Tuberculose et infection par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH)

Tuberculose et infection par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH)

715 Rev Mdd Interne (1993) 14, 715-722 © Elsevier, Paris Mise au point T u b e r c u l o s e et infection par le virus de l ' i m m u n o d E f i c...

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Rev Mdd Interne (1993) 14, 715-722 © Elsevier, Paris

Mise au point

T u b e r c u l o s e et infection par le virus de l ' i m m u n o d E f i c i e n c e h u m a i n e ( V I H ) O Rogeaux, F Bricaire*, M Gentilini Ddpartement des maladies infectieuses, parasitaires, tropicales et de santd publique CHU Piti&SalpOtriOre, 47-83, boulevard de l'HOpital, 75651 Paris Cedex 13, France (Regu le 3 septembre 1992 ; accept6 le 26 juin 1993)

REsumE - Avec la survenue de rinfection par le VIH, le nombre de cas de tuberculose est en rEaugmentation en particulier en Europe, aux l~tats-Unis, et surtout en Afrique. La tuberculose est favorisEe par la baisse de l'iminunit6 cellulaire, mais Egalement par les mauvalses conditions de vie sociale (toxicomanie, prison) et par la prevalence de l'infection tuberculeuse dans la population gEnErale. Souvent prEcoce dans rhistoire naturelle de rinfection 7t VIH, la tuberculose est alors parfois rEvElatrice et serait due h la resurgence d'une primo-infection ancienne. Plus tardive, la tuberculose peut alors ~tre due ~t une contamination plus rEcente. La maladie s'exprime soit par des manifestations pulmonaires habituelles, soit par des localisations extrathoraciques variEes : ganglionnaires, hEpatosplEniques, hEmatologiques ou mEningEes. Le diagnostic repose soit sur la recherche directe du BK par tubage ou lavage alvEolaire, par des hEmocultures, soit sur la constatation de lesions histologiques souvent atypiques, sans lesion casEeuse franche. La place de l'intradermorEaction reste discutEe, le plus souvent negative mais pouvant garder de sa valeur lorsque positive, fait inhabituel chez ces malades. Un diagnostic prEcoce est important, pour assurer un pronostic favorable, justifiant des traitements d'Epreuve frequents. La quadrithErapie classique est efficace, lorsqne le traitement est rapidement instituE et que la souche est de sensibilitE normale. La durEe du traitement est real codifiEe se situant aux alentours de 9 h 12 tools. Sa tolerance n'est pas toujours excellente. Un traitement d'entretien para~t souvent nEcessaire. Se pose de msme aujourd'hui l'opportunit6 d'une prophylaxie primaire. La survenue de souches rEsistantes encore limitee, s'ad&o~t actuellement, ajoutant encore fi la nEcessitE des mesures de prevention des contaminations en particulier nosocomiales. t u b e r c u l o s e ! V I H / sida

S u m m a r y - Tuberculosis and H I V infection. With the increased number o f H1V infected patients, tuberculosis has become more fre-

quent in Europe, USA and particularly in A]?ica. Impaired immunity, poor life conditions and high prevalence of tuberculosis in the general population facilitate the transmission of the disease. Tuberculosis is often seen early in the course of H I V infection and some times reveals the underlying immunodeficiency. Most of these cases are due to reactivation of earlier primo-infection when tuberculosis occurs later in the H I V disease, it may be secondary to a recent contagion. The infection may be localized in the lungs or in extrathoracic sites such as lymph nodes, liver, spleen, blood or meninges. The diagnosis" is based on direct visualisation of acid fast bacilli in gastric aspirate or BAL, on positive blood cultures or in histological findings which often show atypical granulomatous reaction without marked caseation. The role of the intracutaneous tuberculin test remain questionable as it often prooves negative. A positive skin reaction can be useful f o r the diagnosis of tuberculosis, however this is rarely observed. An early diagnosis is important in order to improve the prognosis a;td this justifies the frequent instauration o f empiric treatment. The usual quadritherapy is efficacious and when started early permits in most cases a favorable outcome. The duration o f treatment is poorly standardized but approaches 9-12 months in most instances. The drugs are not always well tolerated. A life-long maintenance therapy seems to have become necessary and primary prophylaxis might be of interest. The increased occurence of drug resistant stains adds to the interest of preventing transmission, particularly in the hospital. tuberculosis / H I V / A I D S

* Correspondance et tires ~t part : F Bricaire, mSme adresse.

