfactory disorder, and it is often not easy to determine with any certainty the causative role of the drug in the development of this disorder. © 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS olfactory disorder / drug / side effect

Les troubles de l’odorat induits par une prise médicamenteuse sont peu fréquents. Néanmoins, une telle origine doit être systématiquement recherchée car la perte olfactive peut être réversible à l’arrêt du traitement. Dans l’importante série publiée par Deems et al. en 1991 et provenant du Smell and Taste Center de Philadelphie, les troubles olfactifs d’origine médicamenteuse représentaient 15 patients sur 750 consultations, soit 2 % des patients suivis [1]. Il existe trois étapes dans l’étude des effets indésirables des médicaments : le recueil des informations, l’évaluation, puis les conséquences de cette évaluation. L’étape la plus complexe est l’étape d’évaluation qui pose la notion d’imputabilité, c’est-à-dire la décision d’établir une relation entre la prise d’un médicament et l’effet néfaste observé. Une telle décision impose d’utiliser une méthode bien codifiée afin d’aboutir à un jugement qui revient à objectiver une probabilité de relation [2]. Les critères évalués dans une méthode d’imputabilité sont multiples et complexes : délai d’apparition entre la prise médicamenteuse et l’apparition des effets secondaires, évolution à l’arrêt du médicament, réactions lors de la réadministration du médicament, description de la sémiologie de l’effet indésirable par rapport aux connaissances fondamentales et cliniques. Un score d’imputabilité peut être défini et des tables de décision combinant les scores des divers critères retenus permettent d’aider à la prise de décision. Ainsi, la difficulté essentielle dans ce vaste domaine est d’asseoir la relation directe entre la prise d’un médicament et le trouble de l’odorat. Cependant, la plupart des études publiées chez l’homme et rapportées dans cet ouvrage sont d’ordre exclusivement clinique, parfois anecdotique, tandis que les principaux facteurs ayant pu interférer dans la genèse du trouble olfactif n’ont pas fait l’objet d’une réelle expertise scientifique [3]. Ainsi, l’imputabilité du médicament

dans la genèse des troubles reste souvent difficile à établir (tableau I). Dans le dictionnaire Vidal, seuls quatre médicaments sont associés à une déclaration de trouble de l’odorat (tableau II). Une autre cause d’erreur est le vieillissement de l’olfaction puisque, entre 65 et 80 ans, on estime que 50 % des sujets ont des troubles de l’olfaction dont 25 % sont totalement anosmiques, situation qui s’accentue encore après 80 ans où l’on retrouve 80 % de sujets avec des troubles de l’olfaction dont la moitié est anosmique. Le cortex olfactif est l’un des sites où s’observe en premier lieu plaques séniles er dégénérescence neurofibrillaire. Outre ces médicaments qui ont ou auraient provoqué des troubles olfactifs chez l’homme, des listes parfois exhaustives de substances pharmacologiques potentiellement toxiques pour le système olfactif ont été publiées dans la littérature. L’analyse des publications permet de constater que de nombreux médicaments sont supposés être responsables de troubles olfactifs, mais la découverte de cet effet secondaire a été réalisée sur des préparations animales sans qu’aucun cas clinique n’ait été rapporté. La réelle toxicité chez l’homme n’est alors qu’hypothétique [27, 28]. MÉDICAMENTS UTILISÉS EN ANESTHÉSIE Cinquante-neuf patients décrivant des troubles du goût et de l’odorat après une anesthésie générale ont été étudiés par Henkin et Adelman [6, 7]. Cette origine des troubles de l’odorat représentait 1,8 % des cas dans la série de 3 312 patients examinés à la clinique du goût et de l’odorat de Washington [7]. Si certains patients anesthésiés ont bénéficié d’une chirurgie craniofaciale pouvant expliquer les troubles olfactifs, 24 patients ont consulté après une chirurgie abdominale, génito-urinaire, cardiaque où l’acte

