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77e Congrès de médecine interne, Lyon du 27 au 29 juin 2018 / La Revue de médecine interne 39 (2018) A55–A117
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Préoccupations des patients de médecine interne vis-à-vis de la fertilité et de la parentalité : évaluation par auto-questionnaires A. Afroun 1 , A. Simon 2 , L. Benabdellatif 1 , E. Gharbi 3 , S. Guedira 1 , O. Benveniste 4 , P. Tilleul 5 , M. Grynberg 6 , B. Hervier 7,∗ 1 Pharmacie, hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris, France 2 Département de médecine interne et d’immunologie clinique, groupe hospitalier La Pitié-Salpêtrière–Charles-Foix, Paris, France 3 Médecine Interne, CHU Mongi Slim, La Marsa, Tunisie 4 Département de Médecine interne et immunologie clinique, hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris, France 5 Pharmacie, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris, France 6 Médecine de la reproduction et procréation médicale, hôpital Antoine-Béclère, service d’urgence adultes, Clamart, France 7 Médecine interne et immunologie clinique 1, hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris, France ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (B. Hervier) Introduction Au cours des entretiens éducatifs avec les patients atteints de maladies auto-immunes ou inflammatoires chroniques, la fertilité, la sexualité, la procréation et la parentalité sont souvent abordées au regard des projets de vie. Afin de tenter de mieux répondre aux attentes des patients, nous avons évalué par un autoquestionnaire leurs questionnements sur ces sujets. Patients et méthodes Le questionnaire a été construit conjointement par des membres de l’équipe éducative du service de médecine interne (1 pharmacien [AA], 2 médecins internistes [AS, BH] et par un médecin de la reproduction [MG]). Il a été ensuite validé par l’ensemble des médecins du département. Cet autoquestionnaire comportait trois parties, relatives aux souhaits de parentalité, à l’information rec¸ue en matière de procréation et aux besoins éducatifs éventuels. Pendant 6 mois, il a été proposé à des patients hospitalisés ou vus en consultation, en âge de procréer (< 45 et < 55 ans pour les femmes et les hommes respectivement) et après obtention de leur consentement. L’analyse des données médico-thérapeutiques des patients a été rétrospective (AA, BH). Résultats Trente patients ont répondu au questionnaire : 20 femmes et 10 hommes, d’un âge médian de 35 ans (17–54). La moitié vivait en couple et 1/3 étant déjà parents. Tous étaient suivis pour une pathologie auto-immune ou inflammatoire depuis 4 ans (0–29) : lupus systémique (n = 9), myopathie inflammatoire (n = 9), vascularite (n = 6), sarcoïdose (n = 4), autres (n = 2). Dans leur histoire thérapeutique, ils avaient rec¸u jusqu’à 4 immunomodulateurs différents, parmi lesquels : cyclophosphamide (n = 13), méthotrexate (n = 15), azathioprine (n = 11), mycophénolate mophetil (n = 8) ou biothérapies (n = 9). Ils évoquaient comme frein à la procréation, la maladie (n = 11, 37 %), le traitement (n = 6, 20 %), l’avis du médecin (n = 4, 13 %) et/ou des raisons personnelles (n = 10, 33 %). Les patients rapportaient des difficultés dans leur vie affective (47 %) et dans leur vie sexuelle (40 %), Toutefois, 18 patients (60 %) exprimaient un souhait fort de parentalité et affirmaient leur capacité à élever des enfants. En dépit de ces préoccupations, seuls 50 % des patients indiquaient avoir rec¸u une information sur les effets secondaires des immunosuppresseurs sur la fertilité. Deux hommes et 3 femmes (17 %) relataient avoir été informés des possibilités de préservation de la fertilité, 2 d’entre eux (7 %) avaient été adressés à un spécialiste de la reproduction. Treize patients (43 %) étaient intéressés par la mise en place d’une consultation dédiée à la fertilité et aux moyens de la préserver ainsi qu’un document d’information spécifique (support papier, n = 10 ou électronique, n = 7). En termes d’éducation thérapeutique, respectivement 15 (50 %) et 7 (23 %) patients étaient prêt à participer à un atelier sur la fertilité et la vie sexuelle. Conclusion Cette enquête préliminaire et monocentrique souligne l’importance du retentissement de la maladie chronique
dans les domaines de la fertilité, la sexualité et la parentalité. L’information donnée sur ces problématiques ne semble pas être suffisante au regard des préoccupations réelles des patients. De ce fait, il paraît indispensable d’améliorer cette prise en charge et de répondre aux attentes éducatives spécifiques souhaitées par les patients. Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. https://doi.org/10.1016/j.revmed.2018.03.275 CO003
