Annales de chirurgie plastique esthétique (2012) 57, 618—621
CAS CLINIQUE
Un cas d’oxycéphalie adulte non compliquée traité par lipomodelage An oxycephaly deformation corrected with a fat tissue transplant F. Rivoalan 88, boulevard des Belges, 69006 Lyon, France Rec¸u le 26 octobre 2009 ; accepte´ le 1 juillet 2010
MOTS CLÉS Oxycéphalie ; Crâniosténoses ; Remodelage frontal ; Greffe de tissue graisseux ; Lipostructure1
KEYWORDS Oxycephaly; Craniostenosis; Forehead reshaping; Fat graft tissue; Lipostructure1
Résumé Nous présentons un cas adulte féminin porteuse d’une oxycéphalie non diagnostiquée souvent rencontrée en Afrique du nord. La patiente souffrant de son handicap esthétique sans troubles fonctionnels patents désirait un traitement peu invasif au regard des ostéotomies crâniennes habituellement pratiquées dans ces cas. Nous avons pratiqué une correction du front fuyant à l’aide d’une greffe tissulaire. L’étage médiofacial a bénéficié d’une suspension réalisée sous endoscopie. Nous discutons des différents traitements qui ont pu être proposés dans ces cas, ce bon résultat morphologique à plus de trois ans prouve une nouvelle fois la plasticité de la lipostructure1. # 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Summary We present the case of a North African adult woman with a craniocephaly (oxycephaly) typical of the region. Her morphologic anomaly was never officially diagnosed. The patient suffered esthetic but no functional impairment from the oxycephaly. She had no headaches or visual impairment. She refused the standard treatment, cranial osteotomy (forehead reshaping), and desired a less-invasive procedure. We corrected the receding forehead with the help of a tissue (fat) transplant (lipostructure1). The midface was lifted in an endoscopic procedure using ISSE APTOS suspensions. Three years later, the result is fine and stable. Many techniques exist to correct this deformity; but the lipostructure1 initiated by Coleman is a method to correct the oxycephaly with minimal trauma. # 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Introduction
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L’oxycéphalie est une crâniosténose dont de nombreux cas sont présents en Afrique du nord. Cette synostose crânienne n’est pas toujours pourvoyeuse de troubles fonctionnels, dans ces cas et notamment à l’âge
0294-1260/$ — see front matter # 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.anplas.2010.07.003
Un cas d’oxycéphalie adulte non compliquée traité par lipomodelage
Figure 1
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Résultat de la correction par lipostructure1 d’une oxycéphalie non compliquée à trois ans.
adulte une demande de correction est souvent demandée par ces patients. Le traitement par voie neurochirurgicale est délicat et non dénué de complications potentielles. Depuis quelques années, des tentatives de comblement par des matériaux de synthèse non résorbables ont été tentés et au final avec peu de succès pour la plupart d’entre eux car le taux de complications infectieuses et de « rejets » semble avoir été significatif. L’apparition du lipomodelage réputé pour sa relative innocuité constitue un réel progrès dans la réparation esthétique des défects osseux ou autres. À travers un cas suivi sur plusieurs années, nous présentons cette alternative thérapeutique de lipostructure1, qui outre sa grande plasticité, donne un résultat esthétique (Fig. 1).
Observation Il s’agit d’une patiente de sexe féminin âgée de 34 ans qui ne présente pas d’antécédents familiaux ni personnels. La patiente est d’origine magrébine et n’a jamais reçu lors de notre première consultation le diagnostic d’oxycéphalie. Elle vit très mal son front en arrière et le recul des arcades orbitaires supérieures.
