Ne´phrologie & The´rapeutique 6 (2010) 251–254
Cas clinique
Un cas rare de maladie de Basedow chez un patient he´modialyse´ chronique A rare case of Graves’ disease in a patient on regular haemodialysis Karima Boubaker a,*, Mondher Ounissi a, Karima Khiari a, Amel Harzallah a, Monia Abbes a, Fethi El Younsi a, Taieb Ben Abdellah a, Hedi Ben Maı¨z b, Hayet Kaaroud a, Adel Kheder a a b
Service de me´decine A, hoˆpital Charles-Nicolle, boulevard 9-Avril, Bab Souika, 1006 Tunis, Tunisie Laboratoire de recherche de pathologie re´nale, hoˆpital Charles-Nicolle, LR00SP01, Tunis, Tunisie
I N F O A R T I C L E
R E´ S U M E´
Historique de l’article : Rec¸u le 4 fe´vrier 2010 Accepte´ le 22 mars 2010
Introduction. – Les anomalies de la production et du me´tabolisme des hormones thyroı¨diennes sont fre´quentes au cours de l’insuffisance re´nale chronique et au cours du traitement par he´modialyse pe´riodique. Cependant, la maladie de Basedow demeure exceptionnelle et son diagnostic est difficile. Nous rapportons le cas d’une maladie de Basedow survenue chez un patient traite´ par he´modialyse pe´riodique. Observation. – Il s’agit d’un patient aˆge´ de 26 ans traite´ par he´modialyse pe´riodique depuis quatre ans. Sa ne´phropathie initiale est inde´termine´e. Le patient se plaint d’une alte´ration de l’e´tat ge´ne´ral avec un amaigrissement important. L’examen clinique re´ve`le une irritabilite´, un tremblement des extre´mite´s et une hypertension arte´rielle mal controˆle´e par le traitement me´dical. Il pre´sente une discre`te asynergie oculo-palpe´brale, un e´clat du regard ainsi qu’une discre`te exophtalmie bilate´rale. La thyroı¨de est non palpable. La biologie re´ve`le une hyperthyroı¨die franche. Les anticorps anti-re´cepteurs TSH sont positifs. L’e´chographie et la scintigraphie thyroı¨dienne ont montre´ le caracte`re vasculaire et hyperfonctionnel de la thyroı¨de. Le patient est traite´ radicalement par l’iode radioactif apre`s pre´paration me´dicale par les antithyroı¨diens de synthe`se. L’e´volution est marque´e par la survenue d’une hypothyroı¨die secondaire corrige´e par un traitement substitutif. Conclusion. – Le diagnostic de la maladie de Basedow doit eˆtre e´voque´ meˆme en l’absence de symptoˆmes spe´cifiques chez l’he´modialyse´ chronique. Le traitement conventionnel est efficace et inoffensif. ß 2010 Association Socie´te´ de ne´phrologie. Publie´ par Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.
Mots cle´s : Hyperthyroı¨die Maladie de Basedow He´modialyse
A B S T R A C T
Keywords: Hyperthyroidism Graves’s disease Hemodialysis
Introduction and aims. – Abnormal thyroid hormone production and metabolism are relatively common in chronic renal failure and in regular haemodialysis. Graves’ disease is a very unusual condition and is difficult to identify. We report a case of Graves’ disease in a patient on regular hemodialysis. Case report. – A 26-year-old man undergoing regular hemodialysis from unknown chronic nephropathy since four years. The patient suffered from unexplained slimming and aggressiveness. On admission, he had an irritability, tremor of the ends, arterial hypertension not controlled by the medical treatment, discrete asynergy oculo-palpebral, glare of the glance and protrusion of the ocular spheres. The thyroid was non palpable. Biological tests demonstrated hyperthyroidism. Thyroid-stimulating hormone receptor antibodies were positive. Thyroid echography and scintiscanning showed vascular and hyperfonctionnel character of the thyroid. The patient was treated radically by radioactive iodine 131 therapy after medical preparation by antithyroid agent. He developed hypothyroidism treated by substitutive treatment. Conclusion. – The diagnosis of Graves’ disease must be evoked even in the absence of specific symptoms in haemodialysis patients. In front of clinical symptoms, since the conventional treatment is effective and inoffensive. ß 2010 Association Socie´te´ de ne´phrologie. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
