Tumeurs neuro-endocrines broncho-pulmonaires primitives : tumeurs carcinoïdes, carcinomes neuro-endocrines à grandes cellules

Tumeurs neuro-endocrines broncho-pulmonaires primitives : tumeurs carcinoïdes, carcinomes neuro-endocrines à grandes cellules

Revue des Maladies Respiratoires Actualités (2018), 10, 332-339 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Tumeurs neuro-endocrines broncho-pulmo...

599KB Sizes 0 Downloads 47 Views

Revue des Maladies Respiratoires Actualités (2018), 10, 332-339

Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com

Tumeurs neuro-endocrines broncho-pulmonaires primitives : tumeurs carcinoïdes, carcinomes neuro‑endocrines à grandes cellules Primary pulmonary neuroendocrine tumors: Carcinoid tumors and large-cell neuro-endocrine carcinomas N. Girard1,2 1Institut

du Thorax Curie-Montsouris, Institut Curie, 26 rue d’Ulm, 75248 Paris Cedex 05, France 2Université de Lyon, Université Claude Bernard Lyon I, 43 boulevard du 11 Novembre 1918, 69100 Villeurbanne, France

MOTS-CLÉS

Carcinoïde ; Carcinome neuro‑endocrine à grandes cellules ; Tumeur rare

Résumé Les tumeurs neuro-endocrines pulmonaires primitives regroupent plusieurs entités cliniques et évolutives distinctes, correspondant à quatre principaux sous-types : les tumeurs carcinoïdes typiques, de bas grade de malignité ; les carcinoïdes atypiques, de grade intermédiaire ; les carcinomes neuro-endocrines à petites et à grandes cellules, de haut grade de malignité, et plus fréquents. Le bilan pré-thérapeutique des tumeurs carcinoïdes fait l’objet de recommandations précises. Sur le plan biologique, la suspicion clinique d’un syndrome fonctionnel doit être confirmée par les dosages adéquats. En cas de tumeur carcinoïde métastatique, la prise en charge comporte le contrôle d’un éventuel syndrome sécrétoire par les analogues de la somatostatine, en plus du traitement oncologique, reposant sur l’évaluation de l’évolutivité tumorale, avec la possibilité d’une surveillance, d’un traitement local des métastases, d’un traitement par analogues de la somatostatine, par évérolimus, ou chimiothérapie en cas de critères d’agressivité tumorale. En cas de carcinome neuro-endocrine à grandes cellules, l’analyse moléculaire d’un panel d’altérations oncogénique pourrait guider la stratégie de chimiothérapie ; l’association platine et étoposide est classiquement utilisée. En seconde ligne, en l’absence de standard thérapeutique, l’essai IFCT-FFCD-GERCOR NIPINEC ouvre en France en 2018 se propose d’évaluer le nivolumab associé ou non à l’ipilimumab. © 2018 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Correspondance. Adresse e-mail : [email protected] (N. Girard). © 2018 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Livre_RMRGOLF_2018.indb 332

18/09/2018 17:47

Tumeurs neuro-endocrines broncho-pulmonaires primitives

KEYWORDS

Carcinoid ; Large-cell neuroendocrine carcinoma ; Rare Tumor

333

Abstract Primary pulmonary neuroendocrine tumors comprise several distinct clinical entities, corresponding to four main subtypes : typical carcinoid tumors, of low grade malignancy ; atypical carcinoids of intermediate grade ; neuro-endocrine carcinomas with either small or large cells, which are high grade, frequent malignancy. The pre-treatment workup of carcinoid tumors is based on specific recommendations. Any clinical suspicion of an associated functional syndrome must be confirmed by the appropriate blood dosages. In case of metastatic carcinoid tumor, management relies on the control of a possible secretory syndrome by somatostatin analogues, in addition to the oncological treatment, based on the evaluation of tumor progression, with several opportunities : close follow-up, local treatment of metastases, treatment with somatostatin analogues, evero­limus, or chemotherapy for tumor with high aggressiveness. In case of advanced, metastatic large-cell neuroendocrine carcinoma, molecular analysis of a panel of oncogenic alterations could guide the chemotherapy strategy ; platinum and etoposide combination has historically been used. In the second line, in the absence of any therapeutic standard, the IFCT-FFCD-GERCOR NIPINEC trial is opening in France in 2018 and aims at evaluating nivolumab, with or without ipilimumab in the second- and third-line setting. © 2018 SPLF. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction Les tumeurs neuro-endocrines pulmonaires primitives regroupent plusieurs entités cliniques et évolutives distinctes, correspondant à quatre principaux sous-types : les tumeurs carcinoïdes typiques, de bas grade de malignité ; les carcinoïdes atypiques, de grade intermédiaire ; les carcinomes neuro-endocrines à petites et à grandes cellules, de haut grade de malignité, et fréquents [1]. La prise en charge des cancers broncho-pulmonaires à petites cellules fait l’objet d’un article spécifique pour ce numéro spécial, et cette revue se focalise sur les aspects cliniques, anatomopathologiques, radiologiques et thérapeutiques des tumeurs carcinoïdes et des carcinomes neuro-endocrines à grandes cellules. Ces entités correspondent à des tumeurs rares.

