Une complication rare du traumatisme thoracique fermé : le chylothorax

Une complication rare du traumatisme thoracique fermé : le chylothorax

Lettres a` la re´daction / Annales Franc¸aises d’Anesthe´sie et de Re´animation 31 (2012) 484–496 Une complication rare du traumatisme thoracique fer...

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Lettres a` la re´daction / Annales Franc¸aises d’Anesthe´sie et de Re´animation 31 (2012) 484–496

Une complication rare du traumatisme thoracique ferme´ : le chylothorax Chylothorax: A rare complication of blunt chest trauma I N F O A R T I C L E

Mots cle´s : Chylothorax Traumatisme thoracique ferme´ Keywords: Chylothorax Blunt chest trauma

Nous rapportons le cas d’une patiente admise aux urgences, victime d’une chute a` domicile me´canique de sa hauteur avec un traumatisme dorsal et de l’he´mithorax droit. Cette patiente de 61 ans pre´sentait comme ante´ce´dent une obe´site´ morbide, une HTA traite´e par inhibiteur de l’enzyme de conversion (Lisinopril1) et alphabloquant (Urapidil1) et un ante´ce´dent d’AVC he´morragique responsable d’une he´mipare´sie droite se´quellaire qui justifiait d’un traitement au long cours par antiagre´gant (aspirine 300 mg/j). Elle e´tait prise en charge aux urgences. L’examen clinique retrouvait un he´matome dorsal mode´re´. La radiographie pulmonaire re´alise´e ne mettait pas en e´vidence de le´sions osseuses ou du parenchyme pulmonaire. Une radiographie du basin de face ne retrouvait pas de facture. Le diagnostic de traumatisme thoracodorsal be´nin e´tait retenu. La patiente e´tait renvoye´e a` domicile avec un traitement antalgique symptomatique et une thrombophylaxie par fondaparinux 2,5 mg/j. Son traitement antiagre´gant e´tait arreˆte´. A` j4, la patiente e´tait re´adresse´e aux urgences par son me´decin traitant devant la persistance d’une douleur dorsale droite associe´e a` une dyspne´e crescendo. Aux urgences, on constatait l’existence d’une de´tresse respiratoire mode´re´e (saturation a` 85 % en air ambiant avec polypne´e a` 35 c/min). Le bilan biologique e´tait sans particularite´. La radiographie pulmonaire re´ve´lait un e´panchement pleural droit associe´ a` une e´le´vation de la coupole diaphragmatique. Le scanner thoraco-abdomino-pelvien re´alise´ mettait en e´vidence un e´panchement pleural droit de moyenne abondance avec une ate´lectasie lobaire infe´rieure au contact, sans fracture de coˆte associe´e ; une fracture du corps verte´bral de D12 sans atteinte du mur poste´rieur associe´e a` une fracture de l’apophyse transverse de L1 a` droite et de L2 a` gauche et un he´matome de la paroi abdominale droite. La patiente relevait d’un traitement orthope´dique pour ses le´sions verte´brales. Elle e´tait transfe´re´e en unite´ de surveillance continue pour suspicion d’he´mothorax traumatique. La prise en charge initiale reposait sur l’oxyge´nothe´rapie et la mise en place d’une analge´sie multimodale par parace´tamol et ne´fopam. En l’absence de perturbations du bilan de coagulation un bloc paraverte´bral e´tait re´alise´ par injection unique de 20 mL de ropivacaı¨ne 7,5 mg/mL. Le chirurgien thoracique ne retenait pas d’indication ope´ratoire. Un drainage thoracique droit e´tait re´alise´. Il ramenait un litre d’un liquide he´matique et lactescent. Il s’accompagnait d’une ame´lioration de l’he´matose. L’analyse du liquide comportait 36 800 cellules/mm3 a` pre´dominance lymphocytaires (95 %) et riche en triglyce´rides 37,3 g/L avec 20 g/L de prote´ines et l’absence de germe a` l’examen direct et la culture. Elle confirmait le diagnostic de chylothorax.

