Un nouveau cas de carcinome à petites cellules primitif de la plèvre

Un nouveau cas de carcinome à petites cellules primitif de la plèvre

Revue de Pneumologie clinique (2009) 65, 350—352 CAS CLINIQUE Un nouveau cas de carcinome à petites cellules primitif de la plèvre A new case of ple...

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Revue de Pneumologie clinique (2009) 65, 350—352

CAS CLINIQUE

Un nouveau cas de carcinome à petites cellules primitif de la plèvre A new case of pleural small cell carcinoma I. Yangui a,∗, S. Msaad a, W. Ketata a, L. Ayedi b, T. Sellami b, A. Ayoub a a b

Service de pneumo-allergologie, CHU Hédi Chaker, Sfax 3029, Tunisie Service d’anatomie pathologique, CHU Habib Bourguiba, Sfax 3029, Tunisie

Disponible sur Internet le 30 octobre 2009

MOTS CLÉS Carcinome à petites cellules ; Carcinomes à petites cellules extrapulmonaires ; Tumeurs pleurales

KEYWORDS Small cell carcinoma; Extrapulmonary small cell carcinoma; Pleural tumours



Résumé Les carcinomes à petites cellules (CPC) représentent environ 15 à 20 % des cancers bronchiques primitifs. L’atteinte pleurale primitive par un CPC est, en revanche, exceptionnelle. Les auteurs rapportent un cas de CPC pleural chez un jeune de 36 ans. L’origine pleurale primitive a été retenue devant la positivité de la biopsie pleurale en l’absence de lésion médiastinopulmonaire ou d’autre localisation extrathoracique. Le décès est survenu quatre mois après le diagnostic malgré une chimiothérapie à base de sels de platine et d’étoposide. Les CPC extrapulmonaires représentent une entité très rare. L’immunohistochimie est d’un grand apport pour le diagnostic. Leur pronostic semble être plus sombre que les CPC pulmonaires. © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Summary Small cell carcinoma (SCC) is commonly of pulmonary origin. Pleural small cell carcinoma is a very uncommon feature. We report here a case of small cell carcinoma of the pleura in a 36 year old man. The diagnosis of primary disease SCC of the pleura was established by transparietal pleural biopsy in absence of any mediastino-pulmonary or extrathoracic other lesions that could be the primary tumor. The treatment was based on chemotherapy with cisplatin and etoposide. The patient died four months in spite of cytotoxic chemotherapy. Extrapulmonary small cell carcinoma is a rare entity. Immunohistochemistry study is very useful for the diagnosis. The prognosis seems to be worse than the small cell lung cancer. © 2009 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (I. Yangui).

0761-8417/$ — see front matter © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.pneumo.2009.07.011

Un nouveau cas de carcinome à petites cellules primitives de la plèvre

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Introduction Le carcinome à petites cellules (CPC) a été décrit initialement dans le poumon et représente 15 à 20 % des cancers bronchopulmonaires [1]. Le CPC extrapulmonaire est une entité rare, représentant 2,5 à 4 % des CPC [2,3]. L’atteinte de la plèvre sans atteinte parenchymateuse est exceptionnelle [4,5]. Nous rapportons un cas de CPC primitif de la plèvre.

Observation Le patient, âgé de 36 ans, tabagique (six paquets-années), sans antécédents pathologiques notables, était hospitalisé dans le service de pneumologie de Sfax pour une douleur thoracique droite à type de point de côté associée à une dyspnée d’effort et à une toux sèche évoluant depuis deux semaines dans un contexte d’altération de l’état général. L’examen initial trouvait un patient ayant un indice de performance status (IPS) à 2, présentant un syndrome d’épanchement pleural liquidien droit et un syndrome cave minime, limité à un comblement des creux susclaviculaires. Le reste de l’examen somatique était sans anomalie. La radiographie thoracique révélait une opacité de tonalité hydrique effac ¸ant la coupole diaphragmatique et occupant la quasi-totalité du champ pulmonaire droit, évoquant une pleurésie de grande abondance. Une tomodensitométrie thoracique objectivait un épaississement pleural droit circonférentiel, nodulaire avec épanchement pleural de grande abondance. La composante tumorale de la plèvre médiastine s’étendait de haut en bas le long du thorax et s’insinuait dans les différents recessus pleuraux du médiastin. Elle formait une véritable coulée tumorale du médiastin et comprimait en avant et en dedans la veine cave supérieure (Fig. 1). Le poumon homolatéral

Figure 1. Coupe tomodensitométrique du thorax montrant un processus tumoral pleural droit prédominant au niveau de la plèvre médiastine engainant par endroit et écrasant la veine cave supérieure, avec épanchement pleural expansif associé, collabant totalement le poumon droit.