Quels sont les principaux éléments du diagnostic anatomo-pathologique ? Sur le plan morphologique, les tumeurs neuro-endocrines broncho-pulmonaires ont en commun une différenciation

neuro-endocrine avec une architecture endocrinoïde, palis­sadique ou trabéculaire, comportant des images « en rosette ». Leur classification est essentiellement basée sur l’activité mitotique et l’importance de la nécrose tumorale [1]. Les tumeurs carcinoïdes typiques correspondent à des tumeurs d’au moins 5 mm de diamètre, avec un index mitotique inférieur à 2 mitoses pour 10 champs (2mm²), sans aucune plage de nécrose ; l’existence d’un index mitotique compris entre 2 et 10, ou de plages de nécrose, souvent punctiforme, fait porter le diagnostic de carcinoïde atypique (Tableau 1). Comme toute tumeur neuro-endocrine, les tumeurs carcinoïdes et les carcinomes neuro-endocrines à grandes cellules sont caractérisés par l’expression en immunohistochimie de marqueurs immuno-histochimiques de différenciation neuro-endocrine (chromogranine A, synaptophysine, CD56) [1]. L’index de prolifération Ki-67 n’est pas requis dans la classification des tumeurs neuro-endocrines pulmonaires primitives, mais pourrait représenter un élément d’appréciation de l’agressivité tumorale, notamment sur l’analyse de biopsies de petite taille [2]. Les carcinoïdes pulmonaires périphériques sont souvent associés à des proliférations de cellules neuro-endocrines sous forme de « tumorlets » (5 mm) et/ou d’hyperplasie

Tableau 1. Classification anatomo-pathologique des tumeurs neuroendocrines broncho-pulmonaires [1]. Morphologie (différenciation)

Grade

Index mitotique /2 mm²

Nécrose

Carcinoïde typique

Bien différencié.

1

< 2

non

Carcinoïde atypique

Bien différencié.

2

2‑10

rare

Carcinome neuro-endocrine à grandes cellules

Peu différencié.

3

> 10 (médiane 70)

fréquente

Carcinome bronchique à petites cellules (CBP)

Peu différencié.

3

> 10 (médiane 80)

fréquente

Livre_RMRGOLF_2018.indb 333

18/09/2018 17:47

334

diffuse de cellules neuro-endocrines de localisation bronchiolaire pouvant entraîner un trouble ventilatoire obstructif [3]. Les carcinomes neuro-endocrines à grandes cellules sont caractérisés par des cellules peu différenciées, de grande taille, avec des plages de nécrose quasi-constantes. Le diagnostic nécessite obligatoirement une confirmation du caractère neuro-endocrine par immunohistochimie (au moins un des trois marqueurs neuroendocrines spécifiques doit être exprimé). Si un seul de ces marqueurs est exprimé, il doit l’être par au moins 50 % de la population cellulaire [4].

Quelle est l’incidence de ces tumeurs ? Dans la base américaine des cancers, les tumeurs carcinoïdes représentent 1 % à 2 % de l’ensemble des tumeurs bronchopulmonaires malignes primitives de l’adulte, avec une incidence annuelle de 0,2 à 2 cas pour 100 000 habitants [5]. Depuis les années 80, l’incidence des tumeurs carcinoïdes augmente d’environ 5 % par an. La plupart des patients sont diagnostiqués entre 45 et 50 ans, mais de nombreux cas sont décrits aussi chez l’enfant. Les tumeurs carcinoïdes bronchopulmonaires représentent 25 % des tumeurs neuro-endocrines intra-thoraciques ; 80 % à 90 % sont des tumeurs carcinoïdes typiques. Aucun agent carcinogène n’a été identifié de façon formelle comme facteur de risque potentiel. Dans les séries chirurgicales, la survie globale à 5 ans pour les tumeurs carci­ noïdes typiques et atypiques est comprise respectivement entre 90 % et 100 %, et 70 % et 80 % [6]. Les carcinomes neuro-endocrines à grandes cellules sont souvent classés comme cancers bronchiques non à petites cellules dans les registres des cancers. Ils représenteraient entre 5 % et 10 % des cancers bronchiques classifiés comme cancers non à petites cellules.

