72e Congrès de la Société nationale franc¸aise de médecine interne, Tours, 10–12 décembre 2015 / La Revue de médecine interne 36S (2015) A100–A211
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Déficit en vitamine B12 mimant une hémopathie maligne
Une anémie à s’arracher les cheveux
Introduction Les modes de révélation du déficit en vitamine B12 sont en général en rapport avec la profondeur de l’anémie associées ou non à un syndrome neuro-anémique. Néanmoins, ce déficit vitaminique peut se présenter parfois sous des formes trompeuses et graves. À ce propos, nous rapportons un mode de révélation d’un déficit en vitamine B12 atypique et grave. Observation Il s’agit d’une femme de 40 ans aux antécédents d’anémie par déficit en vitamine B12 chez la mère, admise pour exploration d’une altération de l’état général avec fièvre, asthénie profonde et une dyspnée d’effort, le tout évoluant depuis un mois avant son admission. À l’examen physique, la patiente était fébrile à 38 ◦ C. Elle avait une pâleur cutanéo-muqueuse franche sans glossite. Son état hémodynamique était stable. Elle avait une importante splénomégalie arrivant à l’ombilic (flèche splénique à 11 cm) sans hépatomégalie et sans adénopathies périphériques. L’auscultation cardiopulmonaire était normale ainsi que l’examen neurologique. À la biologie, elle avait une pancytopénie avec une anémie macrocytaire arégénérative à 4,4 g/dL (VGM à 111 fl et réticulocytes à 45 800 mm3 ), une leucopénie (3890/mm3 ), une neutropénie (890/mm3 ) et une thrombopénie à 26 000/mm3 . Le frottis sanguin a montré quelques schizocytes et érythroblastes circulants et le TCD était positif à IgG3+ et C3. La radio-thorax était normale et l’échographie abdominale a confirmé la splénomégalie homogène. L’enquête infectieuse (sérologies B, C, CMV, EBV, leishmaniose, Wright, Vidal et quantiféron) était négative. La ponction sternale a montré une mœlle de richesse moyenne avec absence de visualisation de mégacaryocytes avec présence de quelques cellules suspectes qui peuvent être réactionnelles à une maladie auto-immune. Un complément par biopsie ostéomédullaire (BOM) a certifié l’absence d’infiltration tumorale avec présence de signes de dysmyélopoïèse notamment sous forme de mégacaryocytes hypolobulés et de petites tailles. Le dosage en vitamine B12 a objectivé un déficit avec un taux à 100 pg/mL (taux normal : 150–1000 pg/mL). L’évolution était spectaculaire sous vitamine B12 per os (2 ampoules/jour), avec nette amélioration au bout de 2 semaines de traitement (hémoglobine : 8,5 g/dL, globules blancs : 5610/mm3 et des plaquettes à 497 000 mm3 ) et disparition de la splénomégalie au bout de 1 mois. Discussion Notre observation se distingue par le tableau clinique trompeur de déficit en vitamine B12 qui a mimé en tout point une hémopathie maligne avec splénomégalie, des schizocytes circulants et TCD positif. En effet, quelques cas de révélations atypiques ont été décrits dans la littérature notamment des pseudomicroangiopathies thrombotiques et des formes avec TCD positif. Notre observation se distingue également par le déficit modéré en vitamine B12, mais qui a eu un retentissement clinique et biologique graves. Conclusion Devant une anémie macrocytaire arégenerative, il faut toujours faire rapidement le dosage de vitamine B12 car le tableau clinique peut mettre en jeu le pronostic vital des malades en cas de retard diagnostique. Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.