Elle ne présente pas par ailleurs de céphalée et de trouble de la vision. Nous notons, deux années auparavant, une tentative malheureuse de canthopéxie par deux fils, le résultat morphologique a été insignifiant. Elle vient nous consulter pour corriger sa difformité crânienne qu’elle masque avec une franche de cheveux en avant. Le diagnostic d’oxycéphalie est posé et nous exposons d’emblée la possibilité de l’orienter vers une équipe de chirurgie crâniomaxillofaciale en lui expliquant la technique d’ostéotomie. Elle refuse l’idée d’une intervention lourde. Nous lui proposons alors une autre alternative pour traiter le problème morphologique. La lipostructure1 du front nous paraît une solution satisfaisante car nous avons déjà eu l’expérience de lissage du front dans le cadre d’anomalie de sinus frontaux proéminents ou de front légèrement en bascule en dehors d’un contexte de crâniosténose. Nous lui précisons qu’il faudra deux à trois séances d’injections graisseuses pour avoir un résultat tangible. Un lifting médiofacial complémentaire sous endoscopie avec suspension temporale permettra de relever la queue du sourcil et de lui redonner des pommettes, ce geste a été
620 préféré à une lipostructure1 pour éviter de donner un visage trop replet. La première intervention est réalisée sous anesthésie de type neuroleptanalgésie. Le prélèvement graisseux est effectué sur les hanches, nous centrifugeons pendant une minute pour éviter un traumatisme cellulaire pendant cette phase et nous pratiquons la réinjection frontale en prépériosté à l’aide d’une canule de 2 mm après une infiltration de sérum adrénaliné et de xylocaine au niveau du front. À chaque séance, nous avons injecté 60 cm3 de graisse centrifugée. Le second temps réalise le lifting temporomédiofacial. Une incision de 3 cm est pratiquée dans la zone chevelue temporale verticale à la ligue prétragienne. Nous abordons le plan aponévrotique temporal ensuite nous repérons la veine sentinelle qui est coagulée et nous passons à l’étage médiofacial dans un plan sus-musculaire. La dissection est poursuivie en avant du septum orbitaire inférieur et au niveau du canthus externe. Nous pratiquons l’ablation des fils qui avait été mis à ce niveau et nous terminons par la mise en place de fils crantés type ISSE Aptos pour suspendre les tissus de l’espace moyen. Nous utilisions cette technique de suspension dans le cadre de la chirurgie de rajeunissement pour éviter les dépressions cutanées pouvant apparaître avec des fils passés en va-etvient, l’avantage des crans est surtout l’étalement progressif des tractions sur les tissus. Les suites de cette opération sont simples. Au bout d’une semaine, l’œdème a pratiquement disparu. Nous pratiquons une deuxième et troisième séance de lipostructure1 à deux mois d’intervalle. La patiente est revue très régulièrement et le résultat esthétique est jugé très satisfaisant. Nous lui posons deux ans après des implants mammaires signant la guérison psychologique de son rapport à l’autre. À noter la découverte fortuite d’un énorme fibrome utérin alors que je posais la main sur l’abdomen (opéré par la suite par laparoscopie).
Discussion L’oxycéphalie est une crâniosténose liée à la fermeture prématurée de la suture coronale souvent associée à une fermeture prématurée de la suture sagittale. Le diagnostic ne pose pas de problème particulier. Le front est reculé avec une prédominance de bascule postérieure, il est en continuité avec l’arête nasale. Le nez semble plongeant et l’espace médiofacial présente souvent un méplat au niveau des pommettes. La survenue de l’oxycéphalie est plus tardive que les autres crâniosténoses ce qui la rend indétectable à la naissance. Les orbites sont de volumes normaux même si l’arcade supérieure semble en recul. Quelquefois, il existe des signes d’hypertension intracrânienne avec céphalées ou troubles visuels. Dans un certains nombres de cas, le retentissement de cette crâniosténose est simplement esthétique avec absence de signes fonctionnels. Cette oxycéphalie est fréquente en Afrique du Nord [1].