Quelle est la présentation clinique et radiologique au diagnostic ? Les principaux modes de révélation des tumeurs carcinoïdes broncho-pulmonaires sont les suivants : symptômes broncho-pulmonaires liés à la présence de la tumeur primitive, symptômes liés à la maladie métastatique, le plus souvent osseuse ou hépatique, et plus rarement syndrome sécrétoire (le plus souvent de type carcinoïde), ou bilan systématique dans le cadre du suivi ou de la découverte d’une néoplasie endocrinienne multiple de type 1 (NEM1). Les tumeurs carcinoïdes se développent préférentiellement dans l’arbre bronchique proximal, et sont responsables d’une toux chronique, d’hémoptysies et d’obstruction bronchique ; cependant, la tumeur est périphérique et asymptomatique dans 30 % à 40 % des cas. Au sein des tumeurs carcinoïdes, le risque d’évolution loco-régionale et/ou métastatique est supérieur en cas de carcinoïde atypique ; 50 à 70 % des tumeurs carcinoïdes métastatiques sont des carcinoïdes atypiques. Les métastases de tumeurs carcinoïdes bronchopulmonaires sont synchrones dans 55 % des cas et métachrones dans 45 % des cas, et les principaux sites métastatiques sont

Livre_RMRGOLF_2018.indb 334

N. Girard

par ordre de fréquence décroissant le foie (75‑90 %), l’os (40‑50 %), et le poumon (10‑40 %), mais aussi le cerveau (5‑15 %) [7]. Moins de la moitié des tumeurs carcinoïdes métastatiques sont fonctionnelles et le principal syndrome hormonal retrouvé est le syndrome carcinoïde, observé dans 40 % des cas et exceptionnel en cas de tumeur localisée. Contrairement aux tumeurs neuro-endocrines digestives, le syndrome carcinoïde peut apparaître en l’absence de méta­ stases hépatiques, notamment en cas de volumineuses masses médiastinales. D’autres syndromes sécrétoires peuvent être un syndrome de Cushing par sécrétion d’ACTH, une acromégalie par sécrétion d’IGF-1 et GHRH, une hypercalcémie lié à une sécrétion de PTH-Rp, ou une hypercalcitonémie (Tableau 2) [8]. Les tumeurs carcinoïdes broncho-pulmonaires peuvent survenir dans le cadre de syndromes de prédisposition génétique au cancer, principalement la NEM1. Les bilans systématiques pratiqués chez des patients porteurs d’une mutation du gène NEM1 permettent de découvrir un carcinoïde broncho-pulmonaire dans environ 5 % des cas, avec des recommandations de suivi systématique spécifiques. Si la plupart des familles NEM1 sont aujourd’hui identifiées en France, des signes cliniques évocateurs doivent systématiquement être recherchés lors de la découverte d’une tumeur carcinoïde. Les carcinomes neuro-endocrines à grandes cellules ont un profil clinique identique à celui des cancers bronchiques non à petites cellules, et sont fréquemment associés à une extension médiastinale ou métastatique.

Quels sont les aspects radiologiques ? Les tumeurs carcinoïdes se présentent, sur la tomodensito­ métrie thoracique, comme des opacités nodulaires centrales ou périphériques, bien limitées dans 90 % des cas, et calcifiées dans 30  % des cas. Une atélectasie lobaire ou segmentaire peut être la seule manifestation radiologique. En cas de suspicion de lésions osseuses, l’imagerie par résonance magnétique (IRM) vertébrale est l’examen le plus sensible pour la détection des métastases osseuses ; de même, l’IRM hépatique est l’examen le plus sensible pour la détection des métastases hépatiques, et devra être proposée systématiquement avant tout traitement chirurgical ou par radiofréquence de lésions hépatiques. La scintigraphie aux analogues de la somatostatine permet de détecter les récepteurs SST2 exprimés par les tumeurs carcinoïdes : le marqueur le plus utilisé est l’octréotide marqué à l’indium 111 (Octréoscan®) mais est aujourd’hui idéalement remplacé par la tomographie par émission de positon (TEP) au 68Ga-DOTA-TOC, qui offre une résolution anatomique supérieure. Malgré leur hypervascularisation, leur fixation en TEP au F18-déoxyglucose (FDG) est classiquement faible ; le métabolisme est en fait d’autant plus élevé que l’index de prolifération est élevé [9]. Une fixation intense à l’octréoscan est en fait un facteur de bon pronostic, et permettra au patient d’être potentiellement éligible pour une radiothérapie interne vectorisée. Une fixation intense au TEP-FDG est, de manière inverse, de mauvais pronostic.