* Auteur correspondant. Adresses e-mail :
[email protected],
[email protected] (K. Boubaker). 1769-7255/$ – see front matter ß 2010 Association Socie´te´ de ne´phrologie. Publie´ par Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. doi:10.1016/j.nephro.2010.03.009
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K. Boubaker et al. / Ne´phrologie & The´rapeutique 6 (2010) 251–254
1. Introduction La production et le me´tabolisme des hormones thyroı¨diennes sont perturbe´s au cours du traitement par he´modialyse pe´riodique. Ces perturbations sont rarement a` l’origine d’une hyperthyroı¨die. Niemczyk rapporte 18 cas d’hyperthyroı¨die chez les patients he´modialyse´s [1]. Toutefois, dans une revue plus re´cente, l’incidence de l’hyperthyroı¨die chez les patients ayant une insuffisance re´nale chronique terminale est de 1,14 % similaire a` celle retrouve´e dans la population ge´ne´rale [2]. La maladie de Basedow constitue l’e´tiologie la plus fre´quente des hyperthyroı¨dies. Dans cette e´tude, nous rapportons un cas de la maladie de Basedow survenue chez un patient traite´ par he´modialyse pe´riodique. 2. Observation Un homme aˆge´ de 25 ans est he´modialyse´ dans notre service depuis juin 2003 en raison d’une insuffisance re´nale chronique secondaire de´couverte d’emble´e au stade terminal. La ne´phropathie initiale est inde´termine´e. La biopsie re´nale n’est pas pratique´e en raison de la petite taille des reins. Le patient est hospitalise´ en juin 2007 pour l’exploration d’un amaigrissement e´voluant depuis huit mois malgre´ un appe´tit conserve´ et d’une hypertension arte´rielle mal e´quilibre´e sous trois antihypertenseurs. A` l’examen, le patient est irritable et pre´sente un tremblement. Le patient est maigre avec un index de masse corporelle a` 17,04 Kg/m2 et il pre´sente une discre`te asynergie oculo-palpe´brale, un e´clat du regard ainsi qu’une protrusion des globes oculaires. La peau est humide te´moignant d’une hypersudation. La thyroı¨de n’est pas palpable re´alisant un goitre grade 0 sans souffles vasculaires a` l’auscultation. Le patient n’a pas de myxœde`me pre´tibial et n’a pas de diure`se re´siduelle. La pression arte´rielle est a` 160/110 mmHg aux deux bras sous trois antihypertenseurs et le pouls est re´gulier a` 87 battements par minute. En effet, le patient avait de`s le diagnostic de l’insuffisance re´nale, une hypertension arte´rielle traite´e par un inhibiteur calcique. Au cours du suivi, la pression arte´rielle est devenue de plus en plus mal e´quilibre´e ne´cessitant l’adjonction d’un be´tabloquant et d’un inhibiteur de l’enzyme de conversion sans toutefois normalisation des chiffres tensionnels. Le bilan de retentissement de l’hypertension arte´rielle montre au fond d’œil un signe de croisement arte´rioveineux et une he´morragie du poˆle poste´rieur de l’œil droit. A` l’e´lectrocardiogramme, l’indice de Sokolow est a` 63 mmHg avec des troubles de repolarisation des les pre´cordiales gauches. A` l’e´chographie cardiaque, le ventricule gauche e´tait dilate´ et hypertrophie´ avec une bonne fonction globale et segmentaire. L’e´chographie doppler des arte`res re´nales est normale.