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Tableau I. Liste des médicaments pouvant induire un trouble de l’odorat d’après les données de la littérature (références entre crochets) excepté les médicaments signalés dans le dictionnaire Vidal. Dénominations communes [références] Spécialités commerciales en France contenant les molécules incriminées Amlodipine [4, 5] Anesthésie [6, 8] Captopril [9] Carbimazole [10] Ciprofloxacine [4, 11] Cytarabine [4, 12] Diltiazem [4, 13] Doxycycline [4, 14] D-pénicillamine [15, 16] Énalapril [4, 11] Félodipine [4, 17] Hydroxychloroquine [18] Interféron [4, 19, 20] Lévamisole [21] Lisinopril [9] Méthotrexate [4, 22] Métoprolol [23] Nifédipine [4, 5, 24] Terbinafine [4, 25]

Amlort Aucune certitude sur le ou les produits potentiellement suspects Captolanet, Loprilt Néo-Mercazolet Cifloxt, Unifloxt Aracytinet, Cytarbelt Bi-Tildiemt, Deltazent, Diacort, Dilrènet, Diltiazemt, Mono-Tildiemt, Tildiemt Doxy-100t, Doxy-50t, Doxycycline Plantiert, Doxycycline GNRt, Doxycycline Merckt, Doxycycline Ratiopharmt, Doxygramt, Doxyletst, Granudoxyt, Monoclinet, Spanort, Tolexinet, Vibramycine Nt, Vibraveineuset Trolovolt Renitect, Co-Renitect Flodilt, Logimaxt Plaquenilt Bêtaféront, Imukint, Intronat, Laroféront, Roféron-At, Viraféront Solaskilt Prinivilt, Zestrilt Ledertrexatet, Méthotrexate Roger Bellont Lopressort, Lopressor LPt, Selokent, Selokent LP, Logimaxt, Logrotont comprimés enrobés sécables LP Adalatet capsules, Adalatet LP, Adalatet solution injectable intracoronaire, Chronadalatet, Nifédipine-Ratiopharmt capsules, Nifédipine-Ratiopharmt comprimés LP, Bêta-Adalatet, Ténordatet Lamisilt

chirurgical ne pouvait pas interférer avec le fonctionnement du système olfactif. Chez ces patients, les autres causes de trouble de l’odorat ont été recherchées en vain. Les produits anesthésiants utilisés étaient très variés : des médicaments de prémédication (sympatholytique ou parasympatholytique, barbiturique d’action rapide, phénothiazine, benzodiazépine), des produits d’induction anesthésique (kétamine, propofol, benzodiazépine), et des agents Tableau II. Liste des médicaments pouvant se compliquer d’un trouble de l’odorat signalés dans le dictionnaire Vidal 1998 [26]. Dénominations communes

Spécialités commerciales en France

Laboratoires

Amrinone Moesipil Tetrofosmin Tixocortol/ néomycine

Inocort Moext Myoviewt Pivalonet néomycine suspension nasale Pivalonet néomycine suspension endosinusienne

Sanofi Winthrop Schwarz Pharma Amersham France* Jouveinal Jouveinal

* Un seul cas de trouble olfactif transitoire a été signalé aux États-Unis lors d’un essai thérapeutique de phase III.

volatils (NO avec oxygène, halothane, enflurane, isoflurane). L’intensité des pertes de l’odorat était variable d’un patient à l’autre. Des cas de parosmie ont été également décrits. Dans quelques cas, la découverte du trouble olfactif était tardive, jusqu’à six semaines après l’anesthésie [7]. Une étude expérimentale a été menée chez neuf volontaires sains afin d’étudier les effets cognitifs et psychomoteurs après une anesthésie utilisant de l’isoflurane et du N2O [8]. Une odeur déplaisante a été perçue par les volontaires, de manière brève, mais aucune évaluation de cette anomalie olfactive n’a été effectuée durant ce travail. MÉDICAMENTS UTILISÉS EN CARCINOLOGIE Des troubles de l’odorat ont été décrits après l’utilisation de médicaments de chimiothérapie. Un cas de coma avec une hémiparésie, une neuropathie optique unilatérale et une anosmie a été décrit chez un patient traité pour une leucémie par trois cures par voie intraveineuse de cytosine arabinoside (ARA-C) à forte dose. Après plusieurs jours, le coma disparaissait, mais la cécité et l’anosmie persistèrent défi-

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nitivement [12]. L’origine de cette anosmie semblerait être centrale si l’on tente d’expliquer les troubles visuels et le coma par le même processus physiopathologique. L’utilisation de méthotrexate pourrait également conduire à une hyposmie et à une parosmie [22].