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Le traitement associait alors un re´gime pauvre en graisses, une kine´sithe´rapie et une ventilation avec pression expiratoire positive type CPAP avec PEP a` 5 cmH2O. L’e´volution e´tait rapidement favorable avec un tarissement du chylothorax progressif permettant le retrait du drain a` j5 (Fig. 1). Le chylothorax est une pathologie rare. Il est de´fini comme l’e´panchement de la lymphe qui conduit les produits insolubles de la digestion des graisses et est lie´ a` une effraction du canal thoracique ou une de ses collate´rales. Il contient principalement des triglyce´rides, des e´lectrolytes, des prote´ines, des lymphocytes. Chez l’adulte, ses e´tiologies sont nombreuses et plusieurs classifications coexistent [1]. Les causes les plus fre´quentes sont iatroge`nes, notamment les complications de la chirurgie thoracique. Le traumatisme ferme´ repre´sente seulement 10 % de l’ensemble des le´sions traumatiques du canal thoracique. Environ 20 % des chylothorax par traumatisme ferme´ sont dues a` des le´sions costales poste´rieures ou verte´brocostales [2]. En effet, le trajet du canal thoracique est principalement intrathoracique, d’abord para-rachidien gauche il croise le rachis au niveau de L5 pour devenir puis para-rachidien droit. Les rapports entre le canal thoracique et le rachis conditionnent ainsi la localisation de l’e´panchement [3]. Dans notre cas clinique, la fracture de l’apophyse transverse de L2 (soit une position caudale a` T5/T6) a e´te´ a` l’origine d’un e´panchement pleural droit. L’examen clinique est peu sensible. Le chylothorax est souvent asymptomatique ou` peut se manifester par une de´tresse respiratoire. L’apparition de l’e´panchement peut eˆtre retarde´e de plusieurs heures a` plusieurs jours [2]. Le diagnostic est e´voque´ devant l’aspect lactescent du liquide pleural. Le diagnostic de certitude est apporte´ par la pre´sence de chylomycrons dans le liquide pleural mis en e´vidence par e´lectrophore`se [1,4]. Le taux de triglyce´rides pleuraux peut eˆtre inte´ressant en cas d’impossibilite´ de dosage des chylomycrons. En effet, un e´panchement comprenant un taux de triglyce´rides supe´rieur a` 1,10 g/L est non-chyleux dans moins de 1 % des cas. Un taux infe´rieur a` 0,5 g/L ne correspond a` un chylothorax que dans moins de 5 % des cas [2]. Le risque de ces e´panchements, outre l’ensemble des complications de tout e´panchement pleural de grande abondance (de´tresse respiratoire, compression me´diastinale), est lie´ a` la perte des

Fig. 1. E´volution journalie`re du volume (mL) du drainage thoracique.

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e´le´ments de la lymphe : l’hypovole´mie, la de´nutrition et l’immunode´pression (secondaire a` la lymphope´nie) font partie des complications habituelles [5]. Dans notre observation, l’efficacite´ du traitement me´dical et la compensation des pertes ont permis d’e´viter ces complications. Le scanner permet souvent de retrouver une e´tiologie. Le traitement me´dical est toujours tente´ de premie`re intention : drainage de l’e´panchement et die`te avec re´gime sans lipides ou seuls sont utilise´s les triglyce´rides a` chaıˆnes moyennes. Les de´perditions protidiques et hydroe´lectriques doivent eˆtre compense´es. On peut meˆme recourir a` la nutrition parente´rale stricte pour supprimer toute participation digestive a` la production de chyle [6]. La somatostatine et son analogue de synthe`se (octre´otide) ont e´te´ utilise´s avec d’excellents re´sultats pour des chylothorax traumatiques iatroge`nes et en pe´diatrie [6]. L’adjonction d’une PEP a montre´ son inte´reˆt dans la prise en charge des chylothorax ge´ne´re´s par un traumatisme mode´re´ [5]. Dans notre cas clinique, l’e´volution rapidement favorable n’a pas ne´cessite´ de recourir a` la chirurgie. En effet, le traitement me´dical suffit dans plus de 75 % des cas [6]. Si un traitement chirurgical est ne´cessaire, les de´lais pour porter son indication varient selon les auteurs [4]. La chirurgie consiste le plus souvent a` ligaturer le canal thoracique. La vide´othoracoscopie a tendance a` remplacer l’abord par thoracotomie directe [3,6]. Elle est pre´ce´de´e par la re´alisation d’une lymphographie du fait de la difficulte´ de visualisation du canal thoracique [6]. La radiologie interventionnelle avec embolisation moins invasive peut eˆtre re´alise´e dans certains centres [6]. Cette observation de chylothorax secondaire a` une fracture verte´brale est inte´ressante par son contexte de survenue, la de´tresse respiratoire initiale et son e´volution favorable sous traitement me´dical associe´ a` un drainage de l’e´panchement pleural. Elle pose la question de l’inte´reˆt de la re´alisation d’un scanner thoracique en cas de traumatisme thoracique ferme´ apparemment be´nin et de la pertinence d’une surveillance de par la possibilite´ de complications retarde´es.