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o Rogeaux, F Bricaire, M Gentilini

La tuberculose occupe une place originale dans l'infection ~t VIH, qui s'explique ~ la fois par l'6piddmiologie de l'infection tuberculeuse et les cons6quences de l'infection due au virus de l'immunod6ficience humaine (VIH). L'dclosion d'une tuberculose dans un milieu donn6 tient ~t plusieurs facteurs : au niveau de circulation du bacille de Koch (BK) dans la population, ~ la qualit6 de l'immunit6 cellulaire, h des facteurs environnementaux (qualit6 de vie, nutrition, etc). Aussi comprend-on que pour une immunit6 commen,ant ~ ddfaillir, une tuberculose puisse rapidement 6clore et s'exprimer, avant mame que d'autres infections, qui sont dites opportunistes et dues des germes moins r6pandus ou moins virulents, ne s'expriment. Les localisations extrapulmonaires de la tuberculose correspondent h une d6pression souvent marqude de l'immunit6 et entrent depuis longtemps dans la d6finition du sida. En raison de la progression de la tuberculose pulmonaire chez les sujets infect6s par te VIH, la d6finition de sida a 6t6 61argie r6cemment ~ toutes tubercutoses survenant chez ces patients.

l~pid6miologie de la tuberculose et lien avee l'infection V I H On estime le rdservoir humain de la tuberculose 1,7 milliard d'individus [1]. Le nombre de nouveaux cas de tuberculose est compris entre 8 et 10 millions par an dont 10 ~ 12 000 cas annuels en France et 25 000 aux l~tats-Unis [ 1, 2]. Mais, h travers le monde, il existe une disparit~ importante de la prdvalence de l'infection par le VIH et de l'infection tuberculeuse. L'Afrique et l'Asie sont les continents otJ le nombre de tuberculeux est le plus 61ev6. L'Afrique 6tant 6galement le pays le plus touch6 par l'infection VIH, le nombre de cas de tuberculoses li6es au VIH est important : 238 000 cas chaque ann6e (tableau I) [1]. Le nombre de cas de tuberculose, actuellement rapport6, est en augmentation. Aux t~tats-Unis, le nombre annuel de cas de tuberculose 6tait en ddcroissance de 5% par an, environ, entre 1953 et 1984 passant de 84 304 h 22 255. Depuis, on assiste h une augmentation du nombre de cas de 3% en 1986, de 5% en 1989, de 6% en 1990. En France mdtropolitaine 8 510 cas de tuberculose ont 6t6 d6clards en 1991

Tableau I. l~pid6miologie de l'infection par le VIH et BK. Infectds par V1H (prevalence) Afrique Asie Pays riches Monde

5,0 millions 0,5 million 1,5 million 8,0 millions

Co-infectds Tuberculeux Tuberculeux VIH + BK (incidence + VIH (prdvalence) annuelle) (prdvalence) 2,40 millions 0,20 million 0,17 million 3,00 millions

1,60 million 4,50 millions 0,39 million 8,00 millions

PULMONAJF

238 000 20 000 17 000 305 000

SSO01EE

7%

pulmonaire*aut res) 53%

DISSEMFNEE 12%

tEPATIQUE 8%

MENINGEE

GANGLIONNAIRE

5%

16%

Fig 1. Localisation de la tuberculose chez 166 patients infectds par le VIH.

soit une baisse de seulement 6% par rapport 1990. Mais l'incidence est variable selon les r6gions et elle est en hausse dans les r6gions les plus touch6es par le VIH : r6gion parisienne, Provence-Alpes-C6te d'Azur [3]. En Europe, l'incidence de la tuberculose cesse de d6cro~tre [4]. Cette r6surgence est 1i6e en grande partie ~ rinfection VIH [5]. Ceci est d6montr6 par une s6ropr6valence 61ev6e pour le VIH chez les tuberculeux qui va de 24 ~ 55% selon les r6gions du monde [2, 6-8]. On note 6galement une augmentation de fr6quence importante des tuberculoses extrapulmonaires favoris6es par le VIH qui ont augment6 de 20% entre 1984 et 1989 aux t~tats-Unis contre 3% pour les formes pulmonaires. Dans le service, nous avons observ6 chez 166 patients atteints de tuberculose 53% de formes pulmonaires pures, 47% de formes extrapulmonaires (fig 1). La fr6quence de la tuberculose chez le sujet infect6 par le VIH est de 8 ?a 10%, de 14% h l'h6pital de la Piti6-Salp~tri6re (Paris) entre 1986 et 1991. Elle est beaucoup plus 61ev6e en Afrique : 20 550%.

