Tumeur phyllode maligne du sein avec cellules géantes de type ostéoclastique : à propos d’un cas

Tumeur phyllode maligne du sein avec cellules géantes de type ostéoclastique : à propos d’un cas

Ann Pathol 2007 ; 27 : 31-34 Tumeur phyllode maligne du sein avec cellules géantes de type ostéoclastique : à propos d’un cas Cas anatomo-clinique ...

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Ann Pathol 2007 ; 27 : 31-34

Tumeur phyllode maligne du sein avec cellules géantes de type ostéoclastique : à propos d’un cas

Cas anatomo-clinique

Sergio Fernández-Aguilar (1), Jean-Christophe Noël (2) (1) Service d’Anatomie Pathologique, CHU Charleroi, Boulevard Zoé Drion 1, 6000 Charleroi, Belgique. (2) Clinique de Sénologie et Gynécopathologie. Hôpital Universitaire Erasme, Bruxelles.

Fernández-Aguilar S, Noël JC. Tumeur phyllode maligne du sein avec cellules géantes de type ostéoclastique : à propos d’un cas. Ann Pathol 2007 ; 27 : 31-34

Summary Malignant phyllodes tumor of the breast with osteoclast-like giant cells: a case report Breast tumors, particularly of stromal origin, containing multinucleated osteoclast-like giant cells (OLGC) are rarely reported in the literature. We report here the first case of a malignant phyllodes tumor associated with OLGC occurring in a 43 year-old African woman who presented with a painful palpable mass of the outer upper quadrant of

Résumé La présence de cellules géantes multinucléées de type ostéoclastique (CGTO) dans les tumeurs mammaires, et en particulier en association avec des néoplasies stromales, est peu fréquente. Nous rapportons à notre connaissance le premier cas de tumeur phyllode maligne avec des cellules géantes de type ostéoclastique chez une femme africaine de 43 ans admise pour une masse palpable et douloureuse localisée au niveau du quadrant supéro-externe du sein droit. Après résection chirurgicale, l’examen histologique montrait une tumeur phyllode mali-

Introduction Les cellules géantes de type ostéoclastique (CGTO) ont été décrites en association avec des lésions mammaires variées [1]. Ces lésions aussi bien bénignes que malignes sont principalement représentées par des néoplasies

the right breast. After surgical excision, histological examination showed a malignant phyllodes tumor in which the stromal component displayed evident sarcomatous changes and was densely populated with benign multinucleated OLGC. These cells expressed the CD68 histiocytic marker. No evidence of osseous or cartilaginous differentiation was seen throughout the lesion. This lesion ressembles giant cell tumor of bone. However, the nature of the OLGC is not well precised yet. ✦ Key words: Phyllodes tumor, breast, osteoclast-like giant cells.

gne dont la composante stromale, d’aspect sarcomateux, était accompagnée d’une riche population de cellules géantes multinucléées de type ostéoclastique. À l’examen immunohistochimique, ces cellules exprimaient le marqueur histiocytaire CD68. Aucune zone de différentiation osseuse ou cartilagineuse n’a été mise en évidence. Cette entité particulière ressemble aux tumeurs à cellules géantes de l’os. Toutefois, la nature des CGTO n’est pas encore bien établie. ✦ Mots-clés : tumeur phyllode, sein, cellules géantes de type ostéoclastique.

épithéliales et en particulier des carcinomes canalaires infiltrants et ses différents sous-types (mucineux, cribriforme et tubuleux), et des carcinomes infiltrants de type lobulaire [2-5]. Malgré le fait que la signification de ces CGTO n’est pas bien comprise, des études immunohistochimiques et de microscopie électronique suggèrent une origine

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Accepté pour publication le 24 avril 2006 Tirés à part : S. Fernández-Aguilar, voir adresse en début d’article. e-mail : [email protected]

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Sergio Fernández-Aguilar, Jean-Christophe Noël

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histiocytaire et/ou un processus stromal réactionnel plutôt qu’une vraie nature néoplasique [2]. Nous présentons un cas inhabituel de tumeur phyllode mammaire maligne au sein de laquelle une composante à CGTO, par endroits prédominante, a été observée.

Observation Une femme africaine de 43 ans, G1 P1, sans antécédents familiaux ou médicaux particuliers, s’est présentée dans notre institution en août 2004 pour exploration d’une volumineuse masse douloureuse et palpable localisée au niveau du quadrant supéro-externe du sein gauche. À l’examen physique, cette lésion avait une consistance ferme et un aspect bien délimité. On n’observait pas d’écoulement mamelonaire ni d’atteinte cutanée ni de fixation nette à la paroi thoracique. À la palpation, on n’a pas mis en évidence d’adénopathie axillaire. L’examen mammographique a revelé une lésion ovoïde hyperdense du quadrant supéro-externe gauche. La cytoponction mammaire a ramené un matériel hémorragique riche en cellules avec principalement des cellules épithéliales bénignes et des cellules stromales d’aspect néoplasique. Par la suite, une exérèse chirurgicale large avec marges de résection saines a été pratiquée.

Examen anatomopathologique L’examen macroscopique de la pièce chirurgicale a montré une lésion hétérogène mesurant 5 × 5 × 3 cm d’aspect charnu et de consistance élastique. À la coupe, cette lésion était focalement multilobée, non encapsulée et assez bien délimitée. Il n’existait pas de démarcation nette de la tumeur par rapport au parenchyme mammaire adjacent (figure 1). À l’examen microscopique, on a observé une tumeur biphasique de nature fibroépithéliale qui présentait des zones d’aspect foliacé (figure 2) dont la composante glandulaire montrait de rares foyers d’hyperplasie épithéliale simple. La composante stromale, richement cellularisée, montrait des cellules malignes pléiomorphes accompagnées de CGTO (figure 3). Nous n’avons pas mis en évidence d’éléments hétérologues à différenciation liposarcomateuse, ostéosarcomateuse, chondrosarcomateuse, rhabdomyosarcomateuse ni angiosarcomateuse.

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FIG. 1. — Tranche de section macroscopique de la masse mammaire droite. L’on note un aspect hétérogène avec de rares zones kystiques. Des zones solides fasciculées et hémorragiques sont majoritaires. FIG. 1. — Macroscopic picture of the transected right breast mass. The cut surface has an heterogeneous appearance. Rare cystic zones are noted. Solid haemorrhagic and fasciculated areas are predominant.

FIG. 2. — Microphotographie de la lésion montrant une hypercellularité stromale et un épithélium plan à cubique (Hématoxylineéosine, × 100). FIG. 2. — Microphotograph of the lesion showing stromal hypercellularity and flat to cuboidal epithelium (Hematoxylin-eosin ×100).

FIG. 3. — De nombreuses cellules géantes de type ostéoclastique intimement mêlées à des cellules malignes atypiques sarcomateuses (Hématoxylin-éosine, × 200). FIG. 3. — Conspicuous benign osteoclast-like giant cells closely intermingled with atypical malignant sarcomatous cells (Hematoxylin-eosin ×200).

Tumeur phyllode maligne

Immunohistochimie Les cellules stromales exprimaient fortement la vimentine et l’actine musculaire lisse et n’exprimaient pas ni la desmine ni la protéine S100. Les CGTO montraient une forte positivité pour le CD68 et la vimentine et n’exprimaient ni le CEA ni l’actine ni la desmine. Les marqueurs CD34 et facteur VIII ont révélé une prolifération vasculaire importante adjacente aux CGTO.

Commentaire La présence de cellules géantes a été décrite en association avec des lésions mammaires variées [1-6]. Toutefois, ces cellules peuvent avoir des origines différentes. On peut rencontrer des cellules géantes à corps étranger en réponse à un traumatisme (lésion de stéatonécrose autour de matériel d’origine exogène), aussi bien qu’en cas d’infection ou de sarcoïdose [1]. Les cellules géantes d’aspect syncytial sont typiquement observées dans les carcinomes médullaires et parfois les carcinomes métaplasiques montrent une dédifférenciation de type choriocarcinomateuse. Dans les tumeurs fibroépithéliales, y compris les tumeurs phyllodes, des cellules géantes stromales multinucléées avec des noyaux hyperchromatiques peuvent être mises en évidence. Ces cellules possèdent un cytoplasme peu abondant et, à la microscopie électronique, ont un aspect similaire à celui des fibroblastes [7]. Elles expriment l’actine et la vimentine, mais non pas les marqueurs hystiocytaires. Les CGTO ont été principalement décrites en association avec des carcinomes mammaires infiltrants, des carcinomes métaplasiques et aussi avec des tumeurs des tissus mous telles que l’ostéoclastome et l’hystiocytome fibreux atypique [1]. À notre connaissance, nous présentons le premier cas bien documenté de tumeur phyllode maligne avec des CGTO dans la littérature. De rares articles ne précisant pas la nature bénigne ou maligne des CGTO ont été décrits [8]. Malgré leur origine apparemment histiocytaire, les CGTO sont souvent considérées comme partie intégrante de la tumeur [5]. Leur présence à l’intérieur des vaisseaux et, plus rarement, dans des métastases à distance [2], sont en faveur de cette théorie. Certains auteurs [9] considèrent que, dans les tumeurs des tissus mous et en raison de leur négativité pour les marqueurs myogéniques, les CGTO seraient des cellules réactionnelles non néoplasiques. Les cellules

néoplasiques proprement dites pourraient sécréter des molécules (cytokines, facteurs de différentiation) indispensables à la différenciation ostéoclastique, stimulant la migration des cellules monocytaires et leur regroupement sous la forme de CGTO au sein de la tumeur. Quelques études récentes se basant sur des techniques d’hybridation in situ [10] semblent indiquer que le processus de multinucléation des CGTO est similaire à celui des ostéoclastes osseux. Malheureusement, la signification et l’étiologie des CGTO dans les tumeurs en général ne sont pas connues à l’heure actuelle. Leur présence au sein des tumeurs malignes (leiomyosarcomes, GIST, fibrohistiocytome malin, carcinome hépatocellulaire, tumeurs épithéliales mammaires et pancréatiques) et le manque d’expression pour les marqueurs musculaires, bien documenté dans la littérature, suggèrent une origine réactionnelle. ■

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