Introduction L’anémie ferriprive chez la femme jeune est principalement d’origine gynécologique. Nous rapportons le cas exceptionnel d’une cause d’origine digestive chez une patiente de 25 ans. Observation Mme O. consulte au service d’accueil des urgences pour une asthénie et une dyspnée d’effort apparues progressivement depuis 2 mois. La patiente, apyrétique et en bon état général, présente une pâleur cutanéo-muqueuse, une tachycardie sinusale, et un souffle d’allure fonctionnel au foyer mitral. Il existe une voussure de l’abdomen et la palpation retrouve une masse indurée et indolore de la région épigastrique. La biologie montre une anémie profonde (Hb à 4,8 g/dL) microcytaire (VGM à 62) et ferriprive (ferritine à 3,7 g/L, CST 3 %, fer sérique 1,9 mol/L). La CRP, les fonctions rénale, hépatique, ainsi que les dosages des vitamines B12, folate et de la TSH sont normaux. La fibroscope gastroduodénale objective la présence d’un volumineux trichobézoard intragastrique responsable d’une érosion intragastrique diffuse, qui empêche même la réalisation de biopsies. En tomodensitométrie abdominale après injection d’amidotrizoate de méglumine et de sodium, ce trichobézoard prend l’aspect de deux corps étrangers intragastriques avec des poches d’air qui ne prend pas le contraste. La patiente est traitée par perfusion de fer et n’est pas transfusée. L’impossibilité d’une ablation par voie endoscopique impose une extraction du bézoard par gastrotomie après laparotomie. Une prise en charge psychiatrique est instaurée devant une trichophagie finalement avouée. Discussion Le bézoard gastrique consiste en une agglomération de matériel étranger dans l’estomac qui ne peut les évacuer. C’est une affection rare, favorisée par une gastroparésie ou un antécédent de chirurgie gastrique. Il peut être composé de débris végétaux (phytobézoard), de cheveux ou de poil (trichobézoard), de médicaments (pharmacobézoard) ou de concrétions de lait en poudre non digéré (lactobézoard du nourrisson). Le trichobézoard concerne habituellement les femmes de moins de 30 ans aux cheveux longs dans un contexte de trichotillomanie avec trichotillophagie. Les cheveux restent piégés dans les plis de la muqueuse gastrique, leur surface de friction étant insuffisante pour bénéficier du péristaltisme gastrique. Le trichobézoard croît par accumulation des cheveux. En raison de l’acidité gastrique, la couleur du bézoard est toujours noire, quelle que soit la couleur initiale des cheveux ingéré. Aucun signe clinique n’est spécifique : douleurs abdominales atypiques pouvant être aggravées lors des repas, impression de satiété postprandiale, vomissements, amaigrissement récent. La présence d’un ulcère peptique est rapportée dans 10 à 25 % des cas de bézoards gastriques. L’ulcère est alors le plus souvent en rapport avec une conséquence du bézoard (nécrose par pression) qu’à l’origine du bézoard (obstacle). Rarement, les trichobézoards dépassent le pylore pour se prolonger jusque dans l’intestin grêle, voire le côlon (syndrome de Rapunzel). Le diagnostic définif est établi par endoscopie. La tomodensitométrie avec opacification digestive peut être utile pour préciser le nombre et le volume du corps étranger. La prise en charge du trichobézoard est d’abord endoscopique (fragmentation à l’anse diathermique ou au laser). L’extraction par voie chirurgicale est réservée aux très rares échecs du traitement médical ou aux complications des bézoards (occlusion. . .). Non seulement, la chirurgie ne prévient pas la récidive mais elle peut aggraver ou faire apparaître une pathologie motrice gastrique et favoriser la formation de nouveaux bézoards. Conclusion La trichophagie peut entraîner exceptionnellement une carence martiale par la constitution d’un volumineux
M. Tougorti ∗ , I. Kechaou , E. Cherif , I. Boukhris , S. Azzabi , Z. Kaouech , C. Kooli , A. Hariz , L. Ben Hassine , N. Khalfallah Service de médecine interne B, hôpital Charles Nicolle, Tunis, Tunisie ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (M. Tougorti)