– elle a disparu totalement à l’arrêt du médicament en moins de trois jours ; – elle a récidivé avec la même chronologie à la réintroduction du métoprolol ; – elle a à nouveau cédé en moins de trois jours dès l’arrêt du traitement.

MÉDICAMENTS UTILISÉS EN CARDIOLOGIE

MÉDICAMENTS UTILISÉS EN ENDOCRINOLOGIE

Plusieurs classes thérapeutiques utilisées en cardiologie ont fait l’objet de publications relatant des complications olfactives. Trois publications ont étudié les effets sur le système olfactif d’un inhibiteur calcique appartenant à la famille des dihydropyridines : la nifédipine [5, 24, 29]. Trois patients traités par la nifédipine ont également présenté une dysosmie et une dysgueusie [24, 29]. Parallèlement à ces trois cas cliniques ponctuels, une étude fondamentale sur les canaux ioniques des récepteurs olfactifs d’une salamandre (Ambystoma tigrinum) a permis de montrer qu’il existait un canal de transduction cationique, également sensible aux cations divalents, et lié à une protéine G. La fixation sur le récepteur induit un changement de conformation de la protéine G, l’activation de l’adényl-cyclase, la production d’AMPc et l’activation du canal de transduction. Or, ce canal peut être directement bloqué par une faible concentration de nifédipine (50 mM) [29]. L’hypothèse retenue mettrait en jeu une inhibition de la transduction [30]. Des cas d’hyposmie et d’hypogueusie ont été également rapportés après utilisation d’autres antagonistes calciques : le diltiazem [13], l’amlodipine [5] ou la félodipine [17]. Des troubles olfactifs ont été signalés après l’utilisation d’un inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine I : l’énalapril [11]. Mais une étude plus complète comparant le goût et l’odorat de 12 patients traités durant huit semaines, soit avec du captopril (50 à 100 mg/j), soit avec du lisinopril (20 à 40 mg/j) n’a pas permis de retrouver d’altération du goût ou de l’odorat [9]. Enfin, un cas d’anosmie lors de l’utilisation d’un bêtabloquant, le métoprolol, a été décrit en France [23]. L’imputabilité de cet effet secondaire au métoprolol semble forte car : – l’anosmie, sans trouble du goût, est apparue progressivement dès la prise médicamenteuse en une dizaine de jours ;

Les antithyroïdiens de synthèse, comme le carbimazole, ont été tenus responsables d’hyposmies [10]. Une étude expérimentale chez le rat a permis de constater que l’administration de carbimazole engendrait des lésions de l’épithélium olfactif [31]. Ces données doivent être analysées en prenant en compte que l’hypothyroïdie est également une cause reconnue des troubles de l’odorat. MÉDICAMENTS UTILISÉS EN IMMUNOLOGIE Les médicaments induisant une anosmie sont peu nombreux. Un premier cas d’anosmie après administration d’interféron alpha a été décrit en 1994 [19]. Le mécanisme d’action est inconnu. Le second cas a été observé chez un patient traité pour une hépatite C active. Les troubles de l’odorat ont été remarqués dix jours après la première administration d’interféron. Les auteurs incriminent l’interféron dans la genèse de l’anosmie, mais le patient avait également une hépatite et un diabète. À la lecture de cet article, aucun argument décisif ne permet d’affirmer la relation entre le trouble de l’odorat et l’administration d’interféron [20]. MÉDICAMENTS UTILISÉS EN INFECTIOLOGIE Des troubles de l’odorat ont été décrits épisodiquement après l’utilisation d’un antifongique à large spectre : la terbinafine [25] où les lésions olfactives étaient essentiellement des lésions muqueuses nasales. Des manifestations olfactives ont été rapportées après l’utilisation de deux antibiotiques : la ciprofloxacine [11] et la doxycycline [14]. Une anosmie a été décrite chez un homme utilisant la doxycycline pour le traitement d’une affection dermatologique. Deux cas similaires semblent avoir été enregistrés

