Dissection artérielle : un même nom, plusieurs entités

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Pour citer cet article : Sarlon-Bartoli G, et al. Dissection artérielle : un même nom, plusieurs entités. Presse Med. (2016), http:// dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2016.05.021 Presse Med. 2016; //: ///

Dossier thématique

Dissection artérielle : un même nom, plusieurs entités

Mise au point

ACTUALIT ES EN CARDIOLOGIE

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Gabrielle Sarlon-Bartoli 1, Raphael Soler 2, Michel Alain Bartoli 2, Magali Carcopino-Tusoli 1, Bernard Vaisse 1, François Silhol 1

Disponible sur internet le :

1. Assistance publique–Hôpitaux de Marseille, Aix-Marseille université, faculté de médecine de Marseille, hôpital de la Timone, HTA et médecine vasculaire, 13385 Marseille, France 2. Assistance publique–Hôpitaux de Marseille, Aix-Marseille université, faculté de médecine de Marseille, hôpital de la Timone, chirurgie vasculaire, 13385 Marseille, France

Correspondance : Gabrielle Sarlon-Bartoli, hôpital de la Timone, unité d'HTA et médecine vasculaire, 264, rue Saint-Pierre, 13385 Marseille cedex 05, France. [email protected]

Points essentiels La dissection artérielle spontanée est une pathologie dont la prévalence est difficile à connaître et qui varie selon le territoire artériel touché. Elle peut toucher l'aorte et toutes les artères périphériques de moyen calibre notamment les artères à destinée cérébrale, les artères coronaires et les artères rénales. La physiopathologie est commune, il s'agit d'un saignement au niveau de la média. Les étiologies sont diverses et varient en fonction du territoire. Les patients touchés ont peu de facteurs de risque cardiovasculaires. La dysplasie fibromusculaire est la pathologie à rechercher dans ces présentations quel que soit le territoire. Le pronostic vital et fonctionnel peut être engagé. Le traitement varie en fonction du territoire, de la gravité, et de l'étiologie. Le traitement médical conservateur est le traitement de première intention.

Key points Arterial dissection: Different entities for the same name Spontaneous arterial dissection is a disease whose prevalence is difficult to know and which varies according to the affected artery territory. It can affect the aorta and all medium caliber peripheral arteries including cerebrovascular arteries, coronary arteries and renal arteries. The pathophysiology is common, it is a bleeding in the media. The causes are diverse and vary by territory. Affected patients have few cardiovascular risk factors. Fibromuscular dysplasia is the condition to look for in these few presentations. The vital and functional prognosis may be engaged. Treatment varies depending on territory, severity, and etiology. Conservative treatment is the first-line treatment.

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LPM-3125

Pour citer cet article : Sarlon-Bartoli G, et al. Dissection artérielle : un même nom, plusieurs entités. Presse Med. (2016), http:// dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2016.05.021

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G. Sarlon-Bartoli, R. Soler, M.A. Bartoli, M. Carcopino-Tusoli, B. Vaisse, F. Silhol

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a dissection artérielle spontanée est une pathologie dont la prévalence est difficile à connaître et qui varie selon le territoire artériel touché. Elle peut toucher l'aorte et toutes les artères périphériques de moyen calibre notamment les artères à destinée cérébrale, les artères coronaires et les artères rénales. La physiopathologie est commune, il s'agit d'un saignement au niveau de la média. Les étiologies sont diverses et varient en fonction du territoire. Le pronostic vital et fonctionnel peut être engagé. Le traitement varie en fonction du territoire, de la gravité, et de l'étiologie. Le tableau I synthétise les caractéristiques des dissections artérielles en fonction du territoire touché.

La physiopathologie La base commune physiopathologique est la présence d'un saignement au niveau de la média. Le processus initial le plus fréquemment retrouvé au niveau des artères de gros calibre est la formation d'une plaie intimale ou porte d'entrée qui entraîne l'issue de sang dans la média et le décollement de l'intima. Le flap intimal est constitué de l'intima et des deux tiers de la média, il sépare le vrai chenal (la lumière circulante physiologique) et le faux chenal (la cavité néoformée) (figure 1B). La dissection peut s'étendre de façon antérograde ou rétrograde. Il s'agit de la forme typique de dissection aortique [1,2]. La réponse inflammatoire provoquée par le thrombus sur la média