http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2015.10.079
G. Valade , C. Ollande , S. Lovi , M. Daudin , J.M. Cournac, S. Lecoules , M. Aletti ∗ Médecine interne rhumatologie, hôpital d’instruction des armées Percy, Clamart, France ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (M. Aletti)
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trichobézoard gastrique. Cette pathologie psychiatrique nécessite une prise en charge spécialisée pour prévenir les récidives. Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. Pour en savoir plus Ballian et al., Pathologie gastriques rares, Gastroenterologie 2006;1(3):1–7. O’Soluvan, Trichobezoar, et al. J R Soc Med 2001; 94:68–70. Ibuowo et al. Giant gastric trichobezoar in a young femal. Int J Surg 2008;6:4–6. http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2015.10.080 CA070
Une hémolyse qui n’en finit pas ! A. Malezieux-Picard 1,∗ , V. Queyrel 1 , P.Y. Jeandel 1 , J.G. Fuzibet 1 , B. Baldin 2 , H. Hivernat 3 , R. Lazdunski 3 1 Médecine interne, hôpital Archet 1, Nice, France 2 Pharmacovigilance, hôpital Cimiez, Nice, France 3 Réanimation médicale, hôpital Archet 1, Nice, France ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (A. Malezieux-Picard) Introduction Le paludisme est une cause d’hémolyse extracorpusculaire. Les anémies hémolytiques (AH) liées aux médicaments sont rares et peuvent faire errer le diagnostic dans un contexte de paludisme pernicieux. Nous présentons le cas d’une patiente traitée pour un paludisme sévère en réanimation qui présente une hémolyse secondaire sévère d’origine médicamenteuse, alors que le paludisme est traité avec succès par artésunate. Observation Une jeune femme âgée de 32 ans, sans antécédent ni traitement au long court, présentait un syndrome fébrile à son retour du Cameroun. Devant l’apparition d’un syndrome confusionnel, la patiente est adressée aux urgences. Un frottis goutte épaisse met en évidence Plasmodium falciparum, la parasitémie est estimée à 34 %. Il existe des signes de gravité : insuffisance rénale et signes neurologiques. L’hémoglobine est à 8,5 g/dL de type hémolytique liée au PF et est associée à une thrombopénie (plaquettes = 15 000/mm3 ) sans leucopénie ni schizocyte. La patiente est admise en réanimation. Un traitement par artésunate est débuté et de la tazocilline est associé pour prévenir le risque de translocation. Devant l’apparition d’un SDRA à h24, une intubationoro-trachéale est nécessaire et une hémofiltration continue mise en place devant l’insuffisance rénale aiguë avec anurie. À j5, on observe une majoration de l’anémie (Hb = 7,2 g/dL), la patiente est transfusée de 2 CGR avec un rendement médiocre. À j8, une extubation est possible, la parasitémie s’est négativée mais il persiste une hémolyse importante nécessitant des transfusions itératives, une IRA et il apparaît une éruption morbilliforme fébrile. Une toxidermie à la tazocilline est suspectée et ce dernier est alors arrêté. Le test de Coombs direct est redemandé et devient positif en C3d. L’étude du plasma à la recherche d’anticorps anti-érythrocytaires en présence des médicaments selon la méthode des « complexes immuns » confirme l’imputabilité de la tazocilline dans cette AH. Une corticothérapie à 1 mg/kg est débutée, permettant une résolution de l’anémie. Quelques semaines plus tard, la patiente est guérie avec une fonction rénale normale et l’absence de signe d’hémolyse. Discussion Au cours d’une infection à P. falciparum, une AH non immune par toxicité directe est souvent présente. L’artésunate est le traitement de référence des accès palustres graves. Des hémolyses induites par ce traitement sont décrites dans près de 15 % des cas. Deux mécanismes sont connus : AH auto-immune (AHAI) médicamenteuse et l’effet « pitting » qui correspond à la destruction prématurée des hématies après avoir été lésées par l’artésunate qui ciblait le parasite. Environ 130 substances sont connues comme pouvant induire des AHAI, 42 % sont des antibiotiques. La piperacilline est la 3e cause. Un test in vitro d’hémolyse en présence du médicament, dans un centre spécialisé, est indispensable afin