Un ou plusieurs syndromes fonctionnels ? Étude exploratoire comparant fibromyalgie et électro-hypersensibilité : volet médical A. Savall 1 , M. De Lazzari 1 , R. Hassam 1 , M. Dieudonné 2 , D. Benamouzig 3 , P. Cathébras 4,∗ 1 Département de médecine générale, faculté de médecine, Saint-Étienne, France 2 Centre Max-Weber, institut des sciences de l’Homme, Lyon, France 3 CNRS/CSO, Sciences Po, Paris, France 4 Médecine interne, CHU de Saint-Étienne, Saint-Étienne, France ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (P. Cathébras) Introduction Le terme de syndrome somatique fonctionnel (SSF) fait référence à une série de syndromes cliniques fréquents associant des symptômes tels que fatigue, douleurs et symptômes neurocognitifs, sans explication médicale en termes de lésions tissulaires, d’anomalies biologiques, ou de physiopathologie. La plupart des SSF sont définis par leurs symptômes prédominants (syndrome de fatigue chronique [SFC], syndrome fibromyalgique [FM], syndrome de l’intestin irritable [SII]), alors que d’autres sont des catégories fondées sur des attributions contestées (hypersensibilité chimique multiple, électro-hypersensiblité [EHS], maladie de Lyme chronique, etc.). Il existe une forte comorbidité des SSF entre eux et avec certains facteurs de risque psychosociaux qui font considérer par certains auteurs qu’il n’existe qu’un seul syndrome fonctionnel témoignant d’un processus global de « somatisation », et que les différentes catégories de SSF ne sont qu’un artéfact de la variété des spécialités médicales et des attributions proposées par la société. Pratiquement aucune étude ne s’est toutefois intéressée à une comparaison formelle de SSF définis par leurs symptômes prédominants, et de SSF fondés sur des attributions contestées. Patients et méthodes Nous avons comparé des patients se considérant comme atteints de FM et d’EHS recrutés à partir d’associations de malades : (1) sur leurs antécédents médicaux et psychiatriques ; (2) sur leur symptomatologie recueillie par autoquestionnaires et un examen clinique standardisé ; (3) sur leurs comorbidités et en particulier la présence d’autres syndromes fonctionnels par des questionnaires structurés ; (4) sur leur niveau de détresse psychique, d’invalidité et leur qualité de vie mesurés par diverses échelles d’auto-évaluation ; et (5) sur leur itinéraire diagnostique, leur vécu des symptômes, et leur expérience des interactions avec le système de santé par un entretien approfondi mené par un sociologue. Nous présentons ici le résultat du volet médical de l’étude. Résultats Seize sujets atteints de FM (âge moyen 51,5 ans) et 16 sujets atteints d’EHS (âge moyen 56,6 ans) ont donné leur accord pour être étudiés à leur domicile en 2016–2017. Les femmes représentaient respectivement 94 % (FM) et 82 % (EHS) des personnes interrogées. Seuls 25 % (FM) et 37 % (EHS) avaient encore une activité professionnelle. De nombreux symptômes étaient fréquents (> 50 %) dans les 2 groupes : asthénie, arthralgies, troubles de concentration et de mémoire, douleurs de type neuropathique, céphalées, troubles du sommeil. Les sujets atteints d’EHS
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signalaient davantage de symptômes neurosensoriels (paresthésies, sensations vertigineuses, myodésopsies) et de symptômes cardiorespiratoires (palpitations, oppression). Les troubles digestifs (douleurs abdominales, troubles du transit, nausées) étaient présents dans environ un tiers des cas dans les deux groupes. Les critères du SII (Rome III) étaient présents chez 47 % des fibromyalgiques et 25 % des EHS, ceux du SFC (CDC) chez 19 % des fibromyalgiques et 25 % des EHS, ceux de la FM chez 100 % des fibromyalgiques et aucun des EHS. Le niveau de handicap dans la vie quotidienne (FIQ-R et SIQ-R) était supérieur chez les fibromyalgiques alors que l’intensité de la fatigue (MFI) et la qualité de vie (WHOQOL-BREF) étaient comparables dans les deux groupes. En termes de psychopathologie (MINI), la moitié des sujets fibromyalgiques et des EHS avaient des antécédents de dépression caractérisée, mais la dépression actuelle était plus fréquente chez les fibromyalgiques que chez les EHS (44 % vs 6 %) de même que le trouble anxieux généralisé (69 % vs 25 %), alors que les scores sur l’échelle HAD n’étaient pas significativement différents. Les sujets fibromyalgiques prenaient beaucoup de psychotropes (44 % des antidépresseurs, 25 % des anxiolytiques) et d’antalgiques (87 %) alors que les EHS ne prenaient aucun de ces médicaments. Conclusion Malgré le grand nombre de symptômes non spécifiques communs à la FM et l’EHS, et communs avec d’autres SSF, et un certain nombre de facteurs de risque identiques (tels que les fréquents antécédents de dépression), les sujets fibromyalgiques semblent dans cette étude exploratoire plus invalidés au quotidien et plus souvent atteints de psychopathologie actuelle que les sujets EHS, qui déclarent en revanche davantage de symptômes neurosensoriels et cardiorespiratoires. On peut faire l’hypothèse que l’attribution à l’environnement des symptômes faite par les sujets EHS aie chez eux des conséquences favorables, en offrant une relative contrôlabilité des symptômes (par la réduction de l’exposition aux champs électromagnétiques), et en sauvegardant partiellement l’estime de soi (grâce à l’imputation exclusive des symptômes à une cause extérieure à l’individu). Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. https://doi.org/10.1016/j.revmed.2018.03.276 CO004