Figure 2. Cellules tumorales de petite taille, écrasées (HE × 400). Encart : immunoréactivité pour la synaptophysine (× 200).

était totalement collabé, mais les bronches proximales si réduites de calibre restaient aérées. Il n’y avait pas d’autre adénopathie médiastinale en dehors du complexe tumoral déjà décrit. La biologie était sans anomalie, en particulier il n’y avait pas de syndrome inflammatoire. La ponction pleurale ramenait un liquide sérohématique, exsudatif comportant 1800 éléments blancs à prédominance lymphocytaire. La recherche de cellules malignes dans le liquide pleural était négative. La biopsie pleurale mettait en évidence une prolifération tumorale faite d’amas cellulaires lymphocytoïdes à noyau peu atypique, à chromatine fine ou granulaire finement nucléolée (Fig. 2). L’immunoréactivité des cellules tumorales pour la vimentine, l’antigène carcinoembryonnaire (ACE) était négative, en revanche, ces cellules exprimaient la neuron specific enolase (NSE), le TTF1, la chromogranine et la synaptophysine (Fig. 2) permettant ainsi de porter le diagnostic d’infiltration pleurale par un CPC. Une fibroscopie bronchique montrait un aspect de compression extrinsèque de tous les orifices bronchiques à droite sans lésion endobronchique. Les biopsies bronchiques étagées étaient indemnes d’infiltration tumorale et les recherches de cellules néoplasiques étaient négatives dans le liquide d’aspiration bronchique et dans le produit d’un brossage bronchique. La recherche d’un autre site tumoral, potentiellement primitif ou métastatique, a motivé la réalisation d’explorations complémentaires. Aucune anomalie n’était mise en évidence au niveau digestif (tomodensitométrie abdominale, transit œsogastroduodénal faute d’endoscopies proposées mais refusées par le malade), vésical (échographie pelvienne, cystoscopie). Pour des raisons financières, une tomographie par émission de positrons au fluoro-déoxy-carboglucose (TEP-FDG) n’était pas effectuée. Le scanner cérébral, la scintigraphie osseuse et la biopsie ostéomédullaire étaient normaux. Le taux de NSE était élevé à 76,5 ng/ml. Au terme de ce bilan, le diagnostic de CPC pleural primitif était retenu.

352 La décision thérapeutique était alors la mise en route d’une chimiothérapie à base de sels de platine et étoposide. Dès le premier cycle, l’état général s’améliorait notablement et le syndrome cave supérieur régressait ; les radiographies du thorax montraient l’apparition de multiples niveaux hydro-aériques au sein de l’épanchement. Des ponctions pleurales sous repérage échographique ne pouvaient ramener que quelques millilitres de liquide sérohématique. On constatait l’augmentation très importante du taux du NSE au troisième jour de la première cure de chimiothérapie (505 ng/ml). Au décours de la troisième cure de chimiothérapie, l’évolution était rapidement défavorable et l’état général se dégradait confinant le malade au lit (IPS à 4). L’examen neurologique était normal. Aucune évaluation morphologique ne pouvait être réalisée dans ces conditions et le décès survenait en quelques jours.

Discussion La localisation extrapulmonaire des CPC est très rare. Leur incidence est estimée à 1000 cas par an aux États-Unis comparés aux 40 000 cas de CPC pulmonaires [6]. Excepté le système nerveux central, tous les organes peuvent être touchés. Ainsi, il a été décrit des localisations au niveau du col utérin, de la vessie, de l’œsophage et au niveau de la région cervicale [1,4,7]. L’atteinte primitive isolée de la plèvre sans atteinte parenchymateuse est exceptionnelle ; en effet, à notre connaissance, quatre cas seulement ont été publiés dans la littérature anglo-saxone [4,5,8,9]. Comme pour les CPC pulmonaires, le principal facteur de risque identifié est le tabac. Cependant, un cas de CPC pleural publié en 2002 [5] a été relevé chez un patient porteur de plaques pleurales asbestosiques préexistantes, ce qui laisse suggérer un rôle potentiel de l’amiante dans le développement de ce type de cancer. Pour notre patient, l’exposition tabagique n’était pas importante et il n’y avait pas d’exposition à l’amiante. Le principal diagnostic différentiel d’un CPC pleural primitif est le mésothéliome malin de la plèvre [4,5]. L’immunohistochimie est d’un grand apport pour faire la part entre ces deux entités [5,8]. En effet, au cours du mésothéliome, l’immunohistochimie est toujours négative pour la chromogranine A. En revanche, la positivité pour la NSE est décrite dans des cas authentiques de mésothéliomes. Dans le CPC, la réactivité pour le NSE, la présence de granules neurosécretoires à la microscopie électronique [5,8] laisse peu de doute pour le diagnostic histologique ; de plus, le CPC exprime la TTF1 dans plus de 90 % des cas [10], contrairement au mésothéliome. L’adénocarcinome pleural isolé (sans primitif identifié) est un autre diagnostic différentiel qui mérite d’être évoqué d’autant qu’il s’agit d’une situation plus fréquente que le mésothéliome malin ; toutefois, ce diagnostic est habituellement facile à écarter : en effet l’adénocarcinome se distingue par son architecture acineuse et/ou cordonale et par l’aspect des cellules tumorales qui sont cubiques à noyau fortement nucléolé et à cytoplasme assez abondant. Pour notre patient, l’absence d’exposition à l’amiante, les données de l’examen anatomopathologique et de