A` la biologie existe une ane´mie a` 6,5 g/dl d’he´moglobine, VGM = 84,8 fl, TCMH = 28,2 pg, CCMH = 33,2 g/dl, Ferritine´mie = 1639,5 ng/ml. Le patient avait de`s le diagnostic de l’insuffisance re´nale une ane´mie normochrome normocytaire traite´e par du fer injectable et par l’e´rythropoı¨e´tine recombinante arre´te´e devant l’hypertension arte´rielle mal e´quilibre´e. Le patient a rec¸u e´galement plusieurs transfusions sanguines. Le reste du bilan a` l’admission a montre´ : globules blancs = 5400 par millime`tre cube, polynucle´aires neutrophiles = 2900 par millime`tre cube, plaquettes = 247 000 par millime`tre cube, choleste´rol total = 2,37 mmol/l, triglyce´rides = 0,83 mmol/l. Devant ce Tableau 1, un bilan thyroı¨dien demande´ a montre´ une hyperthyroı¨die franche avec un taux de fraction libre de la thyroxine (FT4) = 2,45 ng/dl (Normal = 0,71–1,85 ng/ml), thyre´ostimuline (TSH) de troisie`me ge´ne´ration < 0,0012 mUI/ml (Normal = 0,49–4,67 mUI/ml). L’e´chographie cervicale a montre´ une thyroı¨de de taille normale hyper vascularise´e au doppler et la scintigraphie a` l’iode radioactif 131 a objective´ une fixation globalement homoge`ne de la thyroı¨de. La maladie de Basedow est suspecte´e devant les signes oculaires. Le diagnostic est confirme´ par l’e´le´vation du taux d’anticorps anti re´cepteurs a` la TSH. Le patient a e´te´ traite´ radicalement par l’iode radioactif 131. Il a rec¸u le lendemain du premier jour d’he´modialyse de la semaine une seule dose de 10mCi apre`s pre´paration me´dicale par le Benzylthiouracile et la normocardyl. Vingt-quatre heures apre`s la prise d’iode radioactif 131, le patient a eu sa se´ance habituelle d’he´modialyse de quatre heures dans notre service. Il a continue´ comme d’habitude a` avoir trois se´ances d’he´modialyse par semaine. Une seule mesure de se´curite´ a e´te´ envisage´e. Il s’agit de garder une distance minimale de un me`tre par rapport au patient. Cette mesure e´tait facilement respecte´e par le personnel soignant puisque le patient n’a ne´cessite´ que sept gestes : le branchement et la prise initiale de la pression arte´rielle, trois prises horaires de la pression arte´rielle et le de´branchement avec mesure tensionnelle. Cette mesure de se´curite´ a dure´ une semaine soit trois se´ances d’he´modialyse. Aucune mesure de se´curite´ pour le mate´riel n’a e´te´ entreprise. Aucune surveillance particulie`re pour une e´ventuelle contamination du personnel et du mate´riel n’a e´te´ envisage´e. L’e´volution clinique est favorable marque´e par un meilleur e´quilibre tensionnel et une prise de poids. Le patient a pre´sente´ au bilan de contoˆle fait cinq mois plut tard, une hypothyroidie biologique avec au bilan thyroidien FT4 = 0,48 ng/dl, TSH = 40 mUI/ml d’ou` l’instauration du traitement substitutif par la le´vothyroxine a` doses progressives. A` la date des dernie`res nouvelles en septembre 2009, le bilan thyroı¨dien est normal sous traitement substitutif TSH = 0,661 mUI/ ml (0,35–4,94 mUI/ml), FT4 = 1,11 ng/dl (0,7–1,48 ng/dl).
Tableau 1 Parame`tres cliniques et biologiques avant et apre`s traitement par iode radioactif 131.
Poids (kg) IMC (Kg/m2) Pression arte´rielle (mmHg/Hg) Nombre d’antihypertenseurs He´moglobine (g/dl) Albumine (g/l) Protides (g/l) CRP (mg/l) FT4 (ng/dl) TSH (mUI/ml)
Avant traitement
Apre`s traitement (5 mois)
Apre`s traitement (2 ans)
51 17,04 160/110 3 6,5 44 88 0,9 2,45 < 0,0012
52 17,34 140/80 2 8,2 50 75 6 0,48 40
54 18,04 140/80 1 10 50,1 75 6 1,11 0,661
FT4 : fraction libre de thyroxine ; TSH : thyre´ostimuline ; IMC : index de masse corporelle.