18/09/2018 17:47

Tumeurs neuro-endocrines broncho-pulmonaires primitives

Quel est le bilan pré-thérapeutique ? Le bilan pré-thérapeutique des tumeurs carcinoïdes fait ­l’objet de recommandations précises (Tableau 2) [8]. L’analyse anatomo-pathologique pourra être réalisée sur biopsie de la tumeur primitive (fibroscopie bronchique et/ou biopsie transthoracique ou transbronchique) ou des métastases (biopsie hépatique le plus souvent). Le risque hémorragique des biopsies bronchiques, bien que classiquement rapporté, est en fait très faible (moins de 1 % des cas). Une relecture par les experts du réseau national labellisé TENpath est recommandée. Carcinoïdes typiques et atypiques ne peuvent être distinguées à l’imagerie, bien que l’extension ganglionnaire, qui s’effectue essentiellement au niveau médiastinal, soit plus fréquente en cas de carcinoïde atypique (40 % à 50 % des cas), qu’en cas de carcinoïde typique (10 % à 15 % des cas) [6]. Au total, 55 % des tumeurs carcinoïdes sont diagnostiquées au stade I, 20 % au stade II, 15 % au stade III, et 10 % au stade IV [1, 6]. Les carcinomes neuro-endocrines à grandes cellules ont une présentation similaire à celle des cancers bronchiques non à petites cellules. Sur le plan biologique, la suspicion clinique d’un syndrome fonctionnel doit être confirmée par les dosages adéquats : syndrome carcinoïde et dosage des 5-HIAA urinaires ; syndrome de Cushing et dosages de l’ACTH et du cortisol ; ou d’autres syndromes hormonaux (GHRH, calcitonine, PTHrp). Les éléments du bilan pré-thérapeutique doivent être synthétisés en réunion de concertation pluridisciplinaire spécialisée du réseau RENATEN (RÉseau NAtional de prise en charge des Tumeurs neuro-ENdocrines malignes rares

335

sporadiques et héréditaires) afin de discuter la stratégie thérapeutique optimale pour chaque patient.

Quelle prise en charge pour les tumeurs carcinoïdes de stade précoce ? En cas de tumeur carcinoïde localisée ou localement avancée, la chirurgie est le traitement standard, et consiste, pour les carcinoïdes typiques, en une résection pulmonaire conservatrice (avec au minimum une segmentectomie, associée à un curage complet), qui a démontré une efficacité similaire aux résections étendues en termes de contrôle local et de survie [10]. Au contraire, les carcinoïdes atypiques doivent faire l’objet d’une lobectomie et d’un curage médiastinal complet, compte tenu du risque élevé de récidive locale. Les traitements locaux endo-bronchiques, comme l’ablation de la composante endobronchique de la tumeur par bronchoscopielaser, associée à une cryothérapie et/ou une thermocoagulation du pied d’implantation, ont été rapportés comme alternative à la chirurgie, mais ne semblent suffisants qu’en cas de tumeur carcinoïde typique, la certitude du caractère typique étant complexe à obtenir sur petites biopsies [11]. Le suivi post-thérapeutique des tumeurs carcinoïdes localisées traitées de manière curative nécessite une surveillance clinique, morphologique (scanner thoraco-abdomino-pelvien), et éventuellement biologique (chromogranine A). Les rechutes ganglionnaires, notamment médiastinales, hépatiques et osseuses, sont les plus fréquentes. Cette surveillance doit être prolongée (au moins 10 ans) car l’évolution métastatique

Tableau 2. Bilan diagnostique et caractérisation pré-thérapeutique d’une tumeur carcinoïde broncho-pulmonaire [8]. Diagnostic anatomopathologique (évaluation de l’index mitotique +/– Ki–67, nécrose)

Biopsies bronchiques Biopsies trans-bronchiques ou trans-pariétales Biopsie hépatique ou de la métastase la plus accessible

Diagnostic d’un syndrome sécrétoire associé.