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Tubercnlose et infection par le VIH

Aux t~tats-Unis, l!incidence de la tuberculose est 500 fois plus 61evde chez les patients atteints de sida que dans la population g6ndrale. Les facteurs favorisant la survenue d'une tuberculose chez les sujets .VIH sont d'abord g6ographiques. Le risque est plus 61ev6 dans les r6gions o~ la circulation du B K est plus intense et o/a le niveau d'hygibne plus bas. Ceci explique que rAfrique soit le continent le plus touch6 [9]. Le deuxibme facteur est social. Aux l~tats-Unis, l'incidence de la tuberculose dans les prisons est passde de 15,4/100 000 en 1976 5 105,5/100 000 en 1986 [10]. Ceci est expliqu6 ~t la fois par l'infection VIH dont la frdquence augmente mais 6galement par le risque de transmission augment6 de la tuberculose exog~ne en milieu carc6ral. Chez les toxicomanes, le risque de tuberculose est 6galement accru et la circulation du BK forte. En effet, on note une intradermor6action h la tuberculine qui se positive dans 11% des cas sur une p6riode de suivi moyenne de 22 mois chez les toxicomanes infectds par le VIH et dans 13% des cas chez les toxicomanes non infectds par le VIH. Parmi ceuxci ce seront surtout les sujets porteurs du V I H qui feront une tuberculose maladie [l 1]. Les facteurs raciaux souvent associds au niveau social aux t~tats-Unis interviennent 6galement. Chez les Blancs, on notait une augmentation de la tuberculose de 11% entre 1985 et 1989, de 37% chez les Noirs et de 43% chez les hispaniques. Le dernier facteur favorisant reste bien entendu l'importance de l'immunod6pression li6e au VIH. Dans le monde, actuellement sur trois millions de personnes co-infect6s par le V I H et le BK, 75% vivent en Afrique [1].

culeux. Ce type d'atteinte est plus frdquent si l'immunod6pression est plus:sdvbre. Les sites principaux sont ganglionnaires, m6ning6, hdpatique, spl6nique, hdmatopoY6tique ou miliaire [12].

Tuberculose pulmonaire Le tableau clinique associe habituellement de la :fibvre (90% des cas), une altdration de l'6tat gdndral avec perte de poids (93%) des signes respiratoires avec une toux (60%). Mais ces signes cliniques ne permettent pas le diagnostic diff6rentiel par rapport aux autres infections pulmonaires chez les sujets VIH. D'ota l'importance de la recherche des BK dans les crachats qui seront positifs dans 31 ~ 82% des cas et darts le lavage bronchoalvdolaire positif dans 30 ~t 73% des cas [6]. Mais c'est la radiographie pulmonaire qui souvent orientera le diagnostic. Elle est anormale dans 85% des cas avec prdsence d'ad6nopathies hilaires ou m6diastinales (22%), d'un 6panchement pleural (25%), d'un infiltrat des lobes supdrieurs (25%), d'un aspect de miliaire (13%) ou de cavernes (6%) [6]. Les anomalies sont souvent corr61des au degr6 d'immunod6pression. Quand l'immunit6 est peu alt6r6e, l'aspect sera plut6t celui d'une rdactivation de tuberculose avec prdsence de caverne ou un infiltrat des lobes sup6rieurs. En revanche, quand rimmunit6 est plus alt6rde, l'aspect sera celui des tuberculoses primaires avec pr6sence d'ad6nopathies hilaires, aspect de miliaire ou 6panchement pleural (tableau II). La prdsence de cavernes, d'dpanchement pleural ou d'addnopathies hilaires a une grande valeur dia-