Obstruction de la sonde d’intubation mimant un bronchospasme Tracheal tube obstruction mimicking a bronchospasm Les causes d’obstruction des voies ae´riennes par obstruction interne du tube trache´al sont rares dans la litte´rature. Nous vous pre´sentons le cas d’un patient de 48 ans, e´thylo-tabagique, bronchopathe chronique obstructif, atteint d’un cancer primitif du sinus piriforme droit avec ade´nopathie cervicale droite. Il existe un minime tassement verte´bral secondaire au niveau de T5 avec une e´pidurite ante´rieure sans atteinte neurologique. Une oste´osynthe`se allant du niveau verte´bral T3 a` T7 est de´cide´e en re´union multidisciplinaire. L’ouverture de bouche est normale a` 4 cm avec un score de Mallampati cote´ a` 3 et une distance thyromentonnie`re de 65 mm ; il est note´ une tre`s volumineuse formation tumorale cervicale droite. L’endoscopie ORL sugge`re des difficulte´s d’intubation : une intubation nasotrache´ale sous controˆle fibroscopique est programme´e, avec une sonde arme´e de calibre 7 mm ID (Fig. 1) du fait de la position chirurgicale en de´cubitus ventral. Sous se´dation, la visualisation glottique et le positionnement de la sonde ne posent pas de proble`me particulier. Apre`s 90 minutes d’intervention, survient une modification brutale des parame`tres de ventilation avec augmentation des pressions de ventilation et une chute de la spirome´trie. La sonde est toujours au meˆme repe`re nasal. Aucun obstacle n’est retrouve´ sur le circuit patient–machine. De´gonfler le ballonnet n’ame´liore pas la situation, ce qui rend peu probable une hernie du ballonnet. L’aspiration par une sonde 12F est improductive et impossible avec une sonde de calibre supe´rieur. Un controˆle endoscopique des voies ae´riennes est de´cide´, le patient toujours en de´cubitus ventral, mais la progression du fibroscope est e´galement impossible. Un obstacle intrathoracique, soit endotrache´obronchique, soit pleural, de type pneumothorax cause´ par la chirurgie, est e´voque´. Il n’y a pas d’argument pour la survenue

De´claration d’inte´reˆts Les auteurs de´clarent ne pas avoir de conflits d’inte´reˆts en relation avec cet article. Re´fe´rences [1] Nair SK, Petko M, Hayward MP. Aetiology and management of chylothorax in adults. Eur J Cardiothorac Surg 2007;32:362–9. [2] Butscher K, Charpentier C, Audibert G, Grosdidier G, Laxenaire M. Chylothorax apre`s traumatisme ferme´ du thorax. Ann Fr Anesth Reanim 1996;15:185–8. [3] Carre´ E, Chevalier B, Messager D, Boulanger B, Pieri X. Chylothorax d’origine traumatique. JEUR 2004;17:83–6. [4] de Miranda S, Bele N, Azoulay E. E´panchements pleuraux en re´animation. Reanimation 2004;13:37–45. [5] Loeb T, Jean N, Estournet-Mathiaud B. Chylothorax compliquant une ponction sous-clavie`re controˆle´ par la ventilation avec pression expiratoire positive. Ann Fr Anesth Reanim 1997;16:527–30. [6] Riquet M, Assouad J, Le Pimpec Barthes F. Traitement du chylothorax. In : EMC. Techniques Chirurgicales- Thorax Paris : Elsevier Masson SAS ; 2005. p. 42–466.

C. Landy*, J. Nadaud, D. Plancade, J.-C. Favier Service de re´animation polyvalente, HIA Legouest, 27, avenue de Platie`res, 57057 Metz, France *Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (C. Landy) doi:10.1016/j.annfar.2012.01.020

Fig. 1. Sonde d’intubation arme´e Mallinckrodt. Aucun traumatisme n’est visible a` l’exte´rieur de la sonde.