Une histoire tirée par les cheveux

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G Model REVMED-5393; No. of Pages 4

ARTICLE IN PRESS La Revue de médecine interne xxx (2017) xxx–xxx

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

Cas clinique des Printemps de la médecine interne

Une histoire tirée par les cheveux An unusual case of renal failure in a 22-year-old woman B. Gramont a,∗ , I. Guichard a , T. Basset b , A. Boucher c , S. Charmion a , A. Savall d , H. Munoz-Pons a , F. Schein a , I. Masson e , P. Cathébras a , L. Coute f a

Médecine interne, hôpital Nord, centre hospitalier universitaire de Saint-Étienne, avenue Albert-Raimond, 42270 Saint-Priest-en-Jarez, France Pharmacologie-toxicologie, hôpital Nord, centre hospitalier universitaire de Saint-Étienne, avenue Albert-Raimond, 42270 Saint-Priest-en-Jarez, France Centre d’addictovigilance-centre antipoison, hospices civils de Lyon, 162, avenue Lacassagne, 69003 Lyon, France d Département de médecine générale de Saint-Étienne, université Jean Monnet, Saint-Priest-en-Jarez, France e Néphrologie, centre hospitalier universitaire de Saint-Étienne, hôpital Nord, avenue Albert-Raimond, 42270 Saint-Priest-en-Jarez, France f Unité transversale de traitement des infections, hôpital Henri Mondor, AP – HP, 51, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 94010 Créteil cedex, France b c

i n f o

a r t i c l e

Historique de l’article : Disponible sur Internet le xxx Mots clés : Cocaïne Lévamisole Microangiopathie thrombotique SAPL Vascularite Keywords: Cocaine Levamisole Thrombotic microangiopathy Antiphospholipid syndrome Vasculitis

1. L’observation Une femme, âgée de 22 ans, éducatrice spécialisée, vivant en colocation avec une amie, consultait aux urgences en avril 2016 pour des douleurs abdominales et une hématurie macroscopique. Ses antécédents comprenaient une maladie migraineuse, des sinusites aiguës à répétition depuis quatre ans et un syndrome dépressif pour lequel elle recevait un traitement par venlafaxine et alprazolam. Elle avait subi une interruption volontaire de grossesse à l’âge de 17 ans et avait depuis 2013 un implant à la progestérone. Son seul voyage à l’étranger remontait en 2002 au Kenya. Elle déclarait un tabagisme non sevré (dix cigarettes par jour depuis l’adolescence) et consommer du cannabis (un joint par jour depuis 2 ans).

∗ Auteur correspondant. Service de médecine interne, CHU du Nord, bâtiment C niveau 5, 42055 Saint-Étienne cedex 2, France. Adresse e-mail : [email protected] (B. Gramont).

L’histoire récente avait débuté fin 2015, avec l’installation d’un amaigrissement de 15 kg (de 75 à 60 kg) sur environ 2 mois, avec un certain degré d’asthénie, mais sans anorexie ni diarrhée. Des sueurs nocturnes, sans fièvre, étaient fréquemment présentes. En février 2016, la patiente constatait des lésions livédoïdes de la paume des mains. Un bilan biologique de janvier 2016 montrait une anémie (taux d’hémoglobine [Hb] à 10,5 g/dL, 14,2 g/dL en décembre 2015), microcytaire (VGM : 77 fL), et une thrombopénie à 136 G/L. La ferritinémie était à 307 ␮g/L, la CRP à 16 mg/L, la créatininémie à 107 ␮mol/L (clairance en CKD-EPI à 63 mL/min/1,73 m2), la TSH à 2,4 mUI/L. Le bilan hépatique, l’ionogramme et la calcémie étaient normaux. Sur un nouveau prélèvement de février 2016, le taux d’hémoglobine était à 11,4 g/dL, la CRP à 1 mg/L, la créatininémie à 97 ␮mol/L. En avril 2016, la patiente présentait des douleurs épigastriques intenses, associées à des épisodes de vomissements évoluant d’abord favorablement sous inhibiteur de la pompe à protons, mais récidivant ultérieurement. Puis elle avait une hématurie macroscopique, associée à une élévation de la pression artérielle (PA) systolique à 170 mmHg, motivant son admission aux urgences.

http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2017.06.022 ´ e´ Nationale Franc¸aise de Medecine ´ ´ ´ 0248-8663/© 2017 Societ Interne (SNFMI). Publie´ par Elsevier Masson SAS. Tous droits reserv es.