K. Boubaker et al. / Ne´phrologie & The´rapeutique 6 (2010) 251–254
3. Discussion Nous rapportons un cas de maladie de Basedow survenue chez un homme traite´ par he´modialyse pe´riodique. Le tableau clinicobiologique a associe´ au premier plan une irritabilite´, un amaigrissement inexplique´, une hypertension arte´rielle mal e´quilibre´e, des signes oculaires et une ane´mie profonde mais pas de goitre. Le diagnostic e´tait confirme´ par l’e´le´vation du taux des anticorps anti-re´cepteurs a` la TSH. Le patient e´tait traite´ par l’iode radioactif avec une bonne e´volution clinique et biologique. Une seule mesure de se´curite´ pour le personnel soignant a e´te´ envisage´e. Il s’agit de garder une distance minimale d’un me`tre et ce pendant trois se´ances d’he´modialyse suivant la cure d’iode radioactif. Des perturbations de la fonction thyroı¨dienne sont retrouve´es au cours de l’insuffisance re´nale chronique [3]. Une diminution des hormones thyroı¨diennes portant sur la triiodothyronine (T3) est fre´quemment observe´e [3]. Le taux de FT4 est normale ou meˆme augmente´e dans 6–12 % des cas chez les souris [4]. La diminution de T3 est secondaire a` un changement du me´tabolisme pe´riphe´rique avec une diminution de la captation tissulaire et de la conversion extrathyroı¨dienne de T4 a` T3 ainsi qu’une alte´ration de l’activite´ des re´cepteurs nucle´aires et des post re´cepteurs au T3 [5] et une action directe sur l’axe hypothalamo-hypophyso-thyroı¨dien responsable d’une diminution de la secre´tion de TSH avant le stade d’insuffisance re´nale chronique terminale [3]. Cela donne un tableau clinique similaire au syndrome des maladies ge´ne´rales chez un euthyroı¨dien ou Euthyroid sick syndrome qui s’accompagne d’une morbimortalite´ e´leve´e de´crite chez les animaux [6]. Le diagnostic diffe´rentiel du ‘‘Euthyroid sick syndrome’’ se pose avec l’hypothyroidie d’ou` le recours a` l’e´valuation de la fixation thyroidienne du 99mTcO [7] ou la stimulation de la secre´tion thyroı¨dienne par la TSH [8]. L’hyperthyroidie est rare chez les patients traite´s par he´modialyse pe´riodique. Son incidence est de 1,14 % similaire a` celle retrouve´e dans la population ge´ne´rale [2]. La maladie de Basedow est la cause de trois quart des hyperthyroı¨dies [9]. Elle est rarement observe´e chez les patients traite´s par he´modialyse pe´riodique. Elle est cinq a` dix fois plus fre´quente chez les femmes [1]. Elle associe des signes cliniques spe´cifiques qui sont un goitre vasculaire, une exophtalmie et plus rarement un myxœde`me pre´tibial. Notre patient n’a pas de goitre mais l’e´chographie et la scintigraphie thyroı¨dienne ont montre´ le caracte`re vasculaire de la thyroı¨de. Les signes oculaires sont au premier plan a` l’examen clinique. Le myxœde`me pre´tibial tre`s rarement observe´ dans la maladie de Basedow est absent chez notre patient. L’irritabilite´, l’amaigrissement inexplique´, l’hypersudation et l’aggravation des chiffres tensionnels observe´s chez notre patient sont des signes cliniques de l’hyperthyroı¨die. Le diagnostic clinique et biologique d’hyperthyroı¨die est difficile chez ces patients du fait de l’interfe´rence entre insuffisance re´nale chronique et hyperthyroı¨die. En effet la pression arte´rielle et l’ane´mie peuvent se voir dans les deux pathologies. L’hypertension arte´rielle e´tait mal e´quilibre´e chez notre patient malgre´ l’optimisation de l’he´modialyse, l’association de trois antihypertenseurs et meˆme l’arreˆt de l’e´rythropoı¨e´tine recombinante humaine. En effet, les hormones thyroı¨diennes augmentent la pression arte´rielle puisqu’ils ont un effet chronotrope positif entrainant une tachycardie [10,11], un effet inotrope positif [12,13], une augmentation de la se´cre´tion des substances vasoactives [14] et une augmentation de l’activite´ du syste`me re´nine-angiotensine-aldoste´rone. L’augmentation de l’activite´ du syste`me re´nine-angiotensine-aldoste´rone est stimule´e par la diminution des re´sistances vasculaires syste´miques due a` une se´cre´tion et une re´ponse accrue aux substances vasodilatatrices (monoxyde d’azote, facteur atrial natriure´tique et ace´thycholine)