5HIAA urinaires des 24h (syndrome carcinoïde) Cortisolémie, ACTH (syndrome de Cushing) Calcium ionisé, phosphore, PTH (hypercalcémie par PTHrp)

Recherche d’une NEM1 selon le contexte

Calcium ionisé, PTH (hyperplasie parathyroïde primaire) +/– Analyse génétique (mutation sur le gène de la ménine) et autres hormones IGF‑1, prolactine…

Bilan biologique (pour le suivi)

Chromogranine A, NSE

Imagerie radiologique

Scanner thoraco-abdomino-pelvien avec contraste multiphasique Avec évaluation de la pente évolutive avec 2 examens identiques espacés de 3‑6 mois +/– Imagerie par résonance magnétique vertébrale +/– Imagerie par résonance magnétique hépatique +/– Scanner ou Imagerie par résonance magnétique cérébrale

Imagerie fonctionelle

Scintigraphie des récepteurs de la somatostatine (octréoscan® ou scintigraphie Ga68-DOTA-Octreotate) +/– Scintigraphie au 18-FDG-TEP +/– Scintigraphie osseuse

Autres

Exploration Fonctionnelle Respiratoire +/– Échographie cardiaque et pro-BNP si syndrome carcinoïde

Livre_RMRGOLF_2018.indb 335

18/09/2018 17:47

336

N. Girard

peut être tardive et se déclarer plusieurs années après la prise en charge de la tumeur initiale. Le rythme de la surveillance n’est pas clairement formalisé, et doit être fonction des critères pronostiques identifiés (stade, agressivité histo­ logique). Une proposition serait, pour les tumeurs carcinoïdes atypiques une imagerie à 4 mois, puis tous les 6 mois pendant 3 ans, puis annuelle en l’absence de récidive. L’intérêt du suivi par scintigraphie n’est pas validé.

Quelle prise en charge des tumeurs carcinoïdes métastatiques ? En cas de tumeur carcinoïde métastatique, la prise en charge est similaire à celle des tumeurs carcinoïdes métastatiques d’origine digestive, nécessitant le contrôle d’un éventuel syndrome sécrétoire par les analogues de la somatostatine, en plus du traitement oncologique, reposant sur l’évaluation de l’évolutivité tumorale, avec la possibilité d’un traitement local des métastases, d’un traitement par analogues de la somatostatine, par évérolimus, ou chimiothérapie en cas de critères d’agressivité tumorale (Fig. 1, Tableau 3) [8]. Cette prise en charge très spécifique repose en effet sur le fait que la survie globale médiane des tumeurs carcinoïdes broncho-pulmonaires métastatiques est comprise entre 5 et 10 ans, et que, bien que souvent non disponible à la première consultation, la pente évolutive spontanée de la tumeur est le critère pronostique le plus pertinent.

Prise en charge du syndrome sécrétoire Le contrôle du syndrome sécrétoire est prioritaire. Il repose sur les analogues de la somatostatine (octréotide et lanréotide). La gestion d’un syndrome de Cushing se fera avec l’aide des

Contrôle du syndrome sécrétoire si présent ± traitement de la tumeur primitive si symptomatique : désobstruction endoscopie, chirurgie

endocrinologues, ces patients, du fait d’une sécrétion accrue de cortisol au long court, étant en effet à très haut risque de sepsis qui représente une cause de décès significative.

Prise en charge locale En cas de tumeur symptomatique avec obstruction bronchique proximale par la tumeur primitive, une désobstruction endo-bronchique endoscopique sera privilégiée, car moins morbide et le plus souvent efficace contre les symptômes. En situation métastatique, une résection de la tumeur primitive, en l’absence de symptômes n’est pas recommandée au moins initialement, mais une chirurgie palliative peut se discuter dans les formes lentement évolutives afin de réduire le volume tumoral ganglionnaire médiastinal surtout en cas de syndrome sécrétoire non contrôlé associé.

Traitements systémiques Les analogues de la somatostatine, initialement systématiquement prescrits en cas de syndrome carcinoïde, ont, de la même manière que dans les tumeurs neuro-endocrines digestives, aussi une activité anti-tumorale avec l’obtention de stabilisations tumorales potentiellement prolongées (­survies sans progression comprises entre 11 et 17 mois) [12]. L’essai randomisé SPINET est en cours de recrutement, chez des patients avec une tumeur carcinoïde broncho-pulmonaire primitive, exprimant les récepteurs de la somatostatine, et compare le lanréotide au placebo. Cette étude a pour objectif de confirmer les résultats de l’essai CLARINET, qui avait montré le bénéfice du lanréotide par rapport au placebo, en cas de tumeur neuro-endocrine gastro-entéro-pancréatique primitive. Dans l’attente des résultats de SPINET, chez les patients non incluables, les analogues de la somatostatine

• Syndrome carcinoïde : analogue de la somatostatine • Syndrome de Cushing : métapyrone, surrénalectomie bilatérale

Tumeur de faible grade, non progressive, non symptomatique

Tumeur progressive, et/ou symptomatique, et/ou métastases osseuses

Surveillance simple ou analogue somatostatine

Analogue somatostatine, radiofréquence hépatique/osseuse/ pulmonaire, embolisation hépatique Evérolimus, chimiothérapie cytotoxique (témozolomide, oxaliplatine), radiothérapie interne vectorisée, interféron

Figure 1. Algorithme de prise en charge des tumeurs carcinoïdes pulmonaires primitives, d’après [8] et [13].