entraîne une apoptose et une nécrose des cellules musculaires lisses de la média, une dégénérescence du tissu élastique qui peut aboutir à un risque de rupture. La dissection peut parfois venir d'une rupture des vasa vasorum de la média provoquant une hémorragie au sein de la couche externe de la média fragilisant la paroi artérielle (figure 1C). Cette hémorragie crée un hématome intramural sans porte d'entrée, sans circulation du faux chenal et sans réelle plaie intimale. Cet hématome peut s'étendre en hauteur et de manière plus ou moins circonférentielle. Cette entité représente 5 à 13 % des syndromes aortiques aigus. Il se manifeste sur un scanner sans injection par un épaississement pariétal hyperdense (> 50 UH) plus ou moins circonférentiel régulier et ne se rehausse pas après injection de contraste. Enfin, l'ulcère pénétrant est un équivalent de dissection et survient sur une artère athéromateuse. Il s'agit probablement d'une rupture de plaque d'athérome conduisant à un ulcère avec un hématome sous adventitiel. Le risque de rupture est élevé de l'ordre de 40 %.

Les dissections artérielles périphériques Dissection des artères à destinée cérébrale Épidémiologie Il s'agit d'une cause fréquente d'accident vasculaire cérébral du sujet jeune, avec une prévalence de 20 % dans cette population

TABLEAU I

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Synthèse des caractéristiques des dissections artérielles spontanées en fonction du territoire artériel touché Localisation

Épidémiologie

Clinique

Imagerie

Étiologies

Traitement

Pronostic

Cervicale

2,6–2,9 pour 100 000 par an < 50 ans Homme

Douleur cervicale Céphalées AVC 70 %

IRM Scanner Écho-Doppler Angiographie

HTA Migraine Dysplasie fibromusculaire Maladies du tissu élastique

Médical Antithrombotique Anti-HTA

Bon Guérison sans séquelle 75 % à 3 mois Récidive < 3 %

Coronaire

0,26 pour 100 000 par an < 50 ans Femme

Douleur thoracique 90 % SCA Syncope Mort subite

Coronatographie Imagerie endocoronaire

Grossesse et post-partum Exercice physique Dysplasie fibromusculaire Tortuosités artérielles Maladies du tissu élastique

Médical Antithrombotique

Mortalité 1,1 % à 1 an Mortalité 7,7 % à 10 ans Événements cardiaques majeurs 47 % à 10 ans Récidive 17 %

Rénale

50 ans Homme

Douleur lombaire HTA sévère Hématurie Insuffisance rénale aiguë

Angioscanner Écho-Doppler Angiographie IRM

HTA Dysplasie fibromusculaire Maladies du tissu élastique

Médical Antithrombotique

30–40 % d'HTA permanente séquellaire

Aortique

6 pour 100 000 par an 60 ans Homme

Douleur thoracique SCA Insuffisance aortique aiguë Insuffisance cardiaque gauche Complications ischémiques

Écho cardiaque Angioscanner

HTA Maladies du tissu élastique

Type A : chirurgie Type B : traitement anti-hypertenseur

Mortalité globale 20 % Mortalité type A sans chirurgie 90 % à 1 mois

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Figure 1 A. Paroi artérielle normale avec intima (noir), média (gris foncé) et adventice (gris clair). B. Hématome intramural au sein de la média (rouge). C. Dissection artérielle classique avec un flap intimal, un vrai et un faux chenal

Manifestations cliniques Elles dépendent du territoire artériel touché. La dissection carotidienne commence typiquement par une douleur cervicale homolatérale ou une céphalée avec un syndrome de Claude Bernard-Horner mineur, suivies d'une ischémie rétinienne ou cérébrale. La présence d'un de ces éléments suggère fortement le diagnostic de dissection carotidienne. Les céphalées liées à une dissection sont aspécifiques et peuvent ressembler à une migraine ou à des céphalées récidivantes. Les céphalées typiques sont de début brutal, unilatérales, constantes et pulsatiles. Des céphalées en coup de tonnerre peuvent être observées. Le Claude Bernard-Horner est généralement partiel (myosis et ptosis sans énophtalmie) car les fibres motrices cheminent le long de l'artère carotide externe. Les symptômes neurologiques focaux à la suite d'une ischémie cérébrale ou rétinienne peuvent être transitoires ou persistants et sont variables. À l'inverse, les dissections des artères vertébrales se manifestent généralement par une douleur occipitocervicale, qui peut être suivie par des symptômes ischémiques de la circulation postérieure comme un vertige, une dysarthrie, un déficit du champ visuel, une ataxie, une diplopie. Lorsque les dissections intracrâniennes se compliquent d'un pseudo-anévrisme, des symptômes locaux liés à la compression des structures adjacentes peuvent se produire. Par exemple, les