Pr6sentation clinique de la tuberculose chez les sujets p o r t e u r s du V I H La tuberculose survient souvent chez les patients infectds par le VIH avant que l'immunoddpression ne soit sdv6re. Elle peut m6me r6vdler la co-infection. Elle peut aussi survenir tardivement lors de la phase d'immunod6pression. Le site de la tuberculose est pulmonaire dans 75% des cas mais la tuberculose extrapulmonaire est souvent associde. En effet, les localisations extrapulmonaires sont pr6sentes chez 50 ~t 70% des sujets sdropositifs tuber-

Tableau 1I, Radiographie pulmonaire au cours de la tuberculose chez le sujet infect6 par le VIH. Immunitd peu altgr~e

Immunitd trOs altdrde

Infiltrats lobes sup6rieurs Cavernes

Ad6nopathie hilaire Aspect de miliaire l~panchement pleural

Aspect de r6activation de tuberculose

Aspect de tuberculose primaire

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o Rogeaux, F Bricaire, M Gentilini

gnostic car ils sont absents au cours des infections pulmonaires li6s au Pneumocystis carinii ou au cytomdgalovirus, en revanche, au cours des lymphomes et des sarcomes de Kaposi 6panchement pleural et ad6nopathies peuvent atre pr6sents. Tuberculose extrapulmonaire Sa fr6quence est en augmentation avec rinfection VIH. Plusieurs sites principaux sont not6s. Ganglionnaires L'atteinte peut ~tre pdriphdrique ou profonde en particulier intraabdominale. Le tableau clinique est peu sp6cifique. L'ad6nopathie peut ~tre douloureuse, il s'y associe souvent fi~vre et alt6ration de l'6tat g6n6ral. Le diagnostic est confirm6 par aspiration biopsie ou ex6r6se complbte d'un ganglion mettant en 6vidence la pr6sence de BK dans 67 5 90% des cas. La pr6sence d'un granulome avec 6ventuellement pr6sence de cas6um ~t l'histologie confirme le diagnostic. Cette atteinte est fr6quente mais souvent 6galement li6e aux mycobact6ries atypiques. Tuberculose dissdmin~e par voie hdmatogkne Elle est beaucoup plus fr6quente chez les sujets VIH (38%) que chez les sujets non VIH (8%). La pratique d'h6mocultures pour la recherche de B K chez les sujets VIH tuberculeux sont positives dans 26 ~ 46% des cas. Le tableau clinique associe de la fibvre (> 38°C) dans 100% des cas, des signes respiratoires (67%), des signes gastro-intestinaux (34%), des signes neurologiques (33%), un aspect de miliaire pulmonaire (32%). La mortalit6 de cette forme de tuberculose reste 61evde, supdrieure 45% [131. Mdningite tuberculeuse Elle est plus fr6quente chez les sujets VIH (10%) que les non V I H (2%) [14]. Le tableau clinique retrouv6 par Berenguer parmi 37 m6ningites tuberculeuses chez des patients porteurs du VIH associait de la fibvre (90%), un syndrome m6ning6 (65%), des c6phal6es (60%), un ralentissement psychomoteur (45%), des signes d6ficitaires focaux (20%). Le scanner c6r6bral 6tait anormal dans 69% des cas avec des signes d'hydroc6phalie (42%), une prise de contraste m6ning6e (23%), des

16sions intrac6r6brales (45%). Les tuberculomes semblent plus fr6quentes chez les sujets infectds par le VIH [15]. Le liquide c6phalorachidien est 6galement perturb6 avec en moyenne une protdinorachie 6gale ~t 0,52 g/1 mais normale dans 43% des cas, une glycorachie 5 1,3 mmol mais normale dans 14% des cas et un nombre moyen d'616ments 6gal 234/mm3 mais normal dans 11% des cas. Dans 65% des cas au moins une autre atteinte tuberculeuse 6tait associde. Autres localisations Elles peuvent ~tre g6nito-urinaires (37%). Une atteinte h6patique est 6galement frdquente puisqu'elle est retrouv6e dans 78% des cas par la culture et/ou l'histotogie de m~me que ratteinte mddullaire dans 67% des cas [13]. L'atteinte musculo-squelettique et cutande est plus rare (8%). Des atteintes spl6niques sont 6galement retrouvdes I16, 17].