Livre_RMRGOLF_2018.indb 336

18/09/2018 17:47

Tumeurs neuro-endocrines broncho-pulmonaires primitives

337

Tableau 3. Résultats des principaux traitements systémiques dans les tumeurs carcinoïdes broncho-pulmonaires métastatiques (d’après [13]). Auteur

Type étude

n

Réponse objective (%)

Survie sans progression (mois)

Chimiothérapie de type cisplatine-étoposide Platine-étoposide

Chong

Rétrospective

13

3 (23 %)

7

Cisplatine-étoposide

Granberg

Rétrospective

8

2 (25 %)

4

Témozolomide

Ekeblad

Phase II

13

4 (31 %)

7

Témozolomide

Crona

Rétrospective

31

3 (14 %)

5,3

Témozolomide

Roufai

Rétrospective

34

3 (9 %)

6

Témozolomide-base

Chong

Rétrospective

14

2 (14 %)

10

45

9 (20 %)

15

24

6 (25 %)

16

21

3 (14 %)

13

Chimiothérapie à base de témozolomide

Chimiothérapie à base d’oxaliplatine Tous (GEMOX + FOLFOX) GEMOX

Walter

Rétrospective

FOLFOX Evérolimus Evérolimus-octréotide vs. Placebo-octréotide

Fazio

Phase III

33 11

0 (0 %) 0 (0 %)

13,6 5,7

Evérolimus vs. Placebo

Yao

Phase III

63 27

2 %* 1 %

9,2 3,6

Pasiréotide vs. Evérolimus vs. Pasiréotide-évérolimus

Ferolla 

Phase IIR

41 42 41

1 (2 %) 1 (2 %) 1 (2 %)

8,5 12,5 11,8

* données sur toutes la population, y compris sur les tumeurs neuro-endocrines digestives

sont préconisés en première ligne, chez les patients avec une tumeur carcinoïde broncho-pulmonaire ayant des facteurs de bon pronostic. La surveillance rapprochée est une alternative pour les maladies stables. En cas de tumeur métastatique avec lésions hépatiques prédominantes, le traitement local peut offrir des durées de contrôle tumoral prolongées ; la radiofréquence ou la chirurgie hépatique seront plutôt réservées aux patients pour lesquels une attitude « curative » avec par exemple la possibilité d’un traitement local de tous les sites tumoraux est envisageable. Lorsque les lésions ne sont pas résécables ou en cas d’échec des traitements par analogues de la somatostatine, ou de syndrome carcinoïde réfractaire, la chimio-embolisation hépatique sera proposée de façon préférentielle. Elle permet d’obtenir une réponse objective pour la moitié des patients [3]. La chimio-sensibilité des tumeurs carcinoïdes bronchopulmonaires, bien que faible, est variable ; le protocole de chimiothérapie « standard » est probablement l’association de gemcitabine ou de 5-fluorouracile avec l’oxaliplatine, l’association platine et etoposide étant décevante en termes de taux de réponse et de survie pour les tumeurs carcinoïdes

Livre_RMRGOLF_2018.indb 337

bien différenciées (Tableau 3) [13]. La chimiothérapie est aujourd’hui en fait utilisée de façon parcimonieuse, étant réservée aux situations métastatiques identifiées « ­agressives », clairement progressives, ou en cas d’atteinte synchrone de plusieurs sites métastatiques ou de lésions hépatiques menaçantes. Aucune étude randomisée n’a comparé les chimiothérapies à base de témozolomide ou d’oxaliplatine. Le statut tumoral MGMT pourrait permettre de départager les deux options, puisque un statut « ­déficient » de MGMT, qui est une enzyme réparatrice de l’ADN, est un marqueur de bonne réponse au témozolomide, mais ne semble pas influencer les chimiothérapies à base d’oxaliplatine. Le statut MGMT « déficient » est en fait rare dans les tumeurs carcinoïdes broncho-pulmonaires. L’évérolimus, un inhibiteur de mTOR, représente une option majeure dans les carcinoïdes broncho-pulmonaires avancés, sur la base des résultats de l’essai RADIANT–4 [7]. Dans cette étude, 302 patients atteints de tumeur neuro-endocrine bien différenciée, dont 90 tumeurs broncho-pulmonaires primitives, ont été randomisés entre un traitement par évérolimus ou le placebo (Tableau 3).