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nerfs crâniens XII, IX et X sont les plus proches de l'artère carotide et sont ceux les plus souvent impliqués lors d'une dissection de cette artère. Par ailleurs, la rupture d'un pseudo-anévrisme peut provoquer une hémorragie méningée à haut risque de morbi-mortalité. Imageries La confirmation diagnostique se fait par une neuroimagerie : imagerie par résonance magnétique (IRM), angioscanner, échoDoppler et/ou angiographie conventionnelle. La sensibilité et la spécificité de chaque test varie en fonction de la localisation et l'étendue de la dissection. L'angiographie de résonance magnétique (ARM) avec une IRM cervicale axiale en séquence T1 avec technique de saturation de graisse est l'examen de choix du fait de son faible rayonnement, de ses hautes performances, et de sa capacité à visualiser l'hématome intramural. L'angioscanner a également une haute sensibilité et spécificité, il peut montrer une double lumière (vrai et faux chenal) (figure 2A) ou un aspect de flamme de bougie. L'écho-Doppler peut être utilisé en examen de dépistage, il est performant pour les dissections carotidiennes ou vertébrales extracrâniennes. Enfin, l'angiographie ne doit pas être utilisée en première intention du fait de sa difficulté à voir l'hématome intramural, et du fait du risque d'extension de la dissection d'autant plus que les sujets atteints sont suspects de fragilité du tissu élastique (figure 2B). Étiologies Les facteurs favorisants sont l'HTA, la migraine avec aura, l'hyperhomocystéinémie, une infection récente, la saison d'hiver, une maladie du tissu élastique (Marfan, syndrome Ehlers-Danlos vasculaire), ostéogenèse imparfaite, la dysplasie fibromusculaire, un traumatisme cervical mineur. Les patients présentant une dissection cervicale sont moins sujets à l'hypercholestérolémie qu'une population appareillée de sujets sains [4]. Prise en charge thérapeutique Le but du traitement est de prévenir l'AVC. Les recommandations internationales suggèrent un traitement antithrombotique pendant au moins 3 à 6 mois. Les différentes études et méta

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et une incidence annuelle de 2,6 à 2,9 pour 100 000 personnes [3]. L'incidence exacte est méconnue du fait de certaines dissections avec signes cliniques frustres. L'âge moyen de survenue est de 45 ans, avec une légère prédominance masculine (53 à 57 %). Il y aurait une prépondérance saisonnière, les dissections cervicales étant fréquentes en hiver. Les dissections des artères cervicales sont classées en fonction du territoire artériel touché (vertébral ou carotidien) et de la localisation (extra- ou intracrânienne). La forme la plus classique est la dissection de la carotide interne extracrânienne survenant 2–3 cm au-dessus de la bifurcation et représente 2,5 % de l'ensemble des causes d'AVC.

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G. Sarlon-Bartoli, R. Soler, M.A. Bartoli, M. Carcopino-Tusoli, B. Vaisse, F. Silhol

Figure 2 A. Angioscanner montrant une sténose serrée de la carotide interne avec un aspect en flamme de bougie. B. Angiographie préthérapeutique confirmant la sténose serrée secondaire à une dissection

analyses comparant la warfarine et l'aspirine pour prévenir la récidive d'AVC après dissection cervicale n'ont pas réussi à mettre en évidence un bénéfice d'une stratégie par rapport à une autre (WASID, WARSS) [5,6]. La physiopathologie de la survenue d'un AVC dans la dissection cervicale associe lésion endothéliale, agrégation plaquettaire, activation de la coagulation responsable de la formation du thrombus, ce qui crée ensuite un AVC ischémique d'origine embolique. Ainsi l'inhibition plaquettaire ou de la coagulation sembleraient efficace de la même façon. L'étude récente CADISS [7] a randomisé 250 patients dans la première semaine d'un AVC après dissection cervicale avec soit antiplaquettaire soit anticoagulant. Elle n'a pas retrouvé de différence significative entre le bras anticoagulant (1 %) et antiplaquettaire (3 %) (OR : 0,335 ; IC95 % : 0,006–4,233 ; p = 0,63). La limite majeure de cette étude est le faible taux de récidive d'AVC ce qui en limite la puissance.