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par rapport aux substances vasoconstrictrices (nore´pine´phrine et endothe´line) [15–17] et une activite´ b-adre´nergique accrue du fait d’une augmentation des re´cepteurs b-adre´nergiques au niveau du cortex re´nal [18]. L’hormone T3 stimule e´galement le syste`me re´nine-angiotensine-aldoste´rone par un effet direct sur l’expression du ge`ne de la re´nine [19]. Notre patient n’a pas pre´sente´ d’atteinte cardiaque lie´e a` l’hyperthyroı¨die. Un cas de syndrome de Wolff-Parkinson-White associe´ a` une fibrillation auriculaire paroxystique est de´crit [20]. L’ane´mie e´tait se´ve`re chez notre patient. En effet, l’hyperthyroı¨die entraine une ane´mie puisqu’elle constitue un facteur de re´sistance a` l’action de l’e´rythropoı¨e´tine [21]. Le bilan thyroı¨dien e´tait en faveur d’une hyperthyroı¨die pe´riphe´rique avec une TSH freine´e. La se´cre´tion de la TSH diminue´e au cours de l’insuffisance re´nale chronique, augmente au stade terminal [22] et elle est freine´e au cours de l’hyperthyroı¨die te´moignant d’un axe hypothalamo-hypohysaire intact [23]. Les traitements conventionnels de la maladie de Basedow sont efficaces chez les he´modialyse´s [24]. Les antithyroı¨diens de synthe`se tels que le propylthiouracile ou le methimazole sont utilise´s en premie`re intention avant l’ablation chirurgicale ou radique de la thyroı¨de [20,25]. Ils peuvent induire une granulocytope´nie [25]. Cette complication est guette´e par la pratique d’une nume´ration formule sanguine avant et apre`s la prescription du traitement. Notre patient a e´te´ traite´ radicalement par l’iode radioactif 131. Il a rec¸u le lendemain du premier jour d’he´modialyse de la semaine une seule dose de 10mCi. Vingt-quatre heures apre`s la prise d’iode radioactif 131, le patient a eu sa se´ance habituelle d’he´modialyse de quatre heures dans notre service et a continue´ a` avoir trois se´ances d’he´modialyse par semaine. Le personnel soignant a essaye´ de garder une distance minimale d’un me`tre par rapport au patient et ce pendant une semaine soit trois se´ances d’he´modialyse. Aucune mesure de se´curite´ pour le mate´riel n’a e´te´ entreprise. La majorite´ des patients ayant une maladie de Basedow rec¸oivent l’iode radioactif 131 [1]. En he´modialyse, ce traitement a e´te´ largement de´crit chez les patients ayant un carcinome thyroı¨dien mais rares sont les articles qui en font e´tat dans la maladie de Basedow. L’iode radioactif traite l’hyperthyroı¨die mais e´galement les signes qui lui sont indirectement lie´s et particulie`rement marque´s sur ce terrain : l’hypertension arte´rielle et l’ane´mie. Il faut connaıˆtre la pharmacocine´tique et la pharmacodynamie de l’administration de ce me´dicament chez les patients traite´s par he´modialyse pe´riodique pour en de´duire les mesures de se´curite´ possibles. Notre patient a rec¸u seulement 10 Ci soit une dose faible qui n’a pas ne´cessite´ d’isolement. La dose habituelle d’iode radioactif chez l’he´modialyse´ varie de 25 a` 100 Ci en cas de cancer thyroı¨dien et elle est re´duite par rapport au patient a` fonction re´nale normale [26–28]. Toutefois, les doses peuvent eˆtre identiques ou meˆme supe´rieures a` celles administre´es aux sujets ayant une fonction re´nale normale tout en assurant un traitement par he´modialyse quotidienne puisque la quasi-totalite´ de l’iode radioactif se fixe sur les cellules thyroı¨diennes les premie`res heures puis devient libre vu sa faible liaison prote´ique et donc facilement e´limine´ par la dialyse par diffusion [29]. Le pic maximal est atteint au deuxie`me jour [30]. Il est e´limine´ en majorite´ apre`s la premie`re se´ance d’he´modialyse avec une baisse du de´bit de la dose de 70 % apre`s quatre heures pour une se´ance d’he´modialyse de de´bit sanguin de 400 ml/minute, de de´bit du dialysat de 500 ml/minute et d’un dialyseur Fresenius F6 [26]. La demi-vie efficace est de 6,5 jours. De`s le troisie`me jour, l’e´limination de l’iode radioactif est assez constante et elle est de 2,7 % par jour et de 5,4 % par se´ance d’he´modialyse [30]. La demi vie biologique est de 15 jours [30]. L’iode radiactif n’entraıˆne pas de contamination de l’unite´ d’he´modialyse ni des materiaux jetables ni du drap du lit [30]. De ce fait les mesures de protection