18/09/2018 17:47

338

Les taux de réponse à l’évérolimus étaient faibles (< 5%), les effets secondaires fréquents mais pour la plupart de grade 1‑2 (fatigue, aphtes, diarrhée, hyperlipidémie, diabète), mais le gain de survie sans progression était significatif (11,0 mois avec l’évérolimus vs. 3,9 avec le placebo, HR = 0,48, p < 0,00001). Cette étude est la première à démontrer de manière objective l’efficacité d’une thérapeutique ciblée dans les carcinoïdes avancés d’origine broncho-pulmonaire. Dernière option thérapeutique, la radiothérapie interne vectorisée (RIV), utilisant les analogues de la somatostatine comme vecteurs de radioisotopes (177Lutetium ou 90Yttrium) se discute dans les tumeurs carcinoïdes broncho-pulmonaires avancées et réfractaires, même si son niveau de preuve dans ce type tumoral n’est pas similaire à celui obtenu en cas de tumeurs neuro-endocrines digestives. Elle s’adresse aux patients avec une tumeur carcinoïde présentant une fixation intense à l’Octréoscan®, réfractaire aux traitements antérieurs, et avec une fonction rénale relativement conservée (clairance de la créatinine supérieure à 50 ml/mn).

Quelle prise en charge des carcinomes neuro-endocrines à grandes cellules métastatiques ? Si la prise en charge des carcinomes neuro-endocrines de stade précoce ne revêt pas de spécificité par rapport à celle des cancers broncho-pulmonaires non à petites cellules, si ce n’est un pronostic plus défavorable, engageant l’admini­stration d’un traitement adjuvant plus sytématique dès le stade I [14], et une surveillance postopératoire plus rapprochée, le traitement des patients atteints de tumeurs métastatiques engage à une stratégie différente. Un concept émergent est celui de l’analyse moléculaire d’un panel d’altérations oncogéniques, non seulement pour identifier les rares situations d’altération ciblable par un traitement ciblé, de type mutation de l’EGFR ou réarrangement de ALK, mais surtout pour différencier les carcinomes neuro-­ endocrines à grandes cellules avec un profil plus proche de celui des carcinomes à petites cellules (avec perte de RB1, par exemple) de ceux plus proches des carcinomes non à petites cellules (avec altération de KRAS, par exemple) [15] ; ce profil pouvant guider les choix de la chimiothérapie, de type platine et etoposide ou platine et gemcitabine, taxane, ou vinorelbine, respectivement, en situation métastatique, voire en situation adjuvante. Deux études ont évalué l’intérêt d’une chimiothérapie de type carcinome à petites cellules en situation : une étude multicentrique et prospective, conduite par le Groupe Français de Pneumo-Cancérologie sur 42 patients [16], avec l’association cisplatine et etoposide, et une seconde étude japonaise sur 44 patients, avec une association sel de platine et irinotécan [17]. Une seule étude, rétrospective, a analysé l’impact d’un traitement de seconde ligne.
L’analyse a porté sur 18 patients ayant reçu en première ligne un traitement à base de sel de platine et traités en seconde ligne (72 %) ou plus (28 %) par amrubicine avec un taux de réponse de 28 % [18].
La seconde ligne doit être discutée suivant les traitements reçus,

Livre_RMRGOLF_2018.indb 338

N. Girard

le performance status, les toxicités du traitement antérieur, et peut comporter les options de traitement de seconde ligne des cancers bronchiques non à petites cellules. Si l’expression de PD-L1 est plus rare (10 % des cas), la charge mutationnelle est souvent élevée ; l’essai IFCT-FFCD-GERCOR NIPINEC devrait ouvrir en 2018 et se propose d’évaluer le nivolumab associé ou non à l’ipilimumab en seconde et troisième ligne des carcinomes neuro-endocrines à grandes cellules, chez 90 patients atteints de tumeurs pulmonaires primitives.

Conclusion En conclusion, ces éléments illustrent la spécificité de la prise en charge des tumeurs neuro-endocrines bronchopulmonaires primitives ; la multidisciplinarité est au cœur de la définition de la meilleure stratégie thérapeutique à chaque étape, ce qui représente un modèle pour l’ensemble des tumeurs thoraciques rares.

Liens d’intérêts Au cours de 5 dernières années, N. Girard a perçu des honoraires pour conseil de la part du laboratoire Novartis.