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Pronostic Le facteur déterminant est la survenue d'un infarctus cérébral qui est présent dans environ 70 % des dissections cervicales [3,4]. L'AVC survient typiquement dans les deux premières semaines qui suivent la dissection, puis le risque devient quasi nul comme pour les sténoses carotidiennes. Le pronostic de ces patients est bon avec l'absence de déficit dans 75 % à 3 mois. Le risque de récidive à distance est de moins de 3 %. Le plus souvent les patients ont une recanalisation artérielle au bout de 6 mois, même si une sténose résiduelle ou une occlusion peuvent aussi se voir. Même si l'artère n'est pas restituer ad integrum, le risque d'AVC reste faible. L'une des complications des dissections est la formation d'un pseudo-anévrisme avec un

risque de rupture de 1 % et qui touche le plus souvent la partie intracrânienne du fait de l'absence de limitante élastique externe avec un risque d'hémorragie sous-arachnoïdienne et un risque élevé de décès.

Dissection des artères coronaires Épidémiologie L'incidence des dissections spontanées des artères coronaires est difficile à connaître, des registres rétrospectifs rapportent 0,07 % à 1,1 % de diagnostic de dissection parmi toutes les coronarographies effectuées mais ces séries incluent parfois des dissections sur plaque athéromateuses. Une étude rétrospective récente portant sur 87 sujets et excluant les lésions coronaires athéromateuses a calculé une incidence annuelle de 0,26 pour 100 000 personnes, 0,33 chez les femmes et 0,18 chez les hommes [8]. Il s'agit le plus souvent de femme jeune de moins de 50 ans avec peu de facteurs de risque cardiovasculaire. Tweet et al. retrouvent une proportion de 82 femmes avec une moyenne d'âge de 42,6  10 ans [8]. Le pourcentage de sujets de race blanche était de 83 %, 31 % de tabagiques, 18 % d'HTA, 14 % de dyslipidémie, 2,2 % de diabétiques et 10 % de patients sous traitement hormonal. Cette équipe a appareillé leurs patients à 81 contrôles admis pour un syndrome coronaire aigu (SCA), selon l'âge, le sexe et la présentation clinique initiale. La proportion de patients avec facteurs de risque cardiovasculaire était significativement plus faible dans le groupe avec dissection spontanée (p < 0,001). Manifestations cliniques La douleur thoracique aiguë est le symptôme révélateur dans 90 % des cas, la syncope ou la mort subite par arythmie

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Pour citer cet article : Sarlon-Bartoli G, et al. Dissection artérielle : un même nom, plusieurs entités. Presse Med. (2016), http:// dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2016.05.021

Imagerie La coronarographie est connue pour être sous optimale pour visualiser les brèches intimales. Une classification a été proposée en 2014 [9] :  type 1 : il s'agit de l'aspect angiographique pathognomonique de dissection spontanée avec un contraste persistant dans la paroi artérielle et plusieurs lumières ;  type 2 : il s'agit d'un aspect de sténose diffuse multiple. Cet aspect est souvent méconnu. Il implique généralement les segments moyens ou distaux des artères coronaires, et peut être si sévère qu'il atteint l'extrémité distale. Il y a un changement brusque de calibre artériel le plus souvent subtil avec une démarcation entre le diamètre normal puis une sténose diffuse. Ce rétrécissement diffus (typiquement de plus de 20 mm) peut varier en gravité d'une sténose légère à une occlusion ;  type 3 : il s'agit d'un aspect d'athérome minime le plus difficile à différencier de l'athérome. Les caractéristiques angiographiques des dissections spontanées sont : l'absence d'athérome sur les autres artères, les lésions longues (11 à 20 mm), une sténose floue et une sténose linéaire. En cas de doute angiographique, une imagerie endocoronaire doit être proposée. L'imagerie endocoronaire par ultrason intravasculaire ou tomographie de cohérence optique permet de mieux voir la paroi artérielle. L'imagerie par ultrason a une bonne pénétration et une moins bonne résolution, l'inverse est vrai pour la tomographie de cohérence optique. Le coroscanner a une résolution spatiale insuffisante pour voir les artères de très petit calibre et n'est pas recommandée en imagerie de première intention. Étiologies Un effort physique, une fragilité génétique ou un traitement hormonal sont fréquemment retrouvés chez près d'un patient