Pour citer cet article : Gramont B, et http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2017.06.022

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À son entrée, l’examen physique retrouvait une tachycardie régulière à 110/mn, un souffle systolique au foyer mitral, des pouls périphériques perc¸us. La PA était à 187/107 mmHg. L’examen des mains révélait la présence de mégacapillaires, un livédo des paumes et un hippocratisme digital. On ne trouvait pas d’ulcérations, ni de télangiectasies, ni de purpura, ni d’œdèmes, ou de sclérodactylie. La palpation abdominale était normale. L’examen de la cavité buccale révélait un pharynx érythémateux sans lésions purpuriques. L’hémogramme à son entrée retrouvait l’anémie (11 g/dL) microcytaire (72 fL) et une thrombopénie à 82 G/L. Les leucocytes étaient à 17,7 G/L dont 13,9 G/L polynucléaires neutrophiles, sans hyperéosinophilie. Le TCA était allongé à 84 secondes en relation avec un anticoagulant circulant lupique et le TP normal. Les schizocytes étaient comptés à 1 %. La CRP était à 165 mg/L. Les LDH étaient légèrement augmentées et l’haptoglobine normale. Le bilan martial était normal. On retrouvait une insuffisance rénale avec une créatininémie à 276 ␮mol/L, une urée à 10 mmol/L, une protéinurie sur échantillon à 3,66 g/L et une hématurie abondante. L’uroscanner objectivait une infiltration des uretères avec épaississement pariétal bilatéral se rehaussant après injection de produit de contraste, un épaississement de la vessie, une dilatation pyélo-calicielle bilatérale et une néphromégalie sans collection intra- ou péri-rénale. L’uretère droit présentait des sténoses étagées. La patiente était prise en charge en urologie pour pose de sondes JJ. La cystoscopie mettait en évidence une vessie inflammatoire avec des lésions purpuriques. En anatomopathologie, les biopsies étaient jugées peu contributives, sous forme de lésions inflammatoires et hémorragiques non spécifiques, sans cellules suspectes. La bactériologie était négative et la cytologie urinaire sans cellule suspecte. La fonction rénale ne s’améliorant que marginalement après la mise en place des sondes JJ, une biopsie rénale montrait des lésions aiguës de micro-angiopathie thrombotique à la fois glomérulaire et artériolaire avec nécrose tubulaire aiguë, associées à des lésions artériolaires d’allure chronique et une petite atrophie corticale focale. La relecture de la biopsie vésicale concluait finalement à la présence d’une vascularite leucocytoclasique avec nécrose fibrinoïde de la paroi des petits capillaires et un infiltrat riche en polynucléaires. Une échographie cardiaque trans-thoracique et transœsophagienne mettait en évidence une insuffisance mitrale de grade 3 centrale avec une image hypo-échogène à l’extrémité distale de la petite valve (6 × 8 mm), non mobile, sans autre valvulopathie et un épanchement péricardique de 5 mm en regard de l’oreillette droite. Le TEP-scanner montrait un ganglion infracentimétrique cervical et quelques ganglions lombo-aortiques discrètement hypermétaboliques ainsi qu’un hypermétabolisme ostéomédullaire diffus. L’IRM cérébrale montrait deux lésions ischémiques millimétriques corticales occipitales gauches. Au fond d’œil, il était retenu l’existence de nodules cotonneux et d’une ischémie choroïdienne. Le bilan immunologique était négatif : pas d’anticorps antinucléaires (1/160), d’anti-ENA et d’anti-ADN natif, pas d’anticorps anticardiolipines ou anti-␤2-GP1, pas d’anticorps anti-cytoplasme des neutrophiles (ANCA) en IF et en Elisa (y compris la recherche d’ANCA atypiques), pas de consommation du complément, facteur rhumatoïde absent. Le dosage d’ADAMTS-13 était normal et la recherche d’anticorps anti-ADAMTS-13 négative. Le dosage pondéral des immunoglobulines et des sous-classes était normal, y compris les IgG4. Les recherches d’infection restaient infructueuses, avec de multiples hémocultures stériles; une leucocyturie et hématurie sans germes et des cultures négatives pour Mycobacterium tuberculosis ; des sérologies négatives pour le VIH, le VHB, le VHC, Mycoplasma, Chlamydia pneumoniae et Trachomatis, Bartonella, Rickettsia, Treponema, Legionella, Brucella, Coxiella burnetii, Borrelia. La recherche d’une maladie de Whipple (dans le Pour citer cet article : Gramont B, et http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2017.06.022