F. Rivoalan Le traitement chirurgical classique est surtout réservé lorsqu’il existe des signes d’hypertension intracrânienne. Historiquement, la décompression a été réalisée tout d’abord par des craniectomies linéaires ou totales. Paul Tessier a ensuite réalisé des ostéotomies modelantes [2,3]. Ces techniques ont été améliorées progressivement par Montaud et Stricker [4] pour conduire à la technique de Marchac avec le bandeau frontal libre associé à une plastie en Z latérale et réfection du front supérieur à l’aide de transposition des volets libres. Les résultats esthétiques pour Marchac et al. [5] ont été bons dans la plupart des cas dans cette malformation. Malgré tout, il s’agit d’une intervention de type neurochirurgicale avec ouverture des sinus frontaux, les risques n’étant pas nuls. Nous n’avons pas eu connaissance d’autres alternatives correctrices dans ces cas. L’apparition de la lipostructure1 modelante volumatrice depuis Coleman [6] et avant Fournier [7] nous a ouvert de large horizon où prothèses, ostéotomies ou autres interventions lourdes ont trouvé un substitut moins agressif. Le cas que nous présentons est une alternative intéressante car cette technique peut être réalisée dans n’importe quel milieu chirurgical. Les techniques de comblement au niveau de la face ont progressé ces dernières années [8]. Les défects (type maladie de Romberg) ou post-traumatique ont pu bénéficier de nouvelles techniques de comblement avec l’apport de matériaux étrangers type hydroxyapatite ou méthylmétacrylate ou Medpor1 (polyéthyléne de haute densité) [9]. Les greffes osseuses ont un taux de résorption non négligeable, la morbidité du prélévement rend cette intervention difficile à proposer. Ces techniques ont eu peu d’audience car il s’agit de corps étrangers avec un risque potentiel d’infection [10]. La greffe tissulaire type Coleman est une solution intéressante. Ce tissu graisseux injecté survit dans un environnement richement vascularisé. L’injection au niveau frontal sous la galéa offre une prise de la greffe de bonne qualité. Cette zone est peu favorable pour une injection importante de tissu graisseux car le contact périphérique et la revascularisation secondaire de type centripéde ne sont pas optimum compte tenu de l’anatomie tissulaire frontale. Cependant, trois éléments nous apparaissent permettre la prise tissulaire dans cette zone. La zone en effet n’est pas mobile, l’absence de mouvement à ce niveau favorise la prise de greffe. La bonne vascularisation de la face est un élément favorisant et nous retenons surtout la multiplication des séances (en général de trois) comme facteur de réussite. La prise de greffe est potentialisée car les surfaces de contact deviennent de plus en plus importantes à mesure des injections. La seconde injection se fait dans un tissu graisseux plus récepteur ayant subi une angiogénèse majorant la prise tissulaire. La lipostructure1 réalisée avec une technique rigoureuse et accompagnée d’une information exhaustive permettent d’obtenir souvent de très bon résultat avec un faible risque de morbidité.
Un cas d’oxycéphalie adulte non compliquée traité par lipomodelage Nous n’avons pas vu la patiente avec des variations pondérales pour constater ou non une modification du volume injecté.
Conflit d’intérêt L’auteur ne présente aucun conflit d’intérêt.
Références [1] Acquaviva R, Jamic PM, Lebasde J, Kerdoudi H, Berada A. Les crâniosténoses en milieu marocain (140 observations). Neurochirurgie 1966;12:561—6. [2] Tessier P. Ostéotomies totale de la face ; syndrome de Crouzon, syndrome d’Apert, oxycéphalie, turricéphalies. Ann Chir Plast 1967;12:273. [3] Tessier P. Relationship of craniostenosis to craniofacial dysostoses and to faciostenosis. Plast Reconst Surg 1971;48:224.
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[4] Montaud J, Stricker M. Dysmorphies faciales, crâniofaciales, les synostoses prématurées (crâniosténoses et faciosténoses). Paris: Masson; 1977. [5] Arnaud E, Marchac D, Renier D. Les crâniosténoses et fasciocrânioténoses. Ann Chir Plast 1997;42(5):443—80. [6] Coleman SR. Structural fat grafts; the ideal filler? Clin Plast Surg 2001;28:111—9. [7] Fournier PF. Microlipo extraction et microlipo-injection. Rev Chir Esthet Lang Fr 1985;10:40—6. [8] Modjallal A. La greffe d’adipocytes ; intérêt dans la restauration des volumes de la face. À propos de 100 cas (Thése de doctorat), Lyon 2003. [9] Claude O, Than Trong E D, Blanc R, Asher B, Bayot M, Méningaud JP, Lantiéri L. Traitement des lipodystrophies faciales utilisant des implants de Medpor1 en polyéthyléne poreux. Ann Chir Plast 2009;54(1):21—8. [10] Wolfe SA. Invited discussion. Reconstruction of post-traumatic frontal bone defect using hydroxyapatite cement. Ann Plast Surg 2004;52(3):309.