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sur deux. Le post-partum, la multiparité et la dysplasie fibromusculaire sont les situations favorisantes fréquentes. Les changements hormonaux pendant la grossesse altèrent les fibres élastiques, diminuent la synthèse de collagène et fragilisent la média. La progestérone est l'hormone centrale de ces actions, les œstrogènes créent un état d'hypercoagulabilité. Les changements hémodynamiques en fin de grossesse peuvent aussi favoriser la dissection. Dans la série de Tweet et al., 55 % des patients avaient une situation favorisante retrouvée : 18 % des femmes étaient en post-partum avec un âge moyen de 33 ans et une période moyenne de 38 jours post-partum [8]. Chez les hommes une activité physique extrême était plus fréquemment retrouvée (44 % vs 2,8 %, p < 0,001). Vingt-deux patients ont eu un dépistage génétique et parmi eux 5 anomalies ont été retrouvées : un syndrome d'Ehlers-Danlos vasculaire, deux pseudoxanthomes élastiques et deux mutations sur le gène de la fibrilline. Une dysplasie fibromusculaire a été dépistée chez 11 % des patients, toutes des femmes, mais le dépistage n'était pas systématique donc la prévalence est probablement sousestimée. Une étude récente suggère que 72 % des dissections coronaires spontanées sont des dysplasies fibromusculaires si un bilan artériel exhaustif est effectué [10]. Une étude récente montre que les tortuosités artérielles sont plus fréquentes que chez les patients avec coronaires normales [11]. La présence de tortuosité artérielle favorise les dissections répétées dans 80 %.

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ventriculaire représentent environ 10 % des patients. Les patients se présentent sous la forme d'un SCA avec ou sans sus-décalage du segment ST. L'artère interventriculaire antérieure est l'artère la plus fréquemment touchée et l'atteinte coronaire multiple touche près de 25 % des patients. Les caractéristiques cliniques faisant suspecter une dissection spontanée sont :  un SCA chez une patiente jeune de moins de 50 ans ;  l'absence de facteurs de risque cardiovasculaire ;  l'absence de lésions athéromateuses typiques coronaires ;  le péripartum ;  antécédent de dysplasie fibromusculaire ;  antécédent de maladie génétique vasculaire : Marfan, EhlersDanlos vasculaire ;  antécédent de pathologies inflammatoires : lupus, maladie de Crohn, périartérite noueuse, sarcoïdose ;  un facteur stress intense, émotionnel ou physique.

ACTUALIT ES EN CARDIOLOGIE

Prise en charge thérapeutique à la phase aiguë Le diagnostic rapide est un élément capital de la prise en charge thérapeutique adaptée. Il n'y a pas d'essais prospectifs randomisés spécifiques au traitement des dissections coronaires spontanées. Le traitement médical est le traitement de première intention dans 30 à 80 % des cas en fonction des séries [12,13]. Il consiste en de l'aspirine par voie orale parfois associée à du clopidogrel pendant un an en fonction des équipes. L'anticoagulation est controversée, le bénéfice de la réduction du thrombus et l'amélioration de la perméabilité de la vraie lumière est à mettre en balance avec le risque d'extension de la dissection. Le traitement thrombolytique doit être évité du fait du risque d'extension de la dissection. Les B-bloquants réduisent la contrainte pariétale comme dans les dissections aortiques. Les statines ne sont à utiliser qu'en cas d'hypercholestérolémie. L'indication d'une revascularisation est posée en fonction de l'état clinique du patient et du réseau coronaire. Elle sera privilégiée en cas de douleur thoracique persistante, de SCA avec sus-décalage du ST, et un état hémodynamique instable. La revascularisation percutanée est à risque d'échec et de complications dans environ 30 % à 70 % des cas en fonction des séries par difficulté technique ou extension de la dissection. La revascularisation par pontage est à réserver aux échecs de

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Dissection artérielle : un même nom, plusieurs entités

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G. Sarlon-Bartoli, R. Soler, M.A. Bartoli, M. Carcopino-Tusoli, B. Vaisse, F. Silhol

l'angioplastie et au dissection extensive touchant le tronc coronaire gauche.

être pratiquée. L'IRM peut visualiser précocement la zone infarcie.

Pronostic Le type de traitement médical et la durée ne sont pas codifiés. Dans la série de Tweet et al., la mortalité à 1 an et 10 ans était respectivement de 1,1 % et 7,7 % [8]. Le taux à 10 ans d'évènements cardiaques majeurs était de 47 %. En comparaison au groupe contrôle de patients avec SCA sans dissection, la survie à 10 ans était meilleure mais avec un taux d'évènements cardiaques majeurs similaires. Une dissection coronaire récidivante peut être observée dans 17 % des cas. Les facteurs de mauvais pronostique sont le sexe féminin, le post-partum et le retard diagnostique.