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sang, la salive et les selles uniquement, la fibroscopie œso-gastroduodénale ayant été refusée) s’avérait négative. La parasitologie des selles et la sérologie de bilharziose étaient négatives. L’introduction d’une antibiothérapie probabiliste dans l’hypothèse d’une endocardite infectieuse à hémocultures négatives par amoxicilline-acide clavulanique ne modifiait pas la situation, mais un examen permettait finalement de tout expliquer (ou presque).

2. L’avis de l’expert-consultant Laetitia Coute, unité transversale de traitement des infections, hôpital Henri-Mondor, AP – HP, 94010 Créteil. Le tableau clinique de cette patiente de 22 ans associait un nombre très important de signes cliniques dont une perte de poids avec sueurs, une hypertension artérielle (HTA), une hématurie macroscopique, des douleurs abdominales, un livédo des paumes et un hippocratisme digital. Le bilan biologique objectivait un syndrome inflammatoire biologique. Il existait par ailleurs des anomalies biologiques modérés de microangiopathie thrombotique (MAT) : anémie, thrombopénie, insuffisance rénale, présence de 1 % de schizocytes, élévation modérée des LDH, haptoglobine normale (« anormalement normale » dans un contexte de syndrome inflammatoire biologique). Notons que l’hyperleucocytose à prédominance de polynucléaires neutrophiles n’était pas évocatrice d’insuffisance médullaire. La biopsie rénale mettait en évidence des lésions de MAT avec une atteinte glomérulaire et artériolaire aiguë, associée à des lésions artériolaires anciennes et une atrophie corticale focale séquellaire, témoignant du caractère chronique de l’atteinte rénale. L’association à une vascularite vésicourétérale et une lésion mitrale n’allait pas rendre le diagnostic aisé. Sur le plan cardiaque, l’association d’une insuffisance mitrale et d’une lésion évocatrice de végétation suggérait une endocardite. Néanmoins, l’ensemble du bilan infectieux comportant des hémocultures, une sérologie Coxiella, une sérologie Bartonella et des PCR Whipple était négatif. Il n’y avait aucun critère mineur de Dukes et le TEP-scanner ne mettait pas en évidence d’hyperfixation focalisée (le régime adéquat ayant-il été suivi ?). Si l’on évoque le diagnostic d’endocardite non infectieuse, la possibilité d’une endocardite de Libman-Sachs s’impose, compte-tenu de la positivité de l’anticoagulant circulant (ACC) lupique. L’hypothèse d’un syndrome catastrophique des antiphospholipides (SCALP !) est à considérer devant ce tableau associant une MAT rénale, une atteinte ophtalmologique et cérébrale ischémique (3 organes), la positivité de l’ACC lupique et la présence d’une possible endocardite non infectieuse. Le SCALP est révélateur de syndrome des antiphospholipides dans 47 % des cas [1]. Néanmoins, le délai d’installation supérieur à un mois avec une période d’amélioration, l’absence de contrôle de l’ACC à 12 semaines et la découverte d’une vascularite concomitante ne rendent pas ce diagnostic pleinement satisfaisant. Dans le cadre des endocardites à hémocultures négatives non infectieuses, d’autres causes ont été rapportées : valvulopathie rhumatismale, endocardite marastique, polyarthrite rhumatoïde, vascularite associée aux ANCA [2,3]. Il n’existait pas d’argument franc orientant vers une hémopathie ou néoplasie sous-jacente chez cette jeune patiente de 22 ans, ni d’argument clinicobiologique pour une polyarthrite rhumatoïde. L’histologie vésicale objectivait une authentique vascularite leucocytoclasique avec nécrose fibrinoïde, permettant d’expliquer le tableau d’hématurie et de sténose urétérale bilatérale par un mécanisme ischémique. En effet, ce type d’atteinte urétéro-vésicale a été déjà rapportée au cours de la périartérite noueuse, la granulomatose avec polyangéite et le purpura rhumatoïde [4–6]. Dans le cas présent, la vascularite était caractérisée par une atteinte des petits vaisseaux avec une atteinte vésico-urétérale au premier plan et une

