Un pneumomédiastin, une complication exceptionnelle de la consommation d’ecstasy

Un pneumomédiastin, une complication exceptionnelle de la consommation d’ecstasy

Ann Fr Anesth Réanim 2002 ; 21 : 35-7 © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S0750765801005536/SCO Cas cliniqu...

104KB Sizes 0 Downloads 169 Views

Ann Fr Anesth Réanim 2002 ; 21 : 35-7 © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S0750765801005536/SCO

Cas clinique

Un pneumomédiastin, une complication exceptionnelle de la consommation d’ecstasy A.S. Le Floch1,2, F. Lapostolle1*, F. Danhiez2, F. Adnet1 1

Samu 93, hôpital Avicenne, 125, rue de Stalingrad, 93009, Bobigny, France ; 2service des urgences, hôpital Jean Verdier, 93143 Bondy, France

RE´SUME´ L’explosion de la consommation d’ecstasy au cours de la dernière décennie a fait apparaître les risques liés à cette consommation. Nous rapportons une observation exceptionnelle de pneumomédiastin secondaire à la consommation d’ecstasy. Un patient de 19 ans, asthmatique, fumeur, était consommateur régulier d’ecstasy. Quarante-huit heures après avoir ingéré trois comprimés d’ecstasy et inhalé trois autres comprimés pilés, il a consulté aux urgences pour une douleur thoracique et une toux. La pression artérielle systolique était de 90/60 mmHg, la fréquence cardiaque de 120 b·min–1, la fréquence respiratoire de 32 c·min–1 et la SpO2 de 93 % en air ambiant. L’examen clinique retrouvait un emphysème sous-cutané cervical, bilatéral. La radiographie de thorax et l’examen tomodensitométrique du thorax montraient un pneumomédiastin bilatéral. L’évolution a été favorable, permettant un retour au domicile le huitième jour. Le pneumomédiastin est une complication exceptionnelle de la prise d’ecstasy. La fréquence de la consommation d’ecstasy dans notre pays doit inciter les médecins à rechercher une telle étiologie en présence d’un pneumomédiastin. © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS

ABSTRACT

ecstasy / intoxication / pneumomédiastin

ecstasy / pneumomediatinum / toxicity

Reçu le 3 juillet 2001 ; accepté le 29 octobre 2001. *Correspondance et tirés à part. Adresse e-mail : [email protected] (F. Lapostolle).

L’explosion de la consommation d’ecstasy au cours de la dernière décennie a mis en évidence les risques liés à cette consommation [1]. Parmi ces complications, certaines peuvent mettre en jeu le pronostic vital. Nous rapportons une observation exceptionnelle de pneumomédiastin secondaire à l’ingestion et l’inhalation d’ecstasy.

Pneumomediastinum as a complication of an ecstasy recreational use. Ecstasy recreational use dramatically increased during the last decade in France. Multiples complications associated with ecstasy consumption have been reported. We describe an exceptional case of pneumomediastinum related to ecstasy recreational use. The patient was a 19-year old patient whose medical history was significant for asthma and was a moderate tobacco smoker. He reported regular ecstasy recreational use. He presented at the emergency unit for chest pain and cough, 48 hours after the ingestion of three tablets of ecstasy and the inhalation of three other tablets. Blood pressure was 90/60 mmHg, pulse rate was 120 per minute, respiratory rate was 32 per minute and pulse oximetry was 93 %. Neck emphysema was noted. Chest radiograph and scanner diagnosed pneumomédiastinum. Outcome was favorable with symptomatic treatment and the patient was discharged home eight days later. Pneumomediastinum is an exceptional complication after ecstasy recreational use. Physician should be aware of the risk of such event. © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS

36

A.S. Le Floch et al.