Étiologies Les facteurs favorisants retrouvés dans la littérature sont [15] : l'HTA maligne, l'athérome, la maladie de Marfan, la dysplasie fibromusculaire, le syndrome d'Ehlers-Danlos vasculaire, artérite syphilitique, périartérite noueuse, le syndrome des antiphospholipides, l'exercice physique intense et la cocaïne Les antécédents de cancer, d'insuffisance cardiaque ou de connectivites sont plus fréquents que dans la population générale.

Dissection des artères rénales Épidémiologie La prévalence est mal évaluée. Elle concerne 1 à 2 % de l'ensemble des dissections artérielles. L'âge de survenue se situe entre 40 et 60 ans avec un sex-ratio de 4 hommes pour 1 femme. Il n'y a pas de côté de prédilection et la dissection peut être bilatérale dans 10 à 15 % des cas [14]. Manifestations cliniques Les signes cliniques peuvent être de l'HTA sévère, hématurie, protéinurie, douleur lombaire, bruit abdominal et/ou insuffisance rénale aiguë. Le signe le plus fréquent est une douleur unilatérale du flanc irradiant vers l'épigastre. L'HTA est aussi un signe fréquent. De par l'absence de spécificité des signes cliniques, certaines dissections rénales sont découvertes de façon fortuite sur une imagerie abdominale. Imagerie L'angioscanner est l'examen de choix pour visualiser la dissection et l'infarctus en regard. L'écho-Doppler peut être un outil complémentaire pour confirmer la dissection et rechercher une dysplasie fibromusculaire (figure 3). En cas de doute une artériographie rénale avec ou sans ultrasons intravasculaires peut

Traitement Il est toujours conditionné par l'état clinique du patient et ses comorbidités. Un traitement médical conservateur est le plus souvent réalisé. Il consiste en un contrôle optimal de la pression artérielle par anticalcique et/ou bloqueurs du système rénine angiotensine aldostérone. Une anticoagulation efficace par héparine intraveineuse puis relais par antivitamine K est souvent pratiquée. Le traitement chirurgical endovasculaire ou classique est indiqué en cas d'HTA sévère résistante et/ou d'insuffisance rénale aiguë. Le traitement endovasculaire peut être un stenting, ou une embolisation segmentaire. Le traitement chirurgical peut être une restauration de l'artère ou une néphrectomie de sauvetage. Pronostic Le pronostic est mal connu. Environ 30 à 40 % des patients gardent une HTA permanente [14]. Les complications peuvent être le décès d'autant plus que la dissection est bilatérale, l'insuffisance rénale, la rupture artérielle, et la résolution spontanée.

La dissection aortique L'incidence des dissections aortiques est de 6 pour 100 000 personnes par an [2]. La dissection aortique est de type A si elle touche l'aorte thoracique ascendante ou de type B si elle touche l'aorte thoracique descendante selon la classification de Stanford. Il s'agit d'une urgence vitale avec un risque de mortalité

Figure 3

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Écho-Doppler en mode doppler couleur (A) montrant un aspect en collier de perles de l'artère rénale tronculaire témoignant d'une dysplasie multifocale avec un anévrysme hilaire (B)

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l'angioIRM qui montrera la dissection et l'ischémie d'aval. Le pronostic est variable en fonction de la localisation. Le traitement est conservateur en première intention avec un équilibre de la pression artérielle et un traitement antithrombotique. Le traitement anticoagulant n'a pas démontré sa supériorité en termes de réduction des récidives ischémiques dans les différents territoires en comparaison à un traitement antiplaquettaire, même s'il est volontiers le traitement de choix pendant les six mois qui suivent la dissection.

Mise au point

globale de 20 % en incluant les deux types. La mortalité de la dissection de type A est de 50 % dans les 48 premières heures en l'absence de chirurgie, elle baisse de 90 % à 30 % à un mois grâce à la chirurgie. Le traitement de la dissection de type B est médical sauf s'ils existent des complications ischémiques ou une rupture. En conclusion, les dissections artérielles périphériques spontanées sont rares, touchent les sujets jeunes avec peu de facteurs de risque cardiovasculaires. La dysplasie fibromusculaire est une cause de plus en plus retrouvée, et qu'il conviendra de dépister systématiquement par une cartographie artérielle complète. L'imagerie de référence est volontiers l'angioscanner ou

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Déclaration de liens d'intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d'intérêts.

Références

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