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possible atteinte digestive, non associée aux ANCA, sans que les données de l’immunofluorescence ne soient disponibles. Le tableau de MAT présenté par la patiente était accompagné d’une HTA importante et d’anomalies biologiques modérées. Le tableau était peu évocateur de syndrome hémolytique et urémique ou de purpura thrombotique thrombocytopénique (pas de diarrhée, ADAMTS13 normal et absence d’anticorps anti-ADAMTS13). La présence d’une ischémie choroïdienne et de nodules cotonneux peut notamment être associée à une HTA maligne ou une vascularite. L’association d’une MAT avec HTA maligne peut faire évoquer deux diagnostics : la sclérodermie systémique (absence de d’argument dans ce cas) et une consommation de cocaïne. En effet, la consommation de cocaïne entraine différentes atteintes rénales dont des tableaux de MAT associés à une HTA maligne et des infarctus rénaux [7]. Cette hypothèse soulève la question d’une vascularite induite par la cocaïne. Dans la nouvelle classification de Chapel Hill 2012, les vascularites à complexes immuns induites par un « toxique » ont été individualisées. Les vascularites induites par la cocaïne ont été bien décrites dans la littérature, en particulier depuis la découverte du lévamisole, produit de coupage de la cocaïne. L’association anatomopathologique de vascularite leucocytoclasique et de thrombose microvasculaire semble caractéristique d’intoxication au lévamisole [8]. Néanmoins, les vascularites induites par le lévamisole sont le plus souvent associées à une atteinte cutanée nécrotique, une leucopénie et une positivité des p-ANCA, absents dans cette observation [9]. L’hypothèse d’une intoxication en particulier à la cocaïne semble plausible chez cette patiente de 22 ans, consommatrice de cannabis et souffrant de sinusites à répétition. L’intoxication à la cocaïne et au cannabis peuvent entraîner des syndromes de Raynaud secondaire, et la consommation de cocaïne un livédo des extrémités. L’amélioration clinico-biologique de février 2016 pourrait être expliquée par un arrêt de la consommation de toxiques. Par ailleurs, l’hippocratisme digital pourrait s’expliquer par une consommation de cannabis ou par une hypertension pulmonaire secondaire à la consommation de cocaïne. La question en suspens serait alors l’image valvulaire mitrale non mobile associée à une insuffisance mitrale. Les hypothèses les plus plausibles seraient alors une atteinte liée à la vascularite, une valvulopathie rhumatismale ou une image séquellaire d’endocardite infectieuse chez une patiente toxicomane. L’hypothèse d’une vascularite des petits vaisseaux toxique secondaire à une consommation de cocaïne semble donc le diagnostic le plus probable. Le diagnostic reposerait sur la recherche de toxiques dans les cheveux. Il suffirait donc de tirer un cheveu pour résoudre cette histoire. . .