Consentement éclairé dans un essai clinique : déterminants de la décision H. Nielly 1,∗ , F. Boué 2 , A. Devidas 3 , T. De Revel 4 Service de médecine interne rhumatologie, hôpital d’instruction des armées Percy, Clamart, France 2 Service de médecine interne et d’immunologie clinique, hôpital Béclère, Clamart, France 3 Service d’hématologie clinique, centre hospitalier Sud Francilien, Corbeil-Essonnes, France 4 Service d’hématologie, hôpital d’instruction des Armées Percy, Clamart, France ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (H. Nielly)
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Introduction Le consentement éclairé est au cœur de la démarche de soin moderne. Il est obligatoire sous forme écrite pour toute inclusion dans un essai clinique, après information du patient. Cependant peu de données sont disponibles sur les critères de décision qui mènent les patients à participer à un essai clinique. Afin d’explorer le processus de consentement, nous avons réalisé une étude qualitative descriptive rétrospective auprès de patients inclus dans un essai clinique en oncohématologie. Patients et méthodes Un questionnaire a été adressé aux patients ayant accepté d’être inclus dans un essai clinique. Étaient inclus les patients majeurs ayant été inclus dans un essai clinique entre 3 mois et 2 ans avant le début de notre étude. Étaient exclus les incapables majeurs et les patients dont l’espérance de vie était estimée
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inférieure à 3 mois. Des entretiens semi-directifs étaient proposés dans un second temps aux patients ayant renvoyé le questionnaire. Résultats Soixante-deux patients répondaient aux critères d’inclusion, 31 ont retourné le questionnaire (15 hommes et 16 femmes, âge moyen 54 ans), dont 10 ont participé à un entretien. Les patients étaient atteints de lymphomes, de leucémies aiguës ou de leucémies chroniques. Le modèle de relation médecin/patient allégué par les patients était paternaliste pour 23 %, autonomiste pour 19 % et le modèle de décision partagée pour 52 %. Tous les patients sauf un estimaient avoir bénéficié de consultations suffisamment longues pour appréhender l’essai clinique (temps nécessaire estimé en moyenne à 42 minutes). Deux tiers des patients étaient accompagnés à la consultation, dont 76 % par leur conjoint, 12 % par leurs parents, et 12 % par un ami. La première source d’information citée était la consultation avec le spécialiste qui propose l’essai (94 % de patients), suivie par le médecin traitant (39 %), internet (26 %) et les proches exerc¸ant une profession de santé (16 %). La fiche d’information remise était jugée adaptée pour 97 % des patients et complète pour 85 % des patients. Seuls 14 % des patients estimaient avoir assez peu compris l’essai. Les avis recueillis en vue de la décision de consentement étaient en premier lieu celui du spécialiste (45 %), puis de la famille (37 %) et du médecin traitant (26 %). Le délai de réflexion était de 1 à 15 jours. Les motivations alléguées étaient la confiance dans le médecin (74 %), l’altruisme – faire progresser la connaissance pour en faire bénéficier les patients des années à venir (58 %), recevoir un traitement nouveau (32 %), être mieux soigné (29 %), montrer au médecin qu’on lui fait confiance (3 %). Discussion Le rôle du spécialiste proposant l’essai est central : il est souvent à la fois celui qui a établi le diagnostic, celui qui va mettre en œuvre le traitement, celui qui informe, et celui dont l’avis compte le plus. Le médecin traitant joue également un rôle important, bénéficiant d’une relation tissée de plus longue date. Le conjoint tient enfin un rôle central, notamment dans la réception de l’information lorsqu’il assiste à la consultation. La notion d’équivalence (« equipoise » en anglais) des deux bras de l’essai (le plus souvent traitement de référence contre traitement de référence + nouvelle molécule) est difficile à appréhender par les patients qui acceptent l’inclusion. La plupart sont influencés par trois mythes irrationnels : l’aura de la recherche, la reconnaissance envers le médecin qui a diagnostiqué leur pathologie, l’urgence ressentie du traitement. La recherche de bénéfice personnel apparaît dans les entretiens comme le principal déterminant de la décision, dans un mécanisme de double pari : celui de ne pas avoir d’effet secondaire lié à la nouvelle molécule et celui que cette molécule conférera un bénéfice de survie. Ainsi les patients sont-ils « déc¸us » lorsqu’ils sont randomisés dans le bras placebo. Sans doute une meilleure information du grand public pourrait-elle améliorer la compréhension de la randomisation et de l’équivalence a priori des deux bras d’un essai clinique. Conclusion Le processus de consentement éclairé en recherche clinique est imparfait, notamment car il suit souvent de peu l’annonce diagnostique d’une maladie grave qui déstabilise le patient. Le spécialiste joue un rôle majeur dans l’information du patient et sa décision d’être inclus dans l’essai clinique. Ce dernier s’appuie également sur son médecin traitant et sur son conjoint pour établir sa décision. Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. https://doi.org/10.1016/j.revmed.2018.03.277