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de´pendent de la distance par rapport au patient qui constitue une source d’iode radioactif 131. La dose moyenne d’iode radioactif par heure assurant une dure´e au-dessus de la dure´e efficace du traitement est de 8 mSv h( 1) pour une distance de 1 m et elle est de 2,6 mSv h( 1) pour une distance de 2 m [30]. Ainsi, afin de maintenir au-dessous de la dose de 3 mSv, le temps permis a` 1 m serait de 375 heures au total ou 15 heures par jour [30]. Pour une dose infe´rieure a` 1-mSv, la moyenne quotidienne d’exposition permise a` 1 m serait cinq heures par jour [30]. En pratique quotidienne, ces de´lais sont faciles a` respecter. L’exposition externe du personnel soignant peut eˆtre estime´e par la mesure du de´bit de dose par un compteur Geiger place´ a` 1 m du patient a` intervalles re´guliers pendant la se´ance d’he´modialyse [26]. Les doses rec¸ues par le personnel soignant sont ne´gligeables ne de´passant pas 200 mSv pour un patient he´modialyse´ qui a rec¸u une activite´ de 100 mCi en comparant avec les doses maximales fixe´es par la re´glementation [31]. De ce fait le risque pour le personnel soignant n’est pas l’exposition externe lors de la se´ance d’he´modialyse mais l’ingestion accidentelle ou la contamination cutane´e par un liquide biologique provenant du patient puisque l’iode radioactif 131 se de´gage dans les pertes hydriques de l’organisme ce qui entraıˆnerait une exposition prolonge´e aux radiations. La vitesse initiale de de´gagement du produit est estime´e a` 200 MBq m( 3) et de´pend de l’environnent [30]. Cette complication peut eˆtre pre´venue par le port de deux paires de gants et de surchaussures [26,32]. Les autres mesures de se´curite´ tels que l’e´tablissement de pre´cautions particulie`res pour le dialysat ou le port d’un tablier de plomb sont inutiles [26,32]. 4. Conclusion Le diagnostic clinique et biologique de l’hyperthyroı¨die est difficile chez ces patients du fait de l’interfe´rence entre insuffisance re´nale chronique et hyperthyroı¨die. En effet, la pression arte´rielle et l’ane´mie peuvent se voir dans les deux pathologies. Il faut penser a` la possibilite´ d’une hyperthyroı¨die, souvent pauci-symptomatique, devant une hypertension arte´rielle mal e´quilibre´e sous traitement me´dical ou une ane´mie re´sistante a` l’e´rythropoı¨e´tine recombinante humaine. Le diagnostic de la maladie de Basedow doit eˆtre e´voque´ meˆme en l’absence de symptoˆmes spe´cifiques chez l’he´modialyse´ chronique. Le traitement conventionnel par l’iode radioactif 131 est efficace et inoffensif. Il ne ne´cessite pas de mesures de se´curite´ particulie`res pour le personnel soignant sauf une protection efficace contre une e´ventuelle contamination par les produits biologiques provenant du patient. ˆt Conflit d’inte´re Aucun. Re´fe´rences [1] Niemczyk S, et al. Management of hyperthyroidism with radioactive iodine in end-stage renal disease patients undergoing dialysis. Pol Arch Med Wewn 2004;112:931–6. [2] Kutlay S, Atli T, Koseogullari O, Nergizoglu G, Duman N, Gullu S. Thyroid disorders in hemodialysis patients in an iodine-deficient community. Artif Organs 2005;29:329–32. [3] Maruyama S, et al. A rare case of Graves’ disease during regular hemodialysis. Clin Exp Nephrol 2004;8:71–4.
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