OBSERVATION Un jeune homme âgé de 19 ans présentait depuis l’enfance un asthme allergique traité en cas de crise par inhalation de bêta-mimétiques et de corticoïdes (Ventolinet, Bécotidet). Il rapportait un tabagisme modéré (cinq cigarettes par jour depuis deux ans), une consommation d’ecstasy tous les week-ends depuis deux mois et une consommation occasionnelle de cocaïne. Quarante-huit heures après avoir ingéré trois comprimés d’ecstasy et inhalé trois autres comprimés pilés au cours d’une soirée « rave », il a consulté aux urgences pour une douleur thoracique et une toux évoluant depuis cette consommation. Aucun autre toxique n’avait été consommé. Lors de l’examen initial, la pression artérielle systolique était de 90/60 mmHg, la fréquence cardiaque de 120 b·min–1, la fréquence respiratoire de 32 c·min–1 et SpO2 de 93 % en air ambiant. La température tympanique était de 37,7 °C. L’examen clinique retrouvait un emphysème sous-cutané cervical bilatéral. L’auscultation retrouvait un freinage expiratoire sans sibilants, ainsi que des ronchi à la base droite. L’ECG s’inscrivait en rythme sinusal, avec un espace PR à 0,16 s, des complexes QRS à 0,10 s, un aspect de retard droit, un espace QT mesuré à 0,28 s pour une valeur théorique de 0,30 s, sans trouble du rythme, sans trouble de la conduction ni autre anomalie. Les gaz du sang artériel sous FIO2 = 0,21 étaient les suivants : pH : 7,41 ; PaO2 : 64 mmHg ; PaCO2 : 38 mmHg, HCO3– : 24 mmol·L–1, SaO2 : 0,94. Numération globulaire et ionogramme sanguin étaient normaux. La radiographie de thorax montrait un pneumomédiastin bilatéral (figure 1). L’examen tomodensitométrique du thorax confirmait le diagnostic et l’absence de foyer parenchymateux (figure 2). La prise en charge initiale a consisté en un remplissage vasculaire par hydroxyéthylamidon (Hestérilt, 500 mL), oxygénothérapie par masque à haute concentration et administration d’un aérosol de bêtamimétiques et de bromure d’ipratropium (Bricanylt, Atroventt). Ce traitement a permis de normaliser la pression artérielle (105/60 mmHg), et d’obtenir une SpO2 à 100 %. Le traitement ultérieur a associé le repos, un traitement antitussif, la poursuite du traitement par oxygène et aérosols ainsi qu’une corticothérapie orale. La disparition progressive des images radiologiques de pneumomédiastin a autorisé la sor-

Figure 1. Pneumomédiastin mis en évidence sur la radiographie du thorax réalisée 48 heures après l’ingestion de trois comprimés d’ecstasy et inhalation de trois autres comprimés pilés.

tie de réanimation au troisième jour et le retour au domicile le huitième jour. Un examen tomodensitométrique du thorax réalisé un mois après le diagnostic était normal. DISCUSSION Le pneumomédiastin est une complication exceptionnelle de la consommation d’ecstasy, qui initialement

Figure 2. Pneumomédiastin mis en évidence sur l’examen tomodensitométrique du thorax 48 heures après l’ingestion de trois comprimés d’ecstasy et inhalation de trois autres comprimés pilés.

37

Pneumomédiastin et ecstasy

considérée comme anodine, s’est avérée être associée à de multiples complications [1-3]. Si le plus souvent, elles sont mineures et considérées comme un prix à payer pour obtenir l’effet psycho-stimulant recherché, d’autres complications peuvent mettre en jeu le pronostic vital. Des décès ont été rapportés pour des prises uniques, de doses « usuelles » d’ecstasy [4]. Plusieurs observations de pneumothorax et de pneumomédiastins ont été rapportées dans la littérature [5-13], le plus souvent au décours de l’ingestion d’ecstasy [6-9]. Le mécanisme physiopathologique incriminé n’est pas clair. Les auteurs postulent qu’une activité physique intense, des efforts de vomissements ou de toux pourraient être impliqués [6-9]. Les mécanismes procédant à l’apparition d’un pneumomédiastin semblent plus clairs lorsque l’ecstasy a été inhalée. Il a été clairement établi lors de l’inhalation de cocaïne (« sniff »). Afin d’accroître les effets de la cocaïne inhalée, il est d’usage d’avoir recours à une manœuvre de Valsalva créant une pression positive dans les voies aériennes. Celle-ci est parfois majorée par un partenaire qui réalise une insufflation dans la bouche du consommateur [10]. La pratique est identique lors de la consommation d’ecstasy par voie inhalée. Dans l’observation rapportée ici, l’apparition de la symptomatologie douloureuse au décours de la soirée est très en faveur de la responsabilité de la consommation d’ecstasy sous forme de comprimés pilés inhalés. Même si la réalisation d’une manœuvre de Valsalva était alors responsable de la complication observée, il est probable que d’autres facteurs en ont favorisé l’émergence, comme l’antécédent d’asthme ou les accès de toux. Une dizaine d’observations de pneumomédiastin secondaire à la consommation d’ecstasy ont été publiées [5-12] et une observation de pneumothorax a été rapportée [13]. Ceci constitue un argument supplémentaire en faveur de la relation entre la consommation d’ecstasy et l’apparition d’un pneumomédiastin. En plus du risque propre à la molécule d’ecstasy, le MDMA (méthylène-dioxy-méthamphétamine), la toxicité des adjuvants est à prendre en considération. Le plus souvent, la nature exacte des produits ingérés est totalement inconnue. L’analyse de comprimés d’ecstasy a révélé des concentrations en MDMA extrêmement variables. Dans une étude française récente, moins de 22 % des comprimés testés conte-