I. Yangui et al. l’immunohistochimie, la rapidité de la réponse initiale à la chimiothérapie et l’augmentation très importante du taux du NSE au troisième jour de la première cure de chimiothérapie (505 ng/ml) témoignant de la lyse d’une tumeur neuroendocrine, sont des arguments qui renforcent le diagnostic de CPC pleural. Cependant, vu la rareté des cas de CPC extrapulmonaires, il est impératif de s’assurer de l’absence de toute lésion pulmonaire pouvant être la tumeur primitive comme nous l’avons vérifié par la réalisation d’explorations complémentaires digestives et vésicales. La seconde étape consiste à rechercher une localisation extrathoracique de CPC notamment au niveau de l’œsophage, de l’estomac et de la vessie ; la TEP-FDG trouve ici un intérêt particulier, comme dans le cancer bronchique non à petites cellules. La chimiosensibilité des CPC extrapulmonaires semble être la même que celle des CPC pulmonaires. Ainsi, le traitement repose essentiellement sur la chimiothérapie à base de sels de platine [4] avec ou sans radiothérapie dépendant de la localisation de la maladie [3,6]. L’évolution des CPC extrapulmonaires est variable, mais généralement agressive avec un pronostic réservé du fait d’une dissémination tumorale fréquente et l’apparition précoce de résistances à la chimiothérapie [10]. La survie est variable, de 1 à 26 mois [5,4]. Pour notre patient, elle a été de quatre mois.

Conflits d’intérêts Les auteurs n’ont pas transmis de conflits d’intérêts.

Références [1] Kim JH, Lee SH, Park J, Kim HY, Lee SI, Nam EM, et al. Extrapulmonary small cell carcinoma: a single-institution experience. Jpn J Clin Oncol 2004;34:250—4. [2] Remick SC, Ruckdeschel JC. Extrapulmonary and pulmonary small cell carcinoma: tumor biology, therapy, and outcome. Med Pediatr Oncol 1992;20:89—99. [3] Levenson Jr RM, Ihde DC, Matthews MJ, Cohen MH, Fazdar AF, Bunn Jr PA, et al. Small cell carcinoma presenting as an extrapulmonary neoplasm: sites of origin and response to chemotherapy. J Natl Cancer Inst 1981;67:607—12. [4] Schinkewitch P, Gasser B, Wihlm JM, Pauli G, Quoix E. Small cell carcinoma of the pleura. A case report. Lung Cancer 1996;16:87—94. [5] van der Heijden HF, Heijdra YF, Bulten J, Festen J. Pleural small cell carcinoma in pre-existent asbestos related pleural disease. Lung Cancer 2002;35:91—4. [6] Remick SC, Hafez R, Carbone PP. Extrapulmonary small cell carcinoma. A review of the literature with emphasis on therapy and outcome. Medicine 1987;66:457—71. [7] Galanis E, Frytak S, Lloyd RV. Extrapulmonary small cell carcinoma. Cancer 1997;79:1729—36. [8] Bouvier DP, Bell B. Small cell carcinoma of the pleura. South Med J 1989;82:1437—8. [9] Satoh H, Ishikawa H, Ohtsuka M, Sekizawa K. Small cell carcinoma of the pleura. South Med J 2002;95:1221. [10] Kaufmann O, Dietel M. Expression of thyroid transcription factor-1 in pulmonary and extrapulmonary small cell carcinomas and other neuroendocrine carcinomas of various primary sites. Histopathology 2000;36:415—20.