3. La démarche diagnostique des auteurs Il s’agissait d’une jeune femme de 22 ans présentant un tableau d’altération importante de l’état général depuis 6 mois associé à des signes fortement évocateurs de vascularite systémique. La présence d’un souffle cardiaque de régurgitation et d’une image compatible avec une végétation à l’échographie cardiaque ont d’abord fait évoquer le diagnostic d’endocardite infectieuse. La négativité des prélèvements bactériologiques, le caractère atypique de l’image valvulaire, l’impossibilité d’expliquer par ce diagnostic les anomalies de l’appareil urinaire, et l’absence d’évolution favorable sous antibiotiques ont fait éliminer cette hypothèse. Un syndrome des antiphospholipides a bien entendu été considéré comme possible en raison de la présence d’un anticoagulant circulant, de la lésion valvulaire compatible avec une endocardite de Libman-Sacks, et de l’histologie rénale compatible, malgré l’absence d’histoire de thrombose artérielle ou veineuse. Une anticoagulation était ainsi mise en place. Mais cette pathologie ne pouvait expliquer à elle

Pour citer cet article : Gramont B, et http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2017.06.022

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seule tous les symptômes. Dans l’hypothèse d’un purpura thrombotique thrombocytopénique (PTT) auto-immun, des perfusions de plasma frais congelé étaient réalisées pendant 5 jours dans l’attente du dosage d’ADAMTS-13. Mais devant ce tableau atypique évoquant en premier lieu une micro-angiopathie thrombotique (MAT) et/ou une vascularite secondaires, une cause toxique a finalement été évoquée : la recherche de cocaïne dans les cheveux par spectrométrie de masse, acceptée par la patiente, revenait incontestablement positive avec une atteinte de tout le cheveu témoignant d’une imprégnation ancienne et chronique. Une corticothérapie fut initiée, associée à une anticoagulation par AVK et à un traitement par IEC. L’évolution sur le plan général, dermatologique, hématologique et cardiaque (disparition de la végétation) était favorable en un mois, mais il persistait une insuffisance rénale modérée (créatininémie : 150 ␮mol/L).

4. Discussion La cocaïne est l’une des drogues illicites les plus utilisées dans le monde. Outre ses effets psychotropes stimulants et puissamment addictifs, la cocaïne peut induire de nombreuses complications somatiques : accidents vasculaires cérébraux, infarctus du myocarde, dissections vasculaires, thromboses, rhabdomyolyses et atteintes rénales. La cocaïne est également connue pour déclencher des tableaux de vascularite systémique, avec ou sans ANCA [10]. Une présentation particulièrement évocatrice associe un tableau de nécroses cutanées de la face avec perforation de la cloison nasale et une recherche positive de p-ANCA. Les vascularites diagnostiquées chez les consommateurs de cocaïne peuvent être liés à l’effet direct de la cocaïne ou en relation avec la présence de lévamisole, utilisé depuis 2002 comme adultérant de la cocaïne. Depuis le premier cas de levamisole-induced vasculitis rapporté en 2010 [11], les publications sur le sujet se sont multipliées. En 2014, 76 % des prélèvements urinaires positifs pour la cocaïne en France contenaient du lévamisole [12]. Les patients atteints de vascularite induite par le lévamisole présentent pour la plupart une vasculopathie cutanée douloureuse touchant les extrémités, le visage et les oreilles, et une présence d’anticorps antiphospholipides, avec anticoagulant circulant lupique et/ou anticorps anti-cardiolipine souvent associée à la présence de p-ANCA dits atypiques (dont les plus évocateurs sont les anti-élastase). Les lésions histologiques associent microthromboses et vascularite leucocytoclasique [13–15]. Une neutropénie, voire une agranulocytose, sont possibles [16]. Les atteintes rénales liées à la consommation de cocaïne sont protéiformes [7]. La cocaïne peut générer des dysfonctions endothéliales induisant un stress oxydatif et une agrégation plaquettaire. Des lésions anatomo-pathologiques de vascularite et de micro-angiopathie thrombotique peuvent être décrites sur les biopsies. Dans les cas de vasculopathies induites par le lévamisole, la biopsie rénale peut objectiver des lésions de glomérulonéphrite à croissants pauci-immune [17]. Nous n’avons pas retrouvé d’autres cas de présence concomitante, comme chez notre patiente, d’une micro-angiopathie thrombotique rénale et d’une vascularite nécrosante des voies urinaires. En revanche, comme dans une autre observation publiée [18], notre patiente niait toute consommation de cocaïne, et l’hypothèse diagnostique n’a pu être corroborée que par la recherche du toxique dans les cheveux.

Déclaration de liens d’intérêts

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Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

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Pour citer cet article : Gramont B, et http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2017.06.022

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