de confirmer l’imputabilité du traitement. La contre-indication de celui-ci est donc ensuite définitive. Notre cas est intéressant en raison de la multiplicité des causes d’hémolyse possible chez cette patiente. Conclusion Au cours d’un accès palustre grave, l’hémolyse est résolutive avec le traitement spécifique. En cas d’hémolyse persistante, une autre cause doit être recherchée en particulier à l’artésunate. Mais la classique AHAI aux antibiotiques doit être évoquée si une antibiothérapie est prescrite. La confirmation est indispensable car la sanction d’éviction doit être bien posée. Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. Pour en savoir plus Garratty G. Immune hemolytic anemia associated with drug therapy. Blood Rev 2010;24:143–50. Jauréguilberry S et al. Delayed onset hemolytic anemia in patients with travel-associated severe malaria treated with artésunate, France. 2011–2013. EID 2015;21(5). Plewes K et al. Severe falciparum malaria treated with artesunate complicated by delayed onset haemolysis and acute kidney injury. Mal J 2015;14:246. http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2015.10.081 CA071
Transformation gélatineuse de la mœlle osseuse au cours d’une anorexie mentale M.S. Hamdi 1,∗ , A. Hariz 1 , S. Azzabi 2 , I. Boukhris 1 , I. Kechaou 3 , E. Cherif 2 , C. Kooli 2 , Z. Kaouach 4 , L. Ben Hassine 2 , N. Khalfallah 2 1 Médecine interne B, CHU Charles Nicolle, Tunis, Tunisie 2 Médecine interne B, hôpital Charles Nicolle, 9 Avril, Tunis, Tunisie 3 Médecine interne B, Bab Souika, Tunis, Tunisie 4 Service de médecine interne B, CHU Charles Nicolle, Tunis, Tunisie ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (M.S. Hamdi) Introduction L’anorexie mentale est une pathologie ayant une fréquence non négligeable surtout chez la population jeune. Bien que souvent associée à un tableau psychiatrique concordant, les anomalies somatiques secondaires à cette pathologie peuvent parfois être au premier plan mettant en jeu le pronostic vital du patient. À ce propos, nous rapportons le cas d’un malade qui a présenté une pancytopénie secondaire à une transformation gélatineuse de la mœlle osseuse le tous en rapport avec une anorexie mentale. Observation Patient âgé de 20 ans sans antécédents pathologiques notables tabagique à 5 PA était admis dans notre service pour l’exploration d’un amaigrissement important chiffré à 47 kg en 6 mois associé à une asthénie profonde et une anorexie sans fièvre associée. L’examen trouvait un patient apyrétique, ralenti sur le plan psychomoteur avec une bradycardie à 30 battements par minute et une tension artérielle à 85/60 mmHg avec une bonne tolérance aussi bien au repos qu’à l’effort. L’ECG confirmait la bradycardie en montrant une fréquence à 33 cycles/mn. L’ionogramme ne montrait pas de trouble électrolytique et la calcémie était normale. Le bilan thyroïdien était normal. À la numération formule sanguine, on objectivait une pancytopénie avec une leucopénie à 3360 éléments/mm3 , une anémie à 10 g/dL avec un VGM à 101 fl et une thrombopénie à 70 000 éléments/mm3 . Associé à cette pancytopénie, on notait une cytolyse à 7 fois la normale sans cholestase ainsi qu’une hypoalbuminémie à 29 g/L sans protéinurie associée. Aucune prise médicamenteuse ou de toxique n’était retrouvée à l’interrogatoire. Les sérologies virales ainsi que le bilan immunologique étaient négatifs. L’échographie abdominale ne montrait pas d’anomalies. Une biopsie ostéomédullaire était pratiquée montrant une mœlle hypoplasique avec présence d’une substance gélatineuse amorphe évoquant l’aspect d’une transformation gélatineuse de la mœlle. Devant l’association de ce tableau à une humeur dépressive, un examen psychiatrique spécialisé était