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dans le département des effets secondaires des médicaments du service de santé australien. Zilstorff et Herbild citent le fait que la consommation de streptomycine aurait induit une parosmie, mais sans en apporter une quelconque justification [32]. Enfin, l’utilisation intranasale de tyrothricine aurait provoqué, chez sept patients, une hyposmie [33] ; néanmoins, la tyrothricine n’est actuellement commercialisée que sous une forme galénique de pâte à mâcher ou de comprimés et est donc inutilisable en solution nasale. En France, la néomycine utilisée pour des soins locaux en association avec du tixocortol est connue pour déclencher des troubles olfactifs (référence Vidal 1998). Un antihelminthique de la classe des imidazothiazoles, le lévamisole, peut engendrer des troubles du goût et de l’odorat [21]. MÉDICAMENTS UTILISÉS EN RHUMATOLOGIE La D-pénicillamine, largement utilisée dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde, est classiquement décrite comme responsable de troubles olfactifs [15, 16]. Il en serait de même de la tiopronine, mais les troubles référencés dans le Vidal sont des troubles essentiellement gustatifs. L’hydroxychloroquine, largement utilisée en médecine interne et en rhumatologie, est connue pour ses effets secondaires comme la rétinite pigmentaire ou les neuropathies périphériques. Un cas d’hyposmie chez un homme de 33 ans, ayant un syndrome de Klinefelter et un syndrome de Gougerot-Sjögren, a été rapporté à la prise d’hydroxychloroquine, car l’atteinte olfactive a commencé six semaines après le début du traitement et a cédé en quelques semaines à l’arrêt de celui-ci [18]. TROUBLES DE L’ODORAT ET ACCIDENTS DE L’AUTOMÉDICATION Un cas unique d’hyposmie progressive a été décrit chez un patient prenant par automédication des comprimés de nitrate d’argent [34]. Ce patient développa une argyrose généralisée avec des lésions cutanées, hépatiques et rénales, des troubles de l’équilibre et une hyposmie associée à une hypogueusie. Des prélèvements anatomopathologiques ont montré des dépôts d’argent sous forme d’un composé insoluble

(Ag2S) dans de nombreuses membranes cellulaires et dans les structures neurales. RECENSEMENT DES TROUBLES OLFACTIFS DANS LES CENTRES DE PHARMACOVIGILANCE EN FRANCE Les centres régionaux de pharmacovigilance ont la tâche de recenser les complications liées à l’emploi des médicaments. Ces centres doivent être alertés dès qu’une suspicion d’accident thérapeutique est notée. Sur 150 000 dossiers recensés en France, seulement 68 rapportent des complications olfactives (0,05 % des dossiers). Ces observations sont exclusivement issues de la notification spontanée, déclarations transmises par les médecins aux centres régionaux de pharmacovigilance. Pour chaque dossier, une imputabilité est établie à partir de critères chronologiques et sémiologiques. Cinq scores d’imputabilité sont ainsi obtenus : exclu, douteux, plausible, vraisemblable et très vraisemblable. Seulement 22 % des dossiers de troubles de l’odorat atteignent le niveau d’imputabilité plausible. Les dossiers restants ont donc une imputabilité douteuse. Parmi les 68 dossiers de troubles de l’odorat enregistrés, 35 concernent des atteintes isolées de l’odorat et 33 des troubles olfactifs et gustatifs. Les médicaments impliqués dans ces troubles sont au nombre de 127 car, dans certains cas, le patient bénéficiait de traitements multiples. Ainsi, dans 35 dossiers, un seul médicament était signalé. Dans neuf dossiers, le patient recevait plusieurs médicaments, mais un seul a été suspecté. Dans les 24 dossiers restants, les patients étaient polymédiqués et plusieurs médicaments avaient le même score d’imputabilité (moyenne de 3,41 médicaments par dossier). Les médicaments cardiovasculaires arrivent en tête de liste des médicaments impliqués dans la genèse des troubles olfactifs. Parmi eux, il faut citer les inhibiteurs de l’enzyme de conversion, plus connus pour les troubles du goût, et quelques bêtabloquants. La figure 1 indique la répartition des médicaments cités en fonction de leur spécialité. CONCLUSION Affirmer une relation directe entre la prise d’un médicament et un trouble de l’odorat reste souvent difficile et l’imputabilité du médicament dans la genèse des troubles est souvent délicate à établir.

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Figure 1. Répartition des médicaments ayant induit un trouble de l’odorat en fonction de la spécialité.

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