Références [1] Travis W, Brambilla E, Mûller-Hemerlinck H. Pathology and genetics of Tumours of of the Lung, pleura, thymus and Heart. Lyon: IARC Press 2004;344. [2] Fabbri A, Cossa M, Sonzogni A, Papotti M, Righi L, Gatti G, Maisonneuve P, et al. Ki-67 labeling index of neuroendocrine tumors of the lung has a high level of correspondence between biopsy samples and surgical specimens when strict counting guidelines are applied. Virchows Arch 2017;470:153‑64.
 [3] Rossi G, Cavazza A, Spagnolo P, Sverzellati N, Longo L, Jukna A, Montanari G, et al. Diffuse idiopathic pulmonary neuro­endocrine cell hyperplasia syndrome. Eur Respir J 2016;47:1829‑41. [4] Travis WD, Gal AA, Colby TV, Klimstra DS, Falk R, Koss MN. Reproducibility of neuroendocrine lung tumor classification. Hum Pathol 1998;29:272‑9. [5] Yao JC1, Hassan M, Phan A, Dagohoy C, Leary C, Mares JE, Abdalla EK, et al. One hundred years after “carcinoid”: epidemiology of and prognostic factors for neuroendocrine tumors in 35,825 cases in the United States. J Clin Oncol 2008;26:3063‑72. [6] Asamura H, Kameya T, Matsuno Y, Noguchi M, Tada H, Ishikawa Y, Yokose T, et al. Neuroendocrine neoplasms of the lung: a prognostic spectrum. J Clin Oncol 2006;24:70‑6. [7] Yao JC, Fazio N, Singh S, Buzzoni R, Carnaghi C, Wolin E, Tomasek J, et al. Everolimus for the treatment of advanced, non-functional neuroendocrine tumours of the lung or gastro­ intestinal tract (RADIANT-4): a randomised, placebo-controlled, phase 3 study. Lancet 2016;387:968‑77. [8] Caplin ME, Baudin E, Ferolla P, Filosso P, Garcia-Yuste M, Lim E, Oberg K, Pelosi G, Perren A, Rossi RE, Travis WD. Pulmonary neuroendocrine (carcinoid) tumors: European Neuroendocrine Tumor Society expert consensus and recommendations for best practice for typical and atypical pulmonary carcinoids. Ann Oncol 2015;26:1604‑20.

18/09/2018 17:47

Tumeurs neuro-endocrines broncho-pulmonaires primitives

[9] Erasmus JJ, McAdams HP, Patz EF Jr, Coleman RE, Ahuja V, Goodman PC. Evaluation of primary pulmonary carcinoid tumors using FDG PET. AJR Am J Roentgenol 1998;170:1369‑73. [10] Terzi A, Lonardoni A, Falezza G, Furlan G, Scanagatta P, Pasini F, Calabrò F. Sleeve lobectomy for non-small cell lung cancer and carcinoids: results in 160 cases. Eur J Cardio­thorac Surg 2002;21:888‑93. [11] Bertoletti L, Elleuch R, Kaczmarek D, Jean-François R, ­Vergnon JM. Bronchoscopic cryotherapy treatment of isolated endoluminal typical carcinoid tumor. Chest 2006;130:1405‑11. [12] Caplin ME, Pavel M, Ćwikła JB, Phan AT, Raderer M, Sedláčková E, Cadiot G, et al. Lanreotide in metastatic enteropancreatic neuro­endocrine tumors. N Engl J Med 2014;371:224‑33. [13] Walter T, Girard N. Tumeurs thoraciques rares : tumeurs carcinoïdes bronchopulmonaires et tumeurs thymiques. Lettre Cancer 2018;27:51‑60. [14] Filosso PL, Guerrera F, Evangelista A, Galassi C, Welter S, ­Rendina EA, Travis W, et al. Adjuvant chemotherapy for large-

Livre_RMRGOLF_2018.indb 339

339

cell neuroendocrine lung carcinoma: results from the European Society for Thoracic Surgeons Lung Neuroendocrine Tumours Retrospective Database. Eur J Cardiothorac Surg 2017;52:339‑45. [15] Derks JL, Leblay N, Thunnissen E, van Suylen RJ, den Bakker M, Groen HJM, Smit EF, et al. Molecular subtypes of pulmonary large cell neuroendocrine carcinoma predict chemotherapy treatment outcome. Clin Cancer Res 2018;24:33‑42. [16] Niho S, enmotsu H, Sekine I, Ishii G, Ishikawa Y, Noguchi M, Oshita F, et al. Combination chemotherapy with irinotecan and cisplatin for large-cell neuroendocrine carcinoma of the lung: a multicenter phase II study. J Thorac Oncol 2013;8:980‑4. [17] Mazières J, Daste G, Molinier L, Berjaud J, Dahan M, Delsol M, Carles P, et al. Large cell neuroendocrine carcinoma of the lung: pathological study and clinical outcome of 18 resected cases. Lung Cancer 2002;37:287‑92.

18/09/2018 17:47