Tumeur pulmonaire maligne de type rhabdoïde

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ARTICLE IN PRESS

RMR-1135; No. of Pages 4

Revue des Maladies Respiratoires (2016) xxx, xxx—xxx

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

CAS CLINIQUE

Tumeur pulmonaire maligne de type rhabdoïde Malignant rhabdoid tumor of the lung M. Zysman a,∗, C. Clement-Duchene a, C. Bastien b, P. Vaillant a, Y. Martinet a a

Service de pneumologie, hôpitaux de Brabois, CHU de Nancy, 54500 Vandœuvre-lès-Nancy, France b Service d’anatomopathologie, hôpitaux de Brabois, CHU de Nancy, 54500 Vandœuvre-lès-Nancy, France Rec ¸u le 30 septembre 2014 ; accepté le 8 septembre 2015

MOTS CLÉS Tumeur rhabdoïde ; Integrase interactor 1; Tumeurs pulmonaires rares

Résumé Introduction. — Les tumeurs rhabdoïdes se développent le plus souvent aux dépends du rein et habituellement chez des sujets de moins de 10 ans. Cependant, de rares cas de localisation pulmonaire ont été décrits, notamment chez de jeunes adultes. Observation. — Un homme âgé de 26 ans, fumeur, présentait une masse pulmonaire apicale droite, associée à un syndrome de Pancoast-Tobias et compliquée d’hémoptysies. Simultanément, était découvert une masse de la cuisse gauche et du cuir chevelu. Les prélèvements histologiques réalisés au niveau de ces trois localisations étaient en faveur d’un carcinome indifférencié. En l’absence d’expression de integrase interactor 1 au niveau nucléaire, et devant l’aspect immuno-histochimique compatible, le diagnostic de tumeur rhabdoïde était alors posé. L’évolution confirmait cette hypothèse devant un temps de doublement inférieur à six semaines avec développement de métastases multiples conduisant au décès du patient, trois mois seulement après le diagnostic. Conclusion. — L’absence d’expression de integrase interactor 1 doit faire évoquer le diagnostic de tumeur rhabdoïde, surtout lors de développement atypique et d’évolution rapide. Le pronostic de ces tumeurs reste défavorable et les possibilités thérapeutiques restreintes. © 2016 Publi´ e par Elsevier Masson SAS au nom de SPLF.

∗ Auteur correspondant. Service de pneumologie, hôpitaux de Brabois, CHU de Nancy, rue du Morvan, 54511 Vandœuvre-lès-Nancy, France. Adresse e-mail : [email protected] (M. Zysman).

http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2015.09.011 0761-8425/© 2016 Publi´ e par Elsevier Masson SAS au nom de SPLF.

Pour citer cet article : Zysman M, et al. Tumeur pulmonaire maligne de type rhabdoïde. Revue des Maladies Respiratoires (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2015.09.011

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M. Zysman et al.

KEYWORDS Rhabdoid tumour; Integrase interactor 1; Rare lung tumors

Summary Introduction. — Rhabdoid tumours usually develop in brain and spinal cord or kidney; they are highly malignant neoplasms that typically arise in infancy and early childhood. However, rare cases of pulmonary localization have been described, particularly among young adults. Case report. — A 26-year-old man, smoker, had a right apical lung mass associated with a Pancoast syndrome leading to haemoptysis. There was also a tumour of the left thigh and scalp. Histological samples taken at these three locations were in favour of an undifferentiated carcinoma. The lack of nuclear integrase interactor 1 expression, and immunohistochemical appearance supported the diagnosis of rhabdoid tumour. Despite treatment, unfavourable progression confirmed this hypothesis, doubling time was less than six weeks with development of multiple metastases resulted in death within only three months after diagnosis. Conclusion. — The lack of expression of integrase interactor 1 should suggest the diagnosis of rhabdoid tumour, especially when there is quick progression. The prognosis of these tumours remains poor and therapeutic options are limited. © 2016 Published by Elsevier Masson SAS on behalf of SPLF.

Cas clinique Un homme âgé de 26 ans est adressé dans notre département de pneumologie pour la prise en charge d’une masse pulmonaire apicale droite associée à un syndrome de Pancoast-Tobias et compliquée d’hémoptysies. Ses antécédents sont marqués par une toxicomanie inhalée à l’héroïne pendant 3 ans, récemment sevrée, substituée par méthadone, une consommation occasionnelle de cannabis et un tabagisme actif évalué à 20 cigarettes par jour depuis l’âge de 13 ans, soit 13 paquets/année. Il ne présente aucune exposition environnementale et professionnelle particulière, n’a effectué aucun voyage récent. Deux mois avant son admission, le patient présente une masse de la cuisse gauche, avec secondairement l’apparition de paresthésies du membre supérieur droit, dans le territoire C8. Un mois plus tard, une dyspnée progressivement croissante apparaît jusqu’à un stade 2/4 de l’échelle modifiée Medical Research Council (mMRC) ainsi qu’une toux grasse puis des épisodes d’hémoptysies itératifs. Devant ce tableau clinique associé à des névralgies cervicobrachiales droites, dans le territoire de C8 et D1 de plus en plus intenses, le patient est hospitalisé. À l’admission, l’examen clinique retrouvait un patient avec un état général conservé mais une dyspnée stade 2/4 mMRC, une toux grasse et des hémoptysies de moyenne abondance. Il existait un signe de Claude-Bernard-Horner droit, une masse indurée au niveau de la face postérieure de la cuisse gauche de 3 cm sur 2 cm et une lésion érythématoviolacée au niveau du cuir chevelu de 1 cm de diamètre, rénitente et inflammatoire. Les examens complémentaires mettaient en évidence une anémie avec hémoglobine à 7,5 g/dL. Une radiographie thoracique (Fig. 1A) objectivait la présence d’une opacité apicale droite, avec compression trachéale et lyse osseuse du premier arc costal. Un scanner cervico-thoraco-abdomino-pelvien confirmait la présence d’une masse médiastinale (60 × 45 × 65 mm) mal limitée, exerc ¸ant un effet de masse sur la veine cave supérieure avec refoulement de la trachée et envahissant la plèvre adjacente. Il existait également une masse surrénalienne droite de 28 × 26 mm. L’endoscopie bronchique ne

permettait pas de visualiser d’anomalie macroscopique, mais confirmait la présence de sang provenant la bronche lobaire supérieure droite. Les prélèvements bactériologiques standards, mycobactériologiques, mycologiques et parasitaires restaient négatifs sur trois prélèvements (expectorations et lavage bronchiolo-alvéolaire). Les sérologies virales (VHB, VHC, VIH) étaient négatives. Le bilan immunologique était sans particularité. Les prélèvements histologiques réalisés au niveau de la cuisse, du cuir chevelu et de la masse pulmonaire par biopsies transpariétales guidées par scanner, étaient en faveur d’un carcinome indifférencié. L’analyse morphologique des cellules confirmait la présence de grandes cellules avec un cytoplasme abondant, un gros noyau excentré et entouré d’inclusions cytoplasmiques éosinophiliques. En immunohistochimie, le marquage pan-cytokératine était positif mais il n’existait pas de marquage pour les cytokératines 7 et 20 ni pour thyroid transcription factor 1 (TTF1). De même, les marquages pour p40 et p63 étaient négatifs. Un traitement par chimiothérapie par carboplatine et paclitaxel était instauré en urgence devant la gravité de l’atteinte et la rapidité d’évolution. Néanmoins, on constatait une aggravation très rapide des lésions au niveau cutané (lésion au niveau du cuir chevelu : doublement du diamètre en 4 semaines), thoracique (Fig. 1) et extrathoracique, avec apparition de nouvelles lésions multiples : rénale gauche, hépatiques, surrénaliennes bilatérales, nodules péritonéaux multiples évocateurs de carcinomatose péritonéale (Fig. 1 et 2). Le temps de doublement de la tumeur, mesuré sur les scanners successifs, était inférieur à 6 semaines. Les compléments des examens anatomopathologiques permettaient de préciser le diagnostic histologique. Sur les prélèvements du cuir chevelu et de la cuisse, aucune mutation des gènes EGFR, KRAS, BRAF, PIK3CA, HER2 n’était mise en évidence en biologie moléculaire. Devant l’absence d’expression de integrase interactor 1 au niveau nucléaire et le profil immuno-histochimique des cellules non compatible avec un sarcome épithélioïde, le diagnostic de tumeur rhabdoïde était posé (Fig. 3 et 4). À noter que la quantité insuffisante de matériel histologique n’a pas permis de mettre en évidence d’altération de integrase interactor 1

Pour citer cet article : Zysman M, et al. Tumeur pulmonaire maligne de type rhabdoïde. Revue des Maladies Respiratoires (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2015.09.011

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Figure 1. Radiographie thoracique de face : mise en évidence d’une masse apicale droite. A. 15/06/2013 (flèche noire : lyse osseuse débutante au niveau de l’arc costal postérieur droit). B. 13/08/2013 aggravation de la lésion apicale droite (visible notamment grâce à l’aggravation de la déviation trachéale).

Figure 2.

Scanner 13 août 2013 : progression des lésions pulmonaires, hépatiques et rénale droite.

Figure 3. Biopsie de la cuisse : cellules rhabdoïdes au cytoplasme abondant, contenant une inclusion éosinophile, globuleuse, refoulant le noyau en périphérie (HES × 400).

Pour citer cet article : Zysman M, et al. Tumeur pulmonaire maligne de type rhabdoïde. Revue des Maladies Respiratoires (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2015.09.011

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M. Zysman et al.

Figure 4. Biopsie de la cuisse : positivité nucléaire de l’anticorps anti-integrase interactor 1 au sein des cellules endothéliales et cellules inflammatoires en l’absence d’expression au sein des cellules tumorales (× 400).

(toutes les techniques de biologie moléculaire n’ayant pas pu être réalisées). Cependant, devant l’évolution clinique, l’aspect histologique, l’absence d’expression de integrase interactor 1 et l’absence d’argument pour un autre type tumoral, le diagnostic de tumeur rhabdoïde était retenu. Une nouvelle ligne de chimiothérapie par carboplatine, cyclophosphamide et étoposide était instaurée mais est restée sans efficacité avec décès du patient trois mois après le début de sa prise en charge.

Discussion Les tumeurs rhabdoïdes font partie des tumeurs rares, représentant moins de 1 % des carcinomes à grandes cellules [1]. Leur pronostic reste sombre avec un temps de doublement cellulaire court [2]. Moins de 40 cas de localisations pulmonaires primitives ont été rapportés dans la littérature [3], s’agissant de tumeurs à tropisme préférentiellement rénale [4]. Il existe cependant plusieurs localisations décrites : nerveuse, hépatique, digestive [5], musculaire, cardiaque, cutanée et donc pulmonaire. De plus, il s’agit d’une tumeur habituellement décrite chez l’enfant avec un âge médian, selon les différentes séries, allant de 5 à 10,5 mois, avec une grande majorité de patient de moins de 2 ans [6]. La description initiale des tumeurs rhabdoïdes a été publiée en 1978 comme un variant rhabdomyosarcomatoïde des tumeurs de Wilms [4], sans différenciation musculaire en immuno-histochimie [7]. L’aspect histologique de ces tumeurs malignes peut être très variable. Celui-ci est marqué par la présence d’un gros nucléole, d’inclusions cytoplasmiques positives pour le Periodic Acid Schiff et d’une différenciation rhabdomyoblastique [3]. L’immuno-histochimie est souvent utilisée, permettant d’éliminer un diagnostic différentiel, notamment en l’absence d’expression de la protéine integrase interactor 1. En effet, la particularité de ces tumeurs est la perte de fonction du gène suppresseur de tumeur SMARCB1/integrase interactor 1 pour 15 à 30 % des patients [5], au niveau du chromosome 22 [8] et l’absence de marquage en immunohistochimie de integrase interactor 1 permet de préciser le diagnostic [9]. Par ailleurs, le pronostic de ces tumeurs reste sombre avec une mauvaise réponse à la chimiothérapie. Quelques cas de réponses aux thérapies ciblées de type sunitinib ont été rapportés dans des tumeurs rhabdoïdes de

localisation rénale [10] mais globalement, le pronostic reste mauvais.

Conclusion Une tumeur à temps de doublement rapide, chez le jeune adulte, en l’absence d’expression de integrase interactor 1 peut faire évoquer le diagnostic de tumeur rhabdoïde et faire orienter le patient vers un centre spécialisé dans la prise en charge des tumeurs rares.

Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Références [1] Girard N, Barbareschi M, Cordier JF, et al. What is a rare tumor, and how should it be dealt clinically? Eur Respir Monograph 2007;39:85—133. [2] Yanagisawa S, Kadouchi I, Yokomori K, et al. Identification and metastatic potential of tumor-initiating cells in malignant rhabdoid tumor of the kidney. Clin Cancer Res 2009;15:301422. [3] Saini G, Kumar M, Julka PK, et al. Rhabdoid variant of lung cancer: clinicopathological details of a case and a review of literature. J Cancer Res Ther 2009;5:54—7. [4] Haas JF, Palmer NF, Weinberg AG, et al. Ultrastructure of malignant rhabdoid tumor of the kidney. A distinctive renal tumor of children. Hum Pathol 1981;12:646—57. [5] Yuri T, Danbara N, Shikata N, et al. Malignant rhabdoid tumor of the liver: case report and literature review. Pathol Int 2004;54:623—9. [6] Eaton KW, Tooke LS, Wainwright LM, et al. Spectrum of SMARCB1/INI1 mutations in familial and sporadic rhabdoid tumors. Pediatr Blood Cancer 2011;56:7—15. [7] Amrikachi M, Ro JY, Ordonez NG, et al. Adenocarcinomas of the gastrointestinal tract with prominent rhabdoid features. Ann Diagn Pathol 2002;6:357—63. [8] Versteege I, Sevenet N, Lange J, et al. Truncating mutations of hSNF5/INI1 in aggressive paediatric cancer. Nature 1998;394:203—6. [9] Roberts C, Biegel JA. The role of SMARCB1/INI1 in development of rhabdoid tumor. Cancer Biol Ther 2009;8:412—6. [10] De Vincenzo F, Zucali PA, Ceresoli GL, et al. Response to sunitinib in an adult patient with rhabdoid renal cell carcinoma. J Clin Oncol 2011;29:e529—31.

Pour citer cet article : Zysman M, et al. Tumeur pulmonaire maligne de type rhabdoïde. Revue des Maladies Respiratoires (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2015.09.011