naient réellement du MDMA, en concentration variant de quelques % à 64 % [14]. Ajouté aux risques propres à la consommation de MDMA, ceci a incité certains auteurs à parler de la consommation d’ecstasy comme d’une forme de loterie… [15]. CONCLUSION Le pneumomédiastin est une complication exceptionnelle de la prise d’ecstasy quelles qu’en soient ses modalités de consommation. La fréquence de la consommation d’ecstasy dans notre pays doit inciter les médecins à rechercher une telle étiologie en présence d’un pneumomédiastin y compris chez un sujet présentant d’autres facteurs de risque de survenue d’un tel événement. RE´ FE´ RENCES 1 Lapostolle F, Eliez CA, El Massioui Y, Adnet F, Leclercq G, Efthymiou ML, et al. Toxicité de l’ecstasy. Presse Med 1997 ; 26 : 1881-4. 2 Schwartz RH, Miller NS. MDAM (Ecstasy) and the rave : a review. Pediatrics 1997 ; 100 : 705-8. 3 Henry JA, Jeffreys KJ, Dawling S. Toxicity and deaths from 3,4methylenedioxymetamphatemine (“ecstasy”). Lancet 1992 ; 340 : 384-7. 4 Dowling GP, Mc Donough ET III, Bost RO. “Eve” and “Ecstasy”. A report of five deaths associated with the use of MDEA and MDMA. JAMA 1987 ; 257 : 1615-7. 5 Onwudike M. Ecstasy induced retropharyngeal emphysema. J Accid Emerg Med 1996 ; 13 : 359-61. 6 Rezvani K, Kurbaan AS, Brenton D. Ecstasy induced pneumomediastinum. Thorax 1996 ; 51 : 960-1. 7 Quin GI, McCarthy GM, Harries DK. Spontaneous pneumomediastinum and ecstasy abuse. J Accid Emerg Med 1999 ; 16 : 382. 8 Pittman JAL, Pounsford JC. Spontaneous pneumomediastinum and Ecstasy abuse. J Accid Emerg Med 1997 ; 14 : 335-6. 9 Levine AJ, Drew S. Rees GM. “Ecstasy” induced pneumomediastinum. J R Soc Med 1993 ; 86 : 232-3. 10 Adrouny A, Magnusson P. Pneumopericardium from cocaine inhalation. N Engl J Med 1985 ; 313 : 48-9. 11 Ryan J, Banerjee A, Bong A. Pneumomediastinum in association with MDMA ingestion. J Emerg Med 2001 ; 20 : 305-6. 12 Harris R, Joseph A. Spontaneous pneumomediastinum--’ectasy’ : a hard pill to swallow. Aust N Z J Med 2000 ; 30 : 401-3. 13 Mazur S, Hitchcock T. Spontaneous pneumomediastinum, pneumothorax and ecstasy abuse. Emerg Med (Fremantle) 2001 ; 13 : 121-3. 14 Galliot-Guilley M, Sueur C, Lebeau B, Fompeydie D, Benezech A, Bazard JP. L’ecstasy et ses “sosies”. Presse Med 1999 ; 28 : 358-62. 15 Sherlock K, Wolff K, Hay AW, Conner M. Analysis of illicit ecstasy tablets : implications for clinical management in the accident and emergency department. J Accid Emerg Med 1999 ; 16 : 194-7.