Diagnostic d'une tuberculose chez le sujet VIH La confirmation du diagnostic repose essentiellement sur la recherche du BK par l'examen direct et/ou la culture. Cette recherche est pogitive dans les crachats et surtout le liquide de tubages gastriques. Ceux-ci doivent atre r6p6t6s. Le diagnostic de tuberculose pulmonaire peut 6galement ~tre confirm6 par l'examen du liquide de lavage bronchoalvdolaire. La biopsie h6patique, m6dullaire ou ganglionnaire, les h6mocultures, l'examen des urines ou des liquides d'6panchement peuvent permettre le diagnostic de la maladie. Certains auteurs prdconisent 6galement la recherche du BK dans l'examen des selles dont la positivit6 peut aller jusqu'5 40% [6]. Cet examen est peu r6alis6 en France. L'examen histologique est une aide pr6cieuse au diagnostic lorsqu'il retrouve des 16sions typiques de tuberculose avec un granulome et du cas6um. Bien souvent ces ldsions sont moins caract6ristiques. Ces malades ne semblent pas avoir toujours la capacit6 de ddvelopper des 16sions cas6euses et marne granulomateuses. L'intradermordaction ~ 10 unitds de tuberculine peut apporter 6galement parfois une aide au diagnostic. Sa positivit6 (> 10 ram) est inconstante au

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Tuberculose et infection par le VIH Tableau III. InterprEtation de I'IDR h la tuberculine chez le

Tableau IV. Traitement de la tuberculose.

patient infect6 par le VIH. BK sensible

T4 < 200

T4 > 200

IDR

InterprEtation

+ -

" Haute probabilit6 de tuberculose Non contributive

++ -

Probabilit6 de tuberculose Non contributive

cours des tuberculoses des sujets VIH. Dans l'Etude de Perronne sur 30 tuberculoses chez des patients VIH, elle dtait positive dans 63% des cas avant le stade sida et dans 30% des cas au stade sida [18]. Pour Rieder, I'IDR est positive dans 71% des cas avant le stade sida et dans 33% des cas au stade sida [19]. L'interprEtation de r I D R est donc dElicate mais une IDR positive chez un sujet VIH doit faire Evoquer fortement le diagnostic de tuberculose surtout au stade sida (tableau III). Le diagnostic de tuberculose par amplification de gkne (PCR) de Mycobacterium tuberculosis est une technique d'avenir. Elle prdsente l'avantage d'une grande sensibilitE et perrnet de porter le diagnostic en quelques jours [20]. Sa spEcificitE est en cours d'Evaluation chez les sujets VIH. Son cofit reste ElevE. Ses indications devront atre bien prEcisees. Enfin, dans les cas o/t le diagnostic de tuberculose est dvoquE mais pour lesquels il n'existe pas de preuve bactEriologique, un traitement d'dpreuve antituberculeux peut ~tre proposE. En cas d'amdlioration clinique, en particulier la normalisation de la courbe de temperature le diagnostic peut ~tre retenu. Le diagnostic diffErentiel principal de la tuberculose chez le sujet VIH est l'infection par une mycobactdrie atypique en particulier Mycobacterium avium intra cellulaire (MAIC). En effet, la presence de bacilles acidoalcoolorEsistants (BARR) dans un tubage gastrique ou un examen de crachat n'est pas synonyme de presence de BK mais peut correspondre 5 une autre mycobactErie. Le tableau clinique, rhistologie peuvent ~tre proches au cours des infections par MAIC. Les traitements antituberculeux classiques sont en gEnEral inefficaces mais ils peuvent entratner une amelioration transitoire. I1 ne faut pas porter le diagnostic de tuberculose uniquement sur l'examen

ETH ] INH I 2 mois RIF

INH 1 7 mois RIF J

r;ZA INN (R) ou intolerance

RIF ] PZA ) 18 mois ETH

IntolErance RIF

INH ] PZA t 1 8 h 2 4 m o i s ETH

INH : isoniazide ; RIF : rifampicine ; ETH : 6thambutol ; PZA : pyrazinamide.

direct mais le confirmer par les cultures. Les infections par mycobactEries atypiques surviennent tardivement dans la maladie VIH. Le retard du diagnostic de la tuberculose augmente sa mortalitd. Celle-ci est de 45% si le diagnostic est fait plus de 3 semaines aprbs les premiers signes contre 19% si le diagnostic est prEcoce. Ce retard du diagnostic est dvitable car il est lie dans 84% h des erreurs de prise en charge et non ~t des formes atypiques de tuberculose [21]. I1 est important d'effectuer des prdlbvements rEpEtEs pour la recherche du BK et instituer rapidement un traitement d'dpreuve si le tableau clinique est Evocateur.

Traitement de la tuberculose chez les patients infectEs par le V I H

Traitement dtiologique I1 fait appel ~t une tri- ou quadrithdrapie classique par isoniazide : 3 mg/kg ; rifampicine : 10 mg/kg ; Ethambutol : 15 h 25 mg/kg et pyrazinamide : 20 30 mg/kg chaque jour. Ce traitement est habituellement efficace chez les sujets VIH lorsqu'il s'agit d'une souche de sensibilitE normale mais un traitement plus prolongE d'une durEe de 9 h 12 mois est recommandE en raison de l'immunodEpression. La durde optimale n'a pas EtE validde chez les sujets VIH. D'autres schemas thErapeutiques peuvent 4tre proposes en cas de rEsistance ou d'intolErance h l'isoniazide ou 5 la rifampicine (tableau IV) [6].

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O Rogeaux, F Bricaire, M Gentilini

Sur une cohorte de 132 patients trait6s h San Francisco, le ddlai moyen de stdrilisation de l'expectoration a 6t6 de 10 semaines. Des 6checs ou des rechutes ont 6t6 not6s dans 3% des cas [6]. Les effets secondaires et les intol6rances aux traitements antituberculeux sont plus frdquents chez les sujets VIH. Dans 90% des cas ceux-ci surviennent durant les 2 premiers mois de traitement. La frdquence de cette intol6rance au traitement est de 20 h 50%. Les principales manifestations en sont une allergie avec manifestations cutan6es ou fibvre, une intol6rance h6patique ou digestive. Le mddicament le plus souvent en cause est la rifampicine suivi de l'isoniazide, du pyrazinamide, de l'6thambutol exceptionnellement. En cas d'intol6rance on peut proposer une r6introduction des m6dicaments les uns apr6s les autres en terminant la rifampicine. Les toxicit6s hdpatiques et h6matologiques de ces produits doivent ~tre r6gulibrement surveill6es. La combinaison du traitement antituberculeux avec la zidovudine est bien tol6rde [22]. I1 existe des interactions entre les traitements antifungiques par kdtoconazole et le traitement antituberculeux qui peuvent diminuer l'absorption de rifampicine et diminuer l'activit6 antifungique du k6toconazole. De m~me l'efficacit6 du fluconazole associde au traitement antituberculeux peut &re diminu6e. I1 existe actuellement une augmentation de fr6quence des souches de Mycobacterium tuberculosis r6sistantes aux traitements habituels (tableau V). La surveillance de la sensibilit6 des souches doit atre rdgulibre et la pratique de l'antibiogramme

T a b l e a u V. Fr6quence des r6sistances du B K aux antituberculeux. Auteur

Nbre de souches

Pitchenik (1990)

112

Shafer (1991)

178

Monno (1991)

12

Frieden (1993)

446

1NH

Rdsistance (%) RIF ETH

(%)

(%)

5,4 10 8,3 26

INH + R I F

(%)

(%)

8,1

-

14,3

8

-

6

25

33

22

8

I N H : isonazide ; R I F : r i f a m p i c i n e ; E T H : 6thambutol.

8,3 !9

systdmatique [23-31]. L'dmergence des souches multirdsistantes, c'est-?~-dire r6sistantes au moins ~t deux des antituberculeux classiques, est favoris6e par des traitements antituberculeux incomplets, l'infection VIH et la toxicomanie. Leur frdquence est en augmentation rapide et pose de graves probl6mes thdrapeutiques. La mortalit6 de ces formes est de plus de 45% [26]. Les 6pid6mies nosocomiales avec une forte mortalit6 se multiplient en touchant surtout les sujets infect6s par le VIH [24, 28]. La th6rapeutique de ces formes fait appel aux anciens antituberculeux : kanamycine, cyclos6rine, 6thionamide et ~ des nouveaux : amikacine, nouvelles quinolones : sparfloxacine. L'identification des souches r6sistantes doit Otre syst6matiquement effectu6e et si possible accdldr6e d'ofi l'int6rOt 6ventuel des nouvelles recherches par PCR. Le traitement antituberculeux d'6preuve fait appel habituellement h une quadrith6rapie. En effet, la rifampicine, bien que non sp6cifique du BK doit ~tre conservde en raison de sa bonne p6n6tration intracellulaire ndcessaire h un traitement de bonne qualit6.

ContrOle de l'infection Le risque de contamination d'un sujet porteur du VIH au contact d'un sujet tuberculeux est important. Plusieurs 6tudes ont bien prouv6 que ce risque 6tait 61ev6 avec l'existence de v6ritables 6pid6mies nocosomiales [32, 33]. En effet, les sujets infectds par le VIH sont particuli~rement rdceptifs ~ la tuberculose et la contamination peut concerner jusqu'~ 44% des sujets s6ropositifs en contact avec un cas index. Le problbme peut &re particuli~rement grave en cas de souches rdsistantes. Des mesures prdventives d'isolement doivent donc ~tre prises. Les toxicomanes et les sujets incarcEr6s sont plus expos6s au risque de tuberculose et doivent donc b6n6ficier d'un meilleur suivi sanitaire [ 10]. La pr6vention en mati6re de soins est fondamentale pour 6viter la diss6mination de l'infection. Elle repose sur l'identification rapide des personnes atteintes de tuberculose active, plus particulibremerit porteurs de souches r6sistantes et sur une raise en route du traitement rapide parfois avant mame la confirmation du diagnostic.

Tuberculose et infection par le VIH La prdvention de la transmission adrienne repose sur l'isolement de t o u s l e s sujets suspects ou ayant une tuberculose active. Cet isolement consiste ~t placer les sujets en chambre seule, en maintenant la porte fermde et en veillant 5 un renouvellement rapide de l'air. L'iddal serait des chambres 5 pression ndgative. Les ddplacements du malade doivent 8tre rdduits avec port d'un masque adaptd ~ changer toutes les 3 heures. Ce port du masque est dgalement indispensable pour le personnel soignant ou les visiteurs entrant dans la chambre. Les manoeuvres faisant tousser le malade doivent atre 6vitdes (adrosols, etc). Une surveillance de la transmission de la tuberculose dolt ~tre effectude dans le cadre de t'hdpital et chez les sujets contacts ainsi que pour le personnel soignant [34]. Le traitement prdventif antituberculeux est discutd. I1 pourrait ~tre proposd a des sujets infectds par le V I H ~ haut risque de ddvelopper une tuberculose. En particulier chez les patients qui prdsentent une intradermordaction ~t la tuberculine positive (> 5 mm), chez les toxicomanes, les prisonniers, les sujets sans domicile fixe, les sujets contacts de tuberculeux et en cas d'anomalie radiologique suspecte. Le schdma thdrapeutique ~ proposer peut atre l'isoniazide h la dose de 3 mg/kg/j durant 12 mois. Des 6valuations de cette attitude sont ndcessaires [35]. Un autre schdma plus efficace in v i t r o sur le plan bactdriologique associant rifampicine et pyrazinamide est en cours d'expdrimentation chez les sujets infectds par le V I H et ayant une intradermordaction ~ la tuberculine positive. Avant d'introduire une chimioprophylaxie, il faut s'assurer de l'absence de tuberculose active. Vaccination

La vaccination par le BCG, vaccin vivant, est thdoriquement contre-indiqude chez les sujets V I H en raison du risque accru d'infection chronique. En pratique cette attitude doit ~tre modulde et la ddcision doit Otre prise en fonction de l'importance du risque de tuberculose (facteurs gdographiques, sociaux) et de l'importance de l'immunoddpression. U n sujet fortement immunoddprim6 ne doit pas ~tre vaccind, de m~me l'intdr~t du vaccin peut ~tre modeste dans des rdgions 5 faible prdvalence de tuberculose. En revanche, l'intdrOt du vaccin est

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certain chez les nouveau-ntis dans les zones o?~ la prdvalence de la tuberculose est forte. L ' O M S r e c o m m a n d e cette vaccination chez les enfants asymptomatiques infectds par le V I H vivant